Note de l'auteur :

Coucou! Oh làlà, ça fait tout bizarre d'être de retour! Pour ceux qui connaissent cette histoire, vous ne rêvez pas, voici le chapitre neuf! Pour les autres, je vous résume : ça fait cinq ans que je n'ai rien écrit pour cette pauvre fic que tout le monde croyait morte. M'enfin bref, j'espère qu'il y aura encore quelques intéressés pour cette histoire ramenée des morts.

Aussi, comme cinq ans se sont écoulés entre la publication du chapitre huit et celle du chapitre neuf, je vous demanderais d'être indulgents quant au style d'écriture. Il a probablement beaucoup changé! J'ai relu les chapitres précédents pour essayer de ne rien louper ou de ne pas créer d'erreurs d'écriture, mais je ne suis pas infaillible alors je vous serais reconnaissante de me le mentionner, si jamais je me suis contredite quelque part!

Et finalement, j'ai corrigé les erreurs du mieux que j'ai pu, mais vous comprendrez que j'étais tellement heureuse d'avoir enfin réussi à pondre un chapitre complet sans l'abandonner au beau milieu que je me suis empressée de le mettre en ligne.

Je ne vous retiens pas plus longtemps!

Bonne lecture! (et vos reviews sont toujours les bienvenues!)

P.-S. : Comme ça fait longtemps, pour les reviews du chapitre 8, je tiens seulement à remercier tous ceux qui m'en ont laissé une, et tous ceux qui m'ont encouragée à continuer cette histoire!

CHAPITRE 9

Après être allée reconduire Lucas chez lui, Jenny ne rentra pas directement chez elle, elle continua d'errer à travers les rues de la petite ville enneigée dans laquelle elle avait grandi. Beaucoup trop de questions lui trottaient dans la tête.

Toute cette situation est tellement irréelle. Jamais je ne me serais doutée, il y a quelques mois, que la situation changerait à ce point. Comment est-ce arrivé? Comment est-ce que tout a pu changer du jour au lendemain? Comment ai-je fait pour passer du statut d'une des meilleures amies de Kim, Sam et Chris à la fille qui ne leur parle plus qu'à l'école? Au moins, elles ne semblent pas m'en vouloir… Je vois même Alex plus souvent que Christina. Elle doit se poser des questions!

Depuis que j'ai fait ce rêve, je fais une réelle obsession pour Lucas : pourquoi me regarde-t-il toujours avec ce regard impénétrable? Il est quand même mignon, non? Hein? Est-ce que j'ai vraiment pensé ça? Pourquoi est-ce qu'avec les deux autres gars et Aude on se parle et on rigole comme deux bons amis alors que quand on est seuls, il y a comme une tension dans l'air qui nous rend tous les deux mal à l'aise? C'est comme s'il me faisait de l'effet ou je ne sais pas quoi… Voyons Jen, reprends-toi! Un ancien ami se confie à toi parce que tu t'es retrouvée au bon endroit au bon moment, et te voilà toute déstabilisée, à rougir toute seule sous la neige. Qu'est-ce qui t'arrive? Je n'en sais rien! Jusqu'à la rentrée scolaire, j'exécrais Lucas Taylor et ses deux idiots d'acolytes. Je les trouvais arrogants, têtes enflées, ringuards et ne prenant rien de la vie au sérieux. Je crois que je les ai mal jugés… Pourquoi est-ce que lui, Kurt et James me parlent-ils, au fait? C'est tout comme si on venait tout juste de se rencontrer, alors qu'on a un historique d'amitié… Lucas et moi pour le moins.

L'étrange scène avec lui, ce soir, m'a rappelé la fameuse récréation d'il y a des années, quand Mme Forget m'a demandé de rester en classe pour l'aider à nettoyer les pinceaux après l'atelier de bricolage. C'était la seule autre fois que je l'ai vu pleurer, et il n'avait que neuf ou dix ans. Ce n'est pas pareil. À neuf ou dix ans, on pleure beaucoup plus qu'à quinze ou seize. On dirait que j'ai ramolli, la situation m'a attendrie, j'ai dû me retenir de toutes mes forces pour ne pas le serrer dans mes bras et lui dire qu'il m'a manqué… VOYONS? Qui suis-je? Qui est-ce qui a pris le contrôle de mes pensées? Je raconte tellement n'importe quoi! Pense à autre chose, Jen, autre chose.

