Auteur : Umbre77
Titre : Mauvais Œil
Disclaimer : Tout m'appartient, de A à Z… (ça fait bizarre d'écrire ça !)
Genre : Yaoï ! Que les homophobes désertent cette page immédiatement. Merci.
Résumé : Né un vendredi 13 Février, Naël a le mauvais œil, aux yeux de tous. Son déménagement lui laisse entrevoir l'espoir vague d'avoir la paix… Mais l'aura-t-il réellement ?
oOooOooOo
À ses yeux, le premier jour était toujours le pire. C'était Le jour où tout le monde s'observait. Le jour où tout le monde jugeait. Le jour où il fallait dire son nom, se lever devant la classe et se présenter… Mais si en plus de ça, on arrivait au beau milieu de l'année, c'était pire encore.
« Je m'appelle Naël Sarens… J'ai dix-huit ans, comme vous… Heu… »
Il était clairement mal à l'aise de paraître devant ces trente élèves. Ils le regardaient tous, détaillant chaque petit défaut de sa personne pour ensuite se chuchoter discrètement des choses et en rire… Un frisson le parcourut désagréablement. Maladroitement, il coinça le bord de la manche de sa chemise dans sa main, pour dissimuler la tâche rougeâtre posée dessus.
Mais il ne pouvait rien faire pour cacher les plis exagérés de son pantalon ou ses baskets en pitoyable état. Tous le regardaient avec tellement d'intensité qu'il crut mourir pendant la longue minute de silence.
« Et bien, dit le professeur, le faisant sursauter. Quand êtes-vous né ? Où habitez-vous ? Soyez donc un peu plus bavard, Monsieur Sarens. Ici, nous n'aimons pas les muets ! »
Naël se retint de gronder.
« Je suis né le 13 février, dit-il, espérant vainement que personne ne remarquerait réellement la date. J'habite à Marchin... Nous venons d'y emménager avec mon père… »
Il vit clairement un jeune homme aller chuchoter à son camarade 'Mais quelle idée d'aller vivre dans un trou paumé !' et l'autre rire aussitôt.
« À Marchin, dites-vous ? lui répondit le professeur. Ce n'est pas très loin. Vous venez en bus ? »
Cette fois encore, Naël sera son poing tenant sa chemise. Pourquoi fallait-il qu'il pose des questions humiliantes, ce crétin de professeur ?
« Non, à pied, dit-il.
– Ça explique l'état de ses baskets », dit une jeune fille, faisant rire la classe légèrement.
Naël déglutit. Il jeta un coup d'œil au professeur, essayant ainsi de trouver un quelconque signe démontrant la fin de son cauchemar. Mais il n'en vit aucun et il piétina légèrement devant le tableau noir.
« Bon, dit finalement l'homme. Si vous avez des questions pour monsieur Sarens, posez-les, ça nous évitera d'avoir trop de chahut pendant le cours… »
Le jeune homme avala sa salive de travers. Il plaisantait, là ? Cet idiot n'allait pas le livrer pieds et poings liés à toute la classe ? À la vue de sa réaction, le garçon comprit que si, il allait le faire. Déglutissant, il se tourna vers ses camarades, l'air angoissé. Déjà, dix mains étaient levées, attendant d'avoir la permission du professeur.
« Jessica ? demanda ce dernier, patient.
– Salut, dit-elle en le regardant. Tu es célibataire ? »
Naël en ressentit une effroyable gêne. Une folle rougeur se répandit sur ses joues et il hocha de la tête avant de répondre un maladroit 'oui'.
« Pierre, continua le professeur, alors que ladite Jessica le dévorait du regard.
– T'habitait où, avant ?
– La ville de Namur , répondit Naël, mal à l'aise.
– Josh ?
– Tu t'habilles où, exactement ? À ploucland ? »
Aussitôt, un tollé de rire se fit entendre et Naël se prit à rêver de disparaître dans le sol.
