Auteur : Isa (silencebleuvoila.fr)

Genre : romance, vie de tous les jours.

Merci à mon sapin pour sa correction !

Cette petite romance est dédiée à Luna parce qu'elle a montrée beaucoup d'enthousiasme devant mes deux nouveaux personnages et qu'elle est toujours prête à me poker…c'est vrai quoi, c'est grâce à elle qu'ils sont sortis du placard (XD) J'espère que ces petits bouts de vie et d'amour vous plairont !!

Bonne lecture !

Rencontre au sommet.

Chapitre 1

Kuhei Imai

Mon regard se perd sur l'horizon, tentant de trouver le point le plus éloigné de ce champ de bâtiments. Juste imaginer le nombre de personnes qu'ils doivent contenir me donne la migraine.

Je deviens agoraphobe ces jours-ci. Trop de monde, tout le temps, partout.

D'ailleurs, il est à peine six heures trente du matin et je n'ai même pas pu trouver une place assise dans ce train bondé. Même si je vis loin de la capitale, je ne suis pas le seul. Les cités dortoir foisonnent et parfois je me demande si vivre dans la capitale elle-même ne serait pas plus judicieux, cela me permettrait d'éviter la boîte de sardine deux fois par jour ainsi que les deux heures de transport. Et ce n'est pas comme si je ne pouvais pas m'offrir le luxe d'un appartement...

Je retiens un soupir quand le coude d'une lycéenne me frappe sur la hanche pour la deuxième fois. Elle s'excuse vivement et retourne à ses babillages avec ses amies, ventant les mérites du dernier portable à la mode. Je leur lance un coup d'oeil et souris en voyant leur style. Des changements ont lieu : le maquillage, les cheveux teints et les minijupes n'étaient pas de mise quand j'étais plus jeune. Ils étaient même formellement interdits sous peine d'exclusion. Mais la nouvelle génération est plus insouciante, elle sait vivre et profiter de cette vie.

Je continue de balader mon regard et aperçois des étudiants plus loin. Eux aussi semblent différents de ce que j'étais à leur âge. Habillés n'importe comment, des anneaux dans les oreilles ou autre parties du visage. Je me demande s'ils ont déjà porté un costume cravate dans leur vie. Je les envie un peu cette liberté. Le gouffre entre nos générations est si profond que parfois j'ai l'impression d'être un dinosaure et pourtant j'ai à peine trente ans.

Depuis que j'ai eu l'âge d'aller à l'école, je n'ai fait qu'étudier. Mes parents visant pour moi les hautes sphères, j'ai été dans le meilleur lycée privé de ma préfecture puis à la célèbre université de Tokyo. Todai, pour enfin terminer à un poste de comptable pour le gouvernement. J'ai l'impression de n'avoir jamais fait quoique ce soit d'autre qu'étudier et travailler. Je n'ai jamais dévié du chemin tracé par mes parents, mes professeurs, mes directeurs. Je suis le parfait archétype du businessman qui n'a plus aucun rêve, ni espoir sinon celui de faire du chiffre. Et je m'en sors relativement bien, si on considère le fait que mon salaire a quasiment doublé en l'espace de quatre ans. Et que je suis arrivé au trente-septième étage dans un bâtiment de cinquante un...

Pourtant j'aimerais savoir dire 'non' une fois dans ma vie. Prendre deux mois de vacances pour aller là où je ne suis jamais allé. Pouvoir crier ma frustration et mon malaise à ces gens qui attendent tant de moi. Mais je ne l'ai jamais fait, et ne le ferai certainement jamais. Ce n'est pas dans ma nature. Je suis un mouton qui suit le reste du troupeau, gentiment sans râler. Qui fait son travail au détriment de tout le reste. Mais pour quelle raison? Dans quel but?

Le train ralentit pour pénétrer dans l'avant dernière station avant mon arrêt. Nakano. J'y ai passé du temps plus jeune. Dans ce petit building de cinq étages, emplis de comics, de figurines, de disques et autres hobbys. Mais j'ai rapidement stoppé d'y aller quand mes parents se sont aperçus que je lisais autre chose que mes manuels de mathématiques. Il m'arrive encore à présent d'y faire un tour. Le nombre de volumes a triplé et je n'entre jamais dans les magasins de peur de me perdre dans les étagères. De plus, ces endroits ne sont pas fait pour un homme comme moi, en costume noir et cravate assortie. Je ferais tache d'encre parmi ces jeunes dans le vent.