QuiestHockeyPlayer36?Cettequestioncommenceàm'obséderaussi.Depuisqu'ilmeparle,jepasseénormémentdetempsdevantmonordinateur.C'estlapreuvequejem'attacheàlui,non?J'espèretellementquecen'estpasuneplaisanterie.Ouquetoutlemondel'apprenneetsemoquedemoi,commedansUne aventure de CendrillonavecHilaryDuffetChadMichaelMurray. Serait-cepossiblequecesoitLucas?Surtoutaprèscesoir?Non,ceseraitunecoïncidencebeaucouptroptiréeparlescheveux.Çan'arrivequedanslesfilms,cescoïncidences.C'estimpossible.Oui,maisilvientdetedireenpleinvisagequesonpèreestextrêmementexigeantenverslui.Argh!Ilnedoitpasêtreleseulàavoirunpèrequitransmetsespropresrêvesdéchusàsonfils.

Ok, ça suffit, j'ai besoin de perspective, j'ai trop le nez collé dans cette situation, je n'y vois plus clair. C'est l'heure de rentrer.

Jenny émergea de ses pensées avec l'étrange sentiment de ne plus en être l'auteur. Elle parcourut la rue du regard, en se demandant à quel endroit elle pouvait bien se trouver. Toutes ces questions lui avaient embrouillé l'esprit et elle avait marché sans direction précise pendant plus d'une heure. Ce qui signifiait qu'il était maintenant deux heures du matin. Une chance que c'était samedi, demain! Elle secoua la tête, et identifia enfin le quartier dans lequel elle errait depuis qu'elle était allée reconduire Lucas chez lui : celui de leur école primaire.

Une autre vague de souvenirs de plus en plus définis refit surface. Une fois, en cinquième année, toute leur classe jouait au jeu des trois vérités et du mensonge. Jenny ne se souvenait plus de trois de ses affirmations, mais elle se souvenait très bien d'une des trois vérités : « J'ai échoué un examen de mathématiques en troisième année. » Suite à cette affirmation, Lucas s'était écrié « C'est sûr que c'est ça le mensonge! Si c'était vrai, elle me l'aurait dit! » Lorsqu'elle avait répondu que ce n'était pas un mensonge, Lucas était venu la voir et lui avait dit « Je croyais qu'on se disait tout? » Jenny avait répondu, la tête basse « Je suis désolée… j'avais tellement honte. Je n'avais jamais échoué un examen avant. »

Une autre fois, alors qu'ils étaient en troisième année, Mme Forget avait organisé une journée de festivités à l'occasion de la dernière journée de classes avant les vacances de Noël. C'était une journée pyjama. Chacun devait apporter quelque chose pour le goûter. La mère de Jenny avait pris en charge les fromages, alors que celle de Lucas avait préparé des muffins. La journée était particulièrement amusante, agrémentée de jeux et de musique populaire de cette année là. Jusqu'au moment où une chanson d'amour avait retenti à travers les haut-parleurs du petit système de son. Lucas s'était approché timidement de Jenny : « Tu veux danser? » Jenny avait rougi du bout des orteils jusqu'à la pointe de ses longs cheveux et avait répondu « J'sais pas » d'une toute petite voix. « Allez, s'il te plaît! » avait insisté Lucas. « Pas tout de suite » avait répondu Jenny, déjà déçue de sa réponse. Sa gêne l'avait emporté sur l'envie de danser avec Lucas. Elle avait longtemps regretté sa réponse, et en y pensant, elle la regrettait encore aujourd'hui. Plus personne ne lui avait jamais proposé de danser. Avec tout ça, elle se rendit compte qu'elle n'avait encore jamais dansé son premier slow.

Jenny sortit de ses pensées pour la deuxième fois en peu de temps et entreprit réellement de rentrer se coucher.

Cette nuit-là fut peuplée de centaines de rêves-souvenirs. Lorsque Jenny se réveilla, le lendemain, il était passé midi, et ses pensées étaient encore plus confuses que la veille. Durecul,durecul! se dit-elle. Afin de tenter de se changer les idées, ou du moins de leur donner une pause, elle se dirigea vers la douche. C'était sa deuxième méthode la plus efficace pour s'aérer les pensées, après prendre une marche. Mais comme le fait d'avoir pris une marche ne l'avait pas beaucoup aidée, elle n'avait pas de grandes attentes envers la douche.

