Titre : Aux hommes de bonne volonté – Bonne année (3/3)
Auteur : Meanne77
Genre : Flangst. Et un peu de vulgarité (ils n'ont pas appris à parler chastement entre eux, je m'excuse pour le langage utilisé).
Claimer : à moi, à moi, mouhahaha ! Désolée, je m'égare…
Dédicace : à Laède, sans qui ils n'auraient pas vu le jour et à Shakes, mon pingouin malouin.
Aux hommes de bonne volonté
… Bonne année
« Gaël… Gaël… Allez, réveille-toi !
– Hmm…
– Alleeeez…
– Hm.
– Gaël… Si tu veux qu'on parte aujourd'hui, faut qu'on rende la chambre avant 10 heures… »
Gaël poussa un long soupir et ouvrit péniblement les yeux. Penché au-dessus de lui, Akim lui sourit.
« Hello, Sunshine… »
Gaël trouva la force de lever les yeux au ciel.
« Je me sens vachement comme un rayon de soleil, c'est clair… »
Le sourire d'Akim s'accentua.
« Ça y est, tu émerges ?
– Hum… Quelle heure il est ?
– 9 heures passées. »
Gaël poussa un second long soupir.
« Tu vas te doucher et je m'occupe de faire nos sacs ? proposa Akim.
– Ok…
– Allez, debout ma poule ! Remue ton joli derrière ! »
Gaël grogna et se leva bon gré mal gré. Akim le regarda disparaître dans la douche en titubant. Joli derrière, oui, mais toujours aussi difficile à faire se lever…
x-x
Akim l'attendait à la sortie de la douche, une serviette à la main.
« Merci…
– Alors… comment tu te sens ? »
Gaël se contenta de hausser les épaules. Akim hocha doucement la tête puis lui adressa un sourire qu'il souhaitait réconfortant. Il ne s'était pas attendu à voir Gaël miraculeusement bien dans sa peau de toute façon.
« Quelle heure il est ? demanda de nouveau Gaël en se frictionnant vigoureusement les cheveux.
– Ça va. Si tu traînes pas trop on rendra les clés dans les temps. Dis… on peut en profiter pour petit-déjeuner sur place ? Je crève la dalle. »
Gaël le regarda, un air embêté sur le visage.
« C'est vrai qu'avec tout ça, on n'a pas mangé hier soir. Désolé.
– Bah, une petite diète de temps en temps ne peut pas faire de mal… Oh ! On peut aller manger une crêpe ? »
Gaël haussa les sourcils devant ce soudain enthousiasme.
« Ce serait quand même une honte de venir en Bretagne et de repartir sans avoir mangé de crêpes !
– Heu… si tu le dis…
– Tu crois qu'ils en servent ici ?
– Je sais pas, répondit Gaël avec un froncement de sourcils. Mais quitte à manger une crêpe, autant s'en faire une bonne. Je connais un bon coin à Saint-Malo, on pourra y passer avant de prendre notre train.
– D'accord… On part directement, alors ? »
Gaël marqua une courte pause avant de hocher la tête en silence.
« Tu es sûr ? »
Gaël baissa les yeux.
« Oui. Je sais ce que je voulais savoir… répondit-il avec un faible sourire.
– Ok… Les sacs sont prêts, alors, on peut y aller. »
Gaël acquiesça puis entreprit d'enfiler ses vêtements de la veille, plus le caleçon propre qu'ils avaient chacun emporté en prévision d'une nuit passée sur place. N'ayant rien de mieux à faire, Akim ne le lâcha pas des yeux.
« Et le Mont-Saint-Michel ? »
Gaël se tourna vers lui, se demandant où Akim voulait en venir.
« Heu, qu'est-ce qu'il a le Mont-Saint-Michel ?
– Il est dans le coin, non ?
– … Relativement.
– On peut aller le voir ? J'ai toujours voulu aller le voir ! Avec le chemin qu'on peut faire à pieds mais en faisant gaffe à la marée, là ! »
Gaël se frotta le visage.
