Auteur : sofi
Rating : rien de particulier
Disclaimer : propiété privée
Note : Tout d'abord : désolée pour le retard, mais une mauvaise grippe m'a tenue clouée au lit . Ensuite: Si le titre de ce prologue est Révolution c'est pour deux de ses sens. Le premier c'est un bouleversement soudain dans une société donnée. Ici cela ne s'applique qu'à la vie de Mathieu, mais c'est tellement fort que je voulais garder ce mot. Ensuite la révolution d'un corps désigne sa rotation d'un tour complet autour d'un axe. On appelle période de révolution le temps que le corps met à effectuer une révolution complète. Même chose, je détourne le sens mais avec ce quatorzième chapitre, je clôture le cycle de Judas. J'en ai fait le tour, je pense. Et la période de révolution est complète.
Je vous remercie d'avoir lu mon histoire jusqu'au bout et espère que cela vous a plu.
Épilogue: révolution
Alors qu'il fermait le portillon du jardin, Michaël fut surpris de voir un camion de déménagement dans la rue. Il le fut d'autant plus qu'il était stationné devant la maison des Parker.
- Mathieu aurai pu nous prévenir qu'il l'avait vendu. Déjà qu'il a pas appelé pour les fêtes... Bon théoriquement il a jusqu'à la fin du mois, mais on est déjà le 15 janvier..." grommela-t-il en remontant la rue pour se rendre à son travail.
Après tout, ne s'occupaient-ils pas, lui même et sa femme, d'entretenir la maison pour que leur ami puisse la trouver en bon état quand il revenait sur son île ? Même s'il ne revenait presque jamais ?
L'homme ne put maugréer très longtemps, une silhouette bien connue venant très vite à lui.
- Mathieu ?!
- Mike ! Je suis content de te voir ! Désolé de ne pas avoir prévenu mais mon départ a été un peu... précipité.
- Tu as été muté ?
- Non. J'ai démissionné. D'ailleurs je cherche du boulot...
- Si j'entends quoi que se soit, je pense à toi... Mais qu'est-ce que tu sais faire au juste ? Gestion et management non ?
- Table plutôt sur les abattoirs et la boucherie...
Michaël allait répliquer que son ami avait toujours un humour aussi décapant quand il remarqua deux choses. La première était le brassard noir noué à son bras : l'ancien militaire portait donc le deuil. La seconde était qu'il ne plaisantait pas.
- Mathieu ?
- Oh n'importe quel travail m'irait. Ce n'est pas pour le salaire tu sais, mais si je ne m'occupe pas je vais devenir fou.
- Un vrai lion en cage hein ? Tu veux un coup de main pour les cartons ?
- Avec plaisir... mais ton magasin ?
- T'inquiète pas, Aimée est une véritable fée.
- Merci. Et bonne année au fait.
Un mois plus tard, le métisse travaillait comme videur pour une boite de nuit. Il donnait aussi un coup de main au magasin de Michaël car Aimée allait bientôt accoucher.
Et puis la maison de sa mère et avant elle de ses grands-parents, lui prenait beaucoup de temps : peindre les volets, cirer les parquets, refaire le carrelage de la cuisine...
La pendaison de crémaillère avait eu lieu à la fin de l'hiver. Elle avait réuni l'ancienne bande d'amis. Toujours au rendez-vous trente ans après, malgré les aléas de la vie.
Des amis que Mathieu considérait comme sa seconde famille.
Il se demandait encore ce qu'il serait devenu, le gamin timide et chétif, si sa mère n'était pas partie en pleine nuit par une pluie diluvienne pour aider une femme à accoucher au bord de la route. Si l'homme qui conduisait la voiture qui les avait fauchées n'avait pas perdu le contrôle. Si son géniteur qu'il n'avait jamais connu jusqu'alors n'avait pas débarqué pour l'amener dans un collège militaire, loin des siens.
Avec des si...
- Mathieu ? Ça ne va pas ?
L'ancien militaire soupira et sourit à son ami.
Avec des si on s'empoisonne la vie.
Mais il ne pouvait arrêter de boire cette cigüe détestable.
Pour faire passer ce malaise, il taquina Michäel au sujet de son mariage avec Aimée, même s'il avait été un de leurs témoins une bonne décennie auparavant.
- Tu te rends compte que tu as épousé la sœur de Désirée ? Notre petite Désirée.
- Petite... petite... à l'époque elle me dépassait... Et TOI, tu fantasmais bien sur les fesses de MON frère.
- Oh, sois pas jaloux. Ton postérieur est tout aussi désirable que le sien... AAAAHHHH ! Espèce de salopard !