Elle fut cependant surprise. L'eau chaude la détendit, et lui permit de ne penser à rien d'autre que le moment présent. Elle prit son temps et en profita pour se laver les cheveux. Elle les sécherait ensuite et terminerait sa mise en plis au fer plat. Lorsqu'elle défrisait sa chevelure de mouton, elle était tellement concentrée à s'appliquer et à faire attention de n'oublier aucune mèche, qu'il était quasi impossible pour elle de penser à autre chose en même temps. Ce qui, aujourd'hui, s'avérait avoir un côté positif!

Une fois son interminable mission achevée, elle descendit à la cuisine pour se servir un petit déjeuner copieux. Sa mère la regarda, intriguée :

-Tu veux que je t'aide avec les crêpes pendant que tu fais cuire les œufs?
-Oui, s'il te plaît.
-Tu sembles songeuse, aujourd'hui. S'est-il passé quelque chose hier soir?
-Si on veut…
-C'est pour cette raison que tu es rentrée aussi tard?
-Oui, j'avais besoin de m'aérer l'esprit, je n'arrivais plus à penser clairement…
-Je comprends.

Un silence s'installa avant que Mme Mathers risque :

-C'est à cause d'un garçon?

-Comment il s'appelle?
-Lucas.
-Oh, vous avez recommencé à vous parler?

Jenny avait complètement oublié que sa mère connaissait bien Lucas. À l'époque, lorsqu'ils étaient encore au primaire, Mme Mathers avait proposé ses services bénévolement à la bibliothèque de l'école, le lundi après-midi. C'était justement à ce moment de la semaine que la classe de Jenny et Lucas avaient une période de lecture obligatoire à la bibliothèque. C'est ainsi que la mère de Jenny avait appris l'existence du petit Taylor avec qui sa fille passait de plus en plus de temps.

-Oui, il y a quelques mois.
-Et qu'est-ce qui te tracasse autant? Il te plaît bien?
-Je ne sais pas, c'est justement ce qui me tracasse. On a été amis pendant trois ans. C'est long trois ans. Jusqu'à ce qu'en sixième année, on ne soit plus dans la même classe. Tu te souviens, à l'époque, on ne se tenait qu'avec les amis de notre classe parce qu'on n'avait jamais la chance de voir les autres. On a donc arrêté de se parler. Au début, j'étais indifférente et j'ai cessé d'y penser, mais quand on a commencé le secondaire, j'ai commencé à le trouver arrogant et «m'as-tu vu» et, du coup, ça m'est tombé sur les nerfs. Plus ça allait, plus il tentait d'impressionner, à l'école. Mais je ne sais pas trop qui il essayait d'impressionner. Les filles? Les enseignants? Les autres garçons? Aucune idée. Je sais par contre que je ne pouvais pas les sentir, lui et ses deux bouffons d'inséparables. Sauf que depuis qu'Aude est revenue d'Italie, et depuis que ce HockeyPlayer36 a commencé à me parler sur MSN, Lucas, James et Kurtis ont recommencé à me parler.

-Et ce n'est pas comme avant?
-Non, et il est là, le problème! Ils me parlent, mais comme si on venait tout juste de se rencontrer. Jamais d'allusion aux années de l'école primaire, alors que Lucas et moi étions plutôt proches. Je ne sais pas s'il a oublié et il ne m'envoie aucun signe, aucun indice pouvant m'aider à savoir.
-Pourquoi ne lui en parles-tu pas?
-J'ai l'impression de ne plus vraiment le connaître. Les choses changent au cours des ans, et j'ai bien l'impression que c'est ce qui s'est produit avec lui. Il n'y a qu'hier soir, que j'ai eu un tout petit indice.
-Quel genre d'indice?
-Ben, après être revenue de l'aréna, hier, je me suis couchée, croyant être épuisée, mais j'ai dû me relever parce que je n'arrivais pas à fermer l'œil. Je me suis donc relevée, et quand j'ai regardé par la fenêtre, il neigeait toujours, alors je n'ai pas pu résister à une petite balade nocturne. J'ai abouti là où mes pas m'ont conduite…
-…À l'aréna, donc?
-Et j'y ai découvert un Lucas frigorifié, assis sur son sac d'équipement, dans un bien piteux état. Son père, très insatisfait de ses performances sur la glace, l'a abandonné à l'aréna, et du coup, il y est resté pour réfléchir. J'ai discuté un peu avec lui et l'ai aidé à rentrer chez lui avec tout son équipement. Ça m'a… déstabilisée, ou attendrie, je ne sais pas trop. J'ai essayé de mettre de l'ordre dans tout ça en continuant de marcher, mais ça n'a pas réellement fonctionné.
-Tu devrais discuter avec lui.
-Oui, mais de quoi vais-je avoir l'air? «Hé, Lucas, te souviens-tu d'avant?»
-Penses-y, au moins. Tu n'aurais pas grand-chose à perdre.
-Mouais, merci m'man, je vais y penser.

