Auteur : Cerbère

Titre : Alone in the Day

Disclaimer : Tous les personnages sont ma propriété. Merci de le respecter.

Note : « Ilme » se prononce « Ilmé ».

Note 2 : Voici une ré-édition de AITD. Enfin, je l'ai entièrement relu, modifié ce qui ne plaisait pas, changé certaines incohérences qui persistaient et cela donne ceci. Même si j'ai encore du mal vace cette histoire, je l'aime toujours un peu. Un méga merci à Sahad et Smi-chan (Itoe) pour les bêta lecture.

Note 3 : Un gros merci à : Pyrane, Tinoubebe, Evilie, Latina Angel, Loua, Azarus, PsycoGirl, Paprika Star, Arya, Lady Kaoru Anarchy, Tordue, Chibieiko, Milii, Naera Ishikawa, Leena, Mydaya, Ruines, Chatona, Tona-Chan, Smi, Ptite fleur la fee, Manga Fan et ceux qui n'ont pas laissés de review. Merci d'être venue, d'avoir lu, d'avoir aimé, d'avoir laissés vos impressions.


Chapitre 1 : Ilme

« Ilme lève-toi. Il est 13 heures trente. Tu vas finir par être en retard » Grogna une voix en venant secouer une masse informe cachée sous une couette.

La masse informe grogna :

« Hnnn… C'est bon ! ».

Une chevelure rousse sortit de sous la couette et regarda autour d'elle. Puis, doucement, Ilme s'extirpa de son lit pour aller s'enfermer dans la salle de bain. Là, il se glissa sous le jet d'eau brûlant et s'y prélassa. Ilme était un garçon d'à peu près 1 mètre 75. Il avait des cheveux roux qui lui arrivaient au milieu du dos -lorsqu'il prenait la peine de les laisser détachés- toujours attachés en catogan enveloppé par une bande blanche. Ses grands yeux verts étaient très expressifs. Il n'était pas maigre, pas non plus très musclé. Enfin, il était relativement bien proportionné pour un adolescent de bientôt 18 ans.

Il sortit de la baignoire qui faisait office de douche et s'enroula dans sa serviette qui l'attendait sur le radiateur. Il se sécha rapidement puis enfila les vêtements qu'il avait mis de côté la veille. Un pantalon noir un peu patte d'éléphant, de matière synthétique, et une chemise, noire également. Il s'ébouriffa soigneusement les cheveux avec sa serviette avant de la lancer sur le tas de linge sale. Ilme brossa sa chevelure puis l'attacha. Il accrocha un bracelet de cuir à son poignet, enfila sa montre et sortit de la salle de bain, avant de longer le couloir pour aller à la cuisine en attrapant sa petite sœur au vol.

« Bonjour Chloé ».

Il l'embrassa sur la joue avant de la reposer au sol, puis entra dans la cuisine où sa mère s'affairait à faire cuire un steak.

« Pourquoi tu ne te lèves que maintenant ? » S'inquiéta-t-elle. « Tu es sorti hier soir ? Tu as fais la fête ? ».

« Mais non… Rassure-toi. Je finissais juste le livre d'Amandine ».

Ilme embrassa sa mère et se sortit un bol.

« Je te fais cuire un steak ».

« Non, pas de viande dès le matin ».

« Il est presque 14 heures Ilme ».

« Peut-être mais je viens de me lever. T'inquiète donc pas ».

La mère renifla avant de couper le gaz. Elle s'installa en face de son fils.

« Comment veux-tu que je ne m'inquiète pas ? J'ai peur que tu ne perdes encore une année ».

« Maman… Je n'ai pas perdu une année… J'ai fais des conneries… J'assume… Et je te dis de ne pas t'inquiéter. Je ne referais pas les mêmes » Il la regarda, versa le lait dans son bol et y ajouta les céréales. « Je ne veux pas te décevoir une seconde fois » Ajouta-t-il.

Le rouquin termina son petit déjeuner et fila dans sa chambre prendre ses affaires. Il prit son sac et y mit un crayon et son agenda, plus le livre qu'il avait fini très tôt le matin : « Les enfants de la terre » de Jean Auel. Il boucla son sac et ouvrit sa penderie pour saisir ses chaussures, des converses rouges, et les enfila.

« Bon, si tu te dépêches, je peux te déposer tout de suite » Lui dit sa mère alors qu'il entrait dans le salon.

