Titre : De albis angelis
Auteur : Meanne77

Claimer, disclaimer et note d'auteur : L'histoire et la majorité des personnages sont à moi. Cédric Merlieux et Sayara Lefèvre sont l'heureuse propriété de Shakes Kinder Pinguy, vous pourrez plus amplement les retrouver dans sa fic Regarde-moi (story id : 2482113). De albis angelis et Regarde-moi se croisent et l'on vous conseille de lire les deux mais ce n'est pas obligatoire pour la compréhension de chacune, elles restent indépendantes.

(Débuté en mars 2006 ; corrigé et réécrit en février 2008)

De albis angelis
Prologue

Gwenaëlle se tenait à l'entrée de ce qui représentait son dernier espoir.

Il n'y avait pas grand monde ce vendredi soir-là aux bons mots, les bons remèdes, tout au plus une dizaine de clients répartis inéquitablement dans les trois salles du magasin. Parmi eux, des habitués anonymes qui se croisaient dans les rayonnages de la librairie de quartier et se saluaient parfois de la tête, et d'autres, illustres inconnus et quidams quelconques qui pour la plupart savaient ce qu'ils étaient venus chercher et ne s'attardaient pas dans ce monde à part des amoureux des livres, trop pressés de rentrer chez eux pour voler l'espace d'un instant du rêve et de l'évasion aux fils des pages feuilletées. L'éclairage avait cette texture intimiste propice au vagabondage, il ne blessait les yeux ni par une lumière trop forte ni par une clarté trop faible mais avait été dosé, semblait-il, avec la précision d'un métronome.

Gwenaëlle aimait venir se perdre en ces lieux. Elle aimait grimper la petite marche à l'entrée de la boutique, franchir le seuil où déjà des livres vous entouraient de toutes parts, voir du coin de l'œil sans s'y arrêter son reflet dans les deux hautes glaces au tain tâché qui courraient le long des murs du petit couloir conduisant à la première salle, la plus populaire chez les clients de passage, celle qui faisait ressembler les bons mots à ce qu'elle n'était pas. C'était là que se tenait la caisse, à gauche, et où étaient exposées les dernières nouveautés. Au fond, un petit escalier donnait accès à ce qui pour Gwenaëlle était le cœur même de la librairie. Sur les marches, quelques livres étaient entassés, il semblait à Gwenaëlle qu'ils étaient là depuis des années. Elle se demandait parfois si personne ne désirait les acheter mais elle-même n'avait jamais pris le temps de véritablement les regarder. L'escalier était comme un entre deux mondes qu'elle franchissait avec révérence et un émerveillement toujours renouvelé, la respiration bloquée. Aux pieds des marches s'ouvrait l'univers de la littérature spécialisée.

Romans et ouvrages anglophones y tenaient une place de choix, tant et si bien qu'ils n'étaient pas cantonnés à une section distincte de la francophone mais jouaient à part égale avec elle. Les livres étaient classés par genre puis par auteur et lorsque ceux-ci avaient été traduits, la version d'origine mettait un point d'honneur à côtoyer l'adaptation française. Quant aux autres, les albums ou recueils plus rares, plus précieux, ceux qui n'existaient que dans une langue, peu de librairies les proposaient au public, tous, semblait-il, se retrouvaient aux bons mots. De ces lectures ou flâneries impromptues, Gwenaëlle n'avait jamais été déçue et si d'aventure le livre désiré manquait à l'appel, elle savait qu'une simple commande suffirait à le voir rapidement ajouté au catalogue, qu'elle finisse par l'acheter ou non. Si les bons mots ne parvenait à se le procurer, c'était que l'ouvrage était introuvable.

