Voici le moment fatidique.
Bonne lecture…
Florence est bien enfouie dans son fauteuil, en train de fixer le téléviseur d'un air sérieux et grave. Elle scrute l'heure à son poignet de temps à autre, tenant nerveusement une cigarette entre ses doigts et relevant quelquefois ses lunettes rectangulaires sur son nez.
" -Qu'est-ce que tu fais Flo ? intervient son compagnon sortant de la douche, vêtu d'une simple serviette à sa taille. Tiens, ce truc n'est pas passé aux infos il y a quelques semaines ?
-Ouep, répondit-elle. On m'a passé la cassette pour que je puisse mieux réviser le cas de mon client aux yeux des médias en plus de son dossier.
-Quoi ? Tu dois le défendre ?
-Mouais. Pas le choix, soupire-t-elle en lâchant un mince filet de fumée entre ses lèvres. C'est le boulot.
-Et ben, ça va être vachement délicat, grimace-t-il. En tout cas, tu as l'affaire de l'année.
-Tu parles. Je déteste défendre des trucs dégueulasses mais alors celle-ci, cela me répugne tellement que cela me donne l'envie de gerber. Bon je dois y aller. Le devoir m'appelle. "
Elle écrase sa cigarette contre le cendrier, embrasse brièvement son homme et enfile une veste légère avant de fermer la porte avec sa serviette en cuir noire à la main.
Arrivée au point de rendez-vous, on l'accompagne silencieusement jusqu'à la salle d'entretien. Laissée seule dans la pièce, elle étale les dossiers sur la table et pose son enregistreur à microcassettes. Les murs grisâtres la mettent toujours aussi mal à l'aise. Enfin, la porte s'ouvre sur un jeune garçon accompagné de deux gardiens baraqués. Il s'assied calmement et lève la tête dans sa direction, le visage fermé. Ce n'est pas gagné, se dit-elle. Elle arbore un grand sourire amical. C'est hypocrite mais il faut bien essayer de le mettre en confiance, ce résidu de la société. Elle enclenche le bouton ON de son enregistreur.
" -Bonjour monsieur Dapache. Je suis mademoiselle Grange et je suis chargée de vous défendre lors de votre jugement.
-Qui vous a engagé ?
-Votre tante, Martine Dapache.
L'adolescent rit, devant les yeux offensés de Florence qui essaie de garder tant bien que mal ce sourire accroché aux lèvres.
-Ce sera la seule chose de bien qu'elle fasse cette vieille bique, mais je ne pense pas que cela serve à grand chose.
Ca commence bien, pense-t-elle.
-Vous connaissiez depuis longtemps Alexandre Armond ?
L'expression de William se fige.
-Depuis environ quatre mois, début janvier si vous voulez plus de précisions.
-C'était votre camarade de classe, c'est bien ça ?
-Oui.
-Quelle sorte de relation aviez-vous eu avec Alexandre Armond, monsieur Dapache ?
Il détourne la tête en soupirant. Par honte peut-être.
- Alexandre était mon petit ami.
L'avocate le dévisage avec des yeux de la taille d'un ballon de foot.
-Votre petit ami ? Etes-vous bien sûr que vos sentiments n'étaient pas à sens unique ?
-Pas du tout ! s'offusque-t-il. Nous avons eu une relation rien de plus normal et il n'y avait rien de malsain ! A moins que vous soyez homophobe…
-Bien sûr que non ! le corrige-t-elle en tapotant nerveusement la table du bout de ses ongles. Mais cela peut prêter à confusion puisque l'on a découvert des traces de coups et blessures très importantes sur son corps.
-Où vous voulez-vous en venir ?
-Je veux que vous m'expliquiez en détail votre dernière soirée avec monsieur Armond, juste avant votre arrestation. J'en ai absolument besoin pour assurer au mieux votre défense.
-De toute façon vous ne me croirez pas.
-Essayez toujours, persiste-t-elle d'une voix mielleuse.
-Alexandre était venu chez moi, à l'improviste. On est rentré dans ma chambre. On parlait de choses et d'autres.
Il serre les dents et essuie ses larmes qui lui chatouillent le visage d'un revers de bras.
-Ce n'est juste qu'à mon réveil que je l'ai retrouvé comme ça.
-C'est tout ce qui s'est passé ?
-Oui.
