Épilogue : Mon ange, ma lumière, mon intime repaire... *

Olivier se réveilla sur le canapé du salon de Gabriel, sans raison apparente. Il se redressa doucement et s'étira avant de se passer la main sur le visage. Il avait de nouveau fait un rêve étrange, un rêve où un ange aux ailes de sang venait le sauver des griffes d'un ange démon sanguinaire.

Il savait maintenant que ses songes n'étaient en fait que des souvenirs de son passé et petit à petit, il reconstruisait le puzzle de ses années, ou plutôt de ses lunes, passées dans un autre monde. Et si la drogue lui avait fait voir des choses hallucinantes, ces choses n'étaient rien à côté de ce que lui racontaient les images qui emplissaient sa tête le soir venu.

Il avait été ange vengeur aux ailes de sang, un guerrier redoutable et redouté. Il avait été ange souverain aux ailes d'albâtre, un roi adulé et respecté...

D'une humeur légèrement morose, il se leva et se dirigea vers la fenêtre. Le temps de cette matinée était gris. Il pleuvrait sans doute une bonne partie de la journée. Il ferma un instant les yeux appuyant son front contre la vitre froide et soupira.

Il était également père, d'une magnifique fille dont les traits étaient semblables au tableau qu'il avait vu la première fois dans la discothèque, sauf ses yeux identiques aux siens. Il passait d'ailleurs de longues heures devant l'immense peinture, cherchant des réponses à ses questions.

Était-elle heureuse ? Lui en voulait-elle d'être parti ainsi sans lui avoir dit au revoir ? L'avait-elle tout simplement oublié ? Aurait-elle des enfants ? Un petit Abel ou une petite Adèle ?

Il rouvrit les yeux et secoua la tête.

Et pourtant, il n'avait ni regrets, ni remords...

Cela faisait maintenant un mois qu'il avait quitté la salle d'entraînement où Gabriel l'avait enfermé et qu'il avait fini par retrouver sa liberté. Un mois qu'il vivait comme dans un rêve, amoureux fou de cet homme qui avait été son amant dans une autre vie et qui l'avait enchaîné à lui...

Il avait quitté la poussière d'ange pour l'ange...

Il détourna son regard de la rue et alla prendre un verre d'eau dans la cuisine. Il regarda l'heure sur le four qui affichait six heures en chiffre lumineux. Il esquissa un léger sourire, Gabriel rentrerait bientôt, alors que les portes de la discothèque se refermeraient sur un nouveau jour. Une fois dans l'appartement, son amant irait prendre une douche et se reposerait deux à trois heures dans sa chambre ou mieux, il réussirait à dormir tout simplement...

Ensuite, ils passeraient un moment ensemble, la journée peut-être même. Les affaires étaient calmes en ce moment. Olivier s'était lancé sans trop de conviction dans le métier de détective privé et les clients étaient aussi rares que le cash que cela lui rapportait. Gabriel disait qu'il devait être patient, qu'il manquait encore de notoriété...

« Amor Mio... » souffla-t-il en levant son verre dans le vide.

Il but son eau d'une traite et se dirigea vers la salle de bain pour y prendre la douche qui finirait par le réveiller totalement. Il passa devant la chambre de son amant. Gabriel avait oublié d'en fermer la porte et il s'y arrêta un instant. Il observa l'immense pièce qui devait faire à elle seule la taille de son ancien studio et qui pourtant n'était composée que d'un petit bureau, une minuscule table de chevet et un petit matelas posé à même le sol. Les draps n'avaient même pas été défaits depuis qu'il les avait changés pour rendre service à Gabriel. Cela faisait déjà une semaine. Il secoua la tête avant de refermer la porte. Il avait oublié les raisons qui poussaient Gabriel à ne jamais se coucher dans un vrai lit et surtout celles qui lui imposaient des nuits aussi courtes, voire inexistantes.

Parfois, il l'entendait hurler et il se précipitait dans sa chambre alors que l'ange démon se levait en sueur et disparaissait dans la salle de bain sans un mot, ni un regard. Il n'avait pas osé encore lui poser de questions, mais déjà son passé était de plus en plus présent et bientôt, il le savait, il n'aurait même plus besoin de lui demander les causes de ses cauchemars.