« T'inquiète pas. J'y vais en roller ».

« Dès le premier jour ? » Demanda-t-elle en haussant un sourcil.

« Promis, je ne ferais pas de connerie » Répondit-il en l'embrassant.

Il caressa la tête de sa sœur, passant ses doigts dans ses boucles brunes, puis sortit sous le préau pour attacher ses roues à ses chaussures. Le rouquin se leva, hissa son sac sur son épaule et traversa la cour. Une fois sur la route, le chemin se fit tout seul. Il slaloma entre les voitures et déboucha enfin sur l'allée principale. Devant lui, une fille faisait du vélo, dans la même direction. Ilme se mit à son côté.

« Bonjour mademoiselle. Où allez-vous de si bon matin ? ».

« Nous sommes en début d'après-midi, Ilme. Et je me rends, comme toi, au lycée ».

À ces mots la fille tourna. Ilme la suivit et pénétra dans l'enceinte du lycée. Elle attacha son vélo pendant qu'il retirait ses roues. Elles étaient bien pratiques. Elles s'adaptaient quasiment à toutes ses chaussures, de toutes façons, il n'avait quasiment que des converses. Ilme se releva et vint faire la bise à la brune. Elle avait les cheveux au carré et de discrets yeux bleus. Ensemble, ils firent le tour de la cour pour aller voir la répartition des élèves.

« Alors ? » Demanda Ilme. « Tu crois qu'on sera dans la même classe ? ».

La brune ne répondit pas. Ilme savait qu'elle avait peur de se retrouver seule dans une classe de gens complètement inconnus. Elle, qui était d'un tempérament plutôt timide, se laissait facilement marcher sur les pieds. Ilme avait souvent été là pour la protéger, mais c'était plus à cause de son côté bagarreur que de son côté protecteur… Enfin, ça, c'était avant… Elle ferma les yeux et avança vers les listes. Doucement, elle risqua un œil, puis ouvrit le second. Elle ne vit pas son nom dans la première liste, ni celui d'Ilme. Doucement, elle croisa les doigts dans sa poche kangourou et regarda la seconde liste. Ilme n'y était pas… Elle si.

« Tu es dans la deuxième » Lui glissa Ilme comme pour s'excuser.

« Et toi dans la troisième » Sourit-elle.

Elle s'écarta des listes pour éviter la vague d'élèves qui arrivait. Ils se posèrent un peu plus loin, sur l'une des plates formes qui servaient de bancs.

« Tiens. Je l'ai fini cette nuit » Lui dit-il en lui tendant son livre. « Désolé de l'avoir gardé si longtemps ».

« Longtemps ? Ce n'est même plus le mot. Ça faisait une éternité » Ironisa-t-elle.

Puis ses yeux repartirent dans le vague, fixant un point invisible.

« Amandine. Ne te laisse pas aller dès le premier jour. Je suis sûr qu'il y a pleins de gens sympa dans ta classe ».

« J'ai tous tes anciens camarades de classe, Ilme » L'exaspéra-t-elle. « Tous ces cons. Tous ces boulets, et toutes ces connasses qui m'ont fait chier l'an dernier ».

« Je suis désolé » Indiqua Ilme.

« Le sois pas. Les gens changent après tout. C'est normal, non ? » Trancha-t-elle avec mordant.

Ilme releva les yeux. Il n'avait pas vu Amandine pendant les deux mois de vacances et il lui semblait qu'elle venait d'acquérir le sens de la répartie ironique. Un ton acide. Pourtant, ce n'était pas face à lui qu'elle en aurait besoin. Il voulut répliquer mais ne le fit pas. Mieux valait ne pas en rajouter une couche. Le rouquin fixa les élèves qui se pressaient devant les listes. Une fille attira son regard. Ce n'était pas la première fois qu'il la voyait, mais la première fois qu'elle l'intriguait. Ses cheveux lui descendaient jusqu'aux reins. Leur couleur était indéfinissable, variant du rouge vif au châtain foncé. Elle devait mesurer environ 1 mètre 65 puisqu'elle dépassait une petite partie des élèves. Elle était accompagnée d'un garçon qui n'était pas du lycée, mais qu'il connaissait, au moins de vu, mais il n'arrivait pas à mettre de nom sur sa tête.