« Je pense pas qu'on ait vraiment le temps d'y aller. Si on était directement sur place ou déjà à Saint-Malo, ouais, peut-être, mais faut prévoir d'y passer la journée sinon ça vaut pas le coup et il est déjà tard... On est en hiver en plus, le soleil se couche tôt… Je connais pas les horaires des navettes… On peut se renseigner à Saint-Malo si tu veux mais on pourra pas aller manger là où je pensais en même temps…
– Oh, ça va, c'est pas grave ! fit Akim en levant les mains pour l'arrêter. La crêpe suffira, c'est l'estomac qui prime ! Je me ferai le Mont-Saint-Michel une autre fois.
– Ça s'organise un minimum, Akim…
– Oui, ben… c'était juste parce qu'on était sur place, quoi. »
Gaël eut un demi-sourire amusé.
« On est pas vraiment sur place non plus, tu sais ? »
Akim haussa les épaules. Gaël acheva de s'habiller et dit :
« Voilà ce que je te propose. On petit-déjeune ici puis on prend le car pour Saint-Malo. L'hôtel doit avoir les horaires. Je te fais visiter un peu la ville et on se fait une galette à midi.
– Une galette ? Mais c'est pas encore la saison des galettes ! »
Gaël le dévisagea comme s'il venait d'une autre planète.
« Depuis quand y'a une saison pour les galettes ? »
Akim lui renvoya son regard.
« Heu, galette, couronne, frangipane et fève. Janvier. Ça te dit rien ? Ok, on en trouve déjà dans le commerce, y'en avait même avant les bûches de Noël mais ça se mange en janvier, quoi ! Tradition, tout ça… »
Gaël écarquilla les yeux puis se mit à rire de bon cœur.
« Je te parle pas d'une galette des rois mais d'une galette bretonne ! Ronde, plate, au bl…
– Aaah ! Tu parles des crêpes salées ! J'avais pas compris ! »
Gaël rit de plus belle. Il lui posa une main sur l'épaule et le regarda solennellement.
« Tu as raison, je ne peux pas te laisser repartir alors que tu confonds une galette avec une crêpe.
– Ben excuse-moi mais c'est que la garniture qui change, hein !
– … Parisien. »
Akim se dégagea et croisa les bras.
« Je flaire l'insulte, là…
– Non, non, penses-tu !
– Elitiste !
– Je ne t'en veux pas. Ce n'est pas entièrement de ta faute après tout.
– Facho !
– Continue comme ça et tu auras une crêpe achetée dans un supermarché !
– Et affameur en plus de ça ! Toi, continue comme ça et je te dévore maintenant et sur place.
– Tu oublies qu'on doit rendre les clés, » rétorqua Gaël en lui décochant un rapide sourire en coin.
Akim lui fit un doigt mais il ne put s'empêcher de sourire. Oui, Gaël lui avait vraiment manqué.
o'O'o
Akim leva un instant le nez. Le ciel était d'un bleu intense, de ces bleus qui criaient « Hiver ! Froid ! » même si vous vous contentiez de les admirer en photo. À cela s'ajoutait le vent que la populace locale devait probablement qualifier de « vivifiant » et que lui avait l'honnêteté de reconnaître « glacial ». Mais au moins il faisait beau ; il gardait cependant à l'œil les quelques nuages gris qui se profilaient à l'horizon. Avec le vent qui soufflait dans leur direction, il ne serait pas étonné que leur morceau d'azur ne le reste pas très longtemps.
Il rentra le plus possible le cou dans les épaules et dansa d'un pied sur l'autre en un vain espoir de se réchauffer.
« … Et quand c'est les grandes marées, poursuivit Gaël, la mer inonde la route qui borde la plage et le parking, là, devient lui aussi impraticable. »
Akim jeta un coup d'œil dans la direction que lui indiquait Gaël et secoua la tête.
« Te fous pas de moi.
– Je t'assure !