Mathieu retira très vite sa chemise pour déloger les glaçons que son ami lui avait glissé dans le dos sous les regards hilares de la bande.
Le reste de la soirée avait été tout aussi mémorable. Et quelques photos atterrirent même sur le bureau d'Angelo par un miracle encore inexpliqué.
Et puis les jours passèrent.
Autre lieu, autre travail, autres visages.
Mais la nuit, l'image de Judas venait toujours troubler ses rêves.
Comment ce garçon, qui n'avait partagé sa vie que deux mois, avait-il pu autant le marquer ?
Alors le soir, il s'asseyait sur la plage pour jouer avec les bulles de savon. Et il entendait dans le ressac des vagues comme l'écho des voix de ceux qui étaient partis.
L'enterrement avait eu lieu trois jours avant Noël, par un matin froid et gris. Les gros titres parlaient encore de la mort du plus grand tueur de la décennie lors de son arrestation par la CIA. Et personne ne fit attention à l'avis de décès d'un jeune homme prénommé Jean. Personne sauf quelques professeurs hongrois, un petit groupe d'étudiants en histoire et une équipe du GISS. La cérémonie fut sobre, sans discours. Le colonel chanta simplement le Kyrie Elison d'une voix un peu trop rauque.
Mathieu s'était ensuite rendu à son bureau et avait jeté ses galons et son arme de service. Pour la seconde fois de sa carrière. Mais s'il y a huit ans, le général avait pu le convaincre d'entrer dans les forces spéciales, cette fois rien ni personne ne put le retenir.
Et les jours précédant son départ, l'équipe avait été là pour le soutenir. Laure s'était chargée de mettre les affaires de Judas dans des cartons, le métisse ne voulant même pas entrer dans la chambre du jeune homme. Elle lui avait juste rendu le jouet à bulles, en lui disant qu'il en aurait sûrement besoin.
Et, trois mois après son installation, ces mêmes cartons, simplement marqué d'un J, attendaient dans une chambre d'amis.
Le mois de juin se finissait qu'ils y étaient encore. Car si Mathieu avait cessé de porter le deuil de son amant quelques semaines plus tôt, il n'avait pu se résoudre ni à les défaire ni à s'en séparer. Alors les affaires de Judas étaient cloisonnées dans ces maudits cartons, comme les souvenirs dans une partie de sa mémoire qu'il se forçait d'oublier.
Tourner la page.
L'ex-militaire savait qu'avec le temps, il finirait par oublier. Oublier qu'il avait mal. Oublier qu'il aurait pu être heureux.
Quand le téléphone sonna, ce mardi après-midi de juillet, Mathieu rabattit le drap au dessus de lui, comme si le mince bout de tissu pouvait l'empêcher d'entendre la sonnerie. Mais comme celle-ci se faisait insistante, il se leva en soupirant et décrocha l'appareil qu'il avait jeté sur le canapé en rentrant du travail.
- Mhhhhhhhhh ?
- Math, désolé de te réveiller, c'est Michaël.
Le son de la voix de son ami mit aussitôt le métisse en alerte.
- Un problème ?
- Je sais pas. Un type vient de partir de la boutique. Il te cherchait. Il s'est pas présenté.
- Quel genre ?
- Un blanc. Il s'est montré sympa... Mais son attitude était... hum... J'avais l'impression d'être une souris face à un serpent... tu vois le genre ?
- Assez, oui.
- Il m'a tendu un papier avec ton adresse griffonné dessus et m'a demandé si s'était bien là que tu habitais... je lui ai dit oui.
- T'inquiètes pas pour ça, d'accord ? Et merci de m'avoir prévenu.
Après avoir raccroché, Parker s'habilla et sortit de la mallette sous le lit un fusil d'assaut. Son cadeau de départ de la part de Loïc. Mathieu se demandait pourquoi la CIA avait mis autant de temps avant de lui envoyer quelqu'un. Ce n'était pas leur genre de faire trainer une affaire aussi importante. Oh, il avait bien reçu quelques hommes en costumes un peu avant son départ. Ils lui avaient juste posé quelques questions de routine avant de repartir en s'excusant du dérangement. Lui qui pensait que la CIA allait s'accrocher à l'affaire comme un coquillage à son rocher, il avait été surpris de les voir la clôturer aussi rapidement. Avec le temps Mathieu s'était dit que Nevana devait travailler sans filet... jusqu'à ce coup de téléphone.
Un homme était justement entrain de remonter la rue. Des tennis légères, un pantacourt beige et une chemise hawaïenne...
