Flou artistique by Marana
Résumé : Un boulot stable et la promesse d'une vie rangée avec son petit ami Eliot, un brillant avocat: c'était ce à quoi aspirait Alexandra avant de faire la connaissance de Raffael. Entre raison, amour et passion, le choix se révèle difficile à faire...
Nda : Bonjour ! me revoilà avec une troisième histoire (non, je ne suis pas une boulimique de l'écriture ! :-D ) J'espère que vous aimerez, une fois de plus, ce nouvel univers, ces personnages et ces aventures.
N'hésitez pas à ajouter un commentaire, ça fait toujours plaisir d'avoir votre avis. Bonne lecture !
1
Je me réveillai lundi matin avec l'agréable sentiment d'être une personne tout à fait normale. Une nouvelle semaine commençait, me plongeant dans une routine à laquelle je m'étais habituée et dans laquelle je me complaisais. Je me redressai et mis mes pieds hors du lit avant de me frotter vigoureusement les yeux. Puis je m'étirai et baillai à m'en décrocher la mâchoire. Il est vrai que je n'avais pas beaucoup dormi cette nuit-là, mais cela n'entama pas ma bonne humeur matinale. Je me levai et enfilai ma robe de chambre par dessus ma nuisette en satin avant de quitter la pièce. Je me rendis à pas lents dans la cuisine où Angie, ma colocataire et meilleure amie, prenait déjà son petit déjeuner. Quand elle me vit arriver, elle m'adressa un sourire rayonnant avant de rejeter en arrière sa crinière rousse qui menaçait de baigner dans sa tasse de café. Je me servis un bol de céréales et m'assis sur le plan de travail pour le manger.
« Bien dormi ? » demanda-t-elle non sans une certaine malice.
J'enfournai une cuillerée de céréales dans ma bouche et plissai les yeux pour lui faire comprendre que sa question était mal vue.
« Tu n'es pas sans savoir », dis-je, « que la paroi qui sépare ta chambre de la mienne est particulièrement fine… »
Elle éclata de rire.
« Donc tu nous a entendus ! »
Je fermai les yeux et hochai la tête d'un air désolé.
« Oh, je te demande pardon, Alex », dit-elle sur un ton faussement coupable, « mais je ne pouvais pas faire autrement, tu sais… »
Je pris une nouvelle cuillérée de céréales et mâchai lentement, tout en la fixant droit dans les yeux. Puis j'esquissai un sourire.
« En tout cas, le type était en forme », dis-je. « Mieux que le dernier que tu as ramené. J'ai bien cru que ça ne s'arrêterait jamais ! »
Elle ri et acquiesça. Je m'étais habituée au fait qu'Angie ramène tout un tas d'hommes à la maison ; et quelle que soit la raison de leur présence chez nous, ça finissait toujours dans son lit. Au début, cette situation me gênait ; j'avais l'impression d'aller trop loin dans son intimité. Mais à présent, cela ne me dérangeait plus ; on s'y fait à la longue. Malheureusement pour Angie, ce n'était pas le cas de Madame Dubois, la propriétaire qui habitait l'étage du dessous, et qui passait tout son temps à espionner les locataires dans l'espoir de trouver un petit quelque chose, une petite faille qui lui permettrait de réclamer. C'était un fait, entre la vieille femme et mon amie, ce n'était pas le grand amour…
« Tu vas le revoir, celui-là ? » demandai-je.
Elle me regarda d'un air indécis.
« Non, je ne crois pas. J'ai passé une nuit superbe, c'est vrai, mais ce type est d'un ennui ! Il a passé toute la soirée à parler de La Guerre des Etoiles ! »
Elle fit une pause, attendant une réaction de ma part. Je grimaçai, ce qui, je crois, la contenta.
« La seule raison qui ma poussé à faire semblant de m'intéresser aux droïdes », poursuivit-elle, « c'est que je voulais voir à quoi ressemblait son sabre laser… »
J'éclatai de rire, manquant de peu de m'étouffer avec le lait. Angie était vraiment incorrigible ; elle trouvait n'importe quelle excuse pour ne pas laisser entrer d'hommes dans sa vie : il y avait toujours quelque chose qui clochait chez eux. Ils étaient toujours trop bavards, trop silencieux, trop ennuyeux, trop égocentriques… Elle se contentait donc de coucher avec eux et de passer au suivant.
« Tu devrais peut-être essayer de connaître un de ces garçons, un jour », suggérai-je. « Tu pourrais être surprise. Derrière un fan de Luke Skywalker peut se cacher quelqu'un d'adorable ».