La porte de l'appartement s'ouvrit soudain l'interrompant dans ses pensées, Olivier se retourna et sourit. Gabriel lui rendit son sourire et arrivé à sa hauteur, il l'enlaça avant de l'embrasser.

— Je vais prendre une douche et je reviens... lui chuchota son amant à l'oreille, visiblement très fatigué.

Olivier le regarda prendre ce qui aurait dû être sa place dans la salle de bain et sans hésitation, ni invitation il décida de l'y rejoindre.

Lorsqu'il entra dans la salle d'eau, Gabriel était en train d'enlever ses vêtements. Ce dernier le regarda légèrement surpris avant de lui sourire très franchement alors qu'Olivier l'arrêtait dans son déshabillage et l'enlaçait avec tendresse. Il commença ensuite à l'embrasser, puis tout alla très vite comme d'habitude. Ils se retrouvèrent sans qu'aucun ne sache comment, nus sous la douche, leurs lèvres ne s'étant pas quittées une seconde, leurs yeux perdus dans ceux de l'autre, se fermant de temps à autre lorsque les mains habiles parcouraient leur intimité respective.

Et puis, Gabriel se retourna et Olivier le pénétra avec douceur, savourant comme à chaque fois, chaque seconde de leur étreinte, chaque minute de leur corps à corps répété comme si c'était le dernier.

Lorsqu'ils quittèrent enfin la salle de bain, la matinée était déjà bien avancée et Gabriel décréta qu'il renonçait à dormir, encore une fois. La journée serait longue pour lui et Olivier grimaça.

— Tu dois te reposer mon âme, sinon tu vas finir par tomber malade. Les insomnies ne sont pas bonnes, même pour les anges démons !

Gabriel lui sourit avant de lui répondre :

— Peut-être, mais j'ai du travail, une réunion de dernière minute, qui requière ma présence et d'ailleurs en parlant de travail, je t'ai trouvé un petit boulot !

— Tu m'as trouvé un travail ? Toi ?

— Ne t'inquiète donc pas ! Ce n'est pas pour moi, mais Adam aurait besoin d'une personne de confiance pour aller chercher quelqu'un à l'hôpital.

— Adam ? Ton associé ? Celui qui ne peut pas me voir ?

— Lui-même !

— C'est une plaisanterie ! N'est-ce pas ? demanda Olivier peu enclin à rendre service à Adam, même pour de l'argent.

— Non ! Voyons !

— Il est désespéré alors ? ironisa l'ange sans ailes.

— Peut-être un peu... avoua Gabriel, mais il te paiera bien, ne t'inquiète pas, et ça ne devrait pas te prendre plus de trois heures...

— Trois heures ! Les trois heures que j'avais justement prévu de passer avec toi !

— Alban ! le réprimanda gentiment Gabriel.

— OK, c'est bon. Dis-lui que je suis d'accord, capitula Olivier en faisant la moue, mais tu me devras une prime pour service rendu !

— Une prime pour service rendu ? interrogea Gabriel.

Olivier s'approcha de lui avec un sourire carnassier aux lèvres et le plaqua contre le mur avant de lui voler un baiser.

— Très bien, capitula à son tour Gabriel, tu es dur en affaire toi ! Cependant, tu n'auras ta prime que lorsque tu auras accompli ta mission, alors pour le moment va t'habiller et je nous prépare un bon petit-déjeuner !

Olivier dont la tenue vestimentaire se résumait à une serviette nouée autour de la taille, s'exécuta de mauvaise grâce et alla s'habiller rapidement dans la chambre de son amant où une minuscule partie du dressing attenant lui appartenait.

« Dommage que mon dos me fasse tellement souffrir et qu'il n'y ait pas de lit digne de ce nom dans cette chambre... » soupira-t-il en enfilant un jeans noir puis une chemise de la même couleur assez près du corps. Il se contempla dans la glace avec satisfaction. Son teint avait retrouvé un certain hâle qui faisait ressortir ses yeux et son sourire d'une blancheur impeccable. Il se coiffa rapidement et hésita un instant à aller raser sa barbe d'un jour. Cela lui donnait un petit air de mauvais garçon qui n'était pas pour lui déplaire...