– Ça peut pas monter si haut ! T'imagines ? »
Gaël eut un petit rire de gorge.
« J'imagine pas, j'ai vu. C'est très impressionnant. »
Akim le dévisagea d'un air sceptique.
« On peut attendre pour le voir ?
– Euh, je sais pas si ça le fera aujourd'hui, mais je pense pas. C'est pendant les grandes marées seulement, c'est pas tous les jours non plus ! Heureusement !
– C'est quand les grandes marées ?
– Ben… ça dépend, y'a pas vraiment de dates fixes. Mis à part pour les équinoxes… Faudrait qu'on ait le tableau avec les coefficients pour vérifier…
– Lâche l'affaire. Tant pis, c'est pas grave. On descend sur la plage ?
– Continuons plutôt un peu le long des remparts ? Ça nous offre un joli panorama. On descendra sur la plage de Bonsecours plutôt, on pourra aller au Grand-Bé. »
Akim opina. Ce n'était pas qu'il tenait particulièrement à aller sur la plage – de son point de vue, la mer perdait singulièrement de son intérêt si l'on ne pouvait pas s'y baigner – mais il y avait un beau rayon de soleil en bas alors qu'ils étaient à l'ombre sur les remparts.
« Ok, si tu veux… C'est quoi le grand vé ?
– Grand-Bé. C'est l'espèce d'île que tu vois là-bas. »
À nouveau, Akim se tourna dans la direction indiquée.
« Une île, c'est pas censé être entourée d'eau ? »
Gaël eut un sourire.
« Disons que c'est une petite presqu'île, si tu veux être pointilleux. Et ça dépend de la marée.
– Encore la marée… T'en parles beaucoup mais on voit pas grand chose !
– On le verra peut-être, je crois qu'elle est en train de monter. Allez, viens. »
Akim lui emboîta le pas et Gaël entreprit de lui narrer d'autres petites anecdotes. Celle de la statue du corsaire Surcouf devant laquelle ils passèrent et qui, à une époque, avait longtemps gardé un préservatif au bout du doigt de métal qu'il pointait vers l'Angleterre, l'amusa énormément.
Ils descendirent ensuite sur la plage et Akim fronça les sourcils en remarquant une construction au beau milieu, une sorte de bassin rempli d'eau et fermé par des murets sur trois côtés.
« C'est quoi, ça ?
– Une piscine d'eau salée.
– Une piscine ? Sur la plage ? Et d'eau de mer en plus ? C'est complètement débile !
– C'est pratique pour les gosses, ça permet de les surveiller…
– Ah ouais… » fit Akim avec un scepticisme renouvelé.
Gaël l'entraîna en direction du Grand-Bé mais le regard d'Akim ne cessait de revenir vers cette piscine. Malgré tout, ça l'intriguait.
« Si la mer monte, la piscine va être recouverte, là ? »
Gaël se retourna et y jeta un coup d'œil critique.
« Vu le niveau, y'a de bonnes chances, oui.
– … On pourra voir ? »
Les épaules de Gaël tressautèrent d'un rire silencieux.
« Oui, si tu veux. Mais ça va prendre un moment quand même, je pense qu'on aura largement le temps d'aller manger d'abord. On reviendra après si tu veux.
– Oui !
– Allez viens, suis-moi, on va à la tombe de Chateaubriand. Comme ça tu ne pourras pas dire que tu ne te seras pas cultivé ! »
x-x
« Un grand écrivain français a voulu reposer ici pour n'y entendre que la mer et le vent. Passant, respecte sa dernière volonté » disait l'inscription située face à la tombe.
Eh ben, il a choisi son endroit, l'enfoiré ! songea Akim avec un sifflement intérieur admiratif.
« Quand j'étais ado – et ça doit toujours être le cas d'ailleurs – c'était la tradition des mecs de Seconde de venir pisser ici. Passage rituel d'entrée au lycée. »
Akim se tourna vers Gaël, ses yeux sortant de leurs orbites.
« Tu veux dire… sur la tombe ?
