Chapitre 1

Aujourd'hui, je reste à l'hôpital. Depuis lundi, mon père y réside alors je joue les infirmières. Vous direz que ça doit être affreusement ennuyeux! J'avoue que je ne serais pas là si ma mère ne m'y avait pas forcée, mais on s'habitue. C'est une bonne occasion de reprendre la lecture qui était mon passe-temps préféré… qui l'était en effet… avant qu'«il» ne fasse surface dans ma vie. Je m'explique.

Je m'appelle Cailin, affreux n'est-ce pas? Je le pense aussi. En fait, c'est ma mère qui avait perdu la boule. Elle n'arrêtait pas d'écouter la chanson Cailin lorsqu'elle était enceinte et elle a eu l'idée super originale de me baptiser ainsi. Ce n'est pas que je hais cette chanson, au contraire, je l'adore autant qu'elle… mais sérieusement, il y a des limites! Je veux dire, ils disent plus souvent Hey little girl que Cailin. En plus, l'orthographe est complètement laide (quoique je n'ai toujours pas trouvé le moyen de l'embellir). Je suis sûre que j'étais le brouillon puisque je suis la première née. J'ai une sœur qui s'appelle Maryka et l'autre Leia (Je n'ai pas mentionné que mes parents sont des fans de Star Wars… Seigneur, même George Lucas est plus original que ma mère!). Voulez-vous bien me dire le rapport avec Cailin?! Bref, au moins, il est prononçable. C'est pas comme si tous mes profs s'enfargeaient dedans sinon je m'attirerais une attention non voulue. Et c'était la dernière chose que je désirais.

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J'étais super contente ce matin-là. Cinquième secondaire… enfin la dernière année! L'«année» où je peux me permettre les quatre cent coups! Je décide de friser mes longs cheveux auburn, une couleur assez rare lorsqu'elle est naturelle. Eh oui, mes cheveux sont un mélange de brun-roux avec des reflets noirs et rouges. Ils sont ma fierté (physique)! Je mets une légère robe de style médiéval blanche. (Je porte généralement ce genre de truc et j'adore ça.) Je déjeune et je cours prendre l'autobus. Antoine m'attend dans un banc. Je vais m'asseoir à côté de lui.

- Hé Cailin! me salut-il.

Il ne me donne pas de diminutif. En fait, nous sommes amis juste parce que nous nous connaissons depuis la maternelle. Il est super gentil même s'il m'achale un peu. Ça ne m'affecte en rien, je trouve ça amusant. Je lui réplique bien de temps en temps et je l'insulte gentiment. C'est un garçon au moins donc il le prend moins personnel si ce n'est pas du tout. Les filles sont tellement compliquées (je l'avoue). Nous sommes tellement sentimentales… ça en devient enrageant. C'est pour cela que je suis fière d'être une célibataire indépendante. Les amourettes et les peines d'amour, non merci! Je ne dis pas qu'il y en aura jamais… c'est juste que maintenant n'est pas le bon temps.

- Salut, je lui réponds doucement.

Je ne suis pas très bruyante le matin, lui non plus d'ailleurs ce qui pourrait être considéré miraculeux puisqu'il grouille d'énergie l'après-midi. Il doit tenir ça de sa mère car il m'a dit que son père était quelqu'un de très calme. Il me passe un des écouteurs de son mp3 et nous écoutons du métal jusqu'à l'arrivée à l'école. C'est notre routine.

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- Kay!

Je sens les bras de ma meilleure amie m'étouffer le cou. En fait, je suis plutôt menue donc n'importe qui m'étrangle. J'esquisse un bref sourire avant de me dégager de son étreinte.

- Hé salut Alex, lui dis-je avec un sourire. Comment s'est passé ton voyage aux États?

- Su-per-be! s'exclame-t-elle en sautillant.

