Un chapitre bien plus long qu'à mon habitude !

Merci à Tine pour sa rev ! Et à Cerise pour son aide !

Et à tous et toutes pour m'avoir suivi tout au long de cette histoire ^^.

Pour Aurore & Claire.

27 Juste ton bonheur...

Comment ne pas douter ? Comment ne pas avoir peur ?

Julien ouvrit les yeux, allongé sur le fauteuil du salon de Romain. Son petit ami venait de partir en le laissant sans force sur le sofa. Un sourire parcourut ses lèvres avant qu'il n'aperçoive l'heure près de la télé. Il n'était pas loin de deux heures du matin. Julien se redressa surpris. Il était pourtant persuadé que Romain venait de partir et cela faisait malgré cela, d'après l'heure affichée, près de deux heures qu'il l'avait quitté. Intrigué, il voulut s'approcher de la console mais il fut pris d'un vertige qui l'obligea à se rasseoir et à attendre de longues minutes que cela passe.

« Romain s'était vraiment surpassé ! » se dit-il en se dirigeant vers la salle de bain.

Il avait mal à la tête, encore. Une douleur sourde et oppressante qui ne l'avait pas vraiment quitté depuis sa rencontre avec Miguel.

Aurait-il fini par choper une insolation ?

Il chercha un cachet d'aspirine dans l'armoire à pharmacie de Romain, sans succès et décida alors d'aller se coucher.

Allongé sur le lit dans la chambre obscure de son petit ami, il fixa le plafond et reprit le cours de ses réflexions.

Comment ne pas douter ? Comment ne pas avoir peur ?

Il était trop tard maintenant pour se poser des questions, il était allé le chercher, il lui avait tout pardonné (enfin encore eut-il fallu qu'il y eût quelque chose à pardonner) alors, pourquoi douter ?

Le doute et la peur n'avaient plus leur place dans son histoire avec Romain.

Ce n'était qu'une séance d'autographe... Et les probabilités étaient en sa faveur.

La probabilité qu'il le perdre ce soir était vraiment mince...

Mais au fait, pourquoi le perdrait-il ? Il lui faisait confiance, le reste était sans importance.

Sa tête bourdonnait. Il ferma les yeux et se tourna sur le côté.

Romain c'était tout ce qui comptait, non ?

Julien finit par s'endormir dans les draps portant encore l'odeur de son petit ami, rasséréné.

Il lui faisait confiance et il le prouverait...

Il l'entendit rentrer sur les coups de quatre heures du matin et un sourire se peignit sur son visage avant qu'il ne retombe dans les limbes du sommeil.

Le voilà !

Il lutta néanmoins contre l'endormissement qui s'emparait de lui. Il voulait attendre Romain et le sentir tout contre lui avant de repartir au pays des songes. Il voulait savoir comment s'était passée sa soirée.

Bientôt il entendit la douche, il tenta de garder les yeux ouverts sans grands succès. Puis enfin vint le moment où Romain s'allongea à ses côtés. Julien fut immédiatement saisi par l'envie de le serrer dans ses bras, mais il ne voulait pas que Romain s'imagine qu'il l'avait attendu, alors il se contenta de poser une main sur ses hanches. Il sentit un frisson parcourir Romain à son contact et cela l'intrigua. Il retira sa main et se redressa légèrement.

- Tout va bien ? murmura-t-il d'une voix qui lui parut très lointaine.

- Hum hum, lui répondit alors Romain, c'est juste que...

Et sans finir sa phrase, l'adolescent se colla à son petit ami.

- Serre-moi dans tes bras, s'il te plaît.

Julien s'exécuta en se sentant soudain partir. Il tenta de rester conscient en parlant.

- Ton show... ne s'est pas bien passé ?

Il avait du mal à s'exprimer, il lui semblait que sa mâchoire était totalement engourdie. Il n'entendit pas la réponse de Romain mais sentit sa tête lui caresser le torse de droite à gauche.

Lui faire confiance... Et tout ira bien...

- Je suis juste très fatigué... Je voudrais seulement dormir dans tes bras, je...

- Je suis là maintenant... souffla Julien et sans pouvoir lutter plus longtemps, il sombra dans le néant.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il s'aperçut qu'il était en sueur. Romain, toujours contre lui, lui avait servi de chauffage pour le reste de la nuit et la température extérieure n'était pas de celle qui encourageait les corps contre corps. Il se dégagea et l'observa un moment dans la pénombre, juste pour le voir dormir, juste pour le regarder...