– Hin hin, » confirma Gaël, les yeux fixés sur l'horizon.
Un rire bref échappa à Akim, une fois, deux fois, s'emporta et se transforma en fou rire qui ne tarda pas à se communiquer à Gaël.
« Et toi, tu l'as fait ? parvint à demander Akim en se tenant les côtes.
– Bien sûr ! »
Akim repartit de plus belle.
« Oh, merde ! J'en pleure, tiens, et c'est pas le froid ! J'hallucine ! Au temps pour le respect au grand écrivain français ! hoqueta-t-il en s'essuyant les yeux. Et toi qui me sortais que j'allais me cultiver un peu ! Et les gens le savent ?
– Toute la Bretagne le sait. »
Il fallut à Akim deux bonnes minutes pour réussir à se calmer et deux supplémentaires pour recouvrer son souffle.
« T'as honte, j'espère ! »
Gaël pencha la tête sur le côté.
« Hum… Faut un certain cran pour le faire, tu sais ?
– Et il en est fier en plus ! »
Gaël eut un sourire de défi.
« Tu crois que c'est si facile, qu'il suffit de baisser son froc ? Vas-y, y'a personne, te gène pas !
– … Je pourrais te rétorquer que j'ai un minimum de respect pour les morts et en particulier pour les célèbres écrivains français…
– Mais… ?
– … mais je me contenterai de décliner le défi pour cette fois de peur que ma bite ne gèle sur place. »
Ce fut au tour de Gaël de se mettre à rire de bon coeur.
« Tu as froid… fit-il au bout d'un moment.
– Un peu, reconnu Akim qui se les pelait sévère.
– Viens, on bouge un peu, ça va nous réchauffer.
– On va où maintenant ?
– On finit le tour des remparts et après on va au resto dont je t'ai parlé ?
– 'Me va ! »
Ils redescendirent du Grand-Bé sur la plage et reprirent les escaliers conduisant aux remparts.
« T'as raison, constata Akim. Elle monte, regarde. »
Du doigt, il désigna à Gaël les vagues qui s'étaient nettement rapprochées des murets délimitant la piscine. Gaël hocha la tête.
« On reviendra tout à l'heure. »
o'O'o
L'ambiance était aux festivités. Chaque rue était décorée – d'après Gaël, elles le resteraient au moins jusqu'à fin janvier – et un peu partout l'on pouvait entendre chants de Noël ou de marins, ces derniers ayant un côté plus paillard qui faisait sourire Akim.
Ils croisèrent, stationné sur une place, le petit train de Saint-Malo qui faisait le tour de la ville. Le regard de Gaël se fit inquiet lorsque celui d'Akim s'éclaira. Akim trépigna quasiment sur place.
« Non.
– Pourquoi ? C'est rigolo !
– C'est ridicule ! Et puis de toute façon il ne fonctionne qu'en été, c'est un attrape-touristes ! En hiver il sert de déchetterie ; regarde, il est rempli de cartons. »
Akim eut une moue déçue.
« C'est pas vrai mais quel gosse tu fais parfois !
– Tu ne sais pas t'amuser… contra Akim.
– C'est ça.
– T'es déjà monté dessus ?
– Certainement pas ! … Enfin, une fois quand j'étais gosse, avec mes parents. Je devais pas avoir plus de huit ans. »
Le visage de Gaël se chargea graduellement de nostalgie et de chagrin et Akim baissa les yeux. Sans doute était-il difficile de passer du temps là où Gaël avait beaucoup de souvenirs sans pour autant mentionner ses parents… Et il connaissait Gaël ; huit ans, c'était presque l'âge qu'avait sa petite sœur. Il n'avait aucun mal à imaginer une gamine blonde réclamer de faire un tour de train et Gaël accepter rien que pour lui faire plaisir…
« Tu es Français ? »
Akim releva les yeux et le fixa, déconcerté. Il aurait aimé connaître le cheminement de pensées de Gaël…
« Euh… oui… Pourquoi ?