Le garçon, lui, était un plus grand qu'elle, et même plus qu'Ilme. Il devait faire un bon mètre 80. Il portait un jean déchiré aux genoux et en dessous de la fesse gauche, juste dans la pliure, ainsi qu'une chemise d'un vert kaki qui faisait ressortir ses cheveux châtains dérivant vers le blond. Ce garçon passait difficilement inaperçu : il avait sur une moitié du crâne les cheveux dressés, comme une iroquoise et de l'autre coté, il avait quelques petites tresses africaines qui donnaient une impression de rasé. Son oreille gauche comportait un bon nombre de piercings et une chaîne pendouillait de son arcade sourcilière gauche et descendait plus bas que son menton pour finir en pointe.

Ilme savait qu'il avait des yeux vert foncé. Mais il ne savait pas d'où il le tenait. Ce garçon était frappant, mais pourtant, il n'arrivait pas à se rappeler d'où il le connaissait. Il les fixait tellement qu'il ne vit pas Amandine prendre son sac et s'éloigner vers les toilettes. Peu de temps après, la principale, accompagnée par les CPE, monta sur l'un des bancs avec son micro pour faire son annonce. Toute une nouvelle fournée pédagogique venait d'arriver. Enfin des nouveaux enseignants qui ne pourraient pas juger leurs élèves selon leurs frères et sœurs. Le seul problème restait les élèves qui eux étaient toujours les mêmes. Ilme s'avança lui aussi vers le cadre enseignant. Il vit à son côté la fille qu'il avait détaillée. Elle était appuyée contre le torse du garçon à l'iroquoise. Mais rien n'y faisait. Même en le voyant de près, Ilme n'arrivait pas à mettre de nom sur son visage alors qu'il était persuadé de le connaître. Amandine vint enfin le rejoindre. Il la regarda.

« T'étais où ? » Interrogea–t-il.

« Pas ici » Répliqua-t-elle avec agressivité.

Ilme était surpris. Il n'était pas habitué à tant d'hostilité de la part de son amie. C'est pourquoi il se tourna vers sa proviseure et l'écouta déblatérer.

« … La cour, ou même le lycée, n'est pas un hôtel ou une maison de passe. Je vous demanderais donc de bien vous tenir ; De plus, les tenues de plage tels que les paréos, tongs, maillots de bain, tout ça c'est au placard, chez vous ou avec vos amis mais pas au lycée. Évitez aussi les petits débardeurs qui laissent le nombril à l'air : vos histoires de cœur ne regardent que vous … ».

Ilme n'écouta pas la fin du monologue, trop absorbé par la dernière phrase qu'il avait enregistrée. Quel était le rapport entre le nombril et les histoires de cœur ? Il ne saisissait pas bien. Puis, la proviseure ayant finit son discours, appela les classes une à une pour que celles-ci partent avec leurs professeurs respectifs. Ilme vit partir l'inconnue avec le même groupe qu'Amandine. Et l'iroquoise prit la direction de la sortie, ce qui confirma son doute. Il n'était pas d'ici. Où diable l'avait-il rencontré ? Ou alors, simplement croisé ?

Puis ce fut son tour de suivre sa classe. Il laissa le brun vaquer à ses occupations et suivit le troupeau. Ilme fut heureux de voir qu'il allait passer la plus grande partie de son année dans 'l'aquarium', une salle qui avait plus de parties vitrées que de murs. Une des seules salles de cours de tout le bahut à posséder autant de fenêtres. Étant un petit peu claustrophobe, il fut heureux de savoir qu'il y aurait autant d'ouvertures. Et il venait juste de remarquer l'odeur que dégageait son professeur. Pas quelque chose de très agréable. Un mélange entre l'huile de moteur et la friture. Rien que d'y penser, il avait envie de vomir. Monsieur Lefastier, qu'il s'appelait. Ilme s'installa près de la fenêtre. Une fille se posa à côté de lui. Un pot de peinture avait dû lui tomber dessus, mais il se retint de faire une réflexion. Mieux valait pour lui qu'il ne se fasse pas remarquer dès le premier jour.

