Chapitre 1
Léa était allongée sur son lit à contempler stupidement le plafond. Elle venait de se disputer avec son beau-père. Pour faire changement, se dit-elle avec sarcasme. Depuis quelque temps, ils ne rataient aucune occasion pour se fâcher l'un contre l'autre. Ses pensées furent interrompues par sa mère qui lui ordonnait littéralement de venir mettre la table pour le souper. Léa se leva malgré elle et se rendit dans la salle à manger en bougonnant. Lorsqu'elle arriva, sa mère la fixa, désespérée par son attitude d'air bête.
-Tu ne pourrais pas sourire quelques fois ? Lui dit sa mère.
-Oui… dès que ce taré aura fini de m'emmerder. Répondit-elle en défiant du regard le concerné qui s'était, lui aussi mis à la fixer d'un air arrogant lorsqu'elle était entrée.
Offusqué, il se leva de la chaise dans laquelle il était confortablement assis et se mit gentiment à l'engueuler. Léa le regarda, carrément indifférente. Elle était habituée aux petites crises de rage de celui-ci. Elle entendit le début. En gros, elle était privée de sortie et de son ordinateur pour un mois, mais le reste fut brusquement coupé par la porte de sa chambre qu'elle claqua une fois rendue à l'intérieure. Aussitôt, elle entreprit de soigneusement déplacer sa commode devant la porte pour empêcher quiconque d'entrer. Léa mourrait de faim, mais elle ne l'aurait jamais avoué. Elle préférait entendre le bruit cacophonique de son estomac qui réclamait à manger que d'être assise en face de Paul, son beau-père. Elle mit son disque préféré dans le lecteur CD et monta le volume pour être certaine que Paul l'entende dans toute la maison. Il détestait sa musique. Selon lui c'était de simples fous furieux qui hurlaient dans un micro avec un boucan d'enfer en arrière-plan. Léa était, naturellement, en désaccord avec ce que Paul disait. Lui, n'écoutait pas ce que les chanteurs "hurlaient ". Léa promena son regard sur sa chambre. Elle était petite et il n'y avait pas grand-chose à faire à l'intérieur. Son regard s'arrêta sur son miroir, elle s'approcha et regarda son reflet. Personnellement, Léa se trouvait jolie. Elle aimait bien ses yeux gris et ses longs cheveux bruns. Elle choisit un élastique parmi le grand nombre qu'elle gardait toujours autour de son poignet et se fit une queue de cheval. Satisfaite du résultat, elle alla baisser le volume de son lecteur CD, puis prit son téléphone et appela sa meilleure amie.
-Allo ?
-Lily ! C'est moi.
-Seigneur, tu as l'air totalement découragée. Ça va?
-Oui si on veut, je me suis encore fait engueuler par Paul, confessa Léa.
-Ah je vois…Et pourquoi, cette fois-ci ?
-J'ai simplement dit qu'il était un taré.
Lily éclata de rire à l'autre bout du fil. Léa se mit, elle aussi, à rire aux éclats. Après tout, elle avait dit cela comme si c'était tout à fait normal, voire banal, de traiter son beau-père de taré.
-Ben quoi ? Se défendit-elle.
-Et tu te demandes pourquoi il est toujours sur ton dos après? Tu ne changeras jamais Léa répondit Lily d'un ton soudainement frustré. Léa arrêta de rire immédiatement.
- Tu déconnes, pas vrai ? Dit-elle bredouille.
-…
-Lily, tu déconnes ou pas ?
-…
-Merde, répond!
Lily se mit à rire de nouveau et décida de répondre à Léa, qui avait l'air totalement scandalisée.
-Bien sur que je déconne, Léa ! Pour qui tu me prends, ta mère ? dit Lily en pouffant de rire.
Soulagée, Léa retrouva son sourire. Elle adorait Lily, elles se connaissaient depuis la maternelle et dès la première journée d'école elles étaient devenues amies. D'année en année le lien qui les unissait était de plus en plus fort. Elles se disaient tout, ou presque.
-Oh j'y pense, comment ça va avec Dave ? Demanda Léa.
Dave était le petit ami de Lily. Ils sortaient ensemble depuis trois mois déjà. Léa l'aimait bien, il était très gentil, et prenait bien soin de sa meilleure amie. Le petit ami parfait se dit-elle.
-…bien.
Le ton de Lily était devenu froid, on aurait dit qu'elle était soudainement triste. Léa s'inquiéta aussitôt pour elle.
-Tu es sure ? tu n'as pas l'air certaine.
-Puisque je te dis que ça va ! Répondit sèchement Lily.
-Je… bon d'accord, j'insiste pas, si tu le dis, je te crois.
Lily changea de sujet et la conversation reprit de bon train. Tout cela était bien étrange se dit Léa, une seconde Lily était froide et l'autre d'après elle était tout se qu'il y avait de plus joyeux. Les deux jeunes filles parlèrent jusqu'à ce que Paul décide que c'était assez.
-Léa, hurla-t-il au travers de sa porte, raccroche moi ce téléphone!
-Oh merde, je suis désolée Lily, je doit te laisser.
-Bon ben, on se voit au collège demain?
-Oui, je t'adore.
-Moi aussi.
Elle raccrocha et soupira, Paul était, définitivement, de très mauvaise humeur aujourd'hui. C'était en partie sa faute, elle n'avait pas été très gentille avec lui dernièrement. Alors que Léa s'apprêtait à se coucher, elle entendit sa mère qui essayait de résonner Paul.