La troisième salle, tout au fond du magasin, contenait des livres pour enfants sur deux pans de murs et la moitié des présentoirs ainsi qu'une section d'ouvrages scolaires et autres dictionnaires. Le reste de l'espace était entièrement consacré à la littérature anglophone avec une petite étagère réservée à d'autres langues étrangères, principalement l'allemand, l'italien et l'espagnol. C'était la seconde salle qui intéressait Gwenaëlle ce jour-là mais elle ne manquait jamais de s'égarer un temps au niveau des contes et légendes, parcourant des yeux les couvertures tantôt sobres, tantôt colorées aux titres évocateurs qu'elle connaissait pour la plupart par cœur mais qui ne cessaient de la faire rêver. Ses lèvres prononçaient en silence les sonorités familières et parfois exotiques alors que, le cou tendu au maximum pour déchiffrer les intitulés situés en hauteur, elle repéra une version illustrée et grand format des Contes d'Andersen. Elle sourit. Ils avaient toujours figuré parmi ses préférés. Elle posa à terre le sac dans lequel se trouvaient ses cours, se défit de son manteau qui lui tenait chaud et gênait ses mouvements puis se mit sur la pointe des pieds, le plus qui le lui était possible sans perdre l'équilibre. Ses doigts ne firent qu'effleurer la tranche. Rageant une fois de plus contre ce monde moderne qui oubliait tous ceux qui n'atteignaient pas le mètre quatre-vingt, elle envisagea de se servir des étagères inférieures pour se soulever avant de renoncer. Si elle le faisait parfois pour les denrées alimentaires, elle ne voulait risquer d'abîmer les livres.

Une main passa au-dessus d'elle et s'empara de l'objet de sa convoitise. Sur le moment, elle crut qu'une personne plus chanceuse – et plus grande qu'elle – venait de la devancer mais la voix masculine dans son dos eut tôt fait de la détromper.

« C'est celui-là que tu voulais ? »

La voix appartenait à un jeune homme de son âge, aux cheveux noirs et aux yeux marron sombre et qui n'avait pas loin d'une tête de plus qu'elle. Gwenaëlle le reconnut immédiatement malgré la surprise de se retrouver face à un camarade de classe. Ils ne s'étaient jusqu'alors jamais adressés la parole mais tous deux étaient étudiants à l'Institut Français de Géopolitique de Paris.

« Oui, c'est bien celui-ci, je te remercie. »

Elle tendit la main mais le jeune homme ne parut pas pressé de lui donner son recueil de contes. Absorbé par la couverture, le visage inexpressif, il n'avait pas encore croisé son regard. La main de Gwenaëlle retomba le long de son corps. Elle pouvait attendre, la librairie ne fermerait pas ses portes avant une demi-heure, mais l'absence de réponse la troubla. La peau hâlée, il arborait un anneau métallique avec une boule en guise de fermoir au cartilage de l'oreille gauche ainsi qu'un second piercing, une tige courbée et aux extrémités pointues à l'arcade sourcilière droite. Ses cheveux hérissés dans tous les sens étaient fixés par du gel. Il possédait un visage séduisant et était habillé avec simplicité mais en cohérence avec le reste de son apparence, d'un t-shirt noir uni et d'un jean serré. À son poignet gauche se trouvait un bracelet de cuir noir d'environ cinq centimètres d'épaisseur.

« C'est amusant de se croiser ici », dit-elle. Elle parvint à attirer son attention. Il leva les yeux sur elle mais demeura sans réaction particulière, ce qui la poussa à ajouter : « On est ensemble à l'IFG. Je m'appelle Gwenaëlle Roux. »

Par réflexe, elle tendit à nouveau la main mais dans un geste de présentation cette fois. Il ne la lui serra pas, lui remit à la place le livre dont elle avait voulu se saisir.

« Je sais, je t'ai reconnue. C'est par peur d'oublier ton nom que tu te teints les cheveux de la même couleur ? »

Déphasée par la question à laquelle elle ne s'attendait pas, elle cligna des yeux à plusieurs reprises et porta sans y penser la main à sa chevelure. La teinte n'était pas naturelle et cela se voyait mais ni elle ni personne n'avait jamais fait le lien avec son nom de famille.

« Heu, non, se retrouva-t-elle à dire avec le sentiment d'être bête. Et… excuse-moi, tu es ? Je ne colle pas encore tous les visages avec les noms.

– Pareil, mais avec deux lettres en moins.

– Pardon ?

– Gwenaël Perrac.

– Oh ! Alors c'est toi l'autre Gwenaël !

– Pour te servir… de toute évidence. »

Alors seulement alla-t-il chercher la main qu'il lui avait refusée plus tôt. La poignée manqua un peu de conviction, jugea-t-elle, mais cela restait préférable à se faire broyer les doigts. Elle sourit poliment.

« Je ne savais pas que tu travaillais ici après les cours !

– Pas étonnant puisque tu ne connaissais même pas mon nom.

