Disclaimer : J'aurais voulu est en réalité une side story (non, pas de Star Wars) mais d'une BD : Complex, écrite par une amie à moi. Tous les personnages principaux sont donc à elle. Le héros est issu d'une collaboration. En réalité je l'ai sauvé de l'oubli auquel il était voué suite à sa première et unique apparition, même pas digne d'un personnage tertiaire. Suite à une modification scénaristique de l'auteur, il est donc réapparut. Et j'ai eu envie d'écrire son histoire. Il ne s'agit donc pas vraiment d'une fic à part entière mais plus d'un délire personnel dans lequel je ne perds pas de temps à user un style très recherché. Bien sûr on peut absolument la lire sans rien connaître de la BD. Ceci dit je vous indiquerais l'édition dès qu'elle sera publiée. Bonne lecture.
J'aurais voulu
Quand j'y repense, je me dit que j'aurais voulu que les choses se passent différemment. Tout d'abord, j'aurais voulu être quelqu'un d'autre et ne pas être affublé de cette personnalité encombrante. Mais voilà, je recommence. Je le sais, et pourtant je n'arrive pas à m'y soustraire. Je passe mon temps à désirer, désirer autre-chose, désirer mieux, désirer l'inaccessible. Et pourtant...
Pourtant, j'aurais bien voulu.
Peut-être qu'avec un peu de chance on arriverait à expliquer tout ça psychologiquement parlant. Je veux dire, mon enfance, tout ça. Sans entrer dans les détails, ma situation familiale est explicite. Mes parents sont psys. Oui les deux. Ils se sont rencontrés à un genre de congrès pour psys. L'avantage, c'est qu'ils sont surbookés, et donc, jamais là. L'inconvénient, c'est que justement, quand ils sont là ils sont insupportables. Imaginez...imaginez une personne, non, DEUX personnes, dont le regard est posé sur vous et qui ponctuent vos paroles et vos gestes par des "hm mmh" traduisant la réflexion psychanalytique qu'ils portent sur vous en permanence. Ils sont sûrs de tout comprendre, absolument tout de moi, alors qu'en réalité nous sommes de parfaits étrangers. Quand ils parlent c'est pire -je vous épargnerais leurs remarques post-analytiques sur mon moi intérieur. Je remercie les docteurs en psychiatrie de multiplier les congrès ainsi que tout ces pauvres gens qui ont besoin d'une introspection d'occuper leurs journées. Je les remercie également d'être prés à payer autant pour s'allonger dans un divan car cela me permet d'habiter une grande maison dans une banlieue chic et d'avoir en guise d'argent de poche un compte bancaire généreusement pourvu.
Peut-être que je suis un peu insultant. Peut-être que l'on peut me reprocher de ne pas apprécier ce que j'ai à sa juste valeur. Mais j'aurais voulu vivre ailleurs.
Quand j'essaye de me demander ce qu'il y a d'important à dire à propos de moi, je ne vois rien que des choses futiles. Je pourrais résumer ma vie, dire que je vais au lycée, mais c'est loin d'être un événement primordial à mes yeux, et puis si vous y êtes déjà allé je suis sûr que vous voyez à peu près comment c'est. J'ai des amis, ouais, comme beaucoup de gens. Histoire de pas se sentir trop seul. Ce que je fais de mon temps libre? Traîner, je vois pas d'autres mots pour résumer les choses. Pas seulement, des fois il se passent des trucs intéressants. Et puis je sors pas mal, je vais à des fêtes, dans des bars, tout ce qui peut s'avérer divertissant. S'il y a un truc que j'aime particulièrement? Le sexe sûrement. Y'a un an j'ai découvert qu'il y avait vraiment de quoi s'éclater dans un lit quand on sait choisir les bonnes personnes. Venant de moi ça prend un sens un peu plus particulier. Mais dans la mesure ou les hétéros vous précisent rarement leur orientation sexuelle quand ils vous résument leur vie, je vois pas pourquoi je le ferais. Ceci dit, n'allez pas croire que je ne m'assume pas. Bien au contraire. Dire que la moitié des beaux mecs de cette ville m'est déjà passée sur le corps serait un peu exagéré, mais... pas tellement en fait.
