Une journée habituelle, le soleil s'était pointé vers les cinq heures et demi et à peine une heure plus tard, la température était déjà plus qu'appréciable. Elle était aux alentours des 27°C, de quoi bien commencer la matinée.

Je m'étais levé en sueur, mon tshirt trempé, collant à même la peau. Bon dieu, il était temps que j'aille vivre au pôle Nord, c'était pas possible une chaleur pareille !

A œil à mon réveil et je me laisse retombé sur le lit avec un grognement. Je suis déprimé… Il est à peine 7H30.. Dans vingt minutes, je devais être au boulot…

Soupir…

Mon premier boulot depuis des mois. Huit mois et quatre jours si je voulais être précis. Il était temps, les petits boulots à droite et à gauche, ça nourrissait son homme, mais c'était tout…

Pickup était déjà au pied de mon lit, patientant que son maître adoré, en l'occurrence moi, se lève et aille lui ouvrir la porte du jardin. Un petit aboiement accompagna son impatience et je dus me résigner à me lever.

Pickup, bâtard de trois ans, mâle, couleur gris-bleu, un semblant de loup croisé, me colla aux basques et ne se fit pas prier pour aller faire son petit tour du matin.

L'air, même déjà un peu chaud, me fit du bien.

« Surtout ne dis pas merci, sale bête ! »

Je laissais la porte du jardin ouverte, histoire d'aérer la maison. J'avais eu la chance 'd'hériter' de la maison de mes parents partis vivre en France, pays plus romantique à leurs dires, délaissant la Californie.

Bon allez, il fallait que je garde le moral, je n'avais déjà pas de loyers à payer, ce qui était déjà pas mal !

J'avais 23 ans, un diplôme d'inspecteur en poche, maître chien à mes heures.. Mais la malchance avait joué contre moi il y a un peu moins d'un an.

Un assassin s'était amusé avec mes nerfs et j'avais commis la faute, lors de l'altercation, de perdre mon sang froid. L'homme était resté 3 mois dans le coma et moi… Et bien moi, j'avais été mis à pieds…

Depuis, plus moyen de trouver du boulot, j'étais fiché, classé impulsif à 25 ans… C'était vraiment injuste…

..Jusqu'à il y a une semaine… Un coup de fil étonnant. Un mister Cain m'avait contacté pour m'offrir du travail.

Je ne savais pas qui il était exactement, seulement de nom, quel était ce travail, ni combien j'allais être payer.. Tout ce que j'avais compris, c'était que j'allais avoir l'opportunité de sortir de mon inactivité forcée.

Je me dirigeais vers la salle de bain d'un pas qui devrait être plus rapide et regarda ma pauvre tête dans le miroir.

Elle n'était pas trop moche, je m'attendais à pire, je l'avouais.

Pas très grand, 1,68m, j'arrive à peine me voir complètement dans le miroir. Mais suffisamment pour voir que j'avais bien fait d'aller régulièrement courir et à la salle de sport. Mes muscles n'avaient pas fondus, j'étais assez content de moi.

Mon image me renvoya un visage assez fin, des cheveux noirs, mi longs, lisses habituellement mais aujourd'hui, en batailles, suppliant un petit coup de peigne. Un regard vert me regardait, avec une certaine confiance. Je souris, amusé par ce que je vois. Je ne me dirais pas beau gosse mais savais que je ne déplaisais pas aux femmes. Paraît-il que c'étaient mes yeux qui faisaient tout, qui attiraient…. Encore un soupir… Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de le constater, préférant passer mon temps avec Pickup qu'aux bars ou boites de nuit pour draguer.

Ma peau était à peine bronzée. D'origine russe, elle ne prenait pas facilement le soleil. Ce n'était pourtant pas faute de faire du sport en débardeur à l'extérieur. Je crois que si j'avais voulu changer de peau, il fallait que je me réincarne car pour cette vie c'était raté.

Aboiements.

« Oui, Oui, j'arrive ! »

J'alais voir ce que mon cher compagnon à quatre pattes me voulait.

C'était un chiot que j'avais trouvé par hasard lorsque je rentrais de mes cours. En fait, au départ, il devait rejoindre la fourrière. Mais ce chien loup en forme de peluche me fit craquer et je l'avais finalement gardé.

C'était d'ailleurs en cherchant à me renseigner sur le dressage des chiens que je m'étais découvert une passion pour la cynophilie. Je suis devenu maître chien il y a un an et demi.

Pickup, grand fan de ce style de voiture et d'où il tire son nom, m'était devenu indispensable… Autant pour mes enquêtes que pour me tenir compagnie dans ma solitude et ma vie de tous les jours.

« Quoi ? »

Une gamelle vide me faisait un clin d'œil. Je jette un regard à la pendule. Faut vraiment que je me grouille.

Rapidement, je mets les croquettes de mon toutou, lui souhaitant bon appétit et me prépara un café serré.

Tandis qu'il chauffait, j'allais m'habiller, optant pour un jean et un tshirt noir. Une veste en jean vint.. Et puis non, pas de veste, il faisait suffisamment chaud comme ça… Il n'y avait plus qu'à espérer que je n'allais pas me crasher en route.. C'était vrai qu'une veste, c'était toujours pas mal comme amortisseurs… Mais bon…

Il est moins dix. Punaise, je suis vraiment à la bourre ! J'avale mon café illico presto, manque de me brûler la langue –enfin, je me la suis brûlée, mais je pense que je survivrais- et après une dernière caresse au chien, je ferme le tout et sors.

Ma moto m'attend comme d'habitude dans le garage. Une harley. Ca manquait d'originalité mais je l'aimais bien. Ma première moto. Celle que j'avais payée avec mon premier salaire, avec mon premier job. Le jour où j'avais signé le chèque, qu'est ce que j'étais fier. C'était vrai qu'il n'y avait rien de plus gratifiant que se payer ses propres cadeaux.