– Heu…

– Et je ne travaille pas ici.

– Ah bon. Désolée, bredouilla-t-elle avec un petit rire nerveux. Comme tu m'as aidée et que je ne vois ni de sac de cours ni de manteau, j'ai cru…

– Y'a pas de mal », coupa Gwenaël d'un ton traînant indiquant la fin proche de la conversation.

Gwenaëlle eut une grimace mentale. Il n'était pas très sympathique pour quelqu'un qui s'était spontanément montré serviable.

« Enfin, merci pour le livre !

– De rien. »

Le jeune homme pivota pour partir mais Gwenaëlle le retint.

« Heu… excuse-moi ? »

Il lui jeta un regard par-dessus son épaule.

« Je sais – maintenant – que tu ne travailles pas ici mais est-ce que par hasard tu saurais s'ils vendent des livres de photos sur le Kenya ? »

Gwenaël fronça les sourcils puis désigna de l'index la seconde salle de la boutique.

« Derrière le mur à ta gauche, dans le coin en bas à droite. S'il y en a, c'est là qu'ils seront rangés.

– D'accord, merci, je vais chercher. La librairie est grande, mine de rien, on s'y perd un peu.

– Si tu veux des panneaux d'indications, va dans un grand magasin. »

Le ton bordé d'ennui était à la limite du dédaigneux, elle se demanda quelle mouche l'avait piqué. Mal à l'aise, elle éprouva le besoin de se justifier :

« Non mais j'aime assez me perdre ici en fait. J'aime fureter un peu partout, j'ai parfois du mal à me souvenir que je ne suis pas dans une bibliothèque.

– Un petit truc pour toi, alors : dans une librairie, on paie le bouquin avant de le lire. C'est pour ça qu'il y a une caisse à l'entrée.

– Je sais », répliqua-t-elle sèchement. L'attitude de Gwenaël commençait à l'échauffer. Comme première impression, on ne pouvait pas dire qu'il en laissait une bonne mais ça n'avait pas l'air de lui importer. On pouvait même penser que c'était là ce qu'il désirait.

« Merci pour ton aide et excuse-moi de t'avoir dérangé. »

Il haussa les épaules en réponse à l'ironie de sa réplique puis tourna les talons. Secouant la tête, elle décida de ne plus s'en soucier. Aux bons mots, les bons remèdes allait bientôt fermer et elle n'avait toujours pas ce qu'elle était venue chercher. L'IFG était grand et comptait près d'une centaine d'étudiants dans son amphithéâtre. Ils n'étaient pas obligés de sympathiser et pouvaient très bien passer le reste de l'année sans faire plus que se croiser.

x-x

Elle suivit les indications données par le jeune homme et explora une section qu'elle n'avait pas l'habitude de côtoyer. Les recueils de photographies étaient onéreux et tout magnifique que pouvait être leur contenu, ils n'étaient pas le genre de livres devant lesquels Gwenaëlle aimait rêvasser pendant des heures. Là où en quelques mots une histoire la transportait sous d'autres horizons, elle avait besoin de longues minutes pour s'absorber dans une photographie et reprochait aux livres d'imposer aux paysages une limite involontaire. Mieux valait investir dans un poster à épingler au mur de sa chambre que dans un ouvrage qui prendrait la poussière car elle ne l'ouvrirait jamais. Tout le monde ne partageait pas son avis à ce sujet, cependant, et c'était la raison pour laquelle elle s'était rendue ce soir-là dans sa librairie préférée.

Épaisseurs et formats divers se succédèrent sans qu'elle trouvât son bonheur. Avoir recours à une solution de secours menaçait de s'imposer, hélas l'inspiration qui lui avait fait défaut jusqu'à présent ne fut pas davantage au rendez-vous.

« T'es encore là ? »

Sans se redresser ni même se tourner, elle rejeta la tête en arrière. Une image en contre-plongée de Gwenaël lui apparut. Elle ignorait si l'impression qu'il la regardait de haut était due ou non à son angle de vision.

« Ça pose problème ? » s'informa-t-elle, laissant à son intonation poser sa vraie question.

Que Gwenaël la perçut ou pas, il ne releva pas mais s'agenouilla à ses côtés, son attention concentrée sur les albums.

« Si t'as pas encore trouvé, c'est pas en les fixant que tu vas faire apparaître celui que tu cherches », fit-il alors qu'il les passait en revue un à un.