Cependant, un « Aïe ! » provenant de la cuisine détourna son attention. Il s'y précipita inquiet et s'immobilisa sur le pas de la porte, le souffle coupé par la beauté du spectacle qui s'offrait à ses yeux.

La dernière fois qu'il les avait vues, c'était dans son autre vie et il avait oublié à quel point elles pouvaient être belles. Gabriel lui tournait le dos et il pouvait donc les observer dans toute leur splendeur.

Sans pouvoir résister plus longtemps, il franchit la distance qui le séparait de son amant et approcha des ailes déployées une main hésitante. Il les effleura du bout des doigts et les sentit frémir sous son touché. Lorsqu'il retira sa main du manteau de plume, il s'attendit à ce que celle-ci soit couverte de sang. Mais il n'en était rien. Fasciné, il recommença à caresser les plumes avec émerveillement. Gabriel quant à lui ne faisait pas un mouvement. Il serrait les dents et fermait les yeux, essayant de ne pas penser à la fascination qu'un autre ange avait eue pour ses ailes.

Olivier s'aperçut très vite de l'état de stress de son amant et inquiet, il lui demanda :

— Ça va ?

— Oui... murmura l'ange de la mort les yeux toujours rivés sur le plan de travail. Je me suis juste coupé avec un couteau...

— Tu veux que j'aille te chercher un pansement ? questionna Olivier qui avait oublié la particularité des ailes rouge sang.

Sans lui répondre, Gabriel fit volte-face, blanc, la mâchoire crispée.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda Olivier de plus en plus inquiet.

— Rien, c'est juste que ça porte malheur de les voir... souffla l'ange démon.

Olivier sourit et approcha une main de la joue de Gabriel :

— Je n'ai jamais été superstitieux et je crois me souvenir que ces ailes m'ont sauvé la vie bien plus d'une fois, « Amor Mio ».

Cependant, en voyant les doigts arriver, Gabriel eut un mouvement de recul. Olivier le regarda alors plus inquiet encore, puis doucement, il lui prit la main et l'entraîna vers le canapé du salon. Et alors qu'ils s'installaient l'un contre l'autre, Olivier eut comme un flash et se contenta de prendre un coussin, de le mettre au sol et de s'y asseoir, entraînant avec lui l'ange démon qui semblait maintenant dans un autre monde. Il le força à s'allonger et à poser sa tête sur ses genoux. Doucement l'ange sans ailes lui caressa les cheveux et lui murmura des paroles rassurantes.

« Son âme n'en aurait jamais fini avec ses démons... » pensa-t-il avec tristesse alors que Gabriel somnolait maintenant dans ses bras.

— Tu vois que tu avais besoin de dormir..., chuchota Olivier à son attention, avant de finir par s'endormir à son tour.

Il fut réveillé une heure plus tard par de légers coups sur la porte d'entrée. Précautionneusement, il se leva sans réveiller Gabriel et alla ouvrir.

Adam, l'associé de son amant et en cette occasion exceptionnelle son futur client, fit une grimace en le voyant à la porte. Olivier se contenta d'un haussement d'épaules avant de sortir dans le couloir.

— Il dort et je ne veux pas qu'il se réveille, expliqua-t-il avant de reprendre :

— D'après ce que m'a dit Gabriel, tu veux m'embaucher ?

Adam esquissa une nouvelle grimace.

— Effectivement souffla-t-il, les mots ayant visiblement du mal à passer ses lèvres. J'aurais besoin que tu te rendes le plus rapidement possible à l'hôpital français du centre. Là-bas tu devras demander la chambre d'un certain Mickaël Braillet et il faudra le ramener ici.

— Le ramener ici ! s'exclama Olivier, attends, je ne fais pas dans les enlèvements moi !

— Pour quelqu'un qui se battait pour vivre, je trouve que tu as beaucoup de scrupules ! Je comprends pourquoi ta clientèle se fait rare...

Vexé, Olivier le défia du regard et fit mine de rentrer dans l'appartement en disant :

— Connard ! Le retour dans le droit chemin, tu connais, non ? Visiblement énervé, Adam le retint par la manche.

— Tu veux le boulot ou pas ? s'écria ce dernier.

Un sourire s'afficha sur les lèvres d'Olivier. Apparemment, ramener le garçon semblait être très important, cela allait lui coûter très cher...

— OK, finit-il par dire, mais mes tarifs sont de...