Juste lui...

« Bientôt, il pourrait le faire tous les jours » se dit-il un léger sourire aux lèvres, « bientôt ils vivraient ensemble pour toujours... »

Julien soupira puis déposa un petit baiser sur la joue de son amant endormi. Il se leva en titubant légèrement.

Décidément, il avait du mal à tenir debout et sa tête lui était toujours aussi douloureuse.

C'était certes amplement supportable, mais désagréable tout de même. Il repartit dans la salle de bain à la recherche de quelque chose pour le soulager, mais fit de nouveau choux blancs. Il décida donc d'aller faire quelques courses.

Il s'habilla rapidement pour acheter de l'aspirine à la pharmacie et en profiter pour prendre les croissants.

En chemin, il ne cessait de penser à leur nouvel appartement. Il n'en avait soufflé mot à Romain mais il le faudrait bien.

« Eh oui Romain, chacun ses petits secrets... » se dit-il en se souvenant de Paris.

Il fit une légère grimace puis secoua la tête.

« Ne te créer pas de problème là où il n'y en a pas Julien ! » pensa-t-il, Romain lui avait dit qu'il restait sur Toulouse... C'était ça le plus important.

Juste pour lui...

En attendant, il savait qu'il devrait argumenter pour convaincre Romain, peut-être lui dire qu'ils auraient tout de même un petit loyer à payer ? Il ne fallait pas que Romain s'imagine que Julien veuille l'entretenir.

Dehors le soleil était déjà haut et l'après-midi s'annonçait chaude. Il jeta un rapide coup d'oeil à sa montre, il était onze heures et la faim commençait sérieusement à lui titiller l'estomac. Il oublia cependant rapidement son ventre mécontent pour se concentrer de nouveau sur son problème.

Julien devait vraiment mettre toutes les chances de son côté. Il ne fallait pas que Romain s'imagine qu'il voulait l'acheter avec son appartement, comme le ferait un de ses clients...

Comment lui faire comprendre ? Lui dire qu'il n'aurait jamais les moyens pour se le payer ?

Mauvais plan.., même s'il ne doutait pas que ce fût la vérité...

Il sourit devant sa bêtise, imaginant le regard de mort que lui lancerait très certainement Romain s'il entendait ça...

Cela dit Julien devait reconnaître que la colère lui allait bien !

Il se sentit soudain pris d'un léger vertige et s'appuya contre un poteau.

« Il devait avoir plus faim qu'il ne l'avait cru ! » se dit-il

Une fois ses esprits repris, il se dirigea vers la boulangerie qui était maintenant à deux cents mètres de lui. La queue était très longue, comme tous les dimanches. Il soupira et prit son mal en patience, laissant son esprit vagabonder encore une fois.

La meilleure boulangerie de la ville... Romain comprendrait certainement qu'il avait quelque chose d'important à lui dire... Même si ce n'était pas une fille...

C'était son mec !

Une bouffée d'orgueil l'empli alors et un sourire illumina son visage.

Et si finalement Romain acceptait tout simplement ? Après tout, c'était son mec !

Un nouvel appart, une nouvelle vie...

Il ne pouvait pas continuer à travailler dans son bar, il ne pouvait pas fréquenter encore et encore, soir après soir, les pervers qui le mettaient dans son lit. Plus que de la jalousie, Julien voulait juste lui offrir une nouvelle chance...

Il fut interrompu dans ses réflexions par le bruit d'un klaxon, puis le crissement de pneus sur l'asphalte. Il vit à cinq cents mètres de lui la voiture et le cycliste passer par-dessus. Il sentit l'air lui manquer et il chancela se rattrapant de justesse à son voisin.

- Tout va bien ? demanda alors l'homme d'une cinquantaine d'années avec surprise.

- Oui, lui répondit-il en retrouvant son équilibre. On doit plutôt aller les aider...

Il fit un pas dans la direction de l'accident. La conductrice de la berline noire était sortie et hurlait au cycliste de ne pas bouger. Ce dernier se releva néanmoins assurant à la foule que tout allait bien. La conductrice cependant proche de l'hystérie lui ordonna d'attendre les secours. Julien observait la scène avec curiosité. Au loin, il entendit bientôt les sirènes des pompiers et décida de rebrousser chemin, mais soudain ses jambes refusèrent de le soutenir. Il vit le sol arriver à toute vitesse et il s'effondra sur le trottoir, sans connaissance...