Ah ouais, et accessoirement je m'appelle Luke. Je sens venir les réflexions sur mon prénom. Franchement, vous vous trompez. Et puis ça vous semble pas ridicule un couple de psys qui font une fan addiction sur George Lucas?
Tout ça pour en arriver là. Et rien qui n'est pu me préparer à cette situation.
Je vous dresse le cadre : il était minuit passé depuis pas mal de temps déjà, et j'étais à cette fête donnée par une fille (dont le meilleur ami sort avec une fille de ma classe qui a invité un ami à moi qui m'a demandé de l'accompagner.) La fille en question, une certaine Claire-Jesaisplusquoi, Claire-Marie peut-être, était du genre qu'on remarque dans la rue en disant "hmpf" d'un air entendu. Sa soirée était assommante, avec des gens assommants et de la musique assommante. Je serais bien allé expliquer au DJ la différence entre ce qu'il diffusait et de la musique, mais étant donné le volume sonore il ne m'aurait sûrement pas compris. S'il n'y avait pas eu un bar assez attractif, je ne serais pas resté. J'étais donc affalé, une énième verre d'alcool à la main, regardant depuis mon fauteuil les invités danser en me demandant si j'en choisissais un pour finir ma nuit ou si je restais raisonnable ce soir. Je commençais cependant à avoir l'esprit un peu trouble et dans ma main droite mon verre se dédoublait dangereusement.
C'est le moment qu'ils choisirent pour arriver. Comme si ça se faisait d'arriver à cette heure-ci à une soirée. Le premier à entrer était un petit gars avec un chapeau sur la tête qui, heureuse initiative de sa part, décida de changer la musique. Derrière lui se tenait un autre garçon, plus grand d'apparence, un casque de moto à la main. Je commençais à le détailler, pour le plaisir.
Chaussures en cuir noir, classiques. Jean droit délavé, descendant un peu sur les hanches, révélant une constitution fine et... incroyablement sexy. Je m'abstiendrais de dire qu'il avait un joli petit cul (pardonnez moi l'expression) parce qu'il était de face, mais ce que je voyais me laissait le présumer. Un T-shirt qui laissait deviner un torse viril. La veste en cuir me cachait le reste. Je relevais un peu les yeux. Son visage... tout simplement superbe. Des cheveux mi-longs noir corbeau, des yeux d'un bleu profond, une peau sur laquelle je me surpris déjà à rêver de pouvoir poser mes lèvres...
Je ne sais pas si vous croyez à la théorie du coup de foudre. Pas moi. Je me refuse à voir de l'amour dans ce que j'appellerais, dans le cas présent, une insurmontable attraction sexuelle. Là encore, je sens les regards se teinter de sévérité. Mais je ne suis qu'à moitié responsable, je rappelle qu'à mon âge il est courant de subir de fortes montées d'hormones. Et puis peut-être que ma description laisse à désirer, mais vous l'auriez vu... Simplement irrésistible. Finalement tout est de sa faute.
Figé de d'admiration, en reversant presque mon verre, j'étais perdu dans un brouillard de conjonctures. Je le fixais toujours, et mon désir grandissant devait être assez flagrant car l'alcool m'avait trop désinhibé pour que je me soucis de faire preuve d'un minimum de discrétion. Heureusement, il ne regardait pas dans ma direction, et je ne pense d'ailleurs pas qu'il m'ait remarqué : le type qui le précédait s'était mis en tête de changer radicalement l'ambiance bon enfant de la fête pour la transformer en rave partie (il avait complètement changé le style musicale et je voyais un sachet d'herbe qui dépassait allègrement de sa poche.) A moins qu'il préfère une partouze, pensais-je en notant qu'il avait commencé à se déshabiller, créant des bousculades et des éclats de rire parmi les invités. En quelques minutes, une frénésie était apparue dans l'air, des cris d'excitations retentissaient et à mon plus grand déplaisir, des gens ne cessaient de bouger, s'interposant entre moi et...et Lui.
Je restais ainsi un certain temps. Puis il fit mine de se détourner. Je remarquais au passage qu'il avait en effet un joli petit c... hm. Je me levais brusquement, il fallait que le l'aborde, sinon je n'allais jamais le revoir.
