Chapitre 13
Perdre son calme
Il y a un moment pendant lequel Lyam ne réagit pas. Ce qui convient tout à fait. J'en profite pour resserrer ma prise sur son cou. Il devient violet avant que l'information ne se rende à son cerveau que mes menaces sont à prendre très au sérieux. Sa faible tentative pour se dégager est tout à fait risible. Il tourne au bleu et est à deux doigts de s'évanouir quand une douleur violente me foudroie sur place. Je suppose qu'étrangler un membre de l'équipe va à l'encontre du serment que j'ai prêté de tout faire pour réussir cette mission.
Bien que mon envie de meurtres n'ait en rien été épanchée, la brûlure dans ma tête prend rapidement plus d'importance que le cou de Lyam, le sauvant de la mort imminente qui le menaçait. Je le laisse aller pour agripper ma pauvre tête où mon cerveau ne parvient plus à faire le point sur la situation et maintient que le sol tangue. J'en perds l'équilibre et tombe à genoux avec la grâce d'un ivrogne. Mon estomac entre dans la danse quand le mal de mer vient s'ajouter au reste. La cerise sur le gâteau reste les pas du reste de l'équipe courant vers nous et résonnant dans ma tête comme autant de coups de cloches, pensez ici cloche de deux mètres de hauts genre Notre Dame de Paris et moi dessous pendant que ça sonne. Je vous épargne l'effet qu'ont leurs cris, menaces et autres jurons et passe directement à la partie où je rends mon petit dèj sur le trottoir. À deux pas de moi Kelig émet un cri dégoûté qui se fiche dans ma pauvre tête comme une flèche chauffée à blanc. Tom demande des explications à Lyam et chacun de ses mots est comme un coup de marteau. Mon état actuel ne m'empêche en rien de regretter de ne pas pouvoir leur dire exactement à quel point j'aimerais qu'ils la ferment.
Quand mon corps recommence enfin à m'obéir ma gorge est à vif, mon visage est couverts de larmes et de trucs moins ragoûtants et le reste de mon corps de sueur. Je rêve d'une douche et d'une brosse à dent recouverte d'une montagne de dentifrice. À la place Tom me tend un mouchoir. La vue du carré de papier blanc m'énerve. La situation actuelle m'énerve. Les chuchotements de Kelig et Lyam m'énervent. Les yeux écarquillés de Frank qui s'écartent immédiatement des miens quand nos regards se croisent m'énervent.
Dommage qu'il soit difficile d'irradier la colère quand on est à genoux sur l'asphalte, une bouillie puante et tout à fait repoussante devant soi et des larmes plein les yeux. Mon humiliation est complète quand j'essaie de me relever et que Tom me rattrape de justesse quand mes genoux tremblants me laissent tomber. Je me fiche qu'il vienne de me sauver d'un plongeon dans mon propre vomi, son intervention ne fait qu'ajouter à ma frustration.
- À quoi vous jouez tous les deux. Demande Tom.
Jouer, je t'en ficherais des jeux moi.
- Pas tes oignons!
Ma voix est rauque et les mots m'écorchent la gorge. D'un geste rageur, j'arrache le mouchoir qu'il me tend et m'essuie la bouche. Je tuerais pour pouvoir me rincer la bouche. Le trio des idiots ne saurait même pas ce qui s'est passé avant de se retrouver dans l'autre monde et ensuite j'irais cracher sur leur tombe. Mais on ne me laisse pas m'immerger dans ma petite fantaisie. Tom est en train de dire quelque chose sur un ton que je n'apprécie pas du tout. Ils n'ont pas compris que j'aimerais qu'on me fiche la paix!?
- LA FERME!
Malgré le retour de la migraine, la surprise sur les visages du trio vaut le coup. Et ce qui est encore mieux c'est que la surprise ne dure que le temps pour Tom de se mettre en colère. Oh! pour le moment il essaie de se reprendre, mais je suis sûr que je peux lui faire perdre son calme complètement. Lyam me donne une très belle opportunité lorsqu'il prend la parole. À voir les regards inquiets qu'il jette en direction de Tom, il doit avoir repéré le danger.
- Corvo calmes-toi. On a des problèmes plus pressants à régler.
- J'ai pas de conseils à recevoir du schizo de service.