— Mille dollars ! le coupa Adam agacé.

— Mille dollars ! s'exclama Olivier qui n'avait jamais gagné autant pour une mission. J'avais raison, t'es complètement désespéré !

— Tu n'y comprendrais rien ! répliqua Adam avec mépris avant de lui tourner les talons en lui criant : « L'hôpital français du centre, Mickaël Braillet ! »

Olivier l'observa un instant puis entra de nouveau dans l'appartement où Gabriel dormait toujours. Il alla chercher une couverture dans la chambre et la déposa sur ses épaules avant d'enfiler son manteau de cuir. Il hésita à prendre ses lunettes de soleil, mais il se dit qu'il devait tout de même éviter de trop se faire remarquer.

Lorsqu'il arriva devant l'hôpital, il fut envahi par un sentiment assez désagréable de déjà vu. Pour y être resté un temps certain, il détestait l'hôpital. C'était ici, dans cette même bâtisse qu'on l'avait recueilli à son « arrivée ». C'était également ici qu'on avait commencé à le rendre dépendant aux drogues, ne sachant comment soulager son mal, en augmentant jour après jour les doses de morphine jusqu'à ce que le produit ne fasse plus effet. Et finalement, c'était d'ici qu'il s'était enfui, persuadé que s'il restait là-bas, il n'y survivrait pas.

C'était en ces lieux également qu'on lui avait donné le prénom d'Olivier. D'après les infirmières, il n'avait cessé de répéter ce mot dans ses délires. Ayant été retrouvé sans aucun papier pouvant attester de sa véritable identité, elles l'avaient appelé de cette façon et lui n'avait jamais cherché à les contredire ne se souvenant plus à l'époque de son prénom de baptême : Alban...

Il entra donc dans la bâtisse avec une légère appréhension qu'il chassa bien vite. Il regarda tout autour de lui et constata que rien n'avait changé. Le hall était toujours bondé de malades en tout genre et une odeur écœurante de détergent lui envahit les narines.

Sans s'appesantir, il alla directement à la réception où une infirmière d'une trentaine d'années tapait sur un ordinateur avec application.

— Bonjour Mademoiselle, l'interrompit-il en français et avec son plus beau sourire.

L'infirmière leva les yeux de son clavier et resta un instant bouche bée. Le jeune homme devant elle était d'une beauté à couper le souffle, un bon mètre quatre-vingt-cinq, un corps musclé, un teint très légèrement hâlé sur un visage d'une perfection troublante. Ses yeux étaient aussi brillants que deux émeraudes et son sourire était tout simplement à tomber par terre.

« Un ange », pensa-t-elle immédiatement en le voyant. Elle venait de rencontrer un ange...

Sans se départir de son sourire, Olivier attendit qu'elle reprenne ses esprits. Il n'avait encore jamais vraiment pris conscience de son pouvoir de séduction sur la gent féminine et cela l'amusa.

— Oui ? demanda-t-elle en rougissant comme une pivoine.

— Excusez-moi de vous déranger, Mademoiselle, mais je cherche la chambre de Monsieur Mickaël Braillet...

— Je...

— Je suis son frère, la renseigna alors Olivier toujours souriant afin qu'elle ne lui sorte pas le baratin habituel sur les renseignements qui ne pouvaient être donnés qu'aux proches.

— Oui, très bien... soupira la jeune femme qui n'avait pas vraiment fait attention à ce que venait de lui dire l'apollon qu'elle avait devant elle. Il aurait tout aussi bien pu s'annoncer comme étant le pape en personne que cela n'aurait rien changé.

Elle commença à pianoter sur son ordinateur et après quelques minutes d'attente, Olivier repartit vers les étages avec son renseignement et un premier diagnostic sur l'état du garçon qui serait, semblait-il, atteint d'un cancer des os en phase terminale.

Il sentit le regard désolé de la jeune femme posé sur lui encore un moment avant qu'il ne s'engouffre dans l'ascenseur.

Un ange venait de passer...