La première réunion de classe ne dura qu'une heure. Juste le temps pour les élèves d'avoir leurs emplois du temps, la pile de paperasse à remplir, le nom des professeurs et bien sûr de lire le nouveau règlement. Sans oublier l'immanquable bout de papier où les élèves se devaient, comme chaque année, d'inscrire leur nom, prénom, adresse, passions et autres et qui comme chaque année finirait à la poubelle, sans être lu parfois. Dès que la cloche sonna, il sortit par la porte-fenêtre de derrière, et rejoignit Amandine dans le hall. Ils s'assirent tous deux sur les bancs et Ilme enfila ses rollers. Des élèves passèrent. Quelques-uns d'entre eux serrèrent la main d'Ilme, d'autres embrassèrent Amandine, d'autres encore continuèrent leur chemin. Ilme tourna promptement la tête vers une porte lorsqu'il entendit un claquement sec. Apparemment, la grande rousse du début d'après-midi venait de gifler un garçon. Elle rehaussa son sac sur son épaule et partit. Ilme la suivit des yeux, regardant ses cheveux ondulés qui descendaient jusqu'à ses reins, se prenant par moment dans son pull-over violet aux larges trous.

« C'est Etna » Lâcha Amandine.

« Un caractère explosif apparemment, comme le volcan » Déclara alors Ilme.

« Oui, un sale caractère. Au moins elle se laisse pas marcher sur les pieds, même pas par le prof».

« Elle est dans ta classe, non ? ».

« Oui. Mais elle est très distante et assez discrète… Du moins, tant qu'on la titille pas ».

« Eh beh ! Voilà ! Au moins y a des gens bien dans ta classe ! » Claironna Ilme.

Amandine haussa les épaules et partit dans la direction du garage à vélo.

« Je dois rentrer » Justifia-t-elle. « J'ai promis à ma mère de garder le monstre ».

« Je te raccompagne et je rentre. Faut que je m'occupe de ma chambre ».

« Grand rangement ? » Demanda Amandine peu intéressée.

« En gros. Je dois refaire les murs avec mon père en fin de soirée. Je dormirais avec Chloé ce soir ».

« Elle va être heureuse ».

« Ça pour être heureuse ».

« Je comprends toujours pas comment tu fais pour la supporter ».

« 'Mandine, on n'a pas vécu les mêmes choses toi et moi sur le plan familial. Ton frère, tu finiras par l'adorer ».

Amandine grogna puis donna un coup de pédale. Ils firent le chemin ensemble puis Ilme tourna quand Amandine descendit de son vélo. Il lui fit un signe de la main, auquel elle répondit vaguement. Ilme continua donc son chemin, perdu dans ses pensées. Il n'avait pas vu Amandine des vacances car il était parti à Madrid juste après son bac, jusqu'à fin août, et elle, était allée en Allemagne, avec ses parents. Peut-être s'était-il passé quelque chose là-bas. Mais il en doutait. Pour qu'elle soit aussi froide avec lui, il fallait que ce soit lui qui ait fait une erreur. Et l'année précédente, il n'en avait pas fait qu'une. Mais il avait pensé qu'avec le temps, la pilule serait passée.

Il entra dans son jardin, déchaussa ses « rollers » et partit les ranger dans sa chambre. Ne supportant pas le silence qui régnait dans la maison vide, il alluma sa chaîne et y inséra son CD de Ricardo Arjona. Un chanteur mexicain. Il aimait bien ce style. Après quelques minutes, il se rendit compte que la musique ne convenait pas à son humeur et il remplaça le rythme latino-américain par un chanteur français. Et ce fut sous les chansons de Cali qu'Ilme commença à décrocher tous ses posters, les pliant soigneusement et les posant sur son bureau. Il décala ensuite la petite bibliothèque qui recouvrait tout le mur face à son bureau. Un paquet de photo tomba alors au sol. Il laissa la bibliothèque au milieu de la chambre et s'assit par terre pour regarder ses trouvailles.

C'était quatre photos de l'une des nombreuses soirées de l'année passée. Il y avait été traîné par l'un de ses camarades de classe avec qui il avait désormais coupé tout liens. C'était à partir de cette période qu'il avait accumulé les conneries. C'était l'été avant de rentrer en première que tout avait commencé. C'était à ce moment-là qu'il aurait dû faire attention. Et c'était aussi à cette époque-là qu'il avait rencontré Etna pour la première fois. Il s'en souvenait maintenant. Il savait pourquoi la rouquine l'avait intrigué. Il l'avait rencontrée -ou juste croisée- à l'une de ces soirées, mais il l'avait vue. Et même aujourd'hui, il pouvait deviner ce regard. Celui qui montrait son envie de fuir les gens. Et plus encore, ceux qu'il fréquentait à l'époque. Mais comment cette photo était-elle tombée en sa possession déjà ? Et comment avait-elle réussi à survivre au barbecue, à son retour d'Espagne, où tout le reste était parti en fumée ?