– … Pour rien, juste comme ça. Aucune importance. »
Gaël se remit en mouvement et Akim le suivit. Néanmoins, il ressentit le besoin d'ajouter : « On est tous nés en France, sauf Walida.
– Walida, c'est ta sœur aînée, c'est ça ?
– Oui. Walida, moi, puis Ibrahim, Allal – enfin, Allaoua – et Aïda. Pour l'instant les parents se sont arrêtés là ! »
Gaël eut un petit sourire mais arborait l'expression de quelqu'un perdu dans ses pensées.
« Tu parles surtout de tes cousins, je n'étais plus sûr…
– C'est pas grave, t'en fais pas ! On est nombreux. Même nous on se plante dans les prénoms de temps en temps ! plaisanta Akim. Ma sœur, enfin Walida, elle a cinq ans de plus que moi. Elle est mariée et elle a déjà deux mioches. Et Ibrahim est encore au collège. Avec mes cousins et cousines, on a tous à peu près le même âge, on a grandi ensemble. C'est pour ça que je dois plus souvent parler d'eux.
– C'est bien les familles nombreuses…
– Si t'aimes être les uns sur les autres, ouais. »
Le sourire de Gaël s'incurva sur les côtés.
« Aha. Voilà qui explique bien des choses… »
Akim fronça les sourcils.
« Quoi ?
– Rien… laissa traîner Gaël avec un air mystérieux.
– Tu… Gaël ! s'écria Akim, hilare. Parfois je me demande si tu n'es pas pire que moi ! »
Gaël laissa Akim interpréter son sourire en coin comme bon lui sembla.
x-x
Ils descendirent plusieurs rues et Gaël lui proposa de faire un dernier détour par son ancien lycée. Curieux, Akim accepta. Gaël avait une foule de petites histoires à raconter sur la ville elle-même ainsi que des anecdotes plus personnelles et malgré le vent toujours aussi froid et le ciel qui se couvrait, Akim passait un bon moment.
« Je suis content, lui dit-il à un moment donné.
– Tant mieux… Pourquoi ? »
Akim rit puis redevint sérieux.
« J'avais peur que tu n'aies que de mauvais souvenirs d'ici mais c'est pas le cas, il t'en reste aussi plein de bons. »
Gaël baissa les yeux, gêné.
« Ce sont les derniers mois de Terminale qui ont été durs ; pour le reste, c'était vraiment la belle vie. … J'ai beaucoup changé depuis cette époque, ceci dit. Je crois. Je pense que tu ne m'aurais pas aimé du tout du temps du collège lycée. »
Akim haussa les sourcils et eut un sourire, mais il ne devait pas en apprendre plus sur le sujet car Gaël poursuivit :
« J'ai eu mon Bac au rattrapage. Je me souviens que je flippais à l'idée de me retaper ma Term parce que mon père avait accepté de se porter garant pour moi pour une piaule sur Rennes. Tu me diras, j'aurais sûrement pu changer de lycée et refaire ma Terminale sur place mais bon. J'y avais pas vraiment pensé à l'époque. J'allais au lycée à Saint-Malo et l'appart était sur Rennes alors il fallait absolument que j'aie mon Bac à Saint-Malo pour ensuite aller sur Rennes. Je paniquais un peu parce que je voyais vraiment pas comment j'allais pouvoir me débrouiller là-bas et c'était pas évident de demander quoique ce soit d'autre à mon père alors qu'ils ne voulaient plus entendre parler de moi à la maison. Ma mère, c'était même pas la peine. Le seul moment où elle a voulu que je revienne chez eux c'est quand j'ai frappé à la porte parce que j'avais plus de copains qui pouvaient m'héberger et que je savais pas où aller… C'est là que j'ai parlé à mon père d'avoir un truc à moi parce que je me voyais mal dormir sur la plage et ma mère, elle… Enfin, elle a commencé à parler d'antre du vice et qu'il était hors de question qu'ils me laissent avoir une garçonnière et… »
Gaël eut une grimace amère.