Olivier arriva au septième étage de l'hôpital et chercha la chambre numéro 717. Atteignant enfin la porte, il leva la main pour frapper avant d'être interrompu dans son geste par une infirmière visiblement très en colère. Elle le bouscula et disparut sans même s'excuser. Olivier, surpris, la regarda partir puis entra à son tour dans la pièce. C'était une chambre individuelle sans aucun cachet. Contre un des murs blancs, il y avait un lit où un adolescent était allongé sur le ventre. Le garçon avait la tête enfoncée dans son oreiller et respirait bruyamment. Olivier remarqua le plateau-repas tombé au sol et comprit la disparition soudaine de l'infirmière. Il s'approcha doucement du lit et toucha légèrement l'épaule du garçon. Au contact de ses doigts, ce dernier se contracta et lui fit face.

— T'es qui toi ? lui demanda l'adolescent avec agressivité.

— Un ami...

— J'ai pas d'ami alors fout-moi la paix et barre-toi de là !

Olivier grimaça.

« Pour être aussi agréable, ce garçon devait avoir un lien de parenté avec Adam », se dit-il.

Sans se départir de son calme, il se saisit d'une chaise et s'assit à côté du lit. Le garçon l'observa avec une certaine contrariété.

— Tu me veux quoi exactement ?

— Comme je te le disais, lui répondit-il en se saisissant de la Bible posée sur sa table de chevet et en faisant défiler les pages entre ses doigts, je suis un ami...

— Lâche ça ! ordonna alors le garçon en essayant de lui reprendre le livre. C'est le seul souvenir qui me reste de ma sœur !

Olivier avec un léger mouvement de recul posa ses doigts sur une des pages et planta son regard dans celui empli de douleur de l'adolescent.

— Je ne vais pas te l'abîmer ! Voyons, si je te dis que je suis un ange, tu serais plus enclin à me croire ?

— C'est ça ! Prends-moi pour un crétin ! J'ai passé l'âge de croire au Père Noël, t'es complètement fêlé ! Et rends-moi ce putain de livre !

— C'est pourtant ce que je suis, lui répondit-il, tu vois, c'est écrit là. Il lui désigna un passage de la Bible qu'il lui lut à voix haute :

— « Voici que j'envoie un ange devant toi pour te garder dans le chemin et pour te faire arriver au lieu que j'ai préparé. »1,et comme je suis un ange, on m'envoie donc te chercher !

L'adolescent le regarda avec de grands yeux et secoua la tête :

— T'es complètement barge comme mec !

— Et toi très mal en point, se contenta de lui répondre Olivier en haussant les épaules.

Et comme pour confirmer ses dires, il vit tout à coup le visage de l'adolescent se tordre de douleur. Le garçon enfonça de nouveau sa tête dans son oreiller pour étouffer un cri. Olivier l'observa en fronçant les sourcils. Puis, il remarqua que le drap posé sur le dos du garçon était tombé et l'ange sans ailes resta sans voix devant ce qu'il voyait. Le dos de l'adolescent était rouge écarlate et deux excroissances avaient fait leur apparition au niveau de ses omoplates.

— Une « Renaissance » ! s'exclama Olivier, surpris.

— Quoi ? souffla l'autre qui semblait s'être calmé un peu, la crise passée.

— Rien, c'est juste qu'à mon avis, tu ne dois pas rester ici ! Ils t'ont diagnostiqué quoi déjà ?

— Cancer des os ! J'en ai pour tout au plus deux jours maintenant...

— Ou pour beaucoup plus... soupira Olivier.

— Hein ?

— Non rien, il faut qu'on parte sans plus attendre ! Seule la magie des ailes blanches pourra te soulager...

— Hein ? La magie de quoi ?

— Laisse tomber, tu n'y comprendrais rien... Allez ! Nous devons absolument partir maintenant !

— Partir ? Super et on fait comment ? Tu sors tes ailes et on s'envole !

Olivier grimaça.

Pourquoi fallait-il que tout tourne toujours autour des ailes ?

Sans lui répondre, il sortit de la chambre et discrètement emprunta les vêtements d'un des infirmiers dans la première salle de garde qu'il trouva. Une fois en tenue, il revint voir le garçon et commença à pousser son lit vers l'ascenseur.

— Non, mais où vous m'emmenez ! hurla le garçon alors qu'il montait dans l'ascenseur vide.

Olivier avec un sourire mauvais se pencha sur l'adolescent et planta ses yeux dans les siens.

— Plus un mot jeune homme, sinon c'est pas deux jours qu'il va te rester !