Ilme regarda encore la photo. Il ne savait plus chez qui c'était passé cette soirée, en supposant simplement qu'il connaisse la personne qui l'avait organisée, mais il savait que cette fête avait été sa dernière. Elle avait eu lieu au mois d'avril de la présente année d'ailleurs. Puis il secoua la tête. À quoi bon ressasser ce genre de souvenir ? L'adolescent se leva et tira son bureau et son lit au centre de la pièce. Puis il s'assit sur sa fenêtre et regarda le jardin. Son père n'allait plus tarder. Il ne lui restait plus qu'à savoir de quelle couleur il allait peindre sa chambre. Son regard s'arrêta sur l'arbre au centre du jardin. Une bestiole s'y mouvait. Un chat. Un chaton même. Le félin sentit qu'il l'observait et s'avança jusqu'à la fenêtre. Ilme pu le détailler. C'était un petit chaton aux longs poils roux. Malgré sa petite taille, le félin sauta sur le rebord de la fenêtre et vint se frotter à sa jambe. Le rouquin posa sa main sur sa tête et lui gratouilla les oreilles. Le chat ronronnait. Puis il se mit à lécher les doigts du garçon, le faisant frissonner au contact de sa langue râpeuse.

« Tu as faim ? » Demanda Ilme.

Ceci dit, il se dégagea de sa fenêtre et partit à la cuisine remplir un ramequin de lait. Il vit son père arriver, se rendit alors rapidement dans sa chambre, déposant le récipient dehors devant sa fenêtre avant deretourner à la cuisine.

« Alors Ilme, cette rentrée ? ».

« Pas pire que l'année dernière. Mais les CPEs et Principaux ont l'air pointilleux ».

« Il faut bien, avec des jeunes comme vous » Rigola le père.

Ilme était content. Son père plaisantait avec lui comme s'il n'avait jamais fait d'écarts. Pas comme sa mère qui craignait sans cesse une rechute et ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter, l'étouffant presque.

« Je t'ai ramené la peinture, on va pouvoir commencer ».

« Quelles couleurs ? ».

« Orange ».

« T'as ramené que de l'orange ? » Demanda Ilme un peu déçu.

« Oui, et aussi un peu de rouge pour le préau. Tu as changé d'avis ? ».

« Non… Enfin, si, je pensais plutôt à… Les quatre murs orange pâle, limite jaune, si tu préfères ».

L'adulte regarda son fils en souriant. Ilme avait toujours des idées extravagantes. Il ne tiqua même pas à la dernière idée :

« Et tous les contours, comme ceux de la fenêtre ou des prises, ou même les étagères qui sont attachées aux murs, en violet ».

« Si tu veux ».

« C'est vrai ? Ça te dérange pas ? » S'illumina Ilme.

« Tu sais très bien qu'on a vu pire que toi. Et il y a un minimum de goût, puis si c'est moche ce sera ton problème. C'est toi qui dors dedans, n'est ce pas ?».

Ilme esquissa un sourire puis aida son père à disposer les papiers journaux au sol. Ensemble, ils s'attaquèrent aux murs opposés, les badigeonnant d'orange. Le petit chaton revint se poser sur le rebord de la fenêtre et regarda les deux hommes faire.

OoO

Ilme repoussa une mèche de cheveux avec son poignet et déposa ainsi une large traînée jaune sur son front. Son père reposa le pinceau et se pencha en arrière. Il fit craquer son dos puis retira ses gants en latex.

« C'est plus de mon âge. Il est 20 heures. Ta mère ne va pas tarder. Va prendre une douche ».

Ilme s'était accoudé à la fenêtre et caressait le chat.

« Tu t'es fait un nouvel ami ? ».

Ilme hocha la tête.

« Tu crois que je peux le garder ? ».

« Je pense que si tu lui trouves un nom et que tu lui apprends les règles, il n'y aura pas de problèmes ».

Ilme fit un grand sourire à son père et prit le chaton dans ses bras. Le félin se mit à ronronner très fort et avec entrain.

« Je vais l'appeler Enojo ».

« Ok. Alors, lâche Enojo et va prendre ta douche ».