Irritée, elle songea sans oser le dire : « Si je n'ai pas trouvé, c'est pas la peine que tu vérifies derrière ! »

C'était l'un de ses défauts, un aspect de sa personnalité qu'elle détestait le plus, cette timidité presque maladive qui la laissait le cœur battant et l'esprit vide d'une réplique appropriée et, lorsque les mots venaient, la peur du conflit et du ridicule qui la faisait les garder pour elle. Souvent, tandis qu'elle hésitait, s'entendait les prononcer et s'imaginait ce qui se passerait ensuite, se demandait si elle saurait y faire face ou s'il ne valait pas mieux se taire, l'opportunité passait et son dilemme n'avait plus lieu d'être, le temps avait pris la décision pour elle. La situation dans laquelle elle se trouvait était d'autant plus déstabilisante que l'attitude de Gwenaël était équivoque, contradictoire. Il en fallait peu pour lui faire perdre ses moyens, elle en avait plus que conscience. Le visage impénétrable du jeune homme ne cadrait ni avec ses gestes ni avec ses paroles. Pouvait-on être à la fois indifférent, serviable et méprisant ? Elle ne savait sur quel pied danser.

« Tu cherches sur le Kenya, c'est ça ?

– Oui.

– Hum… sembla-t-il approuver. C'est plus facile quand il n'y a que des images, pas vrai ? »

Elle s'empourpra, se mordit la langue pour ne pas rétorquer qu'à son âge elle savait lire, et ne pas se laisser entraîner dans un échange digne de l'école primaire. Elle envisagea de s'en aller mais une part d'elle-même s'y refusa. Ce serait admettre sa défaite, chose que Gwenaël semblait désirer obtenir, songea-t-elle, bien qu'incapable de savoir pourquoi. De plus, il n'était pas question qu'elle rentrât les mains vides.

« Ce n'est pas pour moi, c'est pour un cadeau.

– Touchante attention. Dommage pour toi, ton bouquin n'y est pas. Va à la caisse, ils te le commanderont.

– C'est que je n'ai pas de livre précis en tête. Ça fait une semaine que je cherche désespérément quoi offrir et c'est pour demain alors ce soir c'est un peu en désespoir de cause que… »

Elle laissa la fin de sa phrase en suspend. Gwenaël avait un vague sourire en coin, le fait qu'il fût peu prononcé ajoutait à son expression moqueuse.

« Ne va pas te jeter par la fenêtre pour autant », exhorta-t-il avec condescendance. Elle le dévisagea, médusée. « C'est pas un peu stupide de se pointer dans une librairie quand on cherche un bouquin un peu spé sans avoir des références ni même la certitude qu'il existe ?

– Je…

– Sérieusement, si t'es pressée profite que demain ce soit samedi pour aller dans un grand magasin. Là, moi je ne peux rien pour toi. Sauf si… » Il prit un air inspiré. « Un récit type carnet de voyage te conviendrait ? Y'aura plus de texte… » l'avertit-il avec malice.

Elle s'humidifia les lèvres. Peut-être que si elle continuait de ne pas répondre à ses piques il finirait par se lasser.

« Peut-être, je n'y avais pas pensé. »

Il se leva et lui fit signe du menton de lui emboîter le pas. Gwenaëlle rassembla ses affaires et se redressa à son tour avec un soupir. Gwenaël la guida avec aisance dans un tout autre rayon. S'il ne travaillait pas là, l'illusion était parfaite. Il fit courir deux doigts le long d'une rangée de livres puis s'empara sans hésiter de l'un d'entre eux.

L'auteur était un artiste, journaliste itinérant à ses heures. Il avait parcouru maints pays du monde, visité tous les continents. De ses périples dans des régions sauvages ou défavorisées, il avait rapporté des anecdotes de voyages et de vies, tantôt graves, tantôt humoristiques, toujours passionnées, agrémentées de croquis, cartes et photos. Il avait, entre autre, arpenté l'Éthiopie, la Somalie et le Kenya, compilés dans le même récit, avait traversé leurs savanes arides, exploré leur végétation luxuriante et longé les rives de l'océan Indien. Il avait, surtout, côtoyé leurs peuples, relatait une part de leur culture. Le visage immobile de Gwenaël s'anima comme s'il avait été à la place de cet homme si bien que Gwenaëlle ne sut qui du livre ou de son lecteur était le plus convaincant. Elle ignorait encore si elle tenait là son cadeau mais savait déjà qu'elle ne repartirait pas sans. La question était : en un ou deux exemplaires ? Elle ne pouvait pas offrir un livre après l'avoir lu. Tout en l'écoutant, elle feuilletait le livre, volait d'un passage à l'autre avec l'envie de s'attarder sur chacun.

