Auteur : sofi
Genre : hétero, mignon tout plein
Propriété : à moi
DON'T GO KNOCKIN' ON MY DOOR
La télévision était allumée et les yeux allant de l'écran au pot de crème glacée, Charlotte s'emmitoufla dans la couverture. Il faisait vraiment froid pour un mois de novembre.
Ils auraient dû fêter leurs sept ans aujourd'hui.
oOo
Quatre mois auparavant.
Elle arrivait tout droit du laboratoire d'analyse. Ils venaient de lui confirmer sa grossesse et elle voulait apprendre cette heureuse nouvelle sans plus de délai à Arnaud. Charlotte gara la voiture dans le parking souterrain de l'entreprise de son fiancé. Elle se dirigeait vers l'ascenseur lorsqu'elle entendit des gloussements.
- Arrête, j'ai entendu une voiture, on pourrait nous voir !
Charlotte pesta en riant contre les amoureux sans-gêne et elle aurait passé son chemin si la voix masculine ne lui avait pas déchiré le cœur.
- Et au cinéma, tu te fichais bien qu'on nous voit, non ?
Arnaud ?
Elle se glissa discrètement dans la direction des voix des amants pour découvrir une jeune femme blonde – dans laquelle elle reconnut la secrétaire de son futur mari – assise sur le capot d'une voiture. Arnaud était collé contre elle et lui mordillait le cou.
Charlotte recula sans faire de bruit. La main devant la bouche pour ne pas crier.
Dans sa voiture, elle composa le numéro de son frère en tremblant. Lorsqu'il décrocha, elle dit d'une voix blanche :
- Viens. Avec des cartons. Le camion. Et quelques amis.
Antoine ne lui posa pas de questions et lui dit qu'ils feraient vite.
Elle était en train de remplir ses valises et d'empaqueter ses effets personnels quand elle entendit la porte s'ouvrir.
- Charlotte ? Tu es déjà là ?
Elle ravala ses sanglots et répondit :
- Plus pour longtemps.
- Charlotte qu'est-ce qu'il y a ? Tu pars en voyage d'affaire ?
- Je pars de ta vie.
- Mais ? Et notre mariage ?
- Tu en feras un magnifique avec Katia.
- Écoute, ce n'est pas ce que tu crois…
L'interphone empêcha Charlotte de répondre à ce lieu commun désolant. Antoine était venu avec trois copains et un nombre considérable de sacs… à défaut de cartons.
- On embarque quoi ?
- Le bureau et l'ordinateur, les deux bibliothèques et leur contenu. Je peux laisser le reste ici.
Un ami de son frère écarquilla les yeux en montrant deux meubles qui couvraient toute la longueur du salon. Des tonnes de livres sur l'art, l'architecture et le design les remplissaient.
- CA ? Ok, ok, on s'y met.
Arnaud était resté dans l'entrée bouche bée. Il attrapa la jeune femme par le bras.
- Mais Charlotte ? Je…
- Tu gardes tes explications foireuses et tu m'aides à faire les papiers pour l'assurance et le gaz.
- Mais pourquoi ?
- Tu pelotais ta secrétaire sur la voiture ! Alors qu'on allait envoyer les faire part de mariage dans trois jours !
- Je suis désolé…
- Moi aussi.
Charlotte se retourna vers Antoine :
- Et doucement avec l'ordinateur ! J'ai plus d'un mois de salaire dedans !
oOo
Elle avait donc regagné l'appartement qu'elle prêtait à son petit frère pour ses études. La vie avec Antoine lui avait permis de tenir bon mais il venait de partir en Allemagne pour son master de droit.
Et Charlotte se retrouvait seule.
C'est pour cela qu'elle s'empiffrait de glace à la fraise en regardant « la Belle et la Bête » de Walt Disney.
Elle ne voulait pas pleurer sur sa vie. Son mariage raté, sa grossesse en solitaire.
Ses trente ans qu'elle fêterait en janvier.
Alors elle regardait la Belle valser avec la Bête en retenant ses larmes.
Elle sursauta quand on frappa à sa porte. Intriguée, elle mit le film en pause, laissa la couverture et le pot de glace sur le canapé et alla ouvrir.
Vincent se recoiffa en se servant de la vitrine de l'agence immobilière comme miroir. Des cheveux blonds magnifiques qui lui arrivaient un peu plus bas que les épaules. Le jeune homme en était très fier. Comme du reste de sa personne d'ailleurs.
Beaucoup de ses ex vous auraient dit qu'il passait plus de temps à s'occuper de sa chevelure qu'elles même ne le faisaient… et certaines auraient ajouté qu'il s'occupait plus de ses cheveux que d'elles tout court.