OoO

Peu de temps après le repas, le rouquin emmena sa sœur se coucher. Il n'était pas tard, et il savait qu'il ne serait pas fatigué avant de longues heures. Ses vacances d'été passées en Espagne lui avaient apporté de sales habitudes, comme celle de se coucher tard. Ilme s'allongea donc sur le matelas, lut une histoire à Chloé et la regarda s'endormir. Le garçon fit courir ses doigts dans les boucles brunes, songeur, puis passa dans sa chambre pour prendre quelques affaires. Il sortit le plus silencieusement possible de sa maison pour ne pas attirer l'attention de ses parents qui regardaient la télé. Puis enfourcha son vélo et regarda son quartier. Le rouquin vit une jeune fille passer devant lui. Qu'est-ce qu'Etna faisait ici ? Il n'avait jamais fais attention à elle auparavant mais maintenant il la voyait partout. Il la fixa, se disant qu'il s'agissait sûrement de quelqu'un qui lui ressemblait. Mais la tenue, les cheveux, l'absence de sourire sur le visage… Tout lui montrait que oui, il s'agissait bien d'elle. Il haussa les épaules, se désintéressa d'elle et donna de grands coups de pédales pour se rendre à la baie. Là, il se posa et prit un livre. Il n'aimait pas lire, mais c'était tout ce qu'il avait trouvé pour s'endormir. Il se saisit d'un livre philosophique et s'installa au centre du carré d'herbe, face à la mer. Le rouquin entama sa lecture, qui, au bout d'une demi heure, eût l'effet souhaité : il commença à somnoler. Ilme se leva, rangea le livre dans son sac, reprit son vélo et rentra chez lui. Ses parents étaient couchés, alors il entra dans la chambre de Chloé et se glissa dans son duvet où il s'endormit tout de suite.

OoO

Ilme se leva sans faire de bruit et quitta la chambre de sa sœur encore endormie. Il entra dans la sienne. Enojo dormait en boule sur le lit. Le rouquin prit ses affaires et partit s'enfermer dans la salle de bain. Il détacha ses cheveux. Malgré le fait qu'il les attache toujours pour dormir, ils étaient quand même emmêlés le matin. Ilme prit sa brosse et commença à coiffer sa tignasse. Souvent, l'idée de se couper les cheveux lui venait, mais il imaginait mal sa tête avec le crâne rasé. Enfin, il posa sa brosse et fixa ses cheveux en catogan, puis fit une toilette rapide et s'habilla. Il entra dans la cuisine et remplit un ramequin de lait qu'il apporta au chaton qui restait dans sa chambre. Il revint à la cuisine. Sa mère l'attendait, les mains sur les hanches.

« Ilme ! Quand vas-tu te décider à jeter ce pantalon ? ».

« Mais je l'aime, moi ! ».

« Mais c'est pas le problème, il est déchiré de partout. Enfin, quoi ! Tu as des vêtements moins abîmés quand même ».

Ilme fit un grand sourire puis se posa à la table pour se faire griller des toasts. Sa mère grogna et retourna à sa vaisselle. Il regarda son pantalon, très délavé, usé au niveau de l'entrejambe et des fesses mais pas déchiré…Enfin, si, un peu, tout en bas, mais c'était pas grand chose.

OoO

Ilme entra dans la cour principale et s'approcha du garage à vélo. Amandine accrochait son antivol.

« Salut. J'avais pensé que tu m'aurais attendu ».

« Tu t'es pas perdu en chemin et moi non plus, donc, y a pas de problème ».

La brune mit son sac sur son épaule et commença à partir. Ilme en resta sur le cul. Elle qui était quasiment incapable de rembarrer quelqu'un venait de le faire deux fois en moins de 24 heures.

« Eyh Amandine ! Tu te plantes de cible » Grogna le rouquin.

« Vraiment ? » Demanda froidement son amie sans se retourner.

Puis elle s'engouffra dans le bâtiment. Ilme shoota dans le mur qui était devant lui. Il ne comprenait pas ce qui se passait. Il entendit une voiture freiner, et se retourna pour voir Etna et son ami. Ce garçon qui lui disait quelque chose mais dont il ne se rappelait toujours pas qui, ni d'où il l'avait vu, et cela l'énervait. Il les regarda et tourna brusquement la tête quand le garçon le fixa, puis entra à son tour dans le bâtiment pour se rendre à son cours. Commencer avec trois heures d'économies. Il était fou de joie. Il s'adossa au mur face à sa porte et attendit la sonnerie. Lorsque celle-ci retentit enfin, il vit Etna passer. Il contempla ses cheveux de plus près et put en voir la composition, qui était de plusieurs tons. Roux, rouge, orangé et, tout à la racine, châtain. Sûrement sa vraie couleur, pensa-t-il.