« Enfin bref, mon père a fini par accepter de payer la caution et c'est comme ça que j'ai été mis à la porte pour de bon… »
Akim se mâchonna la lèvre. Il avait très envie de faire un geste, comme la veille sur la plage, mais ils étaient en pleine rue et il savait que Gaël ne l'accepterait pas.
« Chuis désolé, Gaël, vraiment. Ça a vraiment pas dû être facile…
– Non… Les premiers mois de rentrée ont été les plus durs. L'été, encore, ça allait parce que j'ai pu bosser pour gagner de quoi bouffer et payer le loyer mais c'est quand les cours ont repris, c'était pas évident de faire les deux en même temps. Après, en janvier, ça a été un peu plus facile parce que j'étais majeur et que j'ai enfin pu toucher au compte que mes parents m'avaient ouvert pour mettre de côté l'argent que je touchais pour le mannequina depuis que j'étais gamin… Quelques années plus tard, je suis monté sur Paris parce que je voulais changer d'agence. Y'avait pas assez de bons boulots ici et mes études me coûtaient vraiment cher. Et c'était aussi plus facile de trouver mon futur stage là-bas. Y'a plus de cabinets d'expertise comptable sur Paris. Et puis voilà… J'étais pas revenu en Bretagne depuis. »
Akim lui adressa un sourire un peu crispé. Gaël eut un étrange regard, lointain, puis il secoua la tête pour chasser ses idées noires et sourit.
« Bon, assez avec les choses déprimantes ! On va manger ?
– C'est toi le guide…
– Par là, c'est une rue où y'a que des resto. »
x-x
Après quelques minutes de marche, ils entrèrent dans la rue de Dinan où Gaël laissa à Akim le soin de choisir le restaurant pendant qu'il s'absenterait un court instant.
« Hé ! Où tu vas, me plante pas là !
– Regarde les menus et choisis celui que tu préfères, ils sont tous bons de toute façon ! Je reviens !
– Mais où tu vas ?
– J'en ai pas pour longtemps !
– Gaël ! »
Mais son petit ami lui fit un petit signe de la main et tourna au coin de la rue.
« Je rêve… »
Akim poussa un soupir, frissonna sous une nouvelle bourrasque de vent et entreprit de saliver devant les différentes crêpes – enfin, crêpes et galettes – proposées. Il ne lui fallut pas longtemps pour choisir un restaurant, les cartes se ressemblant toutes entre elles. Le plus proche ferait très bien l'affaire.
Il guettait sa perche blonde personnelle lorsque quelque chose de sombre passa devant ses yeux et qu'on l'étrangla à moitié par derrière. La première surprise passée, il se retourna vivement, ses réflexes d'art martiaux reprenant le dessus.
Gaël leva les mains en signe de paix.
« Du calme, c'est moi !
– D'où tu sors ? Où t'étais ? Et… c'est quoi, ça ? demanda-t-il en regardant ce que Gaël lui avait passé autour du cou.
– Cadeau ! » fit ce dernier en lui croisant l'écharpe derrière la nuque et en la nouant sur le devant, veillant à boucher tous les trous.
Puis le jeune homme blond lui sourit.
« Voilà. Ça va mieux comme ça ? »
Akim caressa l'écharpe. Elle était douce et d'un joli gris souris.
« Oui… merci… »
Gaël eut un autre sourire.
« Ce serait con que tu tombes malade… se justifia-t-il.
– C'est sûr… »
Alors ça… Après ça et vu la façon dont il le regardait, si toute la rue n'avait pas compris qu'ils étaient ensemble…
Akim sourit.
« Merci. Elle est super douce, c'est chouette.
– Tant mieux. Tu as choisi le resto ? »
Akim haussa les épaules.