J'aurais voulu avoir beaucoup plus de temps. J'aurais voulu avoir quelque chose d'intelligent à lui dire. J'aurais voulu me contenter d'avoir l'air idiot au lieu de l'ouvrir et de faire comprendre que je l'étais vraiment.
Je réalisais que quoi que je fasse, ce serait peut-être inutile. Il suffisait qu'il soit hétéro pour que je n'ai aucune chance. Mais je ne pouvais pas me résoudre à le laisser s'échapper sans avoir tenté ma chance. L'idée de ne jamais le revoir m'était insupportable. Pourquoi fallait-il qu'il parte déjà? Je devais lui parler. Je devais trouver un moyen d'être seul avec lui. Je devais savoir s'il était gay. Toutes ces pensées se bousculaient dans mon esprit déjà saturé.
Sur un coup de tête, je me levai et me dirigeai vers lui.
- Hé toi!
Il se retourna. Quel regard mais quel regard mais quel regard, quel regard quel regard quel regard.
- T'as vraiment l'air d'une tapette putain. Hé, j'suis sûr que t'es un de ses sales enculés de PD.
Tant que j'y étais j'aurais aussi pu lui cracher au visage. J'en reviens toujours pas d'avoir pu dire ça. Mais qu'est-ce que j'avais bien pu prendre avant? Qu'est-ce qu'il m'a prit de lui parler comme ça? Même moi je ne suis pas aussi vulgaire. Et vous devez vous douter que je suis pas tout à fait le genre de personne qui emploie ces insultes.
Il haussa les sourcils.
D'une divine façon, il faut bien reconnaître.
Cependant je n'eut pas le plaisir de le regarder plus longtemps car son ami, celui avec le chapeau de tout à l'heure, m'asséna une droite magistrale et je m'effondrai au sol.
Je n'ai pas d'autres souvenirs de la soirée, j'ai du la finir allongé par terre. Le lendemain, je me suis réveillé avec de la bouillie dans la tête, un bleu énorme sur la pommette, et des courbatures partout dans le corps.
En rentrant chez moi par le premier bus de la matinée qui conduisait à la banlieue sud, les souvenirs de la soirée me revinrent. Une fois que je les eut replacés dans l'ordre chronologique, je constatais de l'étendue des dégâts. Non seulement je savais déjà que je n'arriverais pas à m'ôter son visage de la tête, mais en plus ma tentative pour connaître son orientation sexuelle n'avait donné aucun résultat probant. J'avais beau essayer de me convaincre que si son ami avait réagit aussi vite et brutalement c'est parce que j'avais touché juste. Est-ce que dans le cas contraire il ne se serait pas contenté de démentir en m'insultant, voir en me jetant le contenu de son verre au visage? Une idée atroce me vint : et si l'autre type était son copain? Non, je l'avais vu embrasser une fille durant la soirée. Oui mais c'était peut-être pour mieux cacher son jeu. Ou alors la fille était un garçon. Il cherchait à rendre l'autre jaloux. Et en plus ils étaient sûrement partis ensembles. Tous les deux. Non. Tous les trois. Avec le garçon qui ressemblait à une fille. Et...
Malgré tout je n'arrivais pas croire que mes théories puissent s'avérer réelles. Il était hétéro et puis c'est tout. Et si jamais, si jamais j'avais eu la moindre chance à un moment donné, je l'avais détruite en puissance et réduite à pire que néant.
Un goût amer dans la bouche, j'envoyais mon poing dans le dossier du siège en face de moi.
Le type assis devant se retourna, d'un mouvement de tête étudié qui faisait bouger ses cheveux à la manière des acteurs dans les pubs pour shampooing.
Il me regarda. Bien que loin derrière mon demi-dieu de la veille, il était plutôt beau. Je lui fit un clin d'œil couplé d'un sourire en coin. Il grimaça et alla s'asseoir ailleurs.
Je sortit du bus plus accablé encore que quand j'y été entré.
Je pris soudain conscience d'un fait pour le moins fâcheux. J'aurais voulu connaître son prénom.