Il assortissait souvent ses chemises au bleu turquoise de ses yeux. Sa carrure sportive était entretenue avec la pratique assidue de la natation.
Il salua sa collègue qui verrouillait la grille, mit son casque et enfourcha sa moto.
« Allez plus qu'un jour avant le week-end. » se dit-il en démarrant la cylindrée. Il évita les embouteillages en slalomant entre les voitures et arriva enfin devant son immeuble. L'homme referma la porte de son garage et monta les 5 étages à pied. Alors qu'il allait entrer chez lui, il vit que son voisin avait laissé les clefs sur la porte. Il toqua doucement et quelques secondes après, entendit des bruits de pas. La personne qui lui ouvrit n'avait pas grand-chose à voir avec le jeune homme musclé aux yeux toujours rieurs qu'il avait rencontré plusieurs fois.
D'abord c'était une jeune fille. Ensuite elle s'habillait… avec un manque de goût évident. Son pantalon en jean, trois fois trop grand, lui descendait sur les hanches et bien qu'elle le remontait toutes les dix secondes, il finissait par laisser voir le début d'un sous-vêtement noir. Ses chaussettes étaient vertes à rayures mauves. Et le t-shirt, à peine trop petit, était orné d'un nounours qui aurait pu être mignon si il n'était pas menotté à un lit avec comme légende « Joue avec moi ! ».
Quant au visage… le teint terne, pas maquillé, les cheveux en bataille.
Et puis il croisa son regard… Deux lacs noirs qui faisaient oublier tout le reste.
- Bonsoir ? » Demanda-t-elle en ramenant derrière son oreille droite une mèche rebelle qui lui barrait l'oeil. Vincent, stupéfié de découvrir un code barre au niveau de la jugulaire, ouvrit la bouche pour la refermer. Il eut tout de même la présence d'esprit de montrer le trousseau de clefs qui pendait du mauvais côté.
- Oh ? Je dois vraiment être fatiguée, je vous remercie.
- Excuse-moi mais le jeune homme qui….
- Antoine est parti à Berlin. Vous êtes un des ses amis ?
- Non, j'habite en face c'est tout.
Cette simple phrase fit naître un léger sourire sur le visage de la jeune fille.
- Qu'y a-t-il de drôle ?
- Mon petit frère m'a très souvent parlé de vous…
Elle fouilla dans une de ses poches, en sortit un portable sur lequel elle pianota un peu avant de lui tendre.
- Ça c'est le dernier qu'il m'a envoyé.
Vincent lut avec effarement le texto : « Ai croisé V dans ascenseur. L'aurai violé si une nana ne se frottait pas déjà contre lui… la prochaine fois il y passe ! »
La première chose qu'il réussit à articuler fut :
- C'est flatteur… mais V ?
- Pour Voisin.
- Parce que je m'appelle Vincent. Vincent van Gelder.
- Charlotte Cavalcasselle. Enchantée.
Le jeune homme lui fit un sourire charmeur.
- J'espère pouvoir prendre l'ascenseur sans que tu me sautes dessus.
- Je n'aime pas les cheveux gras. En tout cas merci pour les clefs.
Et elle referma la porte.
Vincent resta quelques secondes sans bouger.
Gras ses cheveux ? Elle n'y connaissait rien ! C'était un gel spécial qui donnait un aspect mouillé !
Puis il se rendit compte que c'était la première fois qu'une personne de sexe féminin ne cherchait pas à le séduire. Il entra dans son appartement en se disant que non, décidément, il n'aurait pas aimé qu'une ado lui fasse des avances.
Surtout si elle critiquait ses cheveux.
Le lendemain matin, alors que le blond sortait de sa douche, il jeta un coup d'œil rageur au petit pot de gel qu'il payait une fortune et l'ignora superbement. Il tressa ses cheveux et s'habilla en grommelant. Il arriva à l'agence d'une humeur massacrante et lorsque Christelle lui demanda : « Mais qu'est-ce que tu as fait à tes cheveux ? », c'est en lui lançant un regard noir qu'il répondit « Je les ai lavés ! ». Puis il s'enferma dans son bureau, non sans claquer la porte.
Et comme le mauvais sort s'acharnait sur Vincent, il ne se passa pas un jour de cette semaine sans qu'il ne croise sa voisine. Qui l'ignorait superbement... tout au plus lui lançait-elle un "bonjour" ennuyé.
Comme elle venait de faire à l'instant, alors qu'il rentrait d'une journée qui aurai difficilement pu être plus mauvaise.
L'homme se laissa tomber dans un fauteuil et se prit la tête entre les mains.
Pourquoi cette gamine ne lui sortait pas de l'esprit ? Jusqu'à venir hanter ses rêves ?