Mes parents, tous deux avocats avant leur retraite anticipée pour repos bien mérité, n'ont jamais manqué de rien. Et par logique, moi non plus. Quand je voulais quelque chose, je leur demandais. Heureusement pour moi, ils avaient réussit à m'apprendre la valeur des choses, ne faisant pas de moi un affreux gosse de riches pourri gâté.

Le bruit du moteur rompit le silence du matin. Satisfait, j'enfilais mon casque et prit le chemin de mon nouveau travail.

Le vent sur ma peau me fit un bien fou et je soupirais de plaisir. La journée était belle, espérons qu'elle allait duré.

Mister Cain… Un homme étrange au téléphone. Il s'était présenté comme détective privé –et je n'avais pas eut l'audace de le couper dans sa présentation et lui dire que j'avais déjà entendu parler un peu de lui-

Il me disait qu'il avait besoin de moi, sans rentrer dans les détails. J'avais essayé de me renseigner un peu plus sur lui, une fois le téléphone raccroché. A peines quelques informations… 29 ans, occidental, secret… Il avait un taux de réussite quasi de 100 dans ses enquêtes. Ce qui faisait de lui quelqu'un de très demandé. Mais il était également très cher. Seules les personnes fortunées pouvaient se le payer.

De mes recherches, rien ne ressortait de plus… Simplement qu'il ne manquait pas d'argent et pouvait sans problème se payer le meilleur des enquêteurs… Mais jusqu'à maintenant, il avait toujours travaillé en solo. .. Alors, pourquoi demander un petit jeune de 25 ans qui avait été mit à pied pour violence et fautes professionnelles ? A moins qu'il ne pense m'utiliser pour tabasser quelques malfrats.. Grand sourire sadique… Ca me défoulerait… Il fallait vraiment que je m'inscrive à une salle de boxe pour évacuer ce trop plein d'énergie avant que je ne tue quelqu'un…

8H13. Arg, treize minutes de retard. Ca commençait bien. Comment faire bonne impression en 10 leçons ? Il me semble qu'être à l'heure était une des premières règles ? Bon pas de panique, restons zen.

Je gare ma moto rapidement, mets l'antivol et pénètre à pas de courses dans un bâtiment haut standing.

Une jeune femme blonde tenait l'accueil. Elle semblait me connaître car elle ne me demanda même pas qui elle devait annoncer… C'était ça ou bien elle était médium.. Ne croyant pas au surnaturel, j'optais pour une photo qu'on avait de moi.

« Mister Cain vous attend, Mr Shaliensky. »

Un bref remerciement de la tête, un peu penaud de mon retard, mes pas se dirigèrent dans la direction indiquée par le doigt à l'ongle le plus long que j'ai jamais vu de la secrétaire. Je toquais avant d'entrer, ne patientant pas l'autorisation. Quitte à se faire remarquer, autant l'être jusqu'au bout, n'est ce pas ?

Et oui, c'était mon gros problème. Moi et la politesse, ça n'était pas vraiment une grande histoire d'amour.

Je fermais la porte et me retournais vivement pour faire face à un grand bureau qui donnait sur une vue magnifique de la ville. Le fauteuil était tourné, cachant son propriétaire.

Droit comme un 'i', songeant que je devais peut être faire profil bas, je me présentais.

« Mister Cain ? Joshua Shaliensky…. Nous avions rendez vous..

A 8H00, si je ne m'abuse ? »

Je sursautais et le mordillais instinctivement la lèvre inférieure, comme un jeune élève prit en faute par son professeur parce qu'il n'avait pas fait ses devoirs.. En même temps, je me retenais une remarque. Je n'étais pas en position de jouer les comiques –quoique ça aurait pu détendre l'atmosphère- . Ce job, j'en avais besoin.

« Oui, 8H00 précise, Mister… Veuillez excusez mon retard… »

Le fauteuil se retourna, découvrant le propriétaire de la voix. L'homme était d'une stature beaucoup plus imposante que moi… Et beaucoup plus grand. Ses épaules étaient larges et le costume cravate de couleur sombre ne faisait qu'accentuer le physique. Je devais avoir l'air malin avec mon jean, tshirt…

Il avait les cheveux coupés courts, noirs et des yeux bleus, profonds.

Le regard froid et distant qui accompagna ces fameuses prunelles confirmait mon sentiment qu'il valait mieux ne pas faire trop de vagues… Du moins, pas tout de suite…

Le détective poussa un petit tas de feuilles sur le bureau.

« Votre contrat. Il y est stipulé que votre journée commence à 8H00 et termine à 19H00. Une fois qu'il sera signé, il faudra faire en sorte d'être à l'heure à l'avenir. »

Etonnant. Je ne m'attendais pas à cela. Un contrat ? Déjà ? Pas d'entretien, pas de questions ? Rien.. J'avais un job alors que le patron ne m'avait jamais vu –sauf en photo apparemment- et que j'étais arrivé en retard… Et je ne parle pas de ma tenue…

J'avais du louper un épisode… Ou alors je devenais amnésique..

J'avançais jusqu'à la table, méfiant, comme si cela pouvait s'agir d'une bombe, et prenait le fameux contrat pour le lire. Au fur et à mesure que je parcourais les lignes, mes yeux s'écarquillaient, surpris. Il y avait une erreur…

« Heu.. Dites.. C'est un contrat pour devenir associé ?! Vous avez du vous tromper…

Cela ne vous convient pas ? Le salaire peut être ? Je peux l'augmenter…

Non, non, ce n'est pas ça. -Je secouais vivement la tête, perplexe-. Mais je ne comprends pas… Pourquoi un tel contrat ? Vous ne me connaissez pas.. Et vous avez la réputation de vouloir travailler seul… »

L'homme sourit, assez content de lui.