Le professeur arriva, entouré par quelques élèves, qui gardaient tout de même leurs distances. Le rouquin entra en même temps que d'autres et prit la première place sur sa droite dans cette salle où les tables formaient un « U ». Il sortit un paquet de feuilles pour commencer à prendre le cours. Le professeur, le même que la veille, un homme bedonnant et dont se dégageait une forte odeur de friture, commença à plaider pour sa matière :

«… Elle est coefficient 8 au baccalauréat et son intérêt réside dans… ».

Ilme se désintéressa de nouveau du professeur pour contempler sa feuille blanche. Il avait promis à sa mère de ne pas mal tourner. Mais cette feuille l'appelait, elle lui criait « Dessine-moi dessus ! ». Le rouquin réfléchit un instant. Dessiner pendant qu'un professeur parlait de choses barbantes, ce n'était pas mal tourner, si ? Non ! Il prit son crayon de papier et commença à gribouiller sur sa feuille. Sa camarade de classe jeta un coup d'œil par-dessus son épaule.

« Tu dessines bien » Le complimenta-t-elle.

Il la remercia et continua à dessiner. À la première sonnerie, il partit s'acheter quelque chose à grignoter. Il croisa Amandine. Elle passa à côté de lui sans se formaliser. Ilme la retint par le bras.

« Eh ! Qu'est-ce que j'ai fait ? Explique-moi ! Pourquoi tu es comme ça avec moi ? ».

« Comme ça quoi ? ».

« Tu es agressive ! Qu'est-ce que je t'ai fait ? ».

Amandine le regarda, dégagea son bras et baissa les yeux, elle prit un ton plein de remords.

« Je ne sais pas. Je suis désolée… C'est la rentrée… Ça me rend nerveuse… On se retrouve ici pour manger ? ».

Ilme acquiesça et repartit vers sa salle de cours en prenant un paquet de chips au passage. Il retourna en cours, le moral plutôt bas. Cela se dégradait avec Amandine. Plus jamais il ne pourrait réparer son erreur. Il le savait maintenant pourquoi elle était comme ça… Mais comment aurait-il pu le deviner avant ? Il était si peu doué que ça avec les gens ? Était-il si aveugle ?

À la fin de la matinée, Ilme prit ses affaires et rentra chez lui sans passer par le hall. Il savait très bien qu'Amandine ne l'attendrait pas, cela avait été dit dans sa façon de parler. Puis, elle était rancunière, c'était comme ça… Et peut-être l'avait-il aussi cherché…

Ilme entra chez lui et posa son sac par terre. Il attrapa Enojo qui rodait dans la maison et le porta dans sa chambre. Là, Ilme respira à fond, alluma sa chaîne et se laissa tomber sur son lit, fixant son plafond blanc crème. Il jeta un œil sur son bureau où s'empilaient ses posters, qu'il avait retirés la veille pour la peinture. Une flemme de les remettre tout de suite le prit soudainement : il sortit de la chambre et décida d'aller se poser dans les parcs. Ilme sortit de chez lui avec son vélo, ses lunettes de soleil sur le nez. Il sourit à sa voisine en la saluant d'un amical mouvement de tête puis reprit sa route. Le rouquin se posa au même endroit que la veille, mais prit, cette fois-ci, son cahier et un crayon. Il avait envie de dessiner. Il commença à griffonner. Il en était encore capable et sentait qu'il perdait cette envie. Bientôt il ne lui serait même plus possible de dessiner un simple chat de cartoon. Il le savait et il ne s'en faisait pas. Si jamais ça devait partir, ça partirait, tout comme cela pourrait revenir un jour. Ou non.

En baissant les yeux, le rouquin reconnu l'iroquoise, de profil. Et ça ne lui disait toujours rien. Enervé, Ilme déchira sa feuille et se leva pour rentrer chez lui. Heureusement qu'il n'avait pas cours le vendredi après-midi. Mais il irait quand même au lycée pour parler avec Amandine. L'histoire ne pouvait pas se terminer comme ça, il devait au moins essayer de rattraper les choses.