Jenny mangea avec appétit ses crêpes et ses œufs et remonta dans sa chambre. Une fois l'ordinateur allumé, un voyant orange se mit à clignoter au bas de l'écran.

HockeyPlayer36 dit : Salut demoiselle
JennyGirl19dit : Salut mystérieux inconnu
HockeyPlayer36 dit : Pas trop mal à la tête à cause des vapeurs d'essence qu'on a respirées tout l'après-midi, hier?
JennyGirl19 dit : Mal à la tête, oui. Mais pas à cause de l'essence.
HockeyPlayer36 dit : Comment ça?
JennyGirl19 dit : J'ai mal à la tête quand je mon cerveau tourne à cent à l'heure et que je ne dors pas très bien.
HockeyPlayer36 dit : Oh, ça ne va pas?
JennyGirl19 dit : Plus ou moins, disons.
HockeyPlayer36 dit : Puis-je te demander ce qui t'arrive?
JennyGirl19 dit : Si ça ne risque pas de trop t'emmerder…
HockeyPlayer36 dit : Je t'ai déjà emmerdé avec les histoires à propos de mon père… Chacun son tour!
JennyGirl19 dit : Ok, je vais prendre le risque de te faire confiance.
HockeyPlayer36 dit : Merci de l'honneur!
JennyGirl19 dit : Premièrement, j'ai besoin de savoir qui tu es…
HockeyPlayer36 dit : Est-ce vraiment si important?
JennyGirl19 dit : Ça le devient de plus en plus. Tu m'obsèdes! Je sais que tu es soit Kurtis, soit Lucas, soit James… mais je ne sais pas encore très bien le quel des trois.
HockeyPlayer36 dit : Jusqu'à maintenant, tu es très perspicace.
JennyGirl19 dit : Ce n'était pas très difficile : depuis qu'on correspond, vous avez commencé à me parler à l'école aussi. J'ai besoin de savoir pourquoi tu as cherché mon adresse courriel dans le bottin des élèves.
HockeyPlayer36 dit : Je te l'ai déjà dit. Tu es une des seules filles qui ne me court pas après, à l'école. Et dernièrement, j'ai vraiment besoin d'une amie, parce que je vis des moments plutôt difficiles, et ce n'est pas vraiment le genre de sujet que je peux aborder avec les gars. Ta réputation de personne à l'écoute généreuse t'a devancée.
JennyGirl19 dit : D'accord. Donc tu n'as vraiment aucune intention de m'humilier?
HockeyPlayer36 dit : Vraiment pas, s'il y avait quelqu'un à humilier, la balle serait dans ton camp. Mon intention était totalement égoïste, je t'ai quasiment forcé à m'écouter.
JennyGirl19 dit : Mais non, ne dis pas ça!
HockeyPlayer36 dit : Pourquoi ça t'intrigue autant?
JennyGirl19 dit : Ben, je trouve que ma vie à pas mal changé au cours des derniers mois. Depuis que tu as commencé à me parler. Je me demande pourquoi vous me parlez à l'école. Ne serait-ce pas plus facile pour toi de rester incognito si tu ne me parlais pas aussi à l'école?
HockeyPlayer36 dit : Au début de l'année, quand Kurt t'a reculé dessus avec sa chaise à la cafétéria dans une tentative de te voir fuir à grands pas, et que tu lui as lancé des répliques cinglantes par la tête, ça nous a impressionné tous les trois. On s'est rendu compte que tu n'étais pas du genre à te fondre en excuses comme le reste de la masse féminine. Non pas qu'on s'accorde trop d'importance (…ben, peut être un peu, mais on reste des mecs après tout!), mais ça devient tannant à la fin, de ne pas pouvoir se lier d'amitié avec des filles parce qu'elles s'attendent à ce qu'on sorte avec elles. C'est là que j'ai décidé de t'approcher, tu m'as impressionné.
JennyGirl19 dit : Et si jamais je tombais amoureuse de toi?