« Bon, ça suffira pour aujourd'hui, je pense ! dit le professeur, faisant taire les rires intempestifs. Allez vous asseoir, Naël. Vous trouverez un manuel de mathématique dans la cassette de votre banc, j'ai l'espoir de l'y retrouver en fin d'année. Votre place sera la vôtre jusqu'à votre sortie de cette classe, ainsi, s'il se volatilise, je saurais qui harceler ! Me suis-je bien fait comprendre ? »
Naël hocha de la tête.
« Bon, sur ce, prenez tous votre livre, page 45. Nous allons tout de suite nous empresser d'en revenir à nos bons vieux logarithmes ! »
Des plaintes se firent aussitôt entendre et Naël profita de l'inattention de tous pour rejoindre sa place avec empressement.
Pour un premier cours, ce n'était pas si pénible… si ?
oOooOooOo
À la récréation de dix heures, Naël préféra s'exiler sous le préau plutôt que de rester avec sa classe dans les couloirs. Ils le regardaient tous avec une curiosité qu'il jugeait malsaine, aussi préféra-t-il sortir, malgré le froid hivernal de janvier. Appuyé contre un mur froid, il regardait le sol couvert de givre, serrant maladivement sa veste trop fine pour l'hiver. Les deux heures de maths s'étaient plutôt bien passées. Il était resté isolé dans son coin, mais de son point de vue, c'était mieux ainsi.
Être nouveau en plein milieu de l'année était à ses yeux la pire des humiliations. Lui qui n'était déjà pas des plus chanceux dans la vie, le déménagement de son père lui semblait être la plus dure des épreuves. Bien que quitter une ville où il était si funestement célèbre pour atterrir dans un endroit qu'il ne connaissait pas était rassurant. Au moins, là, personne ne pourrait l'accuser d'avoir…
« Hé, le plouc ! » fit soudain une voix, le faisant sursauter.
Naël se retourna pour tomber sur un groupe de dix élèves de sa classe. Parmi eux se trouvait un garçon à l'air assez rebelle et il comprit aussitôt que le garçon l'ayant appelé était celui-là.
« Tu te reconnais, c'est bien, le plouc », ajouta le garçon, faisant rire les autres.
Naël se retint de l'insulter. Il savait par expérience que ça ne servait à rien. Aussi préféra-t-il attendre un peu. Le garçon sembla comprendre son manège et ses yeux bleus brillèrent de malveillance.
« Dis-moi, le plouc… De quel droit tu squattes ce mur ? »
Naël haussa un sourcil. Il n'allait tout de même pas joué à ce jeu stupide de propriété ? Pas à 18 ans ?
« Du droit de liberté d'action que nous avons tous, …jeune homme. »
Le garçon sembla étonné de son appellation et il émit un reniflement moqueur.
« Jeune homme, dit-il. Ma grand-mère m'appelle ainsi, le plouc. Si tu dois m'appeler, fais comme tout le monde. Moi, c'est Ana. »
Naël haussa un sourcil. Anna ? Mais c'était un garçon !
« Anna ? dit-il. Hum… Tes parents ont fait une erreur de sexe ou tu es travesti ? »
À la vue des expressions des autres élèves, il comprit qu'il venait de faire une grave erreur.
« Ana, répondit le garçon, penchant légèrement la tête en avant, si bien que ses cheveux noirs dissimulèrent ses yeux. A.N.A. Et non pas Anna, comme le prénom des filles. Tu me traites encore une fois de fille et tu comprendras ta douleur, le plouc. C'est clair ? »
Naël se retint de rire. Ana était plus grand que lui et surtout, mieux accompagné. Ses amis le fixaient d'un regard haineux et il savait qu'il n'avait pas intérêt à faire le mariole.
« Très clair, Ana, dit-il, mal à l'aise.