Mickaël le regarda prêt à lui répondre qu'il s'en fichait de mourir tout de suite, mais s'abstint devant le regard de tueur qu'il avait en face de lui. Rien qu'en l'observant, il devinait que cet homme pourrait le faire souffrir plus encore que ce qu'il était en train d'endurer.

Cloué par la peur le garçon ne dit rien jusqu'à la sortie, remarquant au passage que le personnel médical n'avait d'yeux que pour son kidnappeur, le rendant lui totalement transparent.

Arrivé au-dehors, Olivier le fit basculer sur son épaule sans que l'adolescent n'en ait vraiment conscience.

— Tu serres les dents et tu me laisses faire ! lui dit-il alors en se dirigeant vers une ruelle un peu plus bas sur la route.

« Alors, voilà c'était aussi simple que ça ? » se dit le garçon en sentant le froid s'insinuer dans ses chaires, alors qu'il ne portait sur lui qu'un bas de pyjama.

Il allait mourir comme ça ? Emporté par un pervers qui ne se contenterait pas de le tuer, mais qui lui ferait subir un million de tortures avant... Comme s'il n'en avait pas assez subi depuis ses dix-huit longues années...

Alors dans un sursaut de survie, il se mit à gesticuler dans tous les sens.

Non, il ne se laisserait pas faire, du moins pas aussi facilement !

— Espèce de tête de mule ! Si tu n'es pas un ange démon, je ne sais pas ce que tu peux être ! s'énerva alors Olivier en le posant à terre contraint et forcé.

— Si tu préfères, on va marcher. Nous ne sommes plus très loin maintenant, ajouta-t-il en s'apercevant que le gamin tremblait.

L'ange faillit lui proposer son blouson, mais il savait que son dos ne supporterait pas le vêtement, à moins qu'il n'ait pas froid, mais simplement peur...

Conscient de cela, Olivier lui fit un sourire qui se voulait rassurant.

« Tu as raison d'avoir peur » se dit-il, avant de lui saisir le bras pour qu'il avance.

Lorsqu'ils arrivèrent à « l'Ange Démon », le gamin semblait ne pas en croire ses yeux.

— Je... Je... J'ai... Toujours rêvé d'entrer ici... bégaya-t-il, les lèvres bleuies par le froid.

— Eh bien ! Ton vœu est exaucé ! s'exclama Olivier souriant.

Ils traversèrent la piste de danse vide et se dirigèrent vers un petit escalier. Le garçon sembla hésiter un instant à le suivre, mais comme s'il s'était déjà fait une raison, il finit par en monter les marches docilement.

Arrivés à l'étage, ils pénétrèrent dans une pièce sombre où ils surprirent Adam en train de faire les cent pas.

— Tu en as mis du temps ! s'exclama ce dernier en les voyant.

— J'aurais bien aimé t'y voir ! ricana Olivier avant de demander inquiet :

— Tu sais ce que tu fais au moins avec ce gamin ? N'est-ce pas ?

— T'inquiète pas pour moi, lui répondit Adam visiblement agacé.

— Il sait, Olivier, ne t'inquiète pas ! les interrompit la voix de Gabriel.

Ce dernier en entendant son prénom se retourna alors, en entraînant dans son geste l'adolescent toujours près de lui, qui faillit perdre l'équilibre.

Adam, cependant, le réceptionna avec douceur et secoua la tête.

— Imbécile ! cria-t-il à l'attention d'Olivier avant de s'adresser à Gabriel. Emmène ton jouet hors d'ici ! J'ai besoin de calme et en plus ça va bientôt commencer !

— Son jouet ? Tu sais ce qu'il te dit le... s'exclama Olivier alors que deux lèvres se posaient sur sa bouche pour étouffer la fin de sa phrase.

— Viens, partons lui demanda Gabriel en lui saisissant la main.

Docile, Olivier le suivit et alors qu'ils passaient la porte un cri leur perça les tympans, ils se retournèrent pour voir que Mickaël s'était effondré dans les bras d'Adam sans connaissance.

— C'est bon, emmène l'autre loin d'ici ! J'ai la situation en main ! annonça Adam avant d'entraîner le garçon dans une autre pièce.

Olivier et Gabriel le laissèrent donc et se dirigèrent vers leur appartement.