« Vous vous êtes renseigné sur moi ? C'est bien, je n'en attendais pas moins de vous… »

Je devais vraiment être étonné pour amuser ainsi mon interlocuteur.

« Qu'est ce que vous croyez ? Bien sur que je me suis renseigné… Mais vous n'avez pas répondu à ma question, Mister Cain.. ?

Appelez moi Angel, nous allons nous voir très souvent.. Alors le signez vous ce contrat ? »

Il avait encore éludé la question, me laissant dans mes interrogations. Mes yeux relirent attentivement les closes, cherchant le ou les pièges. Mais j'avais beau lire, relire, rerelire, je ne trouvais pas la faille hormis le fait que c'était bien la première fois que je me trouvais dans ce genre de position…

« Je voudrais savoir pourquoi un tel contrat ?

Parce que j'ai besoin de vous et de votre expérience.

Expérience ?! Mais… Est-ce que vous savez réellement ce que je suis ? Parce que si vous le voulez, je peux vous faire transférer mon dossier… »

Parce que si c'était ça, je pouvais le faire…

Les yeux bleus de mon vis-à-vis semblèrent rire.

« Ce ne sera pas nécessaire, c'est déjà fait ! »

Alors là, je ne savais plus quoi faire.. Signer ou ne pas signer… ? L'offre était alléchante..

« Vous avez un stylo ? »

Je pris le bic tendu et après encore un regard à Angel Cain, j'apposais ma griffe sur les pages, scellant ainsi mon destin à un homme. Si j'avais su tout ce qui allait m'arriver, je ne suis pas sûr que j'aurais signé quoique ce soit…

Ce matin, pas besoin de réveil. Pour cela, il aurait fallu que je dorme un peu. Mais la paperasserie avait eu raison de ma nuit. Je l'avais passé à regarder encore et encore tous les documents qu'Angel m'avait fournit. Des photos de cadavres, des indices, des dépositions…

La victime, Edna Quisty. Eventrée après avoir été torturée et violée. Elle avait été tuée il y a une semaine. Je travaillais pour la société Cain depuis deux semaines.

En fait, on n'avait pas eu l'occasion de discuter réellement avec Angel. Du moins, dans la partie relationnel.. On était rentré tout de suite dans le vif du sujet.

Dès que j'avais signé les papiers, il s'était mit à applaudir, un sourire victorieux. Encore aujourd'hui, je cherche où était le piège…

« Bienvenu dans la société Joshua… Permettez que je vous appelle ainsi, nous allons avoir à passer du temps ensemble. »

J'acquiesçais en silence, curieux de savoir où le contrat signé allait me mener.

Mon interlocuteur et désormais associé se leva enfin, me surplombant de toute sa hauteur. Je levais doucement les yeux pour le défier. Pas question que je ne m'abaisse… Ce n'était pas parce que j'étais beaucoup plus petit que j'allais me laisser marcher sur les pieds, patron, associé ou baraqué qu'il était. J'osais même un petit sourire en demi lune.

Mon attitude sembla lui plaire car un sourire fin et satisfait me répondit alors qu'il se penchait pour récupérer un dossier bleu.

« Bien. Maintenant que l'administration est faite, passons aux choses sérieuses. »

Il me tendit le paquet. Je le pris, intrigué et l'ouvrit. A l'intérieur, des photos de femmes tuées, des rapports d'autopsies, de police ainsi que des dépositions de suspects.

Je levais un visage sérieux, étant moins insolent tout d'un coup. Ma pomme d'Adam monta et descendit sous ma déglutition difficile. J'avais du mal à réaliser.

« Trois victimes… Toutes torturées, violées, éventrées… Le même style.. Celui de Lankdok… Mais… »

Je regardais encore le papier glacé des photos, inquiet. Pourtant.. Lankdok était en prison, mit par mes soins, après trois mois de coma.

« Il est en prison, je le sais.

Un copieur ? –Je ne voyais que ça. »

Il démit de la tête.

« Même un copieur ne ferait pas une aussi belle imitation… Certains détails que seules la police connaissait s'y trouvaient également. Quant à Lankdok, je me suis renseigné, il n'a eu aucun contact avec l'extérieur depuis son incarcération. De plus, vous le savez, il n'a plus toute sa tête… »

Il m'avait coupé au moment où, justement, j'allais émettre l'idée qu'il avait peut être eu un contact quelconque avec une personne étrangère. Rongeant mon frein, je réfléchissais à ce que je venais d'apprendre. Si ce n'était pas Lankdok, c'était peut être quelqu'un qui connaissait son modus operator. Parce qu'il n'était même pas envisageable que le meurtrier que je pourchassais il y a longtemps n'était pas celui-ci. Il avait tué devant moi sa dernière victime et encore aujourd'hui, le rire de ce fou résonnait dans ma tête… Une mouche dans une toile d'araignée qui essayait de se faire oublier mais pas moyen. Toujours ce son aigu qui m'empêchait de penser à autre chose, d'oublier…

« Je ne peux pas croire que ce ne soit pas Lankdok l'assassin ! »

Angel sorti un paquet de cigarettes de sa poche et en glissa une entre ses lèvres, l'alluma, souffla quelques bouffées avant de daigner me répondre.

« Je n'ai jamais dit le contraire, Joshua… Mais si vous lisez les papiers, le même style…

Peut être un membre de la prison qui aurait pété un plomb ?!