– Bien, dit le garçon, retrouvant son sourire moqueur. Puisqu'on en est aux règles, le plouc, écoute bien ça. Ici, le maître, c'est moi. Si je te dis de dégager ce mur, tu le dégages, c'est clair ? On n'aime pas les petits cons, alors tu obéis, tu fermes ta gueule et c'est bon. Ok, le plouc ? »
Naël haussa les épaules.
« Si ça te chante », dit-il, s'écartant du mur.
Il n'avait pas envie de se fatiguer, ça n'en valait même pas la peine. D'un pas sûr, il contourna le petit groupe pour rentrer dans l'école. Jusqu'à ce qu'il disparaisse dans les couloirs, il sentit peser sur lui le regard de 'Ana'.
oOooOooOo
Le reste de la matinée fut relativement tranquille. Naël comprit vite qu'il avait plusieurs retards en français, mais il ne s'en affola pas. Ça ne servait à rien de paniquer, de toute façon. Il était généralement un bon élève et il rattraperait donc cela très vite ! Ce n'était pas le cas en mathématiques où il craignait bien plus de ne pas pouvoir suivre si facilement. Avec l'autorisation du professeur, il avait emprunté le manuel pour étudier la théorie et, ainsi, se remettre à niveau. Il ignorait cependant si ce serait suffisant.
Installé sous le préau, assis sur une marche dépourvue de neige, il parcourait justement le livre quand il sentit quelqu'un s'asseoir à côté de lui. Étonné, il se redressa pour découvrir une des filles de sa classe. Celle qui lui avait demandé s'il était célibataire.
« Salut Naël, dit-elle, souriante. Je m'appelle Jessica. »
Il la regarda pendant un long moment, ne sachant trop que dire.
'Enchanté, je m'appelle Naël ! Ah, mais suis-je bête ! Tu le sais !'
Très peu pour lui, ce genre de banalité.
« Hem, fit la jeune fille. Alors comme ça, tu viens de Namur ? »
Naël hocha de la tête.
« Pourquoi avoir déménagé d'une telle ville pour venir vous enterrer ici ? demanda la jeune fille, ramenant une mèche de cheveux roux derrière son oreille.
– La société de mon père a déménagé ici, dit-il. Et il l'a suivie.
– Oh, fit Jessica, souriante. Ce n'est pas de chance. Tu vas sûrement t'ennuyer beaucoup, à Huy. C'est une si petite ville… »
Naël haussa les épaules, indifférent.
« Je n'aurais sûrement pas le temps de m'en apercevoir, dit-il, regardant les façades des maisons face à lui. J'ai bien trop de choses à faire… »
Il vit Jessica ouvrir la bouche pour lui répondre lorsqu'une voix les coupa.
« Hé, le plouc ! fit Ana, attirant l'attention de Naël et de toutes personnes sous le préau. Si j'étais toi, j'irais à l'armée du salut… Ils auront peut-être des vêtements plus soignés à te donner… »
Certains élèves ricanèrent et Naël leva les yeux au ciel. Il tourna le dos à Ana, l'ignorant.
« Allons, Plouc, dit-il. Fais pas ton timide, répond… »
Il continua de l'ignorer. Ce garçon commençait à l'énerver, à l'appeler le Plouc et à se comporter si… puérilement.
« Pauvre Plouc, dit Ana. Il a dû vendre sa langue pour pouvoir s'acheter de quoi écrire à l'école… »
Naël gronda et se leva. Il se tourna vers Ana alors que sa dizaine de copains se regroupait autour de lui.
« Fiche-moi la paix, dit-il simplement. C'est clair ?
– Parfaitement, le Plouc, dit Ana, tout en le fixant. Le problème, vois-tu, c'est que je ne t'aime pas. Mais vraiment pas. Tu as une sale tête. Tes cheveux sont moches, ton regard identique à celui d'un cocker et je ne parle même pas de ton style vestimentaire. C'est peut-être la nouvelle mode à N…, mais pas ici. Ici, nous sommes des gens respectables. Tu n'es même pas foutu de faire une bonne présentation en classe ! »
Il ricana encore.