- Il s'est trompé d'île celui-là..." murmura Mathieu en souriant à demi.
L'homme regardait le numéro des maisons et voyant un enfant jouer au ballon, il l'arrêta. Après un bref échange, l'enfant pointa la maison des Parker du doigt. L'homme releva les lunettes de soleil qui le protégeaient et les posa en une sorte de serre-tête, disciplinant un temps soit peu sa courte chevelure noire.
Mathieu en croisant le regard gris de l'homme ne put se focaliser sur autre chose. Il ne fit pas attention aux nombreuses cicatrices qui couvraient les bras et les jambes de son vis à vis. Il ne fit pas attention à celle qui barrait la joue gauche et lui coupait la lèvre. Il ne fit même pas attention à la chaine en argent autour du cou. Un pendentif représentant une fleur de lys stylisée s'y balançait pourtant. L'homme sourit avant de baisser les yeux. Il salua l'enfant et remonta la rue. Avant même qu'il ne puisse frapper à la porte celle-ci s'ouvrait violemment.
Mathieu dans l'encadrement tenait le fusil, prêt à tirer.
- Tu sais que ça doit pas être facile le métier de démarcheur avec toi... Ils ont des primes de risques ceux qui font ta rue ?
- ...
- Ok. Écoute Mathieu...
- Qui êtes-vous ?
- On peut entrer ? Histoire de parler autour d'un thé glacé... enfin si tu te décide à lâcher ton FAMAS...
Parker s'écarta pour laisser entrer le jeune homme et lui désigna le salon du bout du canon. Il ferma la porte sans quitter l'inconnu des yeux avant de le rejoindre.
- Qui êtes-vous ?
- Tu as encore ta collection de coquillages ? Elle n'a pas souffert du déménagement ?
- Ne m'obligez pas à me répéter.
- Brinz. Joshua Brinz. Mais mon nom ne te dira rien.
- Le gosse que je connaissais était beaucoup moins bavard.
- Passe six mois avec Noé... Même Isaac trouve qu'il ...
Celui qui s'appelait Joshua ne s'émut pas d'avoir le canon du fusil contre sa gorge.
- ... a beaucoup déteint. Tu ne tireras pas. Tu veux tes réponses. Alors repose ton... hé ! Il a été modifié non ? Pour des calibres plus gros ? Je peux regarder ?
- Oui. Oui. Mais non. Mais tu me parlais de Noé... on a retrouvé son avion, comme nous l'avait dit Caïn lors de son interrogatoire.
- Vous avez retrouvé le El Cid. Mais ce n'était pas le corps de Noé à bord. Il a conçu et construit son avion lui-même, tu sais. Il ne lui a pas fallu longtemps pour voir qu'il y avait une bombe dans son bébé. En cherchant bien, il a trouvé le mouchard, alors il a essayé de nous prévenir. Il est arrivé trop tard pour Magdalena. Il vous a vu emmener son corps. Mais il t'a reconnu. Alors il ne s'est pas trop inquiété pour moi. Enfin, suffisamment pour se faire embaucher comme pilote dans une entreprise de surveillance de la capitale... il s'est même arranger pour être le pilote de Nevana.
- Mais j'ai vu l'hélicoptère percuter l'immeuble ! J'ai vu l'explosion !
- Noé n'a jamais fait dans la dentelle. Quand tu m'as ramené en France, il avait déjà réuni Isaac, Adam et Salomé. Ils avaient toujours été fidèles à Père... et Adam était le chercheur à la tête de ma création.
- Noé avait déjà un plan pour contrer Nevana ?
- On ne le dirait pas en le voyant, mais il est imbattable aux échecs.
- En effet, on dirait plutôt un...
- Un feignant de première. Ce qu'il est aussi.
- Je comprends mieux pourquoi Salomon t'a confié à lui...
- Parce que c'est un feignant ?
- Judas...
Le jeune homme se leva brusquement.
- Judas est mort. Mort tu m'entends! Et moi je suis enfin libre !
Le métisse avait envie de hurler. Il voulait comprendre. Pour cesser d'espérer que la personne en face de lui était celle qu'il avait aimée.
- Si... si tu m'expliquais simplement ? Parce que tu débarques comme une fleur dans ma vie, six mois après ton enterrement...
- C'est une longue histoire...
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A un millier de kilomètres de l'île, quatre personnes discutaient, assises dans le canapé confortable d'un salon cossu.
- Tais-toi... Après des semaines à m'être occupé de lui, à lui avoir lu les journaux, raconté des histoires, mis de la musique qu'il aimait... ces premiers mots au réveil c'était Tais-toi...