*

Julien se sentait bien, il n'avait ni chaud, ni froid, la douleur avait disparu. À vrai dire, il ne sentait plus rien, il était devenu aussi léger qu'un nuage et rien ne pouvait désormais l'atteindre. Il flottait tout simplement et ses problèmes sans solution quelques instants plus tôt lui paraissaient maintenant pouvoir se résoudre avec facilité.

Tout n'était qu'équations avec de nombreuses inconnues...

Sa spécialité quelque part !

Il se mit alors à écrire avec ses doigts et les chiffres se matérialisèrent dans son esprit comme par enchantement, ainsi que de nombreuses inconnues. Il les voyait défiler devant ses yeux au gré de son inspiration. Il y avait un appartement et un petit ami, il y avait la confiance, il y avait ses parents et surtout lui...

S'il devait renoncer à quelques choses, qu'est-ce qu'il serait prêt à abandonner ?

Il se laissa ainsi aller à ses calculs. Le temps n'avait plus d'importance, il n'y avait que les chiffres. Il remplit une bonne partie de son univers résolvant la plupart des problèmes jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus qu'une inconnue : jusqu'où serait-il encore prêt à aller ?

Accepterait-il un refus de Romain pour l'appart ? Accepterait-il de le voir travailler dans son bar encore ? Accepterait-il le regard des autres sur son petit ami ? Les remarques désobligeantes et les « Je ne vous aurais pas déjà vu quelque part » ? Arriverait-il à contenir sa jalousie ? Arriverait-il à le garder près de lui ? Jusqu'où irait-il par amour ?

Juste par amour...

Plus il réfléchissait à cette inconnue, plus de nouvelles équations naissaient dans son esprit sans qu'il n'arrive à en trouver les solutions. Il sentit alors petit à petit la peur l'étreindre, puis il lui sembla que son corps devenait plus lourd et que la douleur se réveillait lentement.

Il ne lui restait plus beaucoup de temps, mais il devait néanmoins trouver sa solution. Il continua ses calculs, encore et toujours jusqu'à ce qu'il entende une voix l'appeler dans le lointain. Un sourire naquit sur ses lèvres lorsqu'il la reconnut. Il s'arrêta un instant pour l'écouter.

Romain semblait à des millions d'années de lui et il l'appelait.

« Julien ? Julien ? Est-ce que tu m'entends ? »

Julien hocha imperceptiblement la tête.

« Toujours ! » pensa-t-il.

« On m'a dit que tu m'entendrais peut-être, que je devais te parler... »

« Eh bien parle ! Moi pour le moment je n'ai pas encore trouvé la solution à mon équation... »

« J'ai l'impression que tu dors... Tu sais, c'est... C'est Albane qui m'a dit que tu étais là... Quand je me suis réveillé hier, oui c'est ça hier... Tu, tu n'étais plus à côté de moi et j'ai cru que ... Enfin, j'ai cru que tu avais vu les marques sur mon cou et que tu étais allé te venger... Tu les as peut-être vues non ? Non je ne pense pas, tu m'aurais très certainement réveillé... Albane m'a dit que l'accident avait eu lieu près de la boulangerie du centre, son père a été appelé sur les lieux... J'ai pas imaginé un seul instant que tu étais juste parti chercher des croissants... Je suis vraiment désolé Julien... Si tu savais... »

La voix s'était soudain tue et Julien fronça légèrement les sourcils avant de secouer la tête et de reprendre son équation.

Une minute plus tard, à moins que ce ne soit quelques heures, la voix revint. Julien s'interrompit de nouveau dans son travail.

« C'est moi, commença-t-elle. Albane te passe le bonjour, elle viendra te voir demain, aujourd'hui elle ne pouvait pas mais elle espère que tu vas te réveiller très bientôt... Et moi aussi... Lexis est là, elle s'est endormie dans le fauteuil. Samir est passé ainsi que ta mère. Ton père... Je crois qu'ils ont fini par réussir à le joindre mais il n'est pas en France pour le moment... Moi, je vais bien enfin... je crois... Et toi... Les médecins ont dit que ton état était stable. Tu as le poignet foulé... Pas de maths avant longtemps ! Ils ont dit que tu avais eu de la chance... »

« De la chance ? Est-ce que cette inconnue permettrait de résoudre son équation ? » Julien se replongea dans ses chiffres et la voix de Romain disparut pour un moment.