La réponse se fit attendre; Jenny sentait son interlocuteur perplexe.

HockeyPlayer36 dit :Je saurais au moins que c'est pour une autre raison que mon physique et ma popularité.
JennyGirl19 dit : Je dois t'avouer quelque chose…
HockeyPlayer36 dit : Tu es amoureuse de moi?
JennyGirl19 dit : Non. Je t'apprécie réellement, par contre. Mais ce n'est pas ce que je dois t'avouer. Je crois savoir qui tu es.

HockeyPlayer36 mit quelques minutes à répondre. Jenny remarqua que le voyant «HockeyPlayer36 est en train d'écrire…» apparaissait et disparaissait sans cesse.

HockeyPlayer36 dit : Vraiment?
JennyGirl19 dit : Oui.
HockeyPlayer36 dit : Alors, qui suis-je?
JennyGirl19 dit : Je ne te le dirai pas, comme ça tu garderas un peu de ton mystère, et je ne serai pas trop gênée de te parler à l'école après nos conversations électroniques.
HockeyPlayer36 dit : Ça me va!
JennyGirl19 dit : Est-ce que les deux autres gars savent qu'on discute sur MSN?
HockeyPlayer36 dit : Non.
JennyGirl19 dit : D'accord.
HockeyPlayer36 dit : Et pour ce qui ne va pas?
JennyGirl19 dit : Vous souvenez-vous qu'on a été amis, moi et vous trois, à un moment ou à un autre de notre primaire? Je veux dire, vous vous rappelez au moins qu'on est allés au primaire ensemble?
HockeyPlayer36 dit : Pour ma part, oui! C'est aussi un peu pour cette raison que je t'ai abordée.
JennyGirl19 dit : Heureuse de l'entendre, parce que vous n'y faites jamais allusion! C'était confus pour moi. Je ne savais pas pourquoi vous me parliez. Était-ce parce que, tout d'un coup, vous vous en étiez souvenu, ou bien pour je ne sais trop quelle autre raison.
HockeyPlayer36 dit : Tu as changé, Jenny. Si je ne me trompe pas, les trois premières années du secondaire, tu n'as pas parlé à beaucoup de gens de l'école primaire. Tu n'as pas parlé à beaucoup de gens tout court, à part Kim, Christina et Samantha. Vrai?
JennyGirl19 dit : Vrai… mais c'est une longue histoire.
HockeyPlayer36 dit : Tu as le droit d'avoir tes raisons, je ne te juge pas! Mais avant septembre cette année, si Kurt t'avait abordée de la même façon qu'il l'a fait il y a trois mois, tu te serais probablement confondue en excuses et/ou te serais éloignée la tête basse.
JennyGirl19 dit : On dirait que tu me connais mieux que je le croyais. Ça m'effraie d'ailleurs un peu. As-tu toujours été un aussi grand observateur?
HockeyPlayer36 dit : Oui et non. On est toujours un peu plus observateur quand on trouve qu'une vieille amie a considérablement changé. En septembre, tu es redevenue un peu plus la fille que tu étais avant.
JennyGirl19 dit : Je sais, j'ai disons… vécu dans un monde parallèle pendant un peu trop longtemps, disons-le ainsi.
HockeyPlayer36 dit : Un monde parallèle?
JennyGirl19 dit : J'étais complètement accro à un jeu d'ordinateur en ligne… Voilà, tu es au courant. Je n'en suis pas fière.
HockeyPlayer36 dit : C'est pour ça que tu semblais si distante!
JennyGirl19 dit : En partie, oui.
HockeyPlayer36 dit : Tout s'éclaire.
JennyGirl19 dit : Dis donc, est-ce que tous les mecs sont plus bavards quand leur interlocutrice ignore leur identité?
HockeyPlayer36 dit : C'est bien possible. Les mecs ont un égo de la grosseur du mont Evrest, pour ne pas risquer de devoir reconnaitre leurs torts, ils préfèrent se la fermer et raconter des impertinences.
JennyGirl19 dit : C'est bon à savoir!
HockeyPlayer36 dit : Tu dois maintenant être la seule fille à me connaître sous cet angle, à part ma mère, bien sûr.
JennyGirl19 dit : En parlant d'elle, es-tu allé la voir récemment?
HockeyPlayer36 dit : Oui, elle m'a annoncé qu'elle avait demandé le divorce à mon père. C'est donc le juge qui décidera de chez qui je vais habiter jusqu'à mes dix-huit ans.
JennyGirl19 dit : C'est une bonne nouvelle, non?
HockeyPlayer36 dit : Oui, mais je ne sais pas comment la situation va retourner…
JennyGirl19 dit :Qu'est-ce que tu veux dire?
HockeyPlayer36
dit : Bien, c'est un peu égoïste de ma part, mais si je vais vivre avec ma mère, comme elle gagne moins d'argent que mon père, je ne suis pas certain d'encore pouvoir jouer au hockey l'an prochain… Mais si je reste avec mon père, je vivrai sous pression continuellement.
JennyGirl19 dit :L'école offre des bourses sportives, non? Et ton père devrait payer une pension alimentaire.
HockeyPlayer36
dit : Ouais, c'est vrai pour la pension, mais il n'y a que les joueurs du AAA qui sont éligibles pour les bourses. Il me manque deux A pour y avoir droit.
JennyGirl19 dit :Ouais, je comprends. Mais dis-toi que ta vie avec ta mère serait moins tourmentée.
HockeyPlayer36
dit : C'est vrai… en tout cas, je verrai.
JennyGirl19 dit :Pour l'instant, ne te tracasse pas avec ça. Tu n'y peux pas grand-chose.
HockeyPlayer36
dit : Tu as probablement raison. Hé, viens-tu à la soirée d'Halloween organisée chez Raphael Roy samedi?
JennyGirl19 dit :Je ne savais même pas qu'une soirée était organisée chez lui. En fait, je ne le connais pas vraiment, alors non, je ne crois pas être invitée.
HockeyPlayer36
dit : Pas grave! Je le connais bien, moi. Et ses parents sont en vacances pour la semaine. Ce n'est pas la première fois qu'il organise quelque chose en leur absence. Tout le monde y sera, pourquoi tu ne viendrais pas? Avec Aude.
JennyGirl19 dit :Meh.
HockeyPlayer36
dit : Allez!
JennyGirl19 dit :Je vais y réfléchir!
HockeyPlayer36
dit : D'accord. C'est mieux qu'un non catégorique!
JennyGirl19 dit :Pourquoi tu veux tant que j'y sois?
HockeyPlayer36
dit : Tu poses trop de questions! Ça serait amusant que tu viennes, c'est tout!
JennyGirl19 dit :D'accord, d'accord. Je vais y penser.
HockeyPlayer36
dit : Bon!
JennyGirl19 dit : Au fait, je suis désolée, mais je vais devoir te laisser. Je dois appeler Aude pour savoir comment s'est passée sa soirée d'hier avec Alex!
HockeyPlayer36
dit : D'accord, mais je veux tout savoir après!
JennyGirl19 dit :On verra!
HockeyPlayer36
dit : Ok, bonne fin de journée!
JennyGirl19 dit :Merci, toi aussi.