Je suis presque arrivé. Comme il y a eu un incident sur la voie, huit heures approchent déjà, je ne serai pas au travail à l'heure et je devrai donc finir plus tard. Cela m'arrange car j'avais un rendez-vous pour un Omiai ce soir. Mais si je dis à mes parents que j'ai du travail à rattraper, ils ne me feront pas une scène. Car oui, c'est leur nouveau projet. Me marier avec une femme de la haute société, bien élevée, bien bâtie, qui me donnera de beaux enfants qui suivront le même chemin que leur père.

Cela ne m'enchante pas. Je dirais même que cela m'ennuie.

Et depuis trois mois qu'ils se sont mis cette idée en tête, je suis parvenu à minimiser les rencontres et à éviter des dînés barbants une fois par semaine. Ce n'est pas que les femmes ne m'attirent pas. J'ai eu une petite amie durant mes années universitaires. Elle était jolie, intelligente et amusante. Nous avons passé de bons moments ensemble, mais il n'y avait pas de réel amour entre nous. Une bonne entente qui nous rendait bons amis, mais c'était tout. Ensuite j'ai fréquenté une secrétaire de gestion pendant deux ans mais le même résultat a été obtenu. L'épanouissement ne s'est pas fait. Et nous nous sommes séparés, en continuant à nous voir à l'occasion.

Je n'ai donc jamais rencontré le grand amour, celui avec un A. D'ailleurs, y crois-je? Et puis, vu que je ne fais que travailler, quand pourrais-je bien la rencontrer? Mes parents me diraient que les Omiais sont là pour ça. Que je suis trop difficile et que je perds mon temps. Mais, j'ai envie de garder cette partie de moi qui refuse de se lier par un arrangement. Alors je souris lors de ces soirées, je parle avec elles, mais mon esprit est loin de la pièce.

Shinjuku est enfin annoncé et je sors à l'air libre. Je suis directement attaqué par l'humidité et la chaleur de fin Juin. La mousson ne devrait pas tarder et c'est dans ces moments là qu'on remercie l'air climatisé des bureaux. Il fait si chaud que porter un costume est un véritable calvaire. Et la première chose que je fais en entrant dans mon office est d'enlever ma veste avec la cravate.

Je prends la direction de la sortie sud, suivant des centaines de gens habillés comme moi, qui vont au travail comme moi. Si j'examine leur expression, elle doit refléter la mienne: la fatigue et la résignation.

Shinjuku est une cité relativement jeune. Mais à cette heure de la matinée, la moyenne d'âge est de quarante ans. Il faut attendre seize heures si on veut rencontrer une foule de jeunes hétéroclites. Si un touriste veut visiter ce quartier de Tokyo, il y trouvera les bureaux et administrations à l'ouest et les grands magasins à l'est.

Les hautes tours qui donnent le vertige si on prend le temps de lever la tête, siège du gouvernement Métropolitain, mon lieu de travail, ma prison de verre.

Je suis le passage souterrain, ignorant le tapis roulant sur ma droite qui permet d'aller plus vite. Mais même quand je suis en retard, je ne le prends jamais. Profitant d'une petite balade avant de m'enfermer pour la journée au trente-septième étage de la tour 1.

Arrivé au bout du tunnel, deux options s'offrent à moi, l'extérieur ou encore le sous-sol. Je prends l'un ou l'autre des chemins selon mon humeur. Et aujourd'hui ne me sentant pas particulièrement d'entrain, je descends vers les profondeurs. De toute façon quelque soit la route, la foule sera présente. Et puis l'avantage des sous-sols c'est que c'est plus frais.

J'avance lentement, peu désireux de voir la pile de documents qui m'attend sur mon bureau. Je soupire. J'ai besoin de vacances. Je n'en ai pas pris depuis le mariage de ma soeur, deux ans auparavant. J'ai besoin de faire autre chose que remplir des grilles de compta. Mais, un projet international se met en place. Et je ne me vois pas vraiment, débarquer dans le bureau de mon chef pour lui demander deux jours de vacances, alors que tout le monde travaille d'arrache pied pour décrocher le contrat. Ce n'est pas le moment. Mais quand est-ce que se sera le bon moment?

Je stoppe en entendant des cris. Plus loin, près des portes de la station de métro Keio, un groupe de garçons d'une vingtaine d'années semble aux prises avec deux vigils. Un petit troupeau de curieux forme un cercle autour d'eux.

Légèrement intéressé, je m'approche. Apparemment, un des vigils a voulu vérifier le contenu d'un des sacs de sport et se l'est vu refusé.

"Fichez lui la paix! C'est pas parce que vous portez un uniforme brillant que vous pouvez fourrer vot'e nez partout!".