« Je… heuu…, imita-t-il. C'était pitoyable, ce matin ! Tu es pitoyable, le plouc. Et je n'aime pas les gens Pitoyables ! »
Naël serra les dents. Dans toutes villes, il devait y avoir un abruti. Et bien entendu, il fallait que ça soit dans sa classe. Il haussa les épaules.
« J'en ai rien à foutre », dit-il, le regardant dans les yeux.
Il tourna les talons et préféra s'éloigner dans la rue. Alors qu'il s'éloignait, il entendit clairement Jessica demander :
« Pourquoi tu es si désagréable avec lui, Ana ?
– Je ne sais pas, répondit le garçon. Il ne m'inspire rien de bon, c'est tout… »
Il poussa un soupir. Il n'inspirait rien de bon à personne, de toute façon !
oOooOooOo
De son point de vue, à part les accrochages avec Ana, tout s'était bien passé. Il avait vite remarqué que la majorité des élèves obéissaient au jeune rebelle immature et s'était fait une raison : pour cette dernière année d'étude secondaire(1), il ne se ferait pas d'amis et il ne s'en plaignait pas. Du fait de son déménagement en cours d'une année, il devait rattraper son éventuel retard. Son temps serait donc bien occupé. Et le travail qu'il trouverait pour les week-ends et peut-être soirées l'occuperait bien assez !
Rassuré de savoir qu'il n'aurait pas trop le temps de s'ennuyer à l'école et après, Naël quitta le bâtiment scolaire en même temps que tous les autres étudiants de sa classe, vers quinze heures. Il était assez satisfait de finir si tôt, du fait que la route pour rentrer était longue. Dans le froid hivernal, la perspective de rentrer à pied ne l'enchantait guère, mais il n'avait pas vraiment le choix.
Le matin même, aidé d'un plan de fortune dessiné par son père à la va-vite, il avait très facilement trouvé le chemin de la ville mais il savait qu'il avait pris le plus long, celui des voitures. À présent, il allait pouvoir trouver un éventuel raccourci pour ainsi, se déplacer plus vite. Cela lui permettrait également de passer moins de temps chez lui. Et même s'il crevait de froid avec sa veste d'été et l'absence d'écharpe ou de moufles, il ne s'en plaignait pas. Il préférait avoir très froid ce jour-là et se lever plus tard les autres jours.
D'un pas volontaire mais prudent, il s'aventura dans la rue de l'école. Le matin même, il était venu par la gauche. Aussi, pour une fois, il préféra tourner à droite. Il savait qu'il y avait un moyen de faire plus court par ce chemin aussi n'hésita-t-il pas. Lors de sa balade du temps de midi, il était parvenu à rejoindre une petite place bordée de cafés et de magasins. Elle était occupée d'une gigantesque patinoire et il décida de commencer sa recherche par-là.
En faisant le tour de la place, il découvrit que quatre rues permettaient d'y parvenir et de se rendre dans quatre coins différents de la ville. En observant bien, il comprit qu'emprunter la place tous les jours serait indubitablement un raccourci. Le reste, malheureusement, devait être suivi à la lettre. Ainsi, pendant près d'un kilomètre, il avança d'un pas plus ou moins rapide, notant les hauts murs encadrant la rue des forges et manquant de glisser sur les planches de bois couvertes de glace due à l'humidité du fleuve à côté. Il grelottait presque lorsqu'il se glissa sous un petit pont du chemin de fer, un camion le frôlant. Il faudrait qu'il fasse attention. Le trottoir était exigu à cet endroit et un conducteur distrait pourrait le renversé. Sur cette pensée, il se colla contre la barrière et marcha d'un pas plus pressant encore. Il savait que bientôt, il quitterait la rivière, ce qui le réchauffait déjà un peu.