J'ai déjà enquêté… A priori, pas de solution de ce côté-là… »

Si ma curiosité était déjà piquée au vif par ce contrat d'associé, elle l'était encore plus avec cette histoire.. Oh non que cela m'amuse de voir des femmes innocentes mourir ainsi… Ca me rendait plus malade qu'autre chose… Mais la question de chercher qui était derrière tout ça m'émoustillait aussi. Je devais être bizarre… Peut être que ce n'était pas plus mal finalement que je sois mit à pied…

« Je ne comprends pas…

-Moi non plus. C'est une des raisons pour lesquelles je vous ai appelé. Vous êtes celui qui avez trouver Lankdok.. Vous trouverez celui là. »

J'avoue être étonné de cette confiance qu'il plaçait en moi alors que c'était la première fois que l'on se voyait. Mais j'eus beau essayé de lui expliquer ce qui avait fait de moi un chômeur de plus dans cette ville, Angel n'avait pas démordu. Il était persuadé que j'étais l'homme de la situation.

Une semaine après, il y avait une nouvelle victime…

Les yeux fatigués, je me les frottais, baillant à m'en décrocher la mâchoire tandis que Pickup se mettait encore plus en boule, grommelant.

« Mon pauvre chien, on a pas eu le temps de se promener beaucoup, je suis désolé… »

Ses oreilles droites bougeaient au son de ma voix, mais il ne fit aucun effort pour se lever.

Un café… Il me fallait un café… Je ne trouvais aucun indice qui pouvait me mener au copieur de Lankdok… Rien, nada, que dalle…

Le liquide noir s'écoulait doucement de la machine et j'en profitais pour m'étirer et jeter un coup d'œil au courrier accumulé. Je n'avais pas eu le temps de m'occuper des factures depuis ce fameux rendez vous.

Alors que je regardais un montant assez salé à mon goût pour l'électricité, le téléphone sonna. Tant mieux… Il valait mieux ça que voir combien j'allais encore dépenser.

« Oui ?

C'est moi. »

Pas de bonjour, comment allez vous, avez-vous passer une bonne nuit ? Non, Angel n'était pas comme ça. Il allait droit au but, comme à son habitude. Il n'aimait pas perdre son temps dans les détails –dans un sens, je n'étais pas sur que savoir si j'avais bien dormi était un détail…- .

D'ailleurs, je l'avais déjà constaté dès notre première rencontre.

Je souris bien malgré moi. Implicitement, je supportais son caractère taciturne et lui, mon insolence.

« Moi aussi je suis content que vous ayez passé une bonne nuit »

Mais tiens ta langue, bon sang !

« N'est ce pas ? Alors, du nouveau ?

Non, sinon, je ne serais fait une joie de vous appeler pour vous annoncer la bonne nouvelle…

…J'ai pris rendez vous avec la prison, pour Lankdok. J'aimerais que ce soit vous qui conduisiez l'interrogatoire. »

Mon sourire s'effaça. Je devais admettre que revoir Lankdok ne me plaisait guère. J'avais déjà du mal à oublier son rire… Alors, son visage…

« Vous êtes sûr ? Ne préférez vous pas vous y rendre vous-même ?

Avez-vous peur ? »

Je l'entendais, au son de sa voix, qu'il me narguait, volontairement. J'étais prêt à le jurer, ma main à couper. Et le pire, c'est que j'avais beau le savoir, je montais facilement au créneau.

« Quand a lieu le rendez vous ?

Demain, à 15H30, à la prison de Fortlake. Souhaitez vous que je vienne avec vous vous tenir la main ?

Non, ça ira ! »

Répliquais je sèchement, un peu agacé. Autant par mon comportement infantile que celui de mon patron et associé.

« Bien, dans ce cas, vous avez quartier libre pour la journée d'aujourd'hui. Profitez en pour vous reposer et rattraper votre nuit blanche. Vous aurez besoin de toute votre tête et de votre concentration demain. »

Comment pouvait-il devenir pour ma nuit blanche ? Peut être à ma voix… C'est vrai qu'elle devait être fatiguée, tout comme mon apparence. Mon reflet dans le miroir le confirma une fois que j'avais raccroché le téléphone.

Si je m'écoutais, je serais allé me coucher directement. En fait, c'était exactement ce que je voulais faire mais Pickup était là pour me rappeler sa présence.

On était mercredi et je pouvais aller faire un tour au terrain d'entraînement. Allez, je prenais mon courage à deux mains et après une bonne douche, j'enfilais une tenue qui ne risquais rien, ni la boue, ni la poussière, ni l'eau… - et la bave-. Un jean de travail qui me descendait jusqu'aux hanches avec un tshirt noir –toujours l'éternelle couleur passe partout- à manches longues que je retroussais. Des baskets que j'achetais par lot – elles ne duraient jamais bien longtemps mais n'était pas chères. Quand je les mettais à la poubelle car trop abimées, je n'avais aucun remords – et j'étais paré.

J'attachais mes cheveux d'un élastique, empêchant les mèches de venir me distraire, du moins quelques temps.

Voilà, j'étais prêt pour l'opération commando avec Pickup. Quand il me vit, laisse en main, il aurait pu sauter de joie, il l'aurait fait.

« Oui, tu as bien comprit, on sort ! »

Passant la laisse, je me dirigeais vers la sortie, bien décidé à consacrer ma journée à mon chien. Le pauvre avait besoin de se défouler. Le jardin était grand mais pas assez pour ce grand loulou.

Le trajet pour rejoindre le terrain d'entraînement ne prit pas plus de vingt minutes.

Il était juste derrière un grand magasin d'alimentation pour animaux. Le gérant avait décidé de sous loué le terrain à des maîtres chiens. J'y travaillais depuis l'ouverture et était devenu un membre régulier.

ON y trouvait tout ce qu'il fallait pour dépenser nos amis à quatre pattes : des obstacles, des plots, une piscine, un grand terrain de sable, une sorte de labyrinthe afin d'affiner le flair de nos compagnons, etc.

Aujourd'hui, j'avais décidé de le faire travailler à l'attaque. J'enfilais la tenue de combat, protégeant tous les membres, enfilant un casque ainsi que des gants. I am ready… Prêt à mettre à l'épreuve mon fauve.