Gamine ? N'avait-elle pas dit en parlant de l'obsédé qui lui avait servi de voisin « petit frère » ?
RHAAAAAAAAAA !
Il devait arrêter de penser à elle.
oOo
Le samedi soir, ce fut avec beaucoup de surprise que Charlie (surnom affectueux que lui donnaient ses amis les plus proches) entendit la sonnette retentir. Elle soupira et alla ouvrir. C'était son « charmant » voisin. Charmant était d'ailleurs le nom qu'elle lui avait donné tellement il semblait creux et prétentieux.
Oui, elle avait passé l'âge de regarder des dessins animés, mais oui elle riait comme une enfant aux facéties de l'âne dans Shrek. Arnaud lui reprochait assez souvent de ne pas vouloir grandir.
Elle retint un autre soupir et dit d'une voix lasse.
- Bonsoir ?
- Bonsoir… je me demandais si tu aimerais dîner avec moi...
- Ce soir ?
- Oui.
- Je suis navrée mais j'attends des amis. Nous allons nous immoler lors d'un suicide collectif dans le bois à côté. Passez une bonne soirée.
Et elle ferma la porte.
La jeune femme dut aller à l'autre bout de l'appartement pour pouvoir rire en paix tellement l'air ahuri de Vincent était drôle.
Par tous les dieux qu'elle n'aimait pas sa suffisance.
Assez penser à lui, elle devait se préparer pour la soirée. Pascale avait profité d'une compétition de judo de son mari pour donner à garder les jumeaux et enfin se faire le restaurant qu'elles se prévoyaient depuis deux mois.
Les deux femmes s'étaient rencontrées en primaire et ne s'étaient plus quittées malgré les aléas de la vie. Ensemble elles avaient affrontés les premiers problèmes mensuels, les premiers béguins, les premières boums, les premières peines de coeur… et toutes celles d'après.
La vie n'est pas un long fleuve tranquille et rien n'aurait pu faire oublier à Charlotte que son amie avait été là dans les bons moments comme dans les mauvais.
Après le resto, la soirée se continua chez Pascale, en compagnie de Suzane (sa maman qui venait de coucher les jumeaux et qui considérait Charlie comme sa seconde fille) et de Patrick (qui avait fini troisième de sa catégorie). Ils se couchèrent tard et le lendemain, profitant du soleil qui était enfin réapparu, ils firent une longue randonnée en forêt. Charlotte chahuta beaucoup avec les enfants et rentra épuisée de son week-end.
Un des meilleurs qu'elle ait passé depuis sa séparation.
Le mardi soir, il était vingt-deux heure passées lorsque la jeune femme rentra chez elle. Un couple de hollandais avait acheté un vieux manoir et, ayant entendu parler de la renommée du cabinet Smith& Cavalcasselle, lui demandait de faire le devis pour la remise en état de leur acquisition. Charlie s'était donc rendue au manoir avec ses (peut-être) futurs clients. Elle comprit pourquoi les van Eyks avait eu le coup de foudre pour la demeure : le parc, à moitié sauvage, était magnifique, et le manoir avait un cachet fou.
Elle avait pris des notes sur les réparations à faire et avait aussi embarqué les plans du bâtiment. Seul bémol à ce manoir : il était à deux heures de route de chez elle.
C'est donc exténuée et la tête dans le 16ème siècle qu'elle jeta un coup d'œil à sa boîte au lettres. Vide. Elle appela l'ascenseur et se replongea dans ses notes : si la toiture avait l'air encore en bon état il fallait refaire toute la plomberie… sans parler de l'électricité qui datait de plus de cinquante ans. Et vu la surface de…
- Bonsoir !
La jeune architecte d'intérieure sursauta et leva les yeux. Charmant.
- Bonsoir.
- Tu rentres tard, dis-moi.
- Mhmmm. Vous aussi.
- Entraînement. » Dit-il en montrant son sac de sport.
L'ascenseur s'ouvrit et ils montèrent tous deux dedans. Charlie déroula un des plans…
- Si on supprime ce mur là… on pourrait… Non, ça va casser tout le volume de… Mui ...alors...
DING !
Ils étaient arrivés. Toujours dans ses plans, Charlotte inséra la clef dans la porte et entra chez elle.
- Excuse moi, mais…
- Quoi encore ?
- Pour l'immolation de samedi dernier ?
La jeune femme se retourna intriguée avant de répondre :
- Oh, il faisait trop humide, le feu n'a pas pris.
- La prochaine fois, tu m'inviteras ? J'apporterai des guimauves.
Charlotte lui sourit, sincèrement. Son humour – pour une fois qu'il en faisait – lui plaisait.
- J'y penserai . Promis.
Et elle ferma la porte.
A suivre...