« Julien ? reprit-elle plus tard. Cela va faire deux jours que tu es dans le coma... Tu dois revenir Julien, tu dois revenir tout de suite ! Tu m'entends ? »

« Oui, oui, je t'entends mais je dois finir ce que j'ai commencé ! »

« Je n'y arriverai pas sans toi Julien ! Ne m'abandonne pas s'il te plaît ! Réveille-toi ! »

La douleur était maintenant de plus en plus présente et Julien avait de plus en plus de mal à se concentrer.

Encore quelques secondes... Mais déjà les chiffres commençaient à disparaître s'étirant vers le néant comme la fumée d'une cigarette.

Plus qu'un calcul...

L'anxiété le gagnait, il devait absolument trouver sa solution... Il le devait...

La solution était là, il le savait... La solution c'était...

« Romain a besoin de toi et moi aussi ! » le coupa soudain la voix de Lexis.

« Je bosse là ! » voulut-il hurler en la cherchant du regard mais déjà la solution s'effaçait à mesure que ses yeux s'entrouvraient.

Il avait la bouche pâteuse et il avait mal. Il sentit néanmoins une douce chaleur émaner près de sa main gauche. Il bougea avec difficultés ses doigts et caressa avec maladresse les bouts des doigts posés sur le drap.

Quelques secondes plus tard, le visage de son amant était au-dessus de lui rayonnant. Julien tenta de sourire avant de demander un verre d'eau d'une voix enrouée, Lexis le lui donna et alla ensuite prévenir un infirmier du réveil de son frère. À peine quelques minutes plus tard, un homme d'une trentaine d'années se présenta et procéda aux tests d'usage. Julien se prêta à l'exercice impatient de se retrouver enfin seul avec Romain.

Une fois l'infirmer partit, Lexis trouva très vite une excuse pour s'éclipser à son tour sous le sourire des plus reconnaissants de son frère.

Il observa alors son petit ami et lui sourit plus franchement.

- Tu m'as tellement fait peur ! s'écria Romain en se précipitant sur lui avec une certaine retenue pour ne pas lui faire mal.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda alors Julien qui n'avait pas le moindre souvenir de ce qui avait pu l'amener à l'hôpital et en regardant avec curiosité son poignet droit bandé.

- Tu as fait une hémorragie et tu as perdu connaissance en pleine rue... Et tu t'es foulé le poignet en tombant répondit Romain en lui désignant son bras.

- Ah bon ? Une hémorragie ? questionna Julien en se souvenant vaguement d'un crissement de pneus.

- Oui... Tout est de ma faute, j'aurais dû insister pour que tu ailles te faire examiner ! Je veux être infirmier et...

- Tu n'y es pour rien Romain je t'ai dit que je ne voulais pas aller à l'hôpital ! le coupa Julien en haussant le ton.

- J'aurais quand même dû insister...

- Je suis désolé de t'avoir fait si peur mais... il y a eu un accident non ?

- Oui une voiture contre un vélo... La police est arrivée rapidement sur les lieux, il y avait le père d'Albane puis les pompiers... Tu as été opéré il y a de cela trois jours... L'hémorragie n'était pas bien importante... Mais bon sang ! Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu avais mal à la tête ?

- Je n'avais pas si mal que ça...

- Julien... Je... je ne serais pas allé au show...

Julien le regarda en fronçant les sourcils.

- Pourquoi ? Il s'est passé quelque chose à ton show ?

Romain se mordit les lèvres.

- J'ai... J'ai été agressé... finit-il par avouer.

Julien ouvrit de grands yeux et tenta de se relever, mais la douleur lui coupa le souffle.

- Non, Julien, ça ne sert à rien de t'énerver, c'est fini maintenant. J'ai porté plainte contre eux, ils ne s'en sortiront pas...

- Et ils t'ont fait quoi... demanda Julien peinant pour retrouver son souffle.

- De jolies marques sur le cou...

Romain s'approcha de lui en lui montrant son cou qui comportait encore des traces jaunâtres de strangulation.

- J'aurais dû venir avec toi...

- Je ne t'aurais pas laissé faire... De toute façon, j'en ai terminé avec tout ça !

Julien planta alors son regard dans celui de Romain.

Le prochain qui te touche je le tue...