Le long de la route, il put admirer les longues parois de pierres surmontées d'arbres. Déjà, il apercevait les collines sur lesquelles était perché le village de Marchin, son village. Il traversa deux ou trois fois avant d'arriver face à La rue. Celle qu'il avait descendue au matin et donnait directement à sa maison. Si les rues de Huy étaient dégagées de la neige, celles de Marchin en étaient encore couvertes. Le long du Thiers de Huy, il aperçut une longue traînée de poudre blanche et il grimaça. Ça allait être sportif !
Prenant son courage à deux mains, Naël se mit à grimper. À peine avait-il fait vingt mètres que, déjà, il soufflait comme un bœuf. Il sentait le froid s'introduire dans ses vêtements et de la neige avait pénétré ses baskets, le faisant frissonner plus encore. Il fallait à tout prix qu'il trouve un travail ! Sans quoi, il ne pourrait pas s'acheter de vêtements d'hiver et ça, ce serait une catastrophe ! À ce rythme, il tomberait rapidement malade.
Malgré la difficulté de la montée, il fut ravi de constater qu'en cinq minutes, il avait franchi la parcelle de la rue bordée d'habitations pour rejoindre le couvert des arbres. De la neige faisait ployer les branches et il eut l'impression un vague instant de traverser un tunnel de neige. Soudain plus joyeux, il observa les alentours, rencontrant un château d'eau où le nom de son village était écrit, gravé dans la pierre.
Contrairement à ce qu'avait supposé son père, il aimait bien la région. Namur était nettement moins verdoyant et il sentait déjà qu'en été, vivre à Marchin lui serait agréable. Surtout s'il trouvait un travail ! Sur cette pensée, il se promit d'aller se présenter dans différentes boutiques le lendemain même. Attendre le samedi serait stupide. Autant commencer tout de suite ! Cela lui donnerait des occupations et une excuse pour ne pas rentrer chez lui trop tôt.
À cette pensée, les pas de Naël ralentirent et il baissa la tête. Chez lui… Ce n'était pas vraiment chez lui. Ils n'étaient là que depuis quatre jours. Son père lui-même ne semblait pas considérer la maison comme étant la sienne. Peut-être sa société allait-elle encore déménager ? Si tel était le cas, Naël savait qu'il doublerait sa sixième année, ce qu'il redoutait. Il n'avait pas de grandes ambitions et échouer ne le dérangeait pas. Néanmoins, il était pressé de quitter les secondaires pour mettre le pied dans les institutions supérieurs. Il avait l'intention d'obtenir son diplôme de gestion et d'ouvrir un petit café. Étrangement, Huy lui semblait être la ville idéale. Elle était chaleureuse, à sa manière, avec ses rues dignes du Moyen Âge. Et il avait déjà constaté que ce type de commerce avait assez de succès pour ne pas fermer dans le mois suivant. Il suffisait pour ce faire d'aller sur ce que les jeunes appelaient amoureusement 'La grand'place'.
Tournant sur la gauche, Naël s'aperçut que, déjà, il atteignait le haut du Thiers. Encore deux cents mètres et il serait chez lui. Il les grimpa en admirant les paysages blancs l'environnant. Les rues n'étaient presque pas dégagées et les prés étaient déjà envahis d'enfants faisant des batailles de boules de neige ou de la luge… Pendant un vague instant, il se dit qu'il aurait été heureux de vivre dans un tel village, petit garçon. Puis il se souvint que ça n'aurait sans doute pas été bien car Dieu seul savait ce qu'il aurait fait comme bêtises !
Sur cette pensée, il fut pris de peur et hâta le pas. Il n'avait pas envie de rester près de ces enfants innocents ! Autant ne pas se faire remarquer ! Tournant encore, il arriva dans sa rue. Il avisa très vite la voiture de son père garée devant leur maison et il souffla. Il n'était pas rentré dans l'allée du garage, signe qu'il allait repartir. Qu'ils soient dans une autre ville ou pas, son père déserterait quand même la maison en soirée. Il se demanda vaguement quel bistro il allait squatter, à présent. Puis il repoussa l'idée. Il ne voulait même pas le savoir !