Ça, ça fait refermer son clapet à Lyam avec un claquement sec. Son mouvement de recul me fait sourire jusqu'aux oreilles. La bouche de Tom par contre est pincée au point que ses lèvres sont deux lignes blanches. Va-y mon vieux, énerve-toi. Et grouille parce que j'ai l'impression qu'on est en train de me passer des lames de rasoir partout sur le corps. Mais Tom ne bouge pas. Un dernier petit coups de main?
- Dans le fond, vous êtes vraiment pitoyables tous les trois. À vous précipiter ici pour suivre les ordres…
Une douleur aiguë au niveau de la poitrine me coupe le souffle et m'empêche de continuer. Parler de la mission devant témoin n'est pas considéré comme aider non plus si je comprends bien. La douleur s'intensifie quand je rouvre la bouche mais je l'ignore. Je parie que Tom a une méchante droite, il faut absolument que je vérifie ça.
- Dans le fond vous me faites pitié…
Cette fois la douleur est plutôt concentrée au niveau de mon nez. Ce qui est bizarre parce que je ne vois pas en quoi ça va m'empêcher de parler. Et puis le deuxième coup s'abat, me faisant plier en deux et éjectant tout l'air de mes poumons. Tom a effectivement une méchante droite, mais c'est de sa gauche dont il faut se méfier.
Kelig se trouve soudain devant moi. Lyam est en train de bouger aussi. Tout mon corps me fait mal, j'ai l'impression d'avoir été aspergé d'eau bouillante et percé d'aiguilles à cause de cette fichu malédiction, y'a pas moyen de reprendre mon souffle, mais qu'est-ce que je me sens vivant. Ma colère s'est transformée en autre chose, une sorte d'excitation fébrile qui me fait trembler et me donne envie d'éclater de rire en même temps. D'ailleurs je n'essaie même pas de me retenir. Pendant que Tom essaie désespérément d'échapper à Kelig et Lyam je me paie la plus grosse tranche de rigolade de mon existence. Et c'est libérateur. Je ris tellement que mes côtes se joignent à la longue listes des choses qui font mal et que je manque m'évanouir à cause de l'absence d'oxygène. Mais je n'en ai rien à fiche, pas plus que des regards inquiets de Frank ou des tentatives redoublées de Tom pour m'atteindre. Quand Kelig me traite de fou, je ris de plus belle. Je ris jusqu'à ce que l'épuisement me force à m'adosser à un mur.
Tom a maintenant l'air d'un fou furieux. Complet jusqu'à l'écume aux lèvres. Je ne doute pas une seconde que si Kelig ou Lyam arrêtent de le retenir, je vais passer le plus sale quart d'heure de mon existence. Pas parce qu'il est particulièrement costaud, mais parce que, comme démontré plus tôt, je ne peux pas me défendre. Déjà rien que continuer à sourire en sachant que ça l'énerve envoie des petits aiguillons de douleur jusqu'à mon cerveau. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Je suis devant la cage du tigre, et tout ce à quoi je peux penser c'est de passer ma main à travers les barreaux pou lui tirer les moustaches.
Tom ne tient pas aussi longtemps contre ses collègues que je l'avais espéré. Ses mouvements se font lents et lourds jusqu'à ce qu'il arrête complètement. Je serais presque déçu par son manque d'endurance s'il n'y avait cette lueur dans ses yeux. Il s'immobilise, demande calmement aux deux autres de le lâcher. Lyam et Kelig ne voient rien du tout et le laissent aller. Appuyé contre mon mur, je le regarde s'approcher lentement de moi. Il s'arrêter à une distance de bras, ses yeux sont encore pleins de colère. Si j'esquisse le moindre mouvement, si la moindre remarque s'échappe de mes lèvres, je suis un homme mort. Et parce que rien ne me ferait plus plaisir en ce moment, j'ai l'impression que mes membres pèsent des tonnes et que mes poumons sont compressés dans ma poitrine, m'immobilisant plus efficacement que n'importe quel menace ou que n'importe quelle corde. Mon sourire me quitte lentement. Je déteste quand je ne peux pas gagner. Tom me foudroie du regard et tout ce que je peux faire, c'est baisser la tête.
- On peu y aller? Demande Frank.
Sa nervosité semble avoir doublé durant les dix dernières minutes. Maintenant nous avons droit aux mêmes petits regards en coin qu'il réservait auparavant aux possibles embûches du chemin.