Elle, c'est Alexandra Labelle. Des fois, je me demande si elle a mûri durant ces quatre dernières années quoique ça ne me dérange pas trop. Elle a le droit d'agir comme elle veut mais ça ne lui ferait pas trop de tort de grandir. Cependant, je l'aime comme elle est. C'est ce qui la rend si spéciale. Tant qu'elle et Antoine ne se mettent pas à deux contre moi. Ils feraient toute une paire!

- J'aurais volontiers passé toute ma vie à Lancaster! Il faut trop que j'y retourne l'été prochain. J'adore! continue-t-elle, les yeux brillants.

Je roule les yeux tout en souriant. C'est le même charabia chaque année lorsqu'elle revient de chez sa tante qui habite Lancaster. C'est une ville perdue où on peut vivre à l'ancienne. Vous imaginez le portrait? Pas d'électricité, pas de grande technologie, pas de voitures… Je vous avouerais très bien me débrouiller dans ce genre de situation mais je n'y passerais pas ma vie. Si j'y allais, je ne ferais que monter à cheval tous les jours. J'adore ça, on a comme ce sentiment de liberté en soi.

- Hé tu sais quoi? me dit-elle tout d'un coup.

- Je ne sais pas mais je sens que tu vas me le dire.

Réponse habituelle de ma part. Elle sourit.

- Tu connais Aurélie? Tu sais, la meilleure joueuse de soccer de l'équipe cadet de notre école?

- Mmm… oui, je la replace, dis-je en pensant à une jeune fille de quinze ans grande, élancée et sportive.

- Eh bien, son grand frère est revenu de son échange scolaire de l'an passé et fait sa dernière année ici! s'écrie-t-elle tout excitée.

Je la regarde bizarrement.

- Et qu'est-ce que c'est censé me faire?

- Non mais tu n'y penses pas? Son frère est dans la même classe que nous!

- Et alors?

- Cailin! (Mes oreilles cillent en entendant mon prénom.) C'est le plus beau gars de l'école! Tellement sexy là… ah, tu en baverais, j'en suis sûre!

- On verra…

- Allons miss Indépendante, on sait tous bien que tu n'es pas faite de bois.

- Il doit être comme tous les autres…

- Il a une bonne réputation à ce que je sache.

- Mouais… de charmeur?

- Oh non, il a juste beaucoup d'attraction… et de charisme.

- Exactement le genre que je déteste.

Mon amie soupire.

- Tu as l'air de détester tous les gars qui te passent devant les yeux.

- Ils sont bourrés d'hormones.

- Ne généralise pas trop ma vieille.

La cloche sonne. Je prends mes cahiers. On a biologie comme premier cours.

Comme d'habitude, le professeur prend nos présences et comme d'habitude, j'attends impatiemment que mon tour soit passé. Je suis assise à côté d'un beau gars, je dois l'admettre. Il a de longs cheveux noirs qui s'arrêtent à son cou. Ils poussent un peu en pointe; ça lui donne un petit air rebelle, un peu de charme aussi. Ses yeux dévisagent son entourage. J'ai toujours cru que les yeux bleus étaient les plus beaux du monde (comme ceux d'Antoine). Je me suis bien trompée. Les siens étaient bruns… mais pas n'importe quel ton de brun. Un limpide brun si profond qui vous mettrait mal à l'aise s'il vous regardait. J'étais si transie que je n'ai pas remarqué l'appel de mon nom.

- Cailin Beaulieu! répète le professeur pour une troisième fois.

- Hein!

Je sors de ma transe. Le garçon me dévisage d'un air amusé.

- Portez donc attention mademoiselle Beaulieu, avertit-il.

- Oui monsieur, je réponds, un peu embarrassée.

Je regarde à ma gauche. Le garçon me regarde encore, un de ces sourires fendants accroché aux lèvres. Il murmure mon prénom avec un tel amusement. Sur le moment, mon tempérament s'éveille. Il commence vraiment à m'énerver.

- Max Desmarais, appelle à nouveau le professeur.

- Présent, répond-il sans détourner les yeux des miens.

Non… Max Desmarais… le frère d'Aurélie Desmarais…