Descendant l'allée, il monta les cinq marches menant à la cour arrière. Là, il hésita puis poussa la porte de la cuisine. Quand il y entra, seul le silence l'accueillit. Son père était assis à la table et lisait le journal tout en buvant une tasse de café.
« Bsoir, Pa, dit Naël, sentant l'angoisse lui étreindre le cœur, comme à chaque fois. Tu as passé une bonne journée ? »
Aucune réponse ne lui vint. Naël ne s'en déstabilisa pas et continua.
« Moi, ça a été… Les élèves de la classe sont un peu immatures, mais je m'y ferais. Y'a une fille sympa, là-bas. Elle s'appelle Jessica. Elle est assez jolie, aussi. Je crois qu'elle voudrait sortir avec moi, mais je… »
Une soudaine pression sur son bras le fit taire. Pendant son monologue, il avait contourné son père qui avait attrapé son bras qu'il tordit vivement. Naël poussa un gémissement.
« Je t'interdis de sortir avec cette fille ! ordonna son père, le regardant de ses yeux noirs dont il avait hérité. Tu m'entends ? Je te l'interdis ! »
Naël grimaça. Son père était furieux.
« Mais… Papa…. »
George Sarens était d'une force surhumaine. Cela, Naël le savait. De même qu'il savait qu'en disant ce 'mais', il venait de faire une grande erreur. Se levant d'un bond, son père fit tomber sa chaise et il cria en sentant la pression se faire plus forte sur son bras.
« Je te l'interdis ! gronda son père. Tu as déjà fait assez de malheur autour de toi, démon ! Alors laisse les jeunes filles innocentes hors de ta vie ! Je ne supporterais pas que du sang souille encore notre nom ! Est-ce que c'est clair ? »
Abattu, Naël préféra abdiquer.
« Bie… Bien, papa, dit-il. Je ne l'approcherais pas. Je te le jure… mais je t'en prie, lâche-moi, tu me fais mal ! »
Son père grogna et le poussa. Naël se prit les pieds dans la chaise et il tomba sur le sol. George lui lança un regard méprisant et serra le poing. Il leva son pouce et son auriculaire en un signe qui fit frissonner Naël. Celui destiné à faire partir le Mauvais Œil. Il baissa aussitôt le regard, sachant que c'était ce qu'attendait son père.
Lorsqu'il le releva, George Sarens était parti. Il ne reviendrait pas avant qu'il ne soit certain qu'il soit couché, comme lorsqu'ils habitaient à Namur. Soupirant, Naël se redressa et ramassa la chaise. Il regarda la petite cuisine peinte de jaune, puis l'immense salon où des caisses étaient entassées. Au moins, il avait de quoi occuper sa soirée… Restait à savoir ce qu'il allait faire, les autres jours, pour fuir cette maison trop grande et trop vide à son goût.
A suivre…
(1) Officiellement, cette histoire se passe en Belgique, dans ma région. Je n'ai pas l'intention de vous ennuyer à chaque chapitre avec mes belgicismes, cela dit je me dois de vous renseigner un minimum. Les études belges sont divisées en 4 groupes si nous prenons le schéma traditionnel : Maternelle, Primaire, secondaire, supérieur. Les secondaires se font de 12 à 18 ans et notre 'sixième année' peut se comparer à la terminale des français.
Et voilà pour le premier chapitre. Je vous préviens d'avance que j'ignore quand viendra le second. Dans le monde des fanfics, je publie un chapitre par mois. J'ai l'espoir de faire pareil de ce côté.
J'espère que ce premier chapitre vous a plu et je vous rassure : Vous en apprendrez plus sur ce pauvre Naël au cours des chapitres.
Sur ce… Bisous à tous et à bientôt.