Jenny mit son statut MSN à « absente » et attrapa le combiné du téléphone, mais avant qu'elle eut le temps de commencer à composer, celui-ci se mit à sonner à plein volume.

-Allô?
-Jen, c'est Aude.
-Hé, j'allais justement t'appeler. Ça va?
-J'sais pas trop. Tu peux venir me rejoindre chez Tim Horton's dans quinze minutes?
-Oui, pas de problème. Tout va bien?
-J'suis pas certaine… À tantôt.
-Mais…?

Trop tard, Aude avait déjà raccroché. Jenny revêtit le premier manteau qui lui tomba sous la main, puis, après avoir dit à ses parents qu'elle partait voir Aude, sortit en trombe. Une seconde à l'extérieur lui permit de réaliser que l'automne s'était bel et bien installé, et que son petit manteau mince ne la protégeait plus du froid. Elle rouvrit la porte de la maison et enfila son manteau d'hiver, un foulard et des gants plus chauds. Ce n'est qu'en suite qu'elle s'aventura dehors à nouveau. Il ne devait pas faire plus de six degrés, sans parler du vent nordique, et elle devait marcher dix minutes avant d'arriver à destination. Ce n'était pas le pôle Nord, mais c'était quand même le Québec, et les hivers y étaient sans scrupule. Le temps humide les rendait d'autant plus désagréables.