-Bon sang Paul, laisse la respirer un peu.
Sa mère ne semblait pas de très bonne humeur non plus, mais pour une fois qu'elle prenait sa défense, se dit Léa.
-Mary, il est onze heures du soir et elle a de l'école demain.
-Ce n'est pas une raison pour hurler…
La dispute continua, mais Léa préféra ne pas écouter. Sa mère et Paul se disputaient toujours à cause d'elle. Parfois Paul était très gentil, mais seulement lorsqu'il le voulait bien. Exténuée et affamée elle décida donc de se coucher. Elle ne prit même pas la peine de replacer la commode, qui bloquait toujours l'entrée de sa chambre. Elle était sur le point de s'endormir, après avoir endurée une heure de dispute qui était devenue une engueulade, lorsque quelques coups discrets furent cognés à sa porte.
-Je dors dit Léa avec impatience.
-Je peux entrer ?
Léa reconnut la voix de sa mère. Elle se leva, alluma la lumière et déplaça la commode pour la laisser entrer. Elle alla s'asseoir sur son lit et regarda sa mère, curieuse. Mary la regarda à son tour.
-Tu as tout entendue non? Dit celle-ci.
Léa soupira.
-Je vous entends toujours, on fini par s'habituer. Vous vous disputez toujours à cause de moi. Je ne fais rien et Paul vient m'emmerder. Quand il est fâché contre toi, il déverse sa colère contre moi. Il peut être de bonne humeur une seconde et l'autre d'après il se met en colère et lance des objets pour une raison stupide. Ce mec est dérangé maman…il est complètement fou. Un jour il va finir par perdre le contrôle de sa fureur. Tu te rends compte? Il pourrait te frapper, il pourrait même aller encore plus loin.
Mary, qui était restée debout depuis que Léa avait commencée à parler, alla rejoindre sa fille sur le lit. Elle s'assit à ses côtés et posa un regard emplit de tristesse sur Léa. Décidément, sa fille avait beaucoup changée depuis peu de temps, Paul aussi d'ailleurs. Plus Léa vieillissait, plus il avait du mal à s'adapter à son comportement typiquement adolescent et à cause de cela, elle et lui se disputaient souvent, mais ce n'était pas la seule raison de leur fréquentes disputes. Mary avait du mal à accepter les crises de violence qu'il avait, un peu trop souvent, selon elle. Elle voyait bien qu'au fond Léa avait raison de dire qu'il était fou, mais Mary ne voulait pas l'accepter. Elle aimait Paul et elle ne pouvait pas l'imaginer en train de la battre, il était quelqu'un de bien, tout au fond de lui.
-Je crois que tu exagères un peu Léa, dit-elle sans grande conviction. Paul ne ferait jamais une telle chose, c'est quelqu'un de bien.
-Je crois pas, non. Il serait peut-être temps que tu te rendes compte que Paul n'est plus le gars que t'as rencontrée.
-Léa, tout le monde change, lui dit sa mère.
-Oui, mais c'est pas tout le monde qui ont des crises de violence soudaine. La seule manière qu'il utilise pour nous dire qu'il est frustré, c'est de se mettre à hurler et à jurer. Tu trouves cela normal maman?
Léa avait haussée le ton, elle en avait marre que sa mère ne comprenne pas que Paul pourrait devenir dangereux, qu'il était de plus en plus rarement le Paul doux et gentil que Mary avait rencontrée, il y a longtemps. Une relation de couple change. Après quelques années de cohabitation, des nouveaux traits de personnalité, qu'on n'aurait jamais pu imaginer chez une personne, apparaissent.
-Qu'est-ce que tu essaie de faire? Questionna Mary.
-J'essaie simplement de t'avertir, un jour il sera trop tard. À ta place, j'aurais quittée Paul depuis longtemps. Tu m'as toi même dit de ne jamais accepter la violence dans un couple. Je me trompe?
-…non, tu as raison, mais je ne laisserai pas Paul simplement parce que toi, tu le veux bien.
Cette fois c'était Mary qui avait haussée le ton. Elle n'aimait pas du tout se faire faire la morale par une jeune fille de 16 ans.
-Ce n'est pas ce que je voulais dire maman, répliqua Léa, et puis laisse faire, tu es trop bornée. Je ne peux jamais rien te dire sans que tu te frustre parce que je critique le mec que t'aime. Si cela ne te dérange pas trop, j'aimerais dormir maintenant.
-Change ton attitude immédiatement jeune fille, je ne te laisserai pas…
-Il y a un problème?
Mary et Léa se figèrent. Léa détourna ses yeux de sa mère et regarda vers la porte. Paul se tenait debout, complètement immobile, son regard menaçant fixé sur Léa. Elle plongea ses yeux bleu, glacés de haine, dans les siens et attendit. Mary parla la première.
-Non, il n'y a aucun problème ici, nous avions simplement une petite conversation entre mère et fille et nous venions justement de la terminer.
Mary avait particulièrement insistée sur la fin de sa phrase.
-Bonne nuit, dit-elle à l'adresse de Léa.
Celle-ci ne répondit pas, elle se contenta de regarder sa mère quitter sa chambre, accompagnée par Paul. Léa médita un peu sur la conversation qu'elle avait eu avec sa mère et alla se coucher bien confortablement dans son lit, où le sommeil ne tarda pas à venir.