Un tapotement sur le sol la ramena sur terre. Gwenaël s'était tu et la fixait, attendant peut-être son verdict. Elle lui sourit.

« Je vais le prendre, il m'a l'air bien et c'est dans mon budget.

– Me dis pas ça comme si c'était à moi que tu l'achetais.

– Heu… Je sais pas, tu semblais attendre, alors…

– Si je n'étais pas venu à ton secours, tu tournerais encore dans les rayons après la fermeture. Ils font pas nocturne, ici, tu sais ? »

Gwenaëlle pinça les lèvres et garda le silence.

« Tu cherches autre chose ? »

Elle secoua la tête.

« Bon. » Le jeune homme se détourna et s'éloigna entre les rayonnages. « À lundi. »

La bouche de Gwenaëlle s'entrouvrit, se ferma. Elle ne s'était pas attendu à… était-ce une promesse ? Une parole en l'air ? Vu le chaud-froid de leur entretien, elle doutait avoir envie qu'il lui parlât à l'avenir. Elle espérait, en tout cas, qu'il ne passait pas autant de temps qu'il y semblait dans cette librairie. Elle aimait vraiment y venir perdre son temps.

« D'accord… à lundi. »

Gwenaël pivota à demi comme s'il venait de se souvenir d'une précision importante.

« Tu peux les faire emballer à la caisse.

– D'accord… Je veux dire, je sais, mais merci quand même. C'est juste pour celui-ci, l'Andersen est pour moi. »

Gwenaël pencha la tête sur le côté et les coins de ses lèvres tressautèrent. Elle ne le connaissait que depuis une demi-heure mais savait déjà qu'une remarque désobligeante ne tarderait plus à suivre.

« Quoi ?

– Rien… Tu aimes les contes de fées ?

– J'aime tout ce qui est contes et légendes, oui, et surtout les contes d'Andersen, se défendit-elle sur un ton de défi.

– Ils finissent mal.

– Parfois… » répondit-elle prudemment.

La bouche de Gwenaël tressaillit une seconde fois et Gwenaëlle se demanda si le jeune homme n'était pas simplement en train de sourire.

« Tu as des lectures déprimantes, pour une désespérée.

– Je… commença-t-elle à protester avant de lâcher un rire malgré elle. En fait, c'est pour m'en faire un marchepied duquel sauter pour me pendre. Les fenêtres, ça fait sale. »

Les yeux de Gwenaël s'écarquillèrent et pour la première fois ce fut lui qui parut déstabilisé. Il se reprit vite, cependant, et lui adressa ce qui ressembla à un petit mais réel sourire. Il l'examina de haut en bas. Sa lèvre inférieure se retroussa en une moue dubitative.

« Sale, c'est vite dit. Y'aurait pas grand chose à nettoyer… »

Gwenaëlle sentit sa mâchoire s'affaisser. Elle chercha une riposte mais rien ne lui vint. Les sourcils de Gwenaël tressautèrent avant de se froncer, et comme Gwenaëlle ne disait toujours rien, il lui tourna le dos et disparut derrière une étagère couverte de livres du sol au plafond. La jeune fille demeura sur place, un sentiment d'indignation et de colère la gagnant peu à peu. Pour qui se prenait-il, celui-là, et ça voulait dire quoi au juste, pas grand chose à nettoyer ?

À moitié furieuse contre Gwenaël et à moitié contre elle-même pour ne pas avoir mieux su se défendre, Gwenaëlle se dirigea vers les petits escaliers qui conduisaient au rez-de-chaussée. Le sourire amical et un brin commerçant du jeune homme roux à la caisse ne la mit pas de meilleure humeur même si elle se força à ne pas se montrer impolie. De retour chez elle, elle ruminait encore.

(à suivre)

Rythme de publication : cf. mon profil.
Illustrations de l'histoire : idem.