- Je t'aime lui souffla alors Romain

Un sourire se peignit sur le visage de Julien et sans lâcher Romain des yeux, il l'attira à lui. Front contre front, il continua à l'observer en silence avant de s'emparer de ses lèvres. Le baiser dura encore et encore augmentant en intensité à chaque seconde, jusqu'à ce que Julien rende les armes et ne repousse doucement Romain afin de pouvoir reprendre son souffle.

Sans rompre le contact visuel, Romain lui offrit son plus beau sourire et lui répéta encore une fois qu'il l'aimait.

Le coeur de Julien se gonfla de bonheur. Il était heureux tout simplement et il s'aperçut qu'il avait là, dans ce sourire la réponse à son équation.

Juste le voir sourire...

Une semaine passa ainsi. Julien se remettait fort bien de son opération et avait du mal à contenir son impatience à sortir. Il n'avait toujours pas parlé de l'appartement à Romain.

Peut-être craignait-il de rompre le charme des jours précédents ? Et puis, se disait-il, rien ne pressait. Il avait décidé de laisser du temps à Romain, il lui annoncerait à sa sortie qu'il emménageait près de la fac dans un appart et que Romain pourrait l'y rejoindre quand bon lui semblerait. Il avait ensuite bon espoir que son amant s'y installe définitivement avant la fin de l'année scolaire.

Il suffisait juste d'être patient... Ce qui dans cet hôpital lui paraissait bien difficile. Romain lui manquait et leurs tête-à-tête assez court, vu le nombre de personnes lui rendant visite, étaient loin de le satisfaire. Même son livre de maths perdait de son intérêt tant le corps de son amant l'obsédait. Chaque baiser échangé devenait un supplice pour lui et si on ne l'avait pas encore autorisé à se lever (trop tôt lui avait-on dit), il savait que tout allait pour le mieux en dessous de sa ceinture.

Enfin pour le mieux...

Combien de temps pourrait-il encore se contenir ? Et comment opérer avec un poignet foulé ?

Il devait encore rester une semaine à l'hôpital et il ne voyait aucun moyen pour se soulager. Il commença alors à se montrer plus distant envers Romain qui s'en inquiéta.

- Julien... Tout va bien ? lui demanda-t-il un jour en fin d'après-midi.

- Mm se contenta de répondre le garçon perdu dans son livre de maths.

- Tu veux faire quelques pas dans le couloir ?

Julien avait eu la permission de se lever la veille mais cela lui avait été si douloureux qu'il se demandait vraiment s'il pourrait remarcher un jour correctement.

« Vos muscles ont juste perdu l'habitude de travailler lui avait dit l'infirmière, ne vous inquiétez pas dans quelques jours vous sauterez comme un cabri ! Il faut juste y aller doucement d'accord ? »

Julien avait acquiescé de mauvaise grâce.

- Non j'ai pas envie, lui répondit finalement le garçon.

Agacé, Romain lui arracha le livre des mains.

- Maintenant ça suffit ! Dis-moi ce qui t'arrive !

Julien baissa le regard ce qui énerva encore plus Romain.

- Regarde-moi bon sang !

La colère lui allait si bien...

Julien sentit ses joues s'empourprer et il leva un regard de chien battu vers son amant.

- Désolé Romain, mais... commença-t-il avant de fermer les yeux et reprendre dans un souffle :

- Tu me fais trop d'effet...

Et comme pour confirmer ses dires une petite bosse se forma sur le drap du garçon.

Romain vira immédiatement au pivoine alors que Julien de son côté n'en menait pas large non plus. Puis, son amant explosa de rire ce qui eut pour effet premier de détendre l'atmosphère.

- Sans rire, je te fais autant d'effet ? demanda Romain avec un regard brûlant.

- Arrête, c'est pas drôle... commença Julien avant d'être interrompu par un baiser.

Il sentit alors une main mutine venir se poser doucement sur le drap, puis se mettre à caresser doucement la petite bosse. Julien gémit.

- Arrête... réussit-il à articuler alors qu'il se mordait maintenant les lèvres pour essayer de contenir son plaisir.

- Pourquoi... lui souffla alors Romain avec une voix rauque qui arracha un nouveau gémissement à son amant.

Puis sans prévenir, il repoussa le drap et souleva avec lenteur la chemise de Julien avant de caresser l'intérieur de ses cuisses avec délectation.

- Romain arrête de jouer... Je vais pas tenir...

Ce dernier l'observa avec un regard des plus sadique et avec lenteur il commença à lécher le bout du gland de Julien qui se cambra immédiatement.