Sans me quitter des yeux Tom lui demande de s'éloigner un peu.
- Il faut qu'on parle. On n'en a pas pour longtemps. Ajoute-t-il d'une voix à la douceur trompeuse. Frank s'éloigne sans protester, même si je peux voir depuis sous ma frange qu'il en meurt d'envie.
- Qu'est ce qui vient de se passer? Demande Kelig quand les oreilles indiscrètes de notre guide ne sont plus à portée.
Il ne parle pas que de l'histoire avec Lyam. En tant que seul membre du groupe ayant échappé à la soudaine montée de violence, sa question est plutôt "mais quelle genre de folie s'est emparée de vous tous?" Avec ajout d'un "putain" bien sentit quelque part là dedans. Tous les yeux se posent sur moi. Après tout j'ai commencé. Il y a une petite voix insistante dans le fond de ma tête qui me conseille fortement de réparer les dégâts que je viens de faire. Elle promet des montagnes de peines dans le cas contraire. Et ma colère, qui s'était pourtant bien calmée pendant mes éclats de rire, fait une remontée en force.
- C'est pas juste. Je murmure à l'intention de la voix. Et assez fort pour que les autres m'entendent puisque Tom me demande d'entre ses dents serrées de quoi je parle exactement.
Dans un monde idéal c'est maintenant que je leur dirais d'aller se faire voir et que je partirais en boudant. Je me défoulerait sur le premier venu et une fois calmé je reviendrais. Dans un monde idéal… Mais qui suis-je en train d'essayer de tromper? Dans un monde idéal, je serais toujours en train de fixer stupidement un mur blanc, un filet de bave aux lèvres.
Dans ce monde-ci, je serre les dents et je ravale ma colère. Péniblement.
- Je suis désolé de ce qui vient de se passer. Je grogne entre mes dents. Cela ne se reproduira plus.
Kelig secoue la tête.
- Seulement des mots. Et ils n'expliquent rien.
Je le fixe droit dans les yeux.
- Que des mots? Votre patron a pris la peine de me faire jurer que je remplirais cette fichue mission. Vous pensez que c'était juste pour le plaisir?
Le trio échange des regards en coins et j'ai l'impression de manquer une conversation complète. Ils ont quand même l'air sceptique quand ils arrêtent leur dialogue muet. Sauf que je ne peux pas leur expliquer pourquoi leur faire du mal serait plus douloureux pour moi que pour eux. Et je ne veux pas leur expliquer pourquoi j'étais si décidé à transformer Lyam en schtroumpf. Il ne reste qu'à reprendre la route.
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Disclaimer :
Tous les personnages sont à moi. Le concept des super prisons aussi. Je prête pas, je donne pas et je me complais dans mon égoïsme, na !
Blabla : Ma maman a servi de beta pour ce chapitre. Yay! Sauf que du coup j'ai pu réaliser à quel point je laisse des fautes débiles. Snif. Ça et à quel point ce chapitre est en fait un filler qui ne fait pas vraiment avancer l'histoire. Mais je sais déjà que mes deux plus grands défauts sont que je me laisse emporter trop facilement (en fait c'est limite si je ne découvre pas l'histoire en même temps que vous, je n'ai aucun contrôle sur ces personnages T_T alors quand ça se combine avec un manque d'idée sur quoi écrire pour la suite ça part facilement en délire débile qu'a rien à voire) et que je ne suis pas assez forte pour me débarrasser des morceaux qui ne servent pas l'histoire. Par exemple, on pourrait très bien se débarrasser de ce chapitre et personne ne se rendrait compte de rien T_T mais je ne le ferais pas par ce qu'il m'a demandé trop de travail et je l'aaiiime o.O
Je trouve que ça nous en apprend un tout petit peu plus sur le caractère de Corvo (et des autres). Du moins c'est la seule bonne excuse que j'ai pu trouver pour oser poster ce chapitre sans avoir mauvais conscience.
Réponses aux reviews :
Lyanna Erren: Je peux déjà te rassurer, il n'y a pas de vieux couple dans cette histoire. La réponse est en fait très différente. Je ne sais pas par contre si ça devient vraiment plus compliqué. Vu l'inutilité complète de ce chapitre seule la suite nous le dira. Merci d'avoir pris la peine de reprendre cette histoire et de m'avoir laissé une review. Ça m'a fait très plaisir.