Elle appuie sur le bouton OFF de son enregistreur et range une de ses multiples mèches rebelles brunes derrière une oreille.
-Très franchement, dites-moi la vérité. On est seul, j'ai stoppé l'enregistreur, cette pièce est insonorisée et nous avons très peu de temps pour que je puisse établir une défense suffisamment efficace pour votre jugement de demain. Décrivez-moi en détails ce qui s'est passé.
-Je ne m'en souviens pas.
-Pourtant vous êtes le meilleur placé pour le savoir.
-Je ne me souviens de rien !
-Alors pourquoi avez -vous battu à mort et violé Alexandre Armond ?
-Je ne l'ai pas violé !
-Votre tante vous a retrouvé avec le corps inanimé et ensanglanté d'Alexandre Armond vers onze heures et demi du soir ! D'après les expertises, on a retrouvé votre sperme dans son orifice anal, des témoignages affirment que vous n'aviez pas eu une autre relation qu'amicale avec Alexandre Armond et certains élèves de votre lycée vous accusent d'avoir profité de cette rumeur véhiculant sur son homosexualité.
-Je ne l'ai pas violé, crie-t-il en frappant les poings violemment contre la table. Vous m'entendez ? C'est vrai qu'on a fait l'amour mais nous étions tous deux consentants ! Je l'aimais !
-Mais vous l'avez frappé d'après ce que vous avez dit au commissariat, reprend-t-elle doucement en redressant ses lunettes.
-Oui.
-Mais vous ne vous souvenez de rien, est-ce exact ?
-C'est vrai.
-Vous ne souffrez pas de troubles psychologiques par hasard ? Vous prenez des médicaments ? Vous contactez régulièrement un médecin ? Un psychiatre ?
-Je ne suis pas fou !
-Votre père est incarcéré et votre mère décédée. D'après votre dossier, vous avez subi une enfance mouvementée. Ne serait-ce pas la cause de vos pathologies mentales qu'aujourd'hui…
-Laissez mes parents en dehors de tout ça ! s'énerve-t-il de plus belle en la prenant par le col. Ils n'ont rien à voir avec moi !
La porte s'ouvre brutalement et les deux gardiens le retiennent par les bras.
-Je crois que notre entrevue va s'arrêter là, rajoute-t-elle calmement en remettant sa chemise et ses lunettes en place.
L'avocate se relève et rassemble ses affaires. L'accusé la fixe en contenant sa fureur à l'intérieur de lui-même.
-Une dernière chose à ajouter monsieur Dapache avant mon départ ?
Bloqué par les deux gardiens, il la fixe dédaigneusement.
-Supposez que vous aimez très fort une personne. Il arrive que quelquefois vos actes puissent être très blessants psychologiquement envers elle pour une bête histoire de jalousie, sur un coup de colère ou plus stupide encore. Supposez alors que nous avons tous tendance à faire souffrir celle ou celui que nous aimons car nous jouissons tous d'un comportement autodestructeur inconscient. Supposez qu'il existe des personnes, comme moi, qui arrivent encore moins à se contrôler quand elles éprouvent un sentiment d'amour aussi fort. Que pouvez-vous nous faire ? Nous interdire d'aimer ?
L'avocate se relève, serviette en cuir à la main.
-Je n'en sais rien. A demain monsieur Dapache. "
Elle quitte le pénitencier et regagne sa voiture. Elle allume sa cigarette et inspire une profonde bouffée en soupirant.
Ce garçon est très perturbant. Encore un fou furieux dans ce monde sans queue ni tête.
FIN
Voilà, c'est bel et bien réellement la fin. J'espère vous avoir fais passer un bon moment et ne pas avoir trop révolté les fans de 'happy end'.
Pouvez-vous à votre tour me rendre un petit service ? Cliquez sur le minuscule bouton 'go' en bas à gauche, ça me ferait grandement plaisir que vous laissiez votre avis. Au moins pour m'encourager ou me déconseiller d'entamer une nouvelle fiction. Sisi je suis sérieuse, j'y tiens vraiment à cœur à ce premier écrit et je me démonte assez facilement sans petits coups de pouce pour me soutenir. C'est nettement plus long et éprouvant que d'écrire une review, une fiction…
Mais en tout cas merci beaucoup d'avoir lu jusqu'au bout, et peut-être à bientôt .