- Je déconne pas Romain... réussit-il à articuler avant de sentir la bouche de son amant l'envelopper laissant Julien dans un état proche de l'extase.

Après quelques mouvements de va-et-vient, l'adolescent finit par se soulager, s'excusant immédiatement auprès de son petit ami pour sa rapidité.

- J'en rêvais depuis tellement longtemps... lui expliqua-t-il.

Romain lui sourit alors et l'embrassa sur le bout du nez avant de lui proposer d'aller lui chercher un gant de toilette.

Julien refusa.

- Non reste...

Il lui saisit la main et l'attira à lui respirant à plein poumon son parfum. Au bout de quelques minutes, Romain se redressa.

- Vivement que tu rentres... lui dit il en se mordillant la lèvre avec sensualité.

Julien rougit et détourna le regard avant d'essayer de se lever.

- Tu es sûr... commença Romain.

- Oui c'est bon, je dois faire travailler tous mes muscles... lui répondit-il en allant vers la petite salle de bain attenante. Bénissant soudain sa mère d'avoir pris pour lui une chambre seule...

Il fit couler l'eau et prit un gant.

- Tu es vraiment trop doué pour ça Romain ! Vivement que je puisse à mon tour te montrer de quoi je suis capable !

Une fois nettoyé, Julien ferma l'eau et retourna dans sa chambre en ne cessant de vanter les mérites de son amant.

- Je vais te faire grimper au rideau tu vas voir... acheva alors Julien devant la silhouette imposante de son père.

Julien le regarda soudain blême.

Les visites n'étaient-elles pas finies ? Non puisque Romain était encore là...

Son coeur battait la chamade alors que ses yeux allaient de son père à Romain, aussi blanc que lui.

Et puis son père sans dire un mot tourna les talons et sortit de la chambre.

Julien resta comme pétrifié ce qui lui sembla une bonne minute. Puis sans plus réfléchir, il se précipita à la suite de son père. Il ne prêta pas attention à ses jambes de plus en plus douloureuses et raides, il devait le rattraper, il devait lui expliquer...

Et puis, il ressentit une violente douleur au niveau du bas du dos. Ses jambes refusèrent de lui obéir et il s'écroula dans le couloir en hurlant :

« Mes jambes, je ne sens plus mes jambes... »

Julien émergea doucement. Il était maintenant dans son lit et il se sentit lourd. Il ouvrit doucement les yeux et aperçut son père assis près de lui.

- Papa ? demanda-t-il d'une voix qui lui parut venir d'outre-tombe.

- Chut... ne parle pas Julien, tu dois te reposer...

Julien l'observa en silence alors avalant sa salive avec difficultés.

- De l'eau s'il te plaît... chuchota-t-il avec cette même voix.

Il vit son père se lever et lui servir un peu d'eau.

Julien but doucement puis demanda :

- Mes jambes ?

- Rien de grave, tu as juste un peu trop forcé ne t'inquiète pas d'ici un ou deux jours tu pourras de nouveau t'essayer à marcher.

Légèrement rassuré, Julien ferma les yeux.

- Mais vraiment on n'a pas idée de se mettre à piquer un sprint dans ton état !

Julien rouvrit les yeux surpris, cherchant à comprendre où son père voulait en venir.

Peut-être n'avait-il pas compris, peut-être n'avait-il rien entendu et il avait simplement fait demi-tour en s'apercevant avoir oublié quelque chose dans sa voiture ?

- Alors, tu es... reprit son père sur un ton plus sérieux.

Loupé...

- Enfin, je veux dire tu es avec...

- Romain, articula alors Julien la gorge soudain très sèche.

- Romain... C'est... plutôt... C'est contre nature Julien... Tu es un homme, tu ne peux pas... Je suis désolé, mais je ne peux pas...

Il se leva sous le regard implorant de son fils.

- Je ne peux pas Julien, mais je t'aime et je ne veux pas te perdre comme j'ai perdu ta mère. Si c'est ça ta vie... dit-il une expression dégoûtée sur le visage.

Il secoua alors la tête avant de reprendre résigné :

- Je sais que quoique je te dise tu n'en feras qu'à ta tête et je sais aussi que tu n'attends pas mon consentement... Alors... Tu restes mon fils Julien, mais si tu décides de poursuivre dans cette voie... je ne veux rien savoir de ta vie amoureuse... C'est au-delà de mes forces...