Une fois chez eux, Gabriel se laissa choir dans son canapé, en faisant un signe de main pour qu'Olivier l'y rejoigne.

Boudeur l'ange sans ailes s'exécuta néanmoins.

— Son jouet ! L'autre ! Non, mais pour qui il me prend ! maugréa-t-il.

— Laisse tomber, mon âme...

— S'il savait à qui il parle ce crétin !

— Il le sait mon âme...

— Il le sait ! s'exclama Olivier, tu veux dire qu'il sait que je suis un ange et toi aussi ?

— Oui, il sait que nous sommes pareils à lui...

— Pareils à lui ? Tu veux dire que lui aussi, c'est un ange ?

— Oui, et sa magie est puissante... Il maîtrise bien mieux que toi le sort de mémoire par exemple !

— Très drôle... C'était au commencement de notre histoire non ?

— Oui au commencement...

— Mais alors pourquoi me déteste-t-il à ce point, si nous sommes semblables ?

— Tes ailes...

— C'est pas vrai ! Encore une histoire d'ailes ! C'est quoi cette fois ?

— Juste... une vieille légende...

— Une légende ?

— Oui, d'après elle, les anges sans ailes portent malheur...

— Quoi ? Il me déteste parce que je porte malheur ! J'hallucine !

— Il n'est pas le seul, ici sur Terre, le mal absolu est représenté par un ange déchu...

— Oui, j'ai dû lire deux, trois trucs là-dessus ! Alors, il me déteste pour ça...

Gabriel sourit et déposa un baiser sur les lèvres de son amant.

— Ne t'en inquiète donc pas, parce que moi au contraire, je t'adore !

— Encore heureux ! soupira Olivier avant de reprendre :

— Et pour le gamin alors ?

— Adam va l'aider pour sa « Renaissance ».

— Ah, je vois... Et ça arrive souvent ?

— Non pas vraiment et en général il arrive à l'hôpital avant. Là, il a été prévenu un peu tard et Adam est persona non grata dans cet établissement.

Olivier le regarda et fronça les sourcils.

— Je ne comprends pas, d'où viennent-ils ?

— C'est toi qui me demandes ça ? Voyons, tu ne te rappelles pas que vous aviez décidé de cacher vos enfants aux Portes, sur les Terres sans Nom ? Certains se sont perdus dans les grottes et comme nous, ils sont arrivés ici et ont été adoptés par des humains...

— Vraiment... répondit-il pensif.

Puis, il lui sourit avant de froncer les sourcils pensifs.

— Quelque chose ne va pas ? demanda Gabriel inquiet.

— Non, j'étais juste en train de me demander comment tu allais me rétribuer pour mon travail si brillamment exécuté, si tu dois aller bosser ce soir...

— Te rétribuer ?

— Oui, ma prime pour service rendu, tu as déjà oublié ? demanda Olivier avec une petite moue.

Gabriel explosa de rire.

— Non ! J'ai même décidé de prendre ma soirée !

— Alors, la nuit va être longue...

— Pas assez avec toi !

Et, ils s'embrassèrent encore une fois pour ne plus se quitter.

Olivier avait vécu et traversé un enfer pour se retrouver parmi les damnés d'un monde inconnu, mais il avait fini par trouver un ange et son paradis. Son instinct lui disait que tout ceci ne s'arrêterait pas ici, que la vie, le destin lui réserveraient bien d'autres choses, mais peu lui importait maintenant qu'il pouvait de nouveau s'endormir dans ses bras...

* Extrait d'un titre de KYO

1) Exode 23,20

Voilà c'est (enfin) fini !

Je voudrais m'excuser pour le temp de parution mais j'espérais profiter de ce dernier chapitre pour vous annoncer la publication de l'oeuvre par moi-même chez "the book edition" malheureusement je n'ai pas encore fini la préparation T-T et je ne vais pas encore mettre une éternité pour ces deux petits chapitres !

Je vais cependant m'engager ici même pour le 30 novembre 2010. Donc si cela vous intéresse de l'avoir en version papier (sachant que je laisserai également l'intégralité du texte ici), il sera disponible à cette date là.

Promis, juré, si je ments...

En tout les cas merci à tous une nouvelle fois.

Aceituna.