Nous travaillâmes deux bonnes heures. Pickup était en forme et surtout ravi de sortir de la maison. Le visage en sueur, je stoppais l'exercice, rêvant d'une douche. Le climat de la Californie n'aidait pas.

Félicitant l'animal, je levais la tête soudainement à une voix inconnue, basse et chaleureuse.

« Il est bien éduqué.. Je suis impressionné par l'endurance. Est il jeune ? »

L'homme qui m'adressait la parole était de quelques centimètres plus grand que moi. C'était un blond aux yeux noisette. Un visage souriant, au menton volontaire. Ses cheveux lui tombaient aux épaules, libres, se déplaçant au gré du mouvement de sa tête. Il ne me semblait pas l'avoir déjà vu.

« Pickup adore ce genre d'exercice… Monsieur ?

Terrance, Hick Terrance.

Je ne vous ai jamais vu ici ? »

Non pas que ça me dérangeait, j'aimais bien discuter avec les membres du club et surtout, de parler des exploits de mon brave toutou. L'homme qui s'était présenté comme Terrance continuait à sourire.

« C'est normal, je n'ai pas d'animaux… Je suis le nouveau gérant. Mon cousin était le dernier et il a décidé de prendre une retraite anticipée. Je suis donc chargé de vérifier si tout le monde est satisfait des services proposés.

Oui, tout va bien. »

Je retirais mon casque, mes cheveux collés à ma tempe. Je devais vraiment être avec une allure de monstre.

« Excusez ma tenue. »

Léger rire de la part de mon interlocuteur. Apparemment, ça n'avait pas l'air de le déranger plus que ça, bien au contraire, il avait l'air d'être amusé. Décidemment, j'amusais beaucoup de personnes…

« Ne vous en faîtes pas… Ce n'est pas ce genre de détails qui est important à mes yeux… Sauf évidemment si nous nous trouvions dans un restaurant trois étoiles… Dans ce cas, je crois que ça me dérangerais un peu… »

J'accompagnais le rire, amusé également. C'était une personne qui ne donnait pas l'impression de se prendre trop la tête sur les apparences et c'était ce que j'aimais… J'arrivais à être moi-même avec ce type de personnes.

« Nous n'avons pas eu le plaisir de nous présenter plus en avant. Vous avez un avantage par rapport à moi…. Je n'ai pas la chance de savoir à qui je m'adresse…

Oh ? Bien sûr, vous avez raison… Joshua Shaliensky….

Joshua.. Josh… »

J'haussais un sourcil. Ce n'était pas la première fois que l'on utilisait un diminutif, mais jamais aussi rapidement, surtout venant d'un inconnu. Mais si j'en étais surprit, je ne m'en formalisait pas plus que ça. Après tout, j'étais bien le dernier à critiquer la politesse.

« Oui, Josh… Pour mes amis. »

Je fis un clin d'œil en direction de Terrance, histoire de bien lui montrer que je ne l'avais pas mal prit. Et puis, si je pouvais me faire un nouvel ami, pourquoi pas… J'en avais beaucoup il fut un temps et curieusement, leur nombre avait diminué quand j'avais eu ce petit problème…D'ailleurs, je ne comprenais pas pourquoi, j'étais un ange, non ?

Non.. Peut être pas après tout… Mais ce n'était pas grave, c'était dans ce genre de situation que l'on se rendait compte de ceux qui étaient nos vrais amis ou non.

Ma réflexion fut bien accueillie et j'en fus heureux. Je n'aimais pas froisser les gens dès la première rencontre, en particulier quand je ne l'avais pas décidé…. Ce qui fait, si vous avez bien suivi, que le cas Angel était voulu.

En effet, dès notre rendez vous, je me suis demandé la raison de mon comportement, le style 'je m'en foutisme'. Peut être un moyen pour moi de m'imposer… Et surtout de voir à qui j'avais affaire. Et avouons, mon associé était une personne qui méritait qu'on s'y attarde… Sa façon de travailler, sa façon de penser, de parler, de lire dans mes pensées… Tout était mystérieux chez cet homme et j'étais curieux. Et pour atteindre mon but, le narguer était une tactique des plus efficaces.

Mais je m'égare, revenons à Terrance qui continuait à me regarder amicalement. Je maintiens mon sourire.

« Ainsi donc, votre cousin est le gérant du club ?

L'ancien gérant, oui… Désormais, ce sera par moi que devront passer les inscriptions et les doléances…Cependant, je ne suis pas au fait du dressage. Je dois avouer que je n'en ai jamais fait, je suis complètement novice dans ce domaine. »

Pickup vint se placer sous ma main, réclamant attentions et caresses. Ce que je fis, distraitement, tout en répondant.

« Oh ? Je ne pense pas que vous ayez besoin d'une grande connaissance en chiens pour gérer le club. Il faut, à mon avis, être surtout bon gestionnaire et avoir la tête sur les épaules… Ah et bien sûr, il ne faut pas penser à faire fortune ! »

Evidemment, ce n'était pas les membres cynophiles qui étaient les plus riches de la ville. Et moi encore moins que les autres.

« J'ai cru comprendre que je n'allais pas rouler sur l'or… Mais ce n'est pas grave, je ne suis pas derrière mes sous. J'ai la chance de vivre des rentes de ma famille. »

Il me fit un sourire d'excuse et je l'en excusais assez vite. Je n'allais pas le snober parce qu'il ne vivait pas des fruits de son travail… Il ne s'en vantait pas et c'était tout ce que je demandais…

« Dans ce cas, tout va bien… »

Je me baissais pour retirer le collier de travail de mon compagnon.

« En tout cas, si je peux vous renseigner ou vous aider en quoique ce soit, n'hésitez pas à me contacter… J'ai beaucoup de travail mais rendre service au club sera toujours un plaisir.

Quel genre de travail faites vous sans indiscrétion ?

Oh ? Et bien, je travaille en tant que détective privé… »

Et en tant que tel, j'observais la réaction de mon vis-à-vis. La façon dont les gens se comportaient à ce genre de nouvelles était toujours intéressante à analyser. Mais Terrance ne releva pas plus que ça, un simple hochement de tête accompagna mes dires.

« D'où un intérêt en plus à travailler avec son chien…

En effet, j'avoue que de temps en temps, je ne suis pas contre un peu d'aide… Mais… Ca fait un petit moment que je n'ai pas fait appel à lui… »

Plus précisément depuis que je pointais au chômage. Pickup ne m'étais plus vraiment utile sauf pour me forcer à me lever tous les matins et pour aller courir un peu. Mon visage a du s'assombrir un peu car mon interlocuteur inclina doucement la tête et me fit un sourire réconfortant.

« La chance vous sourira de nouveau, vous verrez, je suis prêt à le parier… Joshua.. »

Je ne le connaissais ni d'Adam ni d'Eve, et lui non plus, mais cette simple petite remarque me donna du baume au cœur. J'acquiesçais.

« Oui, puisse le ciel vous entendre, Terrance..

Vous pouvez me tutoyer –il grimaçait, un brin gêné- je ne suis pas sur que je soit plus âgé que vous…

Et bien, j'ai 25 ans…

Là.. Vous voyez, j'ai à peine 27 ans… A peine plus âgé que vous… Et si vous permettez, j'aimerai beaucoup vous inviter à prendre un café avec moi, j'ai quelques petites questions à propos du dressage et des services que je pourrais offrir en plus afin de satisfaire tous les membres du club. Vous avez l'air de vous y connaître et d'avoir des idées.. Joshua, êtes vous d'accord ?

.. Hum… -Je jetais encore un coup d'œil à mon toutou qui avait l'air de trouver le temps libre et regardais de nouveau le blond.- Je ne suis pas contre, j'ai quartier libre pour la journée… Cependant, je ne suis pas très présentable pour aller dans un café… Laissez… heu.. Laisse moi prendre une douche chez moi et te rejoindre dans un café… »

J'avais prie la liberté de le tutoyer après son autorisation et grand bien me fasse, ce fut accueillit avec un grand sourire ravi. Un sourire doux et chaleureux que j'aurais bien aimé voir beaucoup plus souvent.

« Je n'y vois aucun inconvénient… Veux tu que je passe te prendre.. ? »

Pas de soucis, je lui donnais ma carte de visite et surtout, à l'arrière, mon adresse avant de le quitter avec un serrement de mains et une certaine impatience de me trouver à cet après midi, 16 heures.

Le retour se fit tranquille, j'avais toujours très chaud mais le vent frais, ce qui aidait à supporter la température d'été.

La voiture de mes parents, Pickup à l'arrière, dans le coffre, nous conduisit jusqu'à la demeure familiale.

Je balançait mes fringues sales et pleines de poussières dans le bac à linge, traversait le hall de la maison, uniquement vêtu d'un boxer noir et attrapait une bouteille d'eau fraîche dans le frigo. Après plusieurs gorgées, désaltéré, je songeais à faire la même chose pour l'extérieur.. Une bonne douche…

Celle-ci me fit un bien fou. L'eau me coula le long des cheveux et de ma peau. Je renversais la tête avec un léger sourire de bien être sur le visage. Je repensais à ma rencontre avec Terrance et de nouveau, était très content d'avoir fait sa connaissance. C'était un homme qui avait pratiquement mon âge et qui n'était pas dans le milieu de la police. Bref, de quoi me faire du bien. Discuter avec quelqu'un qui n'était pas dans le milieu était un moyen de garder toute sa tête et son objectivité.

Le téléphone sonnait quand je sortais de la cabine de douche et me précipitais vers lui, manquant de me casser la figure au passage grâce à toute la flotte que j'avais mit à côté. Je grognais encore quand je décrochais. Un vague 'ouais' répondit à la personne qui me faisait le plaisir de prendre de mes nouvelles.

Mais je repris très vite mes esprits en entendant la voix au bout du fil. Angel.

J'écarquillais les yeux , me redressais comme si il avait été juste en face de moi –encore heureux que non, car ma simple serviette de bain n'aurait pas suffit à tout cacher- et reprenais tout de suite mon sérieux. C'était fou l'effet qu'avait cet homme sur moi. Dès qu'il m'adressait la parole, j'avais toujours cette impression d'être jugé et je ne voulais pas laisser la moindre faute se faire remarquer.

« Joshua ?

Ah ? Heu.. Angel ? Oui.. Excusez moi. ; J'étais sous la douche…

Donc, je ne vous dérange pas plus que ça, je suis dans le coin et je dois vos voir pour vous donner quelques éléments que l'inspecteur avec lequel je travaille vient tout juste de me fournir. Peut être qu'ils pourraient nous aider dans notre enquête… »

Je regardais mon éternelle pendule de mur qui m'indiquait toujours que je n'étais pas des plus organisé. J'avais rendez vous à 16 heures et il était 12H30. Bref, j'avais encore pas mal de temps.

« OK, pas de problème.

Je savais que je pouvais compter sur vous. Je sais que c'était votre journée de repos, mais je pense que ça peut être important. »

Je l'entendais sourire et grimaçait. Angel, désolé ? Ce n'était pas dans son style.. Je n'étais pas dupe.

« Je vous attends.

Je suis là dans 5 minutes. »

Et il raccrocha en laissant un Josh ébahi, se disant qu'il avait intérêt à s'habiller très vite si il ne voulait pas être surprit dans une tenue des plus embarrassante par son patron.

Je venais à peine d'enfiler un jean et une chemise blanche, la serviette autour de mon cou pour que mes cheveux trempés ne dégoulinent pas trop, que la sonnette de la porte d'entrée se fit entendre. Ce n'était pas possible, il tait déjà dans le coin avant de m'appeler. Ou bien ce type avait découvert le secret de la transmutation humaine.

Pickup aboyait joyeusement devant la porte d'entrée alors que je m'en approchais, maladroit. J'ouvris à mon patron et associé et m'écartais pour le laisser entrer.

« Bienvenu dans mon humble demeure… »

C'était la deuxième fois qu'il venait chez moi. La première fois, c'était un coup du hasard. J'étais allé au bureau, pour 8 heures et j'avais eu une petite allergie de contact avec le bitume de la route. C'était lui qui m'avait raccompagné chez moi, m'ordonnant que pour la journée, je pouvais me reposer. Fort heureusement pour moi, je n'avais eu que quelques égratignures, mais ça m'avait permit de découvrir que le froid monsieur Cain pouvait se comporter en humain de temps en temps. Je l'avais remercié et avait dormi toute la journée, grâce à un superbe mal de crâne. A mon réveil, j'avais été étonné de trouver de quoi manger, un simple petit casse croûte, pain et jambon, et de quoi me désaltérer, avec en plus, et je crois que c'était ce qui m'avais le plus étonné, le numéro de téléphone personnel de mon patron, en cas de problèmes….

Enfin bref, tout ça pour dire que ce n'était que la deuxième fois qu'il se rendait chez moi et que je ne savais pas vraiment si il avait prit ses aises chez moi ou non… Dans l'état dans lequel je me trouvais la première fois, il aurait tout aussi bien pu visiter tous les moindres recoins de la maison que j'en étais bien incapable de me souvenir… Même Pickup était traître à cet endroit, il semblait beaucoup apprécié mon associé..

Angel était comme à son habitude toujours très bien habillé… Costume cravate, celle-ci juste un peu dénouée pour la forme, la chemise déboutonnée un peu sur le haut, dévoilant ou plutôt laissant simplement deviné un torse imberbe et musclé, le reste sombre, noir, comme si cette couleur- ou nuance- était la seule qu'il connaisse, repassé et lisse. A côté de lui, je faisais toujours très négligé. Mais en même temps, j'étais chez moi, j'avais bien le droit d'être vêtu décontracté… Après tout, je ne devais pas bosser aujourd'hui !

Alors que je me faisais cette joie remarque, il retira sa superbe veste et la pendit à mon simple porte manteau sans rechigné de savoir si elle allait être froisser ou abîmer.. Voilà un comportement qui le fit remonter encore un peu plus dans mon estime… Les personnes trop précieuses avaient plus tendance à me filer de l'urticaire qu'autre chose et quand j'en rencontrai, il fallait absolument que je trouve un moyen de les fuir, sinon, je devenais vite désagréable… Quand on pensait que je vivais avec un chien loup qui adorait se rouler dans la boue les jours de pluie, on pouvait comprendre que moi et le m'as-tu vu était deux choses bien distinctes.

J'acquiesçais en moi-même suite à cette attitude, donna un rapide ordre à Pickup d'aller se coucher, car trop joyeux à la présence de mon patron, et alla serrer la main du dit patron. Ce dernier la regarda quelques secondes sans bouger avant de me faire son sourire si particulier à lui et de la serrer.

« Nous avons du travail… »

Ca, j'aurais du m'y attendre comme entrée en demeure, au moins, c'était clair, net et précis. Il ne venait pas pour une visite de politesse. Je grimaçais autant pour cette réflexion que pour la poigne solide échangée et hochait la tête.

« C'est ce qu'il m'avait semblé. »

Ma main quitta celle de mon interlocuteur, effleurant au passage les doigts et revint dans une des poches de mon jean.

« Bien, dans ce cas, rentrons dans le vif du sujet… Quelles sont ces fameuses informations que vous souhaitiez me communiquer aussi rapidement ? »

J'avoue être assez curieux de savoir ce qui ne pouvait attendre demain. Il fallait bien que ce soit extrêmement important pour qu'il fasse le chemin jusqu'ici.

Angel garda son sourire et leva sa main pour me désigner le chiffre deux.

Intrigué, je le fixais sans comprendre. Quoi, deux ? Deux quoi ? Informations, deux secondes, deux cafés ?

Il dut voir mes questions sur mon visage car son sourire s'élargit et son regard se fit encore plus perçant.

« Deux suspects. »

J'écarquillais les yeux, stupéfait. Des suspects ? C'était bien plus que ce qu'on avait réussit à avoir ces derniers temps ? Et pourquoi comme ça, tout d'un coup, deux ? Pas un, mais deux ?! Sous quelles preuves ?

Encore abasourdi, je me dirigeais vers la cuisine pour nous préparer du café.

« Deux ? D'où viennent ils ? Avez-vous eu des informations spéciales qui vous donnent cette assurance de deux suspects ?

En effet, aujourd'hui, j'ai reçu un rapport de police fort intéressant…Au départ, rien à voir avec notre affaire de meurtre, juste une petite histoire de chantage sans grande importance… Cependant l'interrogatoire enregistré est des plus instructif.. Le maître chanteur prétend avoir été dans le coin lors de l'assassinat de Eva Fortlit…. Et la suite est plus étonnante… »

Je le regardais, le paquet de café encore en main, cherchant à savoir ce qui pouvait être encore plus étonnant que ce qu'il venait de me révéler… Eva… La première victime de Langdok… Celle qui m'a lié à ce meurtrier, qui a diriger mon destin jusqu'à lui et qui l'a envoyé au trou. C'était une très belle femme de son vivant, magnifique brune aux yeux vert… De ce que j'avais apprit sur elle par son entourage, tout le monde l'adorait… Et elle était promit à un brillant avenir de professeur en histoire… Avenir qui disparut lorsqu'elle rencontra le chemin de Langdok…Quand j'avais vu les photos d'Eva, nue, allongée, morte, je m'étais promis de retrouver le salaud qui avait fait ça !

Et je l'avais fait.. J'avais tenu ma parole… Non sans mal car il y avait eu d'autres victimes… Mais je l'avais trouvé, je l'avais mit en prison… Et voilà que j'avais maintenant une sorte de copycat…

« Comment ça se fait qu'il ne se présente que maintenant ?! Il a vu l'assassin d'Eva ?! »

Angel alla s'asseoir sur un des canapés du salon et alluma une cigarette, prenant son temps pour répondre, sachant parfaitement que j'étais en train de bouillir sur place. Nom de Dieu, qu'il réponde et qu'il m'explique !

Il souffla une ou deux fois une fumée blanche, m'obligeant à me calmer un peu et à reprendre ma préparation de café. Quand j'arrivais à lui avec deux tasses fumantes, il me remercia d'un mouvement de tête et répondit enfin.

« Le maître chanteur s'appelle Rick Teachman… C'est un type pas très honnête en soit et qui vit justement des vices de son entourage. Aux dernières nouvelles, il faisait chanté une femme de tromper son mari avec une autre femme.. Enfin, j'imagine que ce détail ne t'intéresse pas… Du moins, pas pour l'instant… Bref, Rick se trouvait près de meurtre d'Eva à l'époque.. Et il a vu l'assassin.. Pardon, quand je dis voir.. Disons qu'il a entendu la bagarre entre Eva et son meurtrier.. Il a entendu la bataille, le cri de douleur d'Eva et le rire de son agresseur, il a entendu son dernier souffle de vie et est resté planqué durant trois heures avant d'oser sortir de son trou…

Jusque là, ce qu'il nous apporte n'est plus important…

La voix qu'il a entendue n'est pas du tout la même que celle de Langdok… »

Mon visage s'assombri mais répliquais aussi sec.

« Une voix peut être parfaitement déguisée…Ce n'est pas dur..

Pas quand on a une voix de femme… »

Comment exprimer ma réaction à ce moment précis ? Une femme… ? Imiter une voix de femme pouvait être facile pour certaines personnes mais pas pour Langdok. Il avait un ton assez bas pour ne pouvoir imiter une femme… Pourtant, les modus operator… Non, cela ne pouvait pas être une femme… Et le viol ? C'était quoi ce bordel, plus le temps passait sur cette enquête et plus je doutais de la culpabilité de Langdok sans vraiment en douté… Il avait tué devant moi ! Ce n'était pas un doute mais une affirmation !

Alors…. Une femme…. ?

« Ce n'est pas possible, une femme ne peut être la coupable…

Et pourquoi donc ?

Tout prouve que c'est Langdok…

En effet, tout le prouve.. Mais je reste persuadé que cette information n'est pas erronée… Rick est trop effrayé pour mentir…

Effrayé ?

Oui, il est venu de lui-même se constituer prisonnier… Dans un sale état. Il y a deux jours, il a été agressé.. Par un couple… Au départ, il cru simplement que c'était simplement de l'argent que les agresseurs voulaient… Mais quand il entendit la voix de la femme, il l'a reconnu… Il s'en est sorti de justesse, apparemment, un flic passait dans le coin et l'a récupéré, les doigts des mains cassés… Chacun, un par un… Comme quoi un flic, ça sert de temps… »

Je ne fis même pas l'effort de soulever la provocation, trop encore plongé dans les données que me fournissait Angel… Trop de données qui impliquaient trop de questions et pas assez de réponses… A mon grand désarroi.

J'inspirai profondément et essaya de reprendre une pensée logique.

« Admettons que ce soit les vrais assassins… Pourquoi maintenant et pourquoi Rick ? Il ne s'est jamais vanté de quoique ce soit, non ?

A la base, jamais.. Mais il a une fâcheuse habitude de trop parler quand il est saoul… Et une autre d'aller voir facilement les putes quand il a trop bu… Ma conclusion est qu'il s'est laisser aller à quelques confidences et qu'elles sont retombées dans des oreilles qu'il ne fallait pas…

… Hum… Ca se tient… Mais alors… Cela voudrait dire que Langdok n'est pas forcément l'original, mais simplement le copieur… Si on part bien sur du principe que ce n'est pas lui qui a tué Eva…. Mais… »

Je relevais la tête sur mon interlocuteur.

« Mais les traces de spermes ?! Les analyses ADN sont sans équivoques… C'est bien lui… »

Rhaaa, prise de tête en puissance… Je fermais les yeux et me laissais tomber sur le canapé, la tête en arrière, essayant de ne pas me laisser aller au doute. Il ne fallait pas que je doute, c'était dans ses moments là que je perdais complètement mes raisonnements.

« Demain, vous devez aller voir Langdok.. Je compte sur votre imagination et votre efficacité pour mener à bien l'interrogatoire et trouver peut être une réponse à vos questions… Et aux miennes… »

Je l'entendis prendre la tasse de café et déglutir un peu le liquide alors que je soupirais. La partie n'était déjà pas gagner à la base, mais là, elle devenait de plus en plus complexe…

Nous restâmes dans le silence plusieurs minutes avant que je ne me décide enfin à relever les paupières et regarder Angel. Il était là, en face de moi, toujours assit impeccablement, m'observant de son regard toujours très unique… Il donnait cette impression de pouvoir lire en moi, c'était affolant.

Comme il ne disait rien, je me relevais et me dirigeais vers la fenêtre la plus proche.

« Je ferais de mon mieux.. »

Il se leva également et se plaça à mes côtés, venant partagé le paysage face à moi…

« Et je ne doute pas de votre réussite.. »

Je frissonnais sous cette confiance accordée. Depuis le début il me vouait une totale confiance et sans comprendre vraiment pourquoi, je ne voulais pas le décevoir.. Mais cette affaire s'annonçait beaucoup plus difficile et nouée que prévu. Et je doutais réellement de mes capacités.