Jenny entra finalement dans le café typiquement canadien et y retrouva son amie assise à une table éloignée de l'entrée, le regard tourbillonnant au rythme de sa cuillère dans sa tasse de café. Elle lui fit un signe de main et s'arrêta au comptoir pour commander un chocolat chaud et deux beignets. Les mains pleines, Jenny alla finalement rejoindre Aude, et poussa vers elle l'assiette contenant le beignet aux framboises.

-J'ai pris ton préféré. Ça me semble être une situation nécessitant le réconfort d'une bonne pâtisserie.
-Merci, mais j'ai pas très faim.
-Alors, qu'est-ce qui s'est passé hier?
-Bah c'est Alex, là.
-Oui, ça, je m'en doute bien, mais qu'est-ce qu'il a fait? Ou dit?
-Le souper s'est bien passé, c'est par après que ça s'est gâché…
-Qu'est-ce que tu veux dire par « gâché »? Commence par le début, je comprends rien!
-Ben… après le karting, il est venu me chercher à l'école. Jusque-là, ça va?
-Oui, oui. C'est après qui m'intrigue.
-Bon, il m'a amenée chez Pacini, au centre d'achats. Il était super amical, comme à son habitude. Il m'a offert de payer le repas, mais j'ai refusé. J'ai l'impression qu'il me paterne, quand il me paie des trucs. Il m'a demandé comment s'était passée la journée et tout le tralala. Je lui ai raconté qu'on s'était bien marrées avec James, Kurtis et Lucas. À ce moment-là, j'ai eu l'impression que son regard s'est assombri.
-Dans quel sens?
-Comme s'il s'en voulait de ne pas avoir le même âge que nous, ou j'sais pas quoi. Comme s'il regrettait quelque chose, plutôt.
-Ok. Et jusque-là, ça allait?
-Oui et non. Il m'a demandé si un des gars m'intéressait. Je lui ai dit que non. Et c'est là qu'il s'est mis à dire plein de choses étranges.
-Quel genre de choses étranges? T'es pas claire, là!
-Ben, comme quoi il m'a toujours bien aimée, et qu'il aimerait trouver une fille comme moi avec qui construire une relation solide. C'était clairement une déclaration indirecte. Peut-être qu'il s'attendait à ce que je lui dise que je cherchais quelqu'un comme lui, ou j'sais pas quoi.
-Mais c'est génial! De toute façon, t'as toujours eu un œil sur lui, non?
-Oui, mais en même temps, j'espérais que ce ne soit jamais réciproque. Ou du moins, pas avant quelques années.
-Mais pourquoi?
-J'ai seize ans, même pas bientôt dix-sept. Et lui, il va en avoir vingt-quatre dans deux mois.
-C'est vrai que l'écart est grand, mais tu le connais! Tu sais qu'il t'aime vraiment! C'est pas comme s'il s'intéressait à toi pour ton tour de poitrine. S'il voulait juste coucher avec toi, il se serait pas donné tant de mal. Et de toute manière, c'est Alex, il est pas comme ça.
-Oui, mais on n'est pas rendus au même endroit, dans la vie! J'ai zéro expérience en amour! Lui, il a déjà eu une ou deux copines.
-Bah, jamais rien de sérieux malgré tout!
-Mais quand même! Il est pas puceau, lui! Son adolescence est terminée, il est a vécues ses expériences de jeunesse! Il termine l'université et je n'ai pas encore fini le secondaire!
-Ouais, je vois ce qui te dérange. Mais c'est Alex! Depuis le début, vous êtes destinés à finir vos jours ensemble!
-Peut-être qu'il m'aime. Peut-être que je l'aime. Mais ça marcherait pas entre nous si on commençait tout de suite. Peut-être quand j'aurai vingt ans et qu'il en aura vingt-sept, mais encore là, l'écart me semble immense.
-En tout cas, on peut pas dire que tu décides sur un coup de tête, hein!
-Non, mais je te dis tout ça, mais j'en crois même pas la moitié. Tout ce que je te dis, c'est « en théorie ». En pratique, je suis la fille la plus confuse du monde.
-Je comprends…

Aude daigna enfin toucher à son beignet. Elle l'émietta plus qu'elle le mangea, mais Jenny vit le geste comme un bon signe : Aude n'arrivait jamais à avaler quoi que ce soit quand elle était trop préoccupée. Le fait qu'elle grignote signifiait que le poids de la confidence pesait moins lourd sur sa conscience. Jenny, qui avait déjà englouti sa pâtisserie, se leva pour aller en commander une autre au comptoir.