Il quitta ensuite la chambre, tête baissée. Julien le regarda disparaître, un pincement au coeur. Puis fatigué, il sombra de nouveau.

Il fut réveillé par une voix dans le lointain, mais il ne se sentit pas la force d'ouvrir les yeux. Ses paupières semblaient lui peser une tonne.

- Julien je suis vraiment désolé... Tout est de ma faute et si tu n'arrives pas à remarcher je crois que je ne me le pardonnerais jamais...

Il voulut prendre la main de Romain pour le rassurer mais il se sentit de nouveau partir vers un monde sans songes.

À son réveil, Julien eut la désagréable surprise de voir Alexis arriver à son chevet.

- L'infirmière m'a prévenu que tu avais repris conscience.

Julien grimaça et regarda l'heure sur sa petite tablette. Il était près de minuit.

- Tu fais des heures sup pour moi ? lui lança alors le garçon avec ironie.

Il le détestait vraiment.

Alexis se contenta de sourire en étudiant ses constantes.

- Tout va bien finalement, tu pourras sortir comme prévu...

Julien ne répondit rien et regarda au-dehors d'un oeil distrait.

- Tu lui as fait très peur, tu sais ?

Julien se contenta de tourner la tête vers lui et de lui lancer un regard mauvais.

- Il pense que tu ne vas pas remarcher, je suis juste venu le rassurer un peu...

Julien sentit son coeur se serrer ce qui lui arracha une grimace. Sans paraître le remarquer, Alexis continua sur sa lancée :

- Il l'a échappé belle lui aussi. Si je n'étais pas intervenu...

Nouveau coup de poignard

- ... qui sait ce qui se serait passé. À trois contre un... J'espère en tout les cas que la prochaine fois tu sauras veiller sur lui ! Avec tous ses clients...

- Comme toi ? l'interrompit Julien haineux.

Alexis se contenta alors de sourire puis poursuivit :

- Des pervers prêts à tout... Tu les aurais vus samedi... ils étaient totalement déchaînés...

Si je reste sur Toulouse Julien c'est uniquement pour toi...

- ... Romain n'est pas une faible femme bien sûr, mais...

Juste pour toi...

- Je sais qu'il a dû te parler d'aller faire ses études ailleurs...

Pourquoi en avoir parlé avec toi ?

- ... Il ne peut pas rester ici Julien, tu dois absolument le laisser partir...

- Avec toi ?

- Non, ce n'est pas moi qu'il aime ! Et justement si toi tu l'aimes aussi...

Julien n'entendit pas la fin de la phrase d'Alexis. Une infirmière venait de faire irruption avec un plateau de médicament. En voyant le médecin, elle s'excusa et fit mine de repartir, mais Alexis l'arrêta.

- Non restez, j'ai fini Caroline.

Il s'arrêta cependant à la porte.

- À toi de faire ce qui te semble le mieux Julien... Le mieux pour lui...

Julien sentit ses yeux le picoter. Il les ferma alors que l'infirmière prenait sa tension.

- Tout va bien, jeune homme ?

Julien se contenta de hocher la tête.

Elle déposa ensuite les médicaments sur sa table de chevet.

Une fois seul Julien se laissa alors aller et pour la première fois depuis bien longtemps, il pleura.

Juste son bonheur...

*

Huit mois plus tard.

Marius fermait la porte de son bar après une journée bien chargée. Il respira l'air froid du dehors, heureux d'être enfin son propre patron. Si on lui avait dit quelques mois plus tôt qu'il en serait là, il ne l'aurait jamais cru. Mais beaucoup de choses avaient changé désormais dans sa vie. Il avait racheté ce bar quelques semaines plus tôt et déjà les affaires marchaient bien. Sa clientèle était principalement composée d'étudiants et il avait eu la chance d'en connaître au moins un, qui lui avait fait une très bonne publicité. Il faut dire que ce dernier ne se déplaçait jamais sans sa cour et cela avait fini par faire du monde. Il n'aurait jamais pensé que le garçon aurait pu changer à ce point.

Le gamin était devenu un homme, le gamin était devenu un tombeur... Mais gare à celui qui s'attachait un peu trop à lui...

Une silhouette se dégagea de l'ombre et un sourire parcourut ses lèvres.

Quand on parle du loup !

Emmitouflé dans une parka verte Julien s'avança vers lui en souriant.