Blond décoloré, une paire de lunette de soleil, un tee-shirt noir dépareillé avec un crâne humain blanc, celui qui venait de parler semblait le leader. Il s'était placé entre les vigils et son ami. L'assurance qui se dégageait du jeune homme était frappante. Tout son comportement montrait qu'il ne se laisserait pas faire. Trois des autres garçons étaient restés en arrière, souriant et attendant avec une réelle impatience la suite des événements. Ils étaient tous trois habillés pareillement à leur chef, mais avec des boucles et chaînes en plus sur le visage. Peut-être ce style 'yankee' avait été la cause de leur interpellation. Même s'ils n'avaient probablement rien à se reprocher.

Finalement, je pose mon regard sur le dernier. Il a l'air complètement différent des autres: un visage pâle, des cheveux foncés sans artifice et une chemise propre sur un jean aussi propre. Il tient son sac contre lui et fixe avec une certaine lassitude la scène qui se passe devant ses yeux. Le seul côté rebelle vient d'une boucle rouge à son oreille droite. Il s'exprime aussi d'une façon plus polie.

"Masato, je t'ai dit que c'était bon. Il peut fouiller mon sac".

Le blond tourne la tête vers lui et la secoue avec vigueur.

"Nan! Pas question, At-chan. Ils avaient tellement les pétoches de s'adresser à nous que c'est toi qu'ils ont appelé. N'est-ce pas, messieurs les fiers vigils?".

Face à ces mots, je souris. Les deux hommes, supposés sécuriser le périmètre des bâtiments administratifs, semblent démontés. Cela doit être si vrai.

Je secoue la tête et me désintéresse de la scène pour reprendre mon chemin vers ma prison. J'ai du perdre cinq bonnes minutes à regarder ces stupidités et je presse le pas malgré moi. Avoir trente minutes de retard n'est pas la même chose que dix. Je prends le dernier escalator et arrive à l'air libre. Je me dirige aussitôt vers les portes vitrées et salue le gardien qui fait de même.

"C'est une belle journée, Imai-san".

"En effet".

"Bonne journée".

"Merci, vous aussi".

Un petit rituel qui a lieu tous les matins. Je ne connais même pas le nom de cet homme. Je n'ai jamais eu le temps de le lui demander. Et après quatre ans, il est trop tard pour le questionner.

La large horloge du hall affiche huit heures trente passées. Je n'ai pas tant de retard que ça, sachant que la journée commence normalement à neuf heures et que j'arrive habituellement au bureau à huit. Oui, si on veut évoluer dans la société il faut savoir venir avant les autres et repartir le dernier. Ainsi on se fait tout de suite repérer et on peut espérer obtenir une promotion. Avecce rythme, j'ai déjà progressé de trois grades et le prochain sera directeur de bureau. C'est moi qui serait en bout de table dirigeant six membres d'une équipe. Mais pour le moment je me contente d'une place dans une pièce en contenant sept. Six personnes se faisant face et le bureau du chef de groupe près de la fenêtre.

Je m'approche des élévateurs réservés aux membres du personnel. Une dizaine de personnes est déjà regroupée en face des ascenseurs. A cette heure de la journée, les machines stoppent quasiment à tous les étages. Et comme une vingtaine de personnes peut s'engouffrer dedans en même temps, nous devons patienter cinq bonnes minutes avant d'espérer pouvoir voir les portes s'ouvrir. J'entre en même temps que le troupeau et je subis la deuxième boîte de sardines du jour. Comme les bureaux administratifs sont situés entre le trentième et le quarantième étage, je dois subir la pression des autres pratiquement jusqu'au bout. Et c'est avec soulagement que je vois le chiffre trente-sept s'afficher.

Je me dirige ensuite vers mon bureau et ne suis pas surpris de le trouver vide en y pénétrant. Même avec trente minutes de retard sur mon heure habituelle, je suis le premier. Je me demande parfois pourquoi je fais autant d'effort. Pour la gloire? Pour l'argent? C'est devenu tellement automatique chez moi que je n'y pense même plus. Je m'installe à ma place et allume mon ordinateur. Mon regard se pose sur la fenêtre, vers l'extérieur. Je pourrais me laisser aller pendant quelques minutes, le temps qu'un autre membre arrive. Mais je ne suis pas comme ça. Je reprends mes esprits et regarde mon planning prévisionnel. Aujourd'hui je dois éplucher quatre dossiers, voila ce qui me reste à faire.

A suivre…

Ca vous plait-il ? En tous les cas moi je m'amuse comme une folle avec Kuhei…Prochaine partie rencontre avec Atsushi…