-Tu sais que des milliers de filles tueraient pour être à ta place? lui lança Aude.
-Commença? demanda Jenny, la bouche pleine.
-Tu peux engloutir tout ce que tu veux, sans jamais prendre une livre!
-J'avoue que j'ai un métabolisme d'enfer!
-Profites-en, elles disent toutes que ça change avec les années.
-C'est ce que je fais, ma chère!

Jenny reprit une bouchée de beignet et les deux amies éclatèrent de rire.

-Heureuse de te voir sourire. T'aurais dû te voir l'air, tantôt, quand je suis arrivée!
-Ouais, je sais pas du tout comment ça va finir, cette histoire, mais ça m'a fait du bien d'en parler.
-Je comprends. Je sais tellement pas quoi te dire. Prends le temps d'y penser comme il faut, et tu peux m'en reparler quand tu veux.
-D'accord.
-Au fait, tu sais pas quoi!
-Non, quoi?
-HockeyPlayer36 nous a invitées à une fête d'Halloween chez Raphael Roy, samedi soir prochain.
-Mais on lui parle jamais, à Raphael.
-C'est ce que j'ai répondu, mais il a insisté pour qu'on vienne quand même.
-Bah, ça pourrait être amusant. Et ça pourrait surtout me changer les idées.
-Ah non, j'espérais que tu me dises que ça te tentait pas plus qu'il faut…
-Hahaha, tu t'es fait avoir! Allez, ça va être drôle, et on va pouvoir se déguiser!

Elles continuèrent à discuter pendant un moment, et prirent chacune la direction de leur demeure respective aux alentours de seize heures trente.

Le reste de la fin de semaine fut plutôt tranquille pour Jenny. Elle lut plus de la moitié du roman au choix qu'elle devait lire pour le jeudi suivant. Son enseignante la trouvait étrange : Jenny adorait lire, mais quand arrivaient les lectures obligatoires du programme de français, elle n'arrivait pas à en terminer un seul. Le problème était qu'elle adorait lire les livres qui attiraient son attention, piquaient sa curiosité, éveillait son sens de l'intrigue, et rares étaient les livres obligatoires qui y arrivaient. Elle les commençait toujours, par bonne volonté, mais ne les terminait que très rarement. Ses résultats scolaires en soufraient donc un peu.

Lundi s'avéra être une journée pluvieuse. Heureusement, la température était remontée au dessus des dix degrés Celsius, évitant de peu une bronchite à tout le monde. À l'école, les étudiants semblaient tous être sur le point de s'endormir. Vers midi, à la fin du dernier cours de l'avant-midi, Jenny et Aude discutaient à voix basse quand Lucas les a abordées :

-Hé, venez-vous à la fête d'Halloween chez Raph, samedi prochain?
-On a déjà reçu l'invitation! répondit malicieusement Aude.
-Ah oui? Alors, venez-vous?
-Peut… commença Jenny.
-Oui, la coupa Aude, tout sourire.
-Meh, souffla Jenny.
-Ah allez! l'encouragea Lucas. Ça va être drôle!
-Mouais, je vais y penser.

C'estdoncbienplaisantdesefaireprier! pensa Jenny. Yallernepeutpasmetueretjesauraidequellesoiréetoutlemondeparlerapendantleprochainmois,aulieuderesterdansl'ignorance.Ohetpuismerde,j'irai!

-D'accord, je viendrai. Mais t'as intérêt à ne pas me laisser tomber, Aude. Je ne connaîtrai personne d'autre, là-bas.
-Et moi? répliqua Lucas.
-Ah ouais, comme si t'avais juste ça à faire, me désennuyer pendant une soirée!
-Pourquoi pas, tu l'as déjà fait pour moi, non? dit-il en faisant référence à leur soirée cinéma improvisée.
-Mouais, vu comme ça! C'est un marché, si Aude m'abandonne, tu es pris pour t'occuper de moi toute la soirée!

Elle lui tendit la main, signe d'entente. Quand il la saisit et l'agita, elle ne put réprimer un frisson. Tombait-elle amoureuse de lui? Encore?