Je me souviens, je me rappelle.

De l'encre bleue qui venait tâcher mes doigts agiles s'agitant sur le papier, des pages que l'on tourne sans jamais vraiment les refermer. Je me souviens des nuits d'automne, des feuillets blancs longs comme l'horizon. Des gouttes salées des soirs de décembre, des yeux qui se plissent pour lutter contre le temps. Je me rappelle mon cœur tambour, et les rires étouffés. Je me souviens de ces yeux tendres, et des regards fuyants. Je me souviens du bourdonnement des sens, des ongles sur le bois rêche. Je me rappelle mon visage dans l'oreiller, et le sable entre mes doigts. Je me rappelle la nuit épaisse, et ma main contre le mur. Je me rappelle la haine féroce, et l'étau contre mon cœur. Je me souviens du papier fin, des mots ensorceleurs. Des tâches sur les pages, des traces sur les verres, de la lueur pourpre du temps qui passe. Des mots qui glissent sur la langue, et de ceux qui ne veulent pas sortir. Je me souviens de ma main qui court, de la plume qui m'échappe, de mon cerveau qui s'active. De sa voix au lointain, des sanglots oubliés. Je me rappelle la fatigue, le spectre du lendemain, l'étincelle chaude de la lampe, le son strident qui recommence. Je me souviens des regrets, de la sensation d'inachevé, des notes heureuses d'une course folle. Des erreurs du passé, du néant amer, de la gloire vacillante. Je me souviens des mots qui blessent, de l'insouciance perdue, des adieux sans pudeur. Des espoirs déçus, des marches qui se dérobent sous mes pas. De son étreinte euphorique, des rêves insensés. Je me rappelle le point final, que je n'ai jamais mis.