- A se demander comment il a pu tenir trois mois dans le coma... je t'aurai fichu mon poing dans la figure bien avant...
- C'est qu'un fils ingrat !
- Noé ? Génétiquement ce n'est pas TON fils...
- Je suis son parrain, c'est du pareil au même...
Salomé soupira : le pilote était bien plus attaché à ce môme que n'importe qui ici. A part peut-être Adam.
- J'avais pas tout prévu peut-être ? Merde, avoir l'honneur d'être le pilote de ces deux putains de fouineurs de la CIA, j'y suis arrivé. On a pas truffé l'immeuble d'explosifs ? On a pas transporté deux cadavres pour prendre notre place, à lui et moi ? Vous étiez pas sur place pour faire le transfert des PNV ? J'avais tout prévu...
- Noé ? Il n'est pas mort non ? Alors arrête...
- Mais j'ai failli le tuer ! J'ai déjà perdu Maggy... je... je...
Isaac le serra dans ses bras.
Magdalena avait toujours dit qu'elle préférait une mort rapide à la prison et son amant avait toujours répondu en riant qu'elle n'avait rien à craindre que tel un preux chevalier il la protégerait. Sauf que Noé n'avait pu la protéger.
Salomé toussota :
- Tu ne pouvais pas prévoir que Judas se prendrait une balle dans les poumons et qu'il ne pourrait pas sauter de l'appareil à ton signal.
- D'ailleurs, heureusement qu'il a été projetté à travers le pare-brise, sinon on aurai même pas pu le déloger de la caracasse...
Un homme agé, resté silencieux jusqu'ici, toussota:
- Issac ? N'en rajoutes pas veux-tu.
- Ben t'étais là Adam, non ? T'as vu à quelle vitesse l'hélico s'est embrasé... on aurai rien pu faire...
Le pilote perdu dans ses pensées, n'avait pas prété attention à ses amis. Faisant rouler son verre entre ses mains, il continua :
- J'aurai du anticiper sa réaction ! J'aurai du comprendre qu'acculé à une mort certaine, il essaierait de prendre les commandes de l'hélicoptère pour le faire s'écraser. Pour que personne n'essaie de le sauver. Que ce serait sa façon à lui de protéger le colonel.
Adam grignota un morceau de biscuit, l'air absent.
- Même si j'ai beau savoir que l'ovaire utilisé pour sa fécondation est celle de Lilith, Judas ne renie en rien Magdalena. Quand je dis que l'instruction est au delà de la génétique...
Salomé fusilla du regard le médecin : Lilith avait été la femme de Salomon, son bras droit aussi. Mais elle avait également été son amie la plus chère.
Adam se rendit compte de son erreur. Il avait intégré Babel au commencement du projet Nativité trois ans après la mort de Lilith.
- Excuse un vieux généticien. Mais tu sais bien que tout ce que j'ai connu d'elle ont été ses cellules conservées.
Noé se secoua et fixa longtemps Adam.
- Je vais partir pour l'Australie... Maggy et moi on révait de s'y installer. Elle voulait voir tellement de choses là bas, alors je les verrai pour elle... mais Judas... s'il te plait, peux-tu veiller sur Judas ?
Le médecin resta silencieux. Longtemps. A tel point que Noé se demanda s'il allait répondre. Puis il prit la parole.
- J'ai soigné son père, je peux bien m'occuper de lui... et puis ma femme me disait pas plus tard que la semaine dernière qu'elle aimerait habiter près de l'océan...
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Mathieu, assis dans le sable, faisait des bulles en regardant le soleil se coucher. Il entendit des bruits de pas. Et le jeune homme s'accroupit à côté de lui.
Les explications avaient été longues en effet et l'ancien militaire avait voulu être au calme pour y réfléchir. Sans regarder Joshua, il demanda d'une voix neutre :
- Chocolatier-pâtissier hein ?
- C'est un bon travail. Même si les horaires sont un peu décalés. Et je suis plutôt doué.
Le métisse se leva et mit son cadet sur l'épaule comme un vulgaire sac de patates douces.
- Héééééééééé !
- Aux fourneaux, Cendrillon, sinon ce soir c'est pizzas surgelées !
- Lâche-moi ! Espèce de cyborg pervers !
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- Noé ? Si on a un enfant, on l'appellera comment ?
- Maggy, il est deux heures du matin... tu ne veux pas revenir te coucher ?
- Les étoiles sont magnifiques et il fait si bon dehors.
- ...
- Joshua, c'est un joli prénom.
- Va pour Joshua alors...
FIN