« Celui-là a l'air pas mal… »
o'O'o
Il n'y avait plus de train direct pour Paris aussi durent-ils prendre un TER pour rejoindre Rennes où un TGV, bondé en cette période de fête, les attendait. Ils s'installèrent au fond d'un wagon pour être un peu plus tranquilles. Cette fois, Akim avait pris soin de s'acheter de la lecture pour le trajet, ainsi que de quoi manger. Ils arriveraient tard à Paris, sans compter le temps de métro pour rejoindre l'appartement de Gaël ; Akim avait décidé d'y passer la nuit.
Ils avaient environ une heure avant de rejoindre leur correspondance et sitôt le train parti, Gaël appuya la tête contre la vitre et s'égara dans une rêverie taciturne.
Akim ne lui prit pas la main mais posa la sienne sur son avant-bras. Gaël tourna légèrement la tête vers lui. Son regard était lointain. Akim se pencha et dit à voix basse :
« On pourrait recommencer l'année prochaine… Partir quelques jours tous les deux comme ça, entre Noël et le jour de l'an. Pas forcément en Bretagne, y'a d'autres coins sympa en France.
– Ce serait même peut-être plus drôle de choisir des endroits où aucun de nous n'a jamais été, et si l'ambiance nous plaît, voir sur place si on y passe le réveillon ou si on rentre le fêter sur Paris…
– … Tu instaures une nouvelle tradition, là ?
– Pourquoi pas ? Ça pourrait être sympa, non ? Qu'est-ce que tu en penses ? »
Gaël se tourna complètement vers lui. Il le fixa un court instant puis lui sourit affectueusement.
« Oui… pourquoi pas…»
(fin)
Petite note récapitulative sur les familles respectives de Gaël et Akim :
Gaël Le Pernaud (né un 24 décembre, vient de fêter ses 25 ans) : Jacques (le père ; 49 ans) et Mathilde (la mère ; 45 ans). La petite sœur s'appelle Marie Elise, elle a 7 ans (né en juillet de l'année des 17 ans de Gaël). Gaël a encore au moins une grand-mère du côté maternel ; son grand-père maternel est mort quand il avait 11 ans. Côté paternel, je sais pas, y'a des chances pour qu'ils soient décédés aussi, la famille est pas très grande… Jacques et Mathilde sont probablement enfants uniques (quoique Mathilde a peut-être une sœur aînée, à voir…).
Akim Bendenia (né fin mars, a 22 ans et va donc sur ses 23) : Said (le père) et Kamila (la mère).
Fratrie :
– Walida (sœur aînée ; mariée à Nassim Eledjam ; mère de deux enfants : Kamel (fils aîné) et Jazia (fille cadette). Ils doivent être en primaire tous les deux je pense…) ;
– Frères et sœur cadets : Ibrahim (15 ans, est en 3ème) puis Allaoua (« grandeur d'âme », surnommé Allal (« câlin ») parce qu'il a toujours été particulièrement affectueux ; il doit avoir environ 11 ou 12 ans) et Aïda (8 ou 9 ans…).
Cousins (côté paternel et maternel, j'ai pas vraiment fixé qui était exactement apparenté avec qui…) : Ahmed, Djamil, Farès et une cousine dont j'ai pas encore le nom (ils sont pas tous frères et sœurs mais je pense que l'un d'eux doit être le frère de la cousine…). Ils ont tous environ le même âge qu'Akim et ont donc grandi ensemble. Akim se sent plus comme un frère avec eux qu'avec sa propre fratrie à cause de la différence d'âge (Walida a 5 ans de plus qu'Akim et Ibrahim 7 ans de moins).
Autres : un oncle Malek (frère aîné du père d'Akim), une tante Djamila et une « sorte d'oncle » qui habite dans le Vercors et dont je n'ai pas encore le nom. En fait, ils sont encore plus nombreux que ça mais j'ai estimé que c'était déjà largement suffisant pour construire le contexte familial d'Akim ! Si j'ai besoin un jour de plus, il sera toujours temps de créer… XD
Comme ça, vous devriez vous y retrouver un peu mieux, surtout si les noms réapparaissent par la suite…