Elle secoua la tête vivement.
« Non, s'il ne me plait pas au premier abord, ce n'est pas la peine d'aller plus loin. Je suis peut-être vieux jeu, mais je crois au coup de foudre ».
« Oh, oui, tu es totalement vieux jeu », ironisai-je.
Elle ignora ma remarque et se leva pour déposer sa tasse vide dans l'évier à côté de moi. Elle avait l'air pensif ; derrière ses airs débridés, Angie était sans aucun doute une grande romantique : elle voulait vraiment trouver l'homme avec un grand H, mais en l'attendant, elle s'occupait… Elle poussa un soupir.
« Tu sais, Alex, on n'a pas toutes la chance d'avoir trouvé l'homme parfait… »
Je laissai échapper un petit rire.
« Si tu fais référence à Eliot, sache qu'il n'est pas parfait. Cela dit, c'est vrai qu'il n'est pas loin de la perfection… »
Elle sourit et ébouriffa mes cheveux déjà en bataille avant de se retirer dans sa chambre. Quant à moi, je filai sous la douche. Tout en me savonnant, je pensais à Eliot. On était censés se voir ce soir-là, et j'espérais qu'il n'annulerait pas une nouvelle fois. Mon petit ami depuis à présent un an et demi était avocat, et son travail avait parfois tendance à s'immiscer dans notre relation amoureuse, à mon grand dam. Mais mis à part ce petit inconvénient qui avait, certes, tendance à m'agacer, Eliot était quelqu'un de charmant, aimé de tous et promis à un bel avenir. J'avais énormément de chance qu'un homme comme lui s'intéresse à moi… Je fus tirée de mes pensées par Angie qui tambourinait à la porte de la salle de bain.
« Alex, tu en as pour longtemps ? Je vais être en retard au boulot, moi ! »
« Je me dépêche ! »
Je sortis de la douche, enroulai une serviette autour de moi et ouvris la porte de la salle de bain. Angie était plantée là, les bras croisés, l'air impatient. Je lui adressai un sourire gêné et courus me réfugier dans ma chambre pour me préparer.
*
Je marchais sur le trottoir, me concentrant sur le bruit que mes pas produisaient sur l'asphalte. Il était à peine huit heures du matin, mais il y avait déjà beaucoup de monde dans les rues. Le ciel était dégagé et annonçait une belle journée ensoleillée pour cette fin de mois de juin. Je fus soudain percutée par un jeune jogger avec des écouteurs dans les oreilles. Je lui lançai un regard outré et il se retourna pour me faire un clin d'œil. Je secouai doucement la tête, ne pouvant pas m'empêcher de sourire. Décidément, mon humeur était vraiment au beau fixe ce matin-là… Je fis encore quelques mètres, et poussai la porte vitrée de la galerie d'art dans laquelle je travaillais. Cette dernière était située en plein milieu d'une avenue commerciale, ce qui, à mon avis, était une excellente chose. Ça ne faisait qu'attirer les visiteurs. A peine étais-je entrée, mon collègue et directeur de la galerie se précipita vers moi, les bras en l'air en signe de bienvenue.
« Alexandra, chérie, vous êtes là ! »
Il me tint par les avant-bras et planta ses yeux bleus dans les miens.
« Oui, je suis là, Marc… Tu es content de me voir, on dirait ».
Il hocha la tête vivement et me fit signe de le suivre.
« Il faut que je vous présente quelqu'un, venez chérie ».
J'esquissai un sourire en coin et obtempérai. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Marc était un personnage atypique : la quarantaine, homosexuel reconnu, il refusait catégoriquement de tutoyer qui que ce soit. Cette tendance au vousoiement accentuait considérablement son côté précieux et maniéré qui me faisait généralement beaucoup rire. Il me conduisit jusque dans son bureau où se tenait un jeune homme à l'aspect plutôt négligé. Ses cheveux noirs, particulièrement gras, lui tombaient dans les yeux.
« Alexandra, je vous présente Maxime Fontaine, un jeune artiste. Monsieur Fontaine, voici Alexandra Delattre, la responsable des expositions ».
Le dénommé Maxime tendit vers moi une main décharnée que je serrai. Ses poignets aux os saillants portaient d'étranges marques et étaient tachés de peinture.
« Monsieur Fontaine peint des toiles tout à fait intéressantes », dit Marc. « Je voulais savoir ce que vous en pensez, très chère ».
Il saisit une toile de taille raisonnable qui était appuyée contre son secrétaