Coucou à tous ! Qu'est ce que ça fait du bien d'être de retour ! Je sais que je vous ai fait grandement attendre avec ce chapitre et je m'en excuse. Cela fait des mois que je n'avais pas updaté cette fiction pour plein de raisons que je ne vous exposerai pas (ça serait trop long et ma vie ne vous intéresse pas de toute façon !). Je peux juste vous dire que je suis la maman comblée d'un petit Ange d'un mois et demi qui occupe toutes mes journées ( et mes nuits aussi ).
Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à cette histoire. Chaque message posté, malgré ma longue absence, m'a fait un plaisir immense. Merci vraiment à tous…
Dur de se remettre dans le bain après autant de temps. J'ai essayé de faire au mieux et j'espère que je ne me suis pas « rouillée ». Sinon vous n'hésitez pas à me le dire, hein !
Le chapitre n'est pas fort réjouissant. Cataclysme chez tous les personnages ou presque ! Thomas est mis en avant avec plusieurs pov, mais je ne vous en dis pas plus. Bonne lecture.
Chapitre 23
(Point de vue de Thomas)
J'avais eu beaucoup de mal à trouver le sommeil. J'avais ressassé en boucle une bonne partie de la nuit ma conversation avec Rodrigue juste après qu'il ait fait son numéro sur le pont.
Comment imaginer qu'un gamin comme lui viendrait changer tout ce que je j'avais si savamment pensé depuis plusieurs mois… Un gamin que j'avais rencontré tout bêtement dans le parc du coin et qui depuis, avait pris une place trop importante dans mon quotidien.
Je commençais à m'être habitué à cette solitude que j'avais si ardemment désirée et puis il était apparu, enfant qui pleurait sans cesse, et j'avais été vaincu sur mon propre terrain.
Je suis si pathétique de m'être laissé affaiblir par son innocence. Qu'aurai-je eu à lui offrir de toute façon si ce n'est mon esprit dérangé et les démons qui me hantent jours et nuits ?
Oui, j'ai pris la bonne décision…
(Flash back de la veille)
J'étais debout sur mes deux jambes bien valides et son visage était niché au creux de mon cou. Je me tenais à lui avec cette impression que j'allais tomber, preuve de mon mal
psychologique. Pourtant il n'en était rien et à ma vraie hauteur, j'appréhendais le monde sous un œil nouveau. Je me sentais fort, dominant, avec au fond de moi cette culpabilité atroce… Avais-je le droit de me sentir vivant après avoir donné la mort ?
Tout est une question de point de vue…
En regardant par-dessus son épaule, j'apercevais ma chaise roulante, laissée à l'abandon quelques mètres plus loin. Elle avait fait partie de ma vie et maintenant, je la reniais presque…
Et le responsable de tout cela, c'était celui que je tenais maladroitement dans mes bras.
Comment avais-je pu en arriver là avec lui ? Pourquoi sentais-je autant de sincérité dans son étreinte ? C'est à ce moment là que j'ai commencé à avoir peur. Oui, peur de déraper et de ne pas maitriser mon propre jeu.
Je me rendis compte que je caressais distraitement ses mèches blondes entre mes doigts et que j'avais fermé les yeux en respirant son odeur.
Avais-je perdu la tête ?
Je retirais ma main comme si j'avais touché quelque chose de brulant.
Ne pas s'attacher à lui, c'était règle que je m'étais fixée. Je ne veux m'attacher à plus personne…surtout pas à lui.
Il leva lentement la tête vers moi et d'un geste peut être trop rude, je le repoussais afin de mettre de la distance entre nos deux corps. Deux yeux bleus presque implorants me cherchaient du regard. Je détournais le mien et montrais du doigt sa maison :
-Tu devrais rentrer chez toi maintenant…
Il entrouvrit légèrement les lèvres et je sentis qu'il voulait dire quelque chose. Mon cœur battait à tout rompre.
Non…ça serait beaucoup plus simple s'il s'en allait maintenant. Pourtant, une partie de moi voulait en avoir le cœur net.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je… Commença t-il en me regardant d'un air qui en disait trop long pour que ce ne soit pas explicite.
Il tremblait.
Tout était clair comme de l'eau.
Sentant qu'il allait m'ouvrir son cœur et n'étant pas prêt finalement à l'entendre, je posais une main sur sa bouche et d'un ton rude :
-Ne dis rien.
Ses yeux s'embuèrent immédiatement. Il recula d'un pas, puis d'un autre, et avant de se tourner définitivement, il murmura, au bord des larmes :
-Je suis désolé. Moi non plus je ne voulais pas…
(Fin du flash back)
Oui, j'avais pris la bonne décision… Mais je lui avais brisé le cœur…
J'avais poussé le jeu à l'extrême et je m'en sentais coupable. En devinant les sentiments qu'il avait depuis quelques temps déjà, j'aurai du m'éloigner de lui.
Pourquoi ne pas l'avoir fait et être resté à ma place de professeur plutôt que de chercher sa compagnie ? Je ne devrai même pas avoir son numéro de téléphone si j'étais quelqu'un de normal… Un homme de mon âge, dangereux de surcroit, n'a rien à faire avec un gamin comme lui. Même une amitié n'est pas possible.
Nous sommes les deux exacts opposés…
J'avais encore été immonde en agissant ainsi. Je l'avais humilié sans même lui laisser le temps de faire sa déclaration. J'aurai pu lui dire non pas trop méchamment, lui expliquer que nous ne pouvions tout simplement pas.
Allait-il comprendre à présent que je n'étais pas quelqu'un de qui on pouvait tomber amoureux, que j'étais le dernier des salauds en n'étant pas même capable de refuser normalement les sentiments de quelqu'un ?
Mais ce gamin est tellement stupide et masochiste qu'il serait capable de continuer à m'aimer quand même…
Oui, j'avais pris la bonne décision… Mais avais-je le choix ?
...
La nuit avait été courte mais j'avais pu quand même somnoler quelques heures.
Ouvrant un œil, puis un autre, je sentis le matelas de mon lit s'affaisser légèrement, me signifiant que quelqu'un venait de s'assoir dessus. Quand ma vision d'endormi s'éclaircit un peu, je distinguais sans surprise Dantes en train de malmener un de mes coussins.
-Faut qu'on parle, m'annonça t-il un peu trop solennellement à mon goût.
-Je ne suis pas quelqu'un du matin et tu le sais très bien, ronchonnais-je, énervé qu'il vienne me déranger au saut du lit. Casse-toi maintenant, j'ai autre chose à faire que de parler des factures ou de mon manque d'instinct paternel.
Par habitude, je balayais la chambre du regard à la recherche de mon fauteuil roulant et bizarrement je ne le distinguais pas.
-Tu ne le trouveras pas, m'annonça Dantes d'un ton très calme.
Je sentis son regard chargé de reproches de mauvaise augure. Enfin, il m'éclaira :
-Je l'ai emmené ce matin à l'hôpital, juste après avoir accompagné Penny à l'école. Je me suis dis que quelqu'un en ayant réellement besoin pouvait en faire meilleur usage qu'un menteur dans ton genre… Mais je suppose que je m'occupe encore de ce qui ne me regarde pas, non ?
Je poussais un long soupir. Il y a des matins comme ça…
Alors que je m'étais redressé il y avait de cela juste quelques secondes, je me laissais retomber lourdement sur mon oreiller.
Me rendormir… C'était mieux.
-Ne te défile pas Thomas. Tu as de la chance que je ne sois pas quelqu'un de violent sinon je t'aurai déjà mis mon poing dans la figure.
-Rien ne t'empêche encore de le faire… Mais attends au moins que je me lève…
-Te lever…hum… J'aimerai bien voir ça.
Même si j'avais souvent été le plus fort dans nos joutes verbales, il semblait que je ne pouvais échapper à cette conversation. De plus, il avait percé le mystère sur mon état et j'étais curieux de savoir comment il avait pu savoir. J'allais surement passer un sale quart d'heure, mais je lui devais bien ça.
Je lui devais bien ça, oui, car sous son air déterminé et cassant je pouvais déceler une immense tristesse.
Décidemment, j'étais l'être le plus odieux du moment. N'empêche, je n'aime pas qu'on touche à mes affaires.
-Tu n'aurais pas du m'enlever le fauteuil roulant, affirmais-je en soupirant.
D'accord mes jambes fonctionnent, mais cela fait six mois que je me déplace ainsi et je me trouve un peu perdu.
-Tu joues à merveille le rôle du désemparé. Je pourrai encore presque y croire…
J'avais envie de lui expliquer que je ne l'avais pas berné tout ce temps et que je n'avais pas marché depuis des mois durant, que cette chaise roulante était un repère pour moi, mais je me ravisais. Ça aurait été beaucoup trop long et je n'étais pas sur de le convaincre de toute façon. Il reprit la parole, voyant que je restais muet et expliqua :
-Tu avais oublié tes papiers avant d'aller à l'hôpital. J'ai voulu bien faire en appelant le secrétariat de « ton » médecin qui m'a informé que tu n'étais pas l'un de ses patients mais une sorte d'imposteur. J'ai également parlé avec l'un des spécialistes qui t'a suivi à New York… Tu marchais après l'accident m'a-t-elle dit… Bref, je suis tombé des nues…
Oublier mes papiers… Bien sur… Quel con j'avais été…
-Je suppose que je devrai être heureux que tu soies en bonne santé mais j'avoue que j'ai ce petit sentiment d'amertume d'avoir été pris pour un imbécile, continua t-il. Ma foi, ce n'est pas si grave en considérant que tu as poussé le vice jusqu'à faire semblant d'être handicapé aux yeux de ta propre fille. Sais tu de combien de choses tu l'as privée en agissant ainsi ? Es-tu au moins conscient que j'ai volé ton rôle de père ?
Il avait touché un point sensible…
-Je n'ai jamais été un « père ». J'en suis incapable et je te serai toujours redevable d'avoir assumé ce rôle pour moi. Ce n'est pas que je ne le voulais pas, mais j'étais trop instable, trop perturbé par l'accident.
-Quand on a un enfant, on l'assume quelque soit les épreuves qu'on traverse dans la vie. Penny n'a rien à voir avec tout ça, dit-il sur un ton de reproche.
Je savais qu'il avait raison. D'ailleurs, Dantes avait toujours raison quand il s'agissait de me remettre en place ou de me donner des conseils. Habituellement, je faisais celui qui était de mauvaise foi mais là je capitulais. Il était dans le vrai sur toute la ligne.
-Je sais. Pardon.
-Tu as changé ces derniers temps Thomas… Je ne saurai pas comment l'expliquer… T'entendre t'excuser ainsi relève du miracle. Toi d'habitude si fier, si imbu de ta petite personne ! Je suppose que quelque chose, ou bien quelqu'un t'a transformé. Je te retrouve un peu plus chaque jour comme avant…
Je haussais les épaules d'un air désinvolte.
-Mais je suis également inquiet.
-Inquiet ? Fis-je, surpris.
-Oui, inquiet, répéta t-il, l'air grave. Je me demande ce que je représente à tes yeux pour tu m'aies fait subir toute cette mascarade. Je suis ton meilleur ami depuis le lycée et ok, nous
avons aussi couché ensemble. Je sais que mes sentiments n'étaient pas réciproques mais je pensais que ton amitié était réelle, ce dont je doute aujourd'hui. Ne suis-je finalement qu'un pion que tu as utilisé ? N'as-tu pas pensé que moi aussi je souffrais de te savoir handicapé à vie, que tous les jours je priais pour pouvoir remonter le temps et que…
-Tu es trop sentimental. De plus, tu ne crois pas en Dieu.
Il ignora ma remarque et enchaina :
-Quand j'ai appris que tu t'étais joué de moi et de mes faiblesses, j'ai voulu repartir tout de suite aux Etats-Unis pour y continuer ce que j'avais entrepris là bas. Je ne suis revenu en France que pour vous suivre, Penny et toi. J'étais effrayé à l'idée que vous ne vous en sortiez pas tous les deux…
Bizarrement, je sentis une boule se former dans ma gorge en entendant ces paroles. Dantes avait sacrifié sa carrière pour nous… Je le savais déjà mais l'entendre le dire…
-J'ai décidé de me laisser quelques jours pour réfléchir… Je viens de trouver du travail sur des défilés ici et j'ai pris Johann sous mon aile. Je ne peux pas me précipiter.
-Et me concernant ? Ajoutais-je en voyant qu'il n'avait pas fait mention de mon nom.
-La supercherie est terminée. Il n'y a plus de raison que nous habitions ensemble.
-Je croyais que tu voulais te donner quelques jours pour…
-Décider si je restais en France ou pas, pas pour déménager.
Non… Pas ça…
-Et Penny, tu vas l'abandonner après avoir joué au papa pendant plusieurs mois ?
Les mots étaient sortis de ma bouche sans que je puisse les contrôler. Une gifle retentissante m'arriva droit dans la figure sans que je puisse l'éviter.
-T'es qu'un gros con, Thomas. Si tu ne veux pas de ta fille, elle peut venir vivre avec moi. C'est toi que j'abandonne, pas elle. Si ton rôle de père te rebute à ce point, je veux bien en assumer la responsabilité mais dis toi que tu l'auras perdue à jamais…
Ma joue me faisait mal. Il y avait mis toute sa force, cet idiot. Et après, il va dire qu'il n'est pas violent…
-Je ne veux pas me débarrasser de Penny, si c'est ce que tu crains, assurais-je avec force. J'essayais juste de te faire comprendre que je… que je…
-Que tu ne veux pas que je parte ? Termina t-il à ma place, un air triste sur le visage. T'entendre dire ce genre de chose, c'est trop beau pour être vrai. Malheureusement, c'est trop tard et ça n'y changera rien.
Je dus respirer très fort et fermer les yeux un temps pour me reprendre.
-Oui, je refuse que tu t'en ailles.
-Tu voudras encore te servir de moi, hein ? Chassez le naturel et il revient au galop. Dantes laissa échapper un petit rire. Il y a quelques temps, j'aurai accepté, c'est certain, mais aujourd'hui je sens qu'il faut que je me détache de toi et de cette vie que tu diriges et qui ne m'appartient plus.
-Ce fauteuil roulant, il était important pour moi… Mais toi, tu es mon véritable repère. Tu es même plus que ça… A l'annonce de mon accident, les gens qui gravitaient autour de moi et de ma renommée m'ont tous abandonnés… A l'inverse, tu es revenu à mes côtés tandis que je t'avais blessé et utilisé pour assouvir des pulsions sexuelles.
C'était dur à dire mais j'étais obligé d'assumer mes erreurs au point où j'en étais.
-C'est vrai, affirma t-il avec un sourire. J'étais un ami à double face. Mais je savais ce que je risquais car tu ne m'as jamais rien promis de concret entre nous, j'étais le seul à espérer… Là-dessus tu n'as rien à te reprocher… Aujourd'hui, je ne veux plus dépendre affectivement de toi et j'ai besoin de m'éloigner et de me reconstruire. Je sais que je ne peux rien espérer…
-Tu peux être certain de mon amitié… bredouillais-je, mal à l'aise d'entendre ce que je savais pourtant.
-Notre amitié … murmura t-il comme pour lui-même. Je veux bien y croire car je sais que tu n'es pas du genre à tomber dans le sentimentalisme pour rien… Elle ne m'a jamais suffit pourtant, tu sais… On ne force pas les gens à tomber amoureux, j'en suis conscient… Et de plus, je sais que tu es bisexuel et que ta préférence va aux femmes.
Oui, j'étais sensé être comme ça. Aimer les femmes ou m'afficher avec elles en public. Caroline avait été la seule pour laquelle j'avais éprouvé de l'amour… enfin je crois. Le sexe avec les hommes, c'était la cerise sur le gâteau. On peut se lâcher avec eux, être brutal et passionné. Mais aimer un homme… Quelle idée ridicule…
Pourquoi en pensant cela l'image de Rodrigue m'apparaissait-elle soudain ?
Pourquoi ?
OOo
(Point de vue de Thomas)
Dantes avait finalement fini par faire ses bagages pour aller passer quelques nuits à l'hôtel. Il m'avait dit qu'il avait besoin d'être seul pour le moment mais qu'il reviendrait tout de même chaque jour travailler dans son studio, en attendant de savoir s'il repartait pour les Etats-Unis.
Il m'avait également donné de nombreuses recommandations concernant Penny : l'heure du bain, ce qu'elle prenait au petit déjeuner le matin, la gronder si elle essayait encore de dessiner sur le papier peint de sa chambre… Tant de choses que j'ignorais de ma propre fille…
Dans l'après midi, quand Dantes fut parti, j'allais voir Penny dans sa chambre. Je l'avais soigneusement évitée toute la matinée, laissant à mon ami toutes ses charges quotidiennes pour la dernière fois.
Il fallait que je fasse face à mes responsabilités.
Elle était en train de jouer avec des cubes en plastique qu'elle empilait les uns sur les autres. Je regardais la chambre comme si je la découvrais, et c'était presque le cas car je n'y rentrais quasiment jamais.
Une poupée gisait par terre, juste à côté de la porte.
J'entrais complètement dans la pièce et m'accroupit près de ma fille.
-Pourquoi cette poupée n'est-elle pas rangée avec les autres ? C'est bien celle que je t'ai offert la semaine dernière ?
Sans me regarder et continuant à jouer, elle me répondit tranquillement :
-J'aime pas cette poupée.
Surpris, je lui demandais :
-Ah bon… Et pourquoi ne l'aimes-tu pas ?
-Elle a une robe verte et j'aime pas le vert. Papa le sait lui.
Elle me regarda quelques secondes puis insista avec une moue boudeuse :
-Mon autre papa m'achète que des poupées rose.
-Je suis désolée mon cœur, je ne me tromperai plus jamais. Papa te le promet.
Elle ignora ma réponse et demanda :
-Il est où papa ?
Je savais qu'elle parlait de Dantes. Normalement, il était venu lui expliquer qu'il ne dormait plus à la maison, mais qu'il viendrait la voir chaque jour. Mais les enfants de trois ans ne comprennent pas tout.
Voyant que je ne répondais pas, tétanisé à l'idée de lui dire qu'il n'était pas là, elle se mit à hurler qu'elle voulait voir son papa. Je la pris dans mes bras dans l'espoir de la calmer et que tout irait mieux après, mais non seulement elle n'arrêta pas mais se débattit.
Quand Johann arriva, alerté par les cris de la petite, j'étais à genoux, en larmes.
Dantes avait raison. Le père de Penny, c'était devenu lui.
oOo
Orlando était arrivé à la bourre chez Johann. Habituellement, il venait le soir pour 21 heures, mais là il était 22 heures passé. Il s'était violemment disputé avec ses parents qu'il voyait pourtant rarement. Ces derniers lui reprochaient de ne pas se donner à fond pour le bac et de découcher chaque soir. Ils avaient voulu lui prendre les clés de sa voiture de sport mais cette fois-ci il ne s'était pas laissé faire.
Depuis qu'il sortait avec Johann, il avait été obligé de leur mentir et de leur faire croire qu'il était en couple avec une fille et que cette relation était sérieuse. Certaines fois, il leur disait qu'il allait dormir chez Johann que ses parents connaissaient comme son meilleur ami. Mais au final, c'était toutes ses soirées et ses nuits qu'il passait à l'extérieur.
En plus, Orlando vivait mal le fait de leur cacher qu'il revoyait son frère et que finalement, il était comme lui, attiré par les hommes.
Après une dispute où le jeune homme et son père avaient presque failli en venir aux mains, le lycéen avait claqué la porte en ignorant les cris stridents de sa mère qui lui ordonnait de monter dans sa chambre et de réviser.
Il était alors passablement énervé lorsqu'il arriva chez son petit ami. Ouvrant la porte, il bouillonnait encore de rage. Sa colère fondit comme neige au soleil quand il vit que Johann était sur le lit avec sa nièce pendue à son cou et en train de pleurer à chaudes larmes.
-Pourquoi Penny n'est-elle pas couchée à cette heure-ci ? Tu n'étais pas sensée la garder ce soir ? Puis s'adressant à la petite : Qu'est-ce qu'il t'arrive, p'tite puce ? Tu as un gros chagrin ?
La petite acquiesça sans répondre, le cœur gros. Le jeune homme regarda d'un air interrogateur son ami comme pour lui demander des explications.
-Dantes a mis les voiles. Il y a eu un clash entre ton frère et lui.
Orlando écarquilla les yeux, fixant toujours son compagnon qui continua, l'air hésitant :
-Thomas ne va pas bien… et en même temps, il va bien.
-Qu'est-ce que tu racontes Jo ! Je ne comprends rien à ce que tu dis…
- Je ne peux pas te le dire comme ça, répondit Johann qui avait posé sa manette par terre.
-Me dire quoi ? Et d'abord, où est mon frère ?
-Il est sorti. Je ne sais pas où il est allé. Il m'a juste dit de garder Penny ce soir. J'aurai du la coucher vu l'heure qu'il est mais elle ne voulait pas dormir, alors je lui ai proposé de venir me regarder jouer à la console.
-Thomas est sorti tout seul, en pleine nuit ? Mais il est complètement barge ! Et que fait Dantes, qu'est-ce qu'il lui ai passé par la tête pour s'en aller aussi brutalement !
-Ecoute Orlando, ton frère t'a caché quelque chose d'assez énorme… Et il a fait pareil à Dantes, c'est pour ça qu'il est parti…
Orlando ne répondit pas, attendant que Johann se décide enfin, ce qui arriva au terme de quelques secondes.
-Ton frère… Il n'est pas plus handicapé que toi ou moi. Il nous a menti à tous…
oOo
A quelques kilomètres de là, les choses ne se passaient guère mieux pour Rodrigue qui était enfermé-ou plutôt barricadé-dans sa chambre.
D'une main tremblante, Rodrigue attrapa son téléphone portable. Il sursauta une nouvelle fois en entendant tambouriner à la porte de sa chambre puis vit avec horreur que la poignée ne cessait de se tordre. David, de l'autre côté, donnait des coups de pieds et de poings dans le bois, faisant trembler le seul obstacle qui le séparait de son « petit frère ».
-Tu vas crever espèce de petite tapette ! Hurla David. Je te jure que je vais ouvrir cette porte et que tu vas morfler pour ce que j'ai enduré à cause de toi…
David était rentré furieux de son internat pour les vacances scolaires. Les choses s'étaient mal passées pour lui cette dernière semaine. D'abord, il avait été pris en grippe par une bande de garçons de sa classe et aussi s'était fait accusé dans une sombre histoire de racket. Puis il avait du répondre devant son géniteur du bulletin catastrophique du deuxième trimestre qu'il venait de recevoir, avant que son père ne parte dans sa famille accompagné mère de Rodrigue.
La colère était montée et Rodrigue avait reçu des menaces de la part de son demi-frère. Celui-ci le tenait pour responsable de ses malheurs et comptait les lui faire payer une fois le terrain libre… et ce moment était arrivé.
-Devine qui j'ai invité à venir passer la soirée avec nous ? Qu'est-ce que tu dirais de reprendre les choses là où elles s'étaient arrêtées la dernière fois ?
Désemparé à l'idée de se retrouver seul avec David et son ami, Rodrigue décida que la seule alternative était de s'enfuir de la maison, et le plus rapidement possible de préférence où il ne donnait pas cher de sa peau. Il pensa avec horreur que la porte, bien que fermée à clé, était peu solide et qu'elle pourrait bien céder à un moment ou à un autre. David n'avait pas
l'air de se soucier des détails et apparemment devoir rendre des comptes sur une porte défoncée n'avait pas l'air de l'inquiéter.
Rodrigue regarda la fenêtre quelques instants en se disant qu'elle constituait sa seule issue en cas de forçage. Il jeta également un coup d'œil à son portable qu'il tenait bien serré dans sa main mais qui ne lui semblait d'aucune utilité pour le moment.
Il fallait se décider.
Maintenant.
C'est alors qu'il entendit une voix familière, en même temps que la porte d'entrée au rez-de-chaussée s'ouvrir, qui dit :
-Alors, c'est par où la petite fête ?
A cet instant, l'image traumatisante de Jordan en train de le forcer à lui faire une fellation lui apparut et sans plus attendre, il ouvrit les volets de sa chambre au premier étage et se laissa choir maladroitement le long du mur.
oOo
Rodrigue avait couru à en perdre haleine jusqu'au premier endroit où il se sentit en sécurité. Le parc. Malheureusement, à cette heure-ci, les grilles étaient verrouillées et les lumières éteintes à l'intérieur. Le lycéen préféra ne pas tenter le diable en escaladant le grillage et s'installa dans un coin isolé du parking, non loin d'un lampadaire qui éclairait faiblement la rue.
Il ramena ses genoux contre son torse, et frotta ses mains l'une contre l'autre pour se réchauffer un peu. Dans la panique, il n'avait pas eu la présence d'esprit de prendre un vêtement chaud et remarqua même avec une certaine honte qu'il se trouvait dans ses habits de nuit. Comble de malchance, le portable qu'il tenait dans le creux de sa main menaçait à tout instant de s'éteindre comme le prouvait un petit bip agaçant à intervalles réguliers.
Il avait envie de pleurer mais les larmes ne coulaient pas. Au contraire, il serra les poings. S'il ne s'était pas enfui, il n'aurait pas pu éviter de se faire violer dans sa propre chambre. Presque le même scénario que la dernière fois se serait joué mais la finalité n'aurait pas été la même. Personne ne serait venu le sauver cette fois-ci.
Il était bien deux heures du matin quand il se décida à faire quelque chose. Il avait trop froid pour passer la nuit dehors. Par ailleurs, son téléphone mobile n'allait bientôt plus avoir de batterie et s'il devait appeler quelqu'un, c'était maintenant ou jamais.
D'une main un peu tremblante, Rodrigue pianota dans son menu pour accéder à ses contacts. Il écarta rapidement l'idée de prévenir sa mère puis tomba sur les trois noms restant de son répertoire. Johann, Orlando et Thomas. Il opta rapidement pour le premier.
Sans grand espoir vu l'heure tardive, il composa le chiffre correspondant au numéro d'appel de Johann. Au terme de plusieurs sonneries, il entendit la voix de son ami à l'autre bout du fil qui chuchotait :
-Rodrigue ? ça faisait longtemps… Excuse moi de parler aussi bas, mais il est tard et…
-Tu ne veux pas réveiller Orlando… Ne t'inquiète pas, je comprends.
Un ange passa. Au bout de quelques secondes, Rodrigue reprit la parole, la voix un peu tremblante :
-La batterie de mon téléphone va bientôt me lâcher, je dois faire vite. Je ne savais pas qui appeler… Je…
Comment demander à Johann de l'héberger pour la nuit si Orlando était déjà chez lui ? A coup sur, le grand brun serait furieux et il n'aurait rien fait d'autre que de semer la pagaille au sein de leur couple.
-Ecoute… Je suis désolé. Je n'aurai pas du t'appeler. Je… Au re…
-Attends ! Hé Rodrigue… Je sais que tu as des problèmes…Ta voix est celle de quelqu'un qui va se mettre à pleurer d'une seconde à une autre… Je ne vais pas te manger tu sais… Orlando non plus… Dis-moi ce qu'il se passe, je t'en prie…
La voix entrecoupée par ses pleurs, Rodrigue expliqua non sans mal :
-David et son copain… Ils ont voulu recommencé comme la dernière fois… Je me suis enfui de chez moi… Je ne sais pas où aller…
-Bordel, mais on va se les faire ces deux là ! cria Johann qui réveilla pour le coup son amant qui était allongé sur un côté, la petite Penny pelotonnée dans ses bras. Dis-moi où tu es, je viens te chercher.
Le téléphone toujours à la main et un pantalon et un pull enfilés à la va-vite, Johann sortit de son appartement sous l'œil interrogatif mais surtout endormi d'Orlando.
-Je suis devant le parc...
Johann comprit qu'il s'agissait du parc qui se trouvait à mi chemin entre le lycée et la nouvelle maison de Rodrigue.
-Je viens te chercher, répéta t-il. Je n'habite plus à la même adresse qu'avant…
-Je sais.
-Surtout ne t'inquiète pas, j'arrive !
Johann n'entendit pas le « merci » qui arriva après qu'il eut raccroché. Il voulait se dépêcher. Heureusement que le parc n'était qu'à quelques centaines de mètres de l'endroit où il habitait. Il effleura doucement les lèvres d'Orlando en lui murmurant un « Je t'expliquerai plus tard » et quitta son appartement.
A peine sorti dehors, il regretta de ne pas avoir pris son blouson. Une vive lumière l'aveugla. Une voiture était en train de se garer juste devant la maison et le jeune homme la reconnut aussitôt. Dantes en sortit, un sac de sport à la main.
-Je ne pouvais pas partir… Dit-il en s'approchant de Johann. Je ne pouvais pas…
Johann le prit dans ses bras et le serra contre lui.
-Calme-toi… Tout va bien…
Quand le lycéen s'écarta quelques secondes plus tard, Dantes, les yeux rougis, demanda :
-Tu partais ?
-Un ami… Il est dans la galère… Je ne peux pas le laisser seul…
Le photographe vit à l'air hésitant de Johann que ce dernier lui cachait quelque chose.
-C'est l'ami dont tu m'as parlé la dernière fois ?
Devant le silence de son assistant, Dantes comprit et murmura si doucement que pas même son interlocuteur n'entendit :
-Rodrigue. Celui qui sort avec Thomas.
…
…
…
-Viens… On va le chercher ensemble. Avec ma voiture, ce sera plus rapide.
oOo
Quand les deux hommes arrivèrent au parc, ce ne fut pas une silhouette qu'ils distinguèrent sur le parking, mais trois. Johann sauta hors de la voiture et se précipita sur les deux gars qui étaient en train de frapper son ami coincé entre un grillage et ses assaillants.
Ces derniers en toute lâcheté, décidèrent de fuir en voyant qu'ils avaient de la compagnie et que celle-ci était plutôt du genre à leur botter les fesses. Johann, furieux, voulut les poursuivre, mais la main de Dantes sur son épaule lui imposa le contraire.
-Laisse-les… Tu n'as pas à t'en occuper ce soir.
Rodrigue s'était laissé tomber sur le trottoir. Avec son pyjama et ses mèches blondes, il ressemblait à un petit garçon terrorisé.
Johann s'accroupit face à lui et plaça ses mains de part et d'autres de son visage :
-On est là… Ils ne peuvent plus te faire de mal…
Le plus jeune agrippa le bras de son ami, le serrant à lui faire mal, mais l'ainé le laissa faire, voyant qu'il était en état de choc.
-C'est fini Rodrigue… Tu vas venir avec nous.
Rodrigue remarqua enfin que Johann n'était pas seul et que quelqu'un l'accompagnait. Un homme aux cheveux mi longs qui paraissaient rouges à la lueur du lampadaire. Un homme très beau et qui lui souriait chaleureusement.
-Rodrigue, je te présente Dantes. C'est mon patron et ami. C'est chez lui que j'habite.
EN entendant le prénom souvent évoqué par Thomas lors de leurs dernières conversations, Rodrigue déglutit et baissa la tête, accusant de nouveau un coup dur.
Il comprenait à présent pourquoi il s'était fait rejeter la veille. Ce gars là était trop parfait pour que Thomas puisse daigner s'intéresser à un petit lycéen comme lui.
Son cœur souffrait encore plus que les coups qu'il venait de recevoir.
Il croisa une nouvelle fois le regard de Dantes juste avant de monter dans la voiture.
Mais ce qu'il y lu le bouleversa.
Cet homme magnifique, au regard si doux, semblait souffrir au moins autant que lui.
oOo
(Point de vue de Thomas)
Je n'étais pas allé très loin. Non, pas vraiment. Juste au bar du coin de la rue et je m'y étais saoulé plus que de raison.
Ma fille me considérait presque comme un étranger, mon meilleur ami était parti et j'avais blessé le cœur et l'amour propre d'un gamin qui avait voulu avec sincérité et courage m'avouer ses sentiments.
Je me rendais compte à quel point j'avais été égoïste. A chaque instant, j'avais ignoré la douleur que j'infligeais à ceux qui m'étaient proches.
J'avais beaucoup bu. Beaucoup trop. Pourtant en titubant sur mes jambes encore trop incertaines, j'avais pu rentrer à la maison.
Essayant de faire le moins de bruit possible, je déverrouillais la porte d'entrée et traversais l'espace de Dantes sans ne rien casser, ce qui était énorme en soit. L'obstacle le plus insurmontable me paraissait sans le moindre doute le grand escalier de bois qui devait m'amener à mon appartement et surtout à mon lit où je rêvais de me laisser tomber.
Au pied de l'escalier, j'entendis des voix qui venaient d'en haut.
Je reconnus immédiatement l'accent italien de Dantes. Fou de joie, je faillis me précipiter sans précaution vers les marches de mon obstacle mais la seconde voix m'interpella bien plus que la première.
Non, ce n'était pas possible et pourtant… Pourtant, je reconnaitrais sa voix entre mille.
Rodrigue. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire là, et avec Dantes en plus ?
Je crois que s'en fut trop pour moi. Je capitulais devant l'escalier et ses trop nombreuses marches. Sans arriver à me tenir debout plus longtemps, je tombais de tout mon long sur le sol, en bon ivrogne que j'étais.
Quelques secondes plus tard, la porte de la chambre de Johann s'ouvrit et je vis deux jambes devant moi.
-Thomas, t'es franchement pitoyable…
Puis ce fut le trou noir.
Fin du chapitre 23 (pardon d'avance pour les fautes...)