- Bonne journée ? demanda-t-il en soufflant dans ses mains.

- Oui, ça a été bien que ta cour se soit inquiété de ton absence !

- Arrf, ils s'en remettront ! J'avais des choses à faire, être le bras droit du prof n'est pas toujours de tout repos même lorsqu'on est une bête en maths !

- Ah oui, c'est vrai qu'en plus tu es une bête en maths !

Ils rirent de bon coeur un moment, puis Marius reprit son sérieux.

- Alors, qu'est-ce qui t'amène ?

- Un dernier verre chez toi ?

« Et plus si affinité ! » pensa alors Marius à qui cette perspective était loin de déplaire.

Marius sourit et acquiesça. Julien le suivit.

Ils firent la route en silence, puis montèrent dans le petit deux pièces du barman. Comme s'il était un habitué des lieux, Julien posa son manteau et alla s'asseoir sur le canapé.

- Célibataire ? demanda-t-il en observant le plateau-repas posé devant la télé.

- Oui comme tu vois et toi alors ?

- Pour aujourd'hui.

Marius sourit de nouveau et secoua la tête. Il savait maintenant pourquoi Julien était là.

Il avait eu une chance sur deux...

Mais ce soir, Romain lui manquait. Et dans ces moments-là, Julien s'isolait du monde et venait en général le voir aussi.

Marius se dirigea vers la cuisine et revint avec deux verres de vin. Il en tendit un à Julien avant de s'asseoir à ses côtés. Ils n'avaient jamais parlé de Romain depuis son départ précipité pour Paris. Marius soupira puis rompit enfin le silence.

- Julien, tu sais... Pour Romain je suis désolé...

Mais il ne finit pas sa phrase tant les mots lui semblaient vides devant le regard empli de douleur à la simple évocation du prénom du garçon. Marius se mordit la lèvre et se leva.

- Une plâtrée de pâte ! Ça te va demanda-t-il pour changer de sujet.

Julien hocha simplement la tête et Marius disparut dans la cuisine.

Il s'en voulait tellement de l'avoir laissé partir... Mais ce n'était pas à Julien qu'il devait faire des excuses. Après tout, ils avaient tous les deux uniquement pensé au bonheur du garçon, en décidant à sa place... Il se souvient encore du soir où Romain était venu le voir en larmes avec le mot de Julien sur lequel était inscrit cette phrase : « Je ne veux plus jamais te revoir - J ». Et lui expliquant ensuite, entre deux sanglots, que Julien devait lui en vouloir parce que par sa faute, il ne remarcherait sûrement jamais... il était resté silencieux. Romain était totalement désespéré mais aucun mot n'avait franchi ses lèvres pour soulager sa détresse. Il n'avait rien fait pour le rassurer, parce que Paris était mieux que Toulouse pour lui, parce que Romain avait enfin l'opportunité de réaliser son rêve...

Parce que Romain était jeune et qu'il retrouverait certainement quelqu'un...

Il savait bien sûr à quel point son ami pouvait tenir au gamin et si lui avait été un véritable ami alors il serait allé voir Julien et alors il aurait très certainement compris.

Il aurait compris à quel point ces deux là étaient fait pour être ensemble...

Romain ne serait pas parti et Julien ne briserait pas les coeurs comme il le faisait depuis.

Un beau gâchis en somme !

Les premières notes d'un CD d'Alya (1) offert quelques années plus tôt par Romain retentirent soudain dans le salon. Surpris, Marius passa la tête par la porte de la cuisine et vit Julien près de la chaîne compulsant le petit livret du disque. Le garçon avança la chanson puis passa à la suivante et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il trouve celle qu'il recherchait.

La chanson commença et Marius fredonna doucement l'air en préparant sa sauce.

« Et c'est que j'en suis venue à penser

Que le véritable amour n'est que le premier

Et j'en suis venue à soupçonner

Que ceux d'après sont seulement pour oublier... » (2)

C'était la chanson que Romain ne cessait de fredonner à l'époque... Et c'était celle de Julien maintenant...

(FIN) (3)

1- « Fallen Angel » de Mouf-Mouf

2- Traduction de « Rosas » chanson de « La oreja de Van Gogh »

3- Clin d'oeil à Meanne 77 et ses (fins) ^^

A vous tous.

Une suite ? Oui, il y en a une qui me trotte dans la tête...

Un jour sûrement ;-b

Merci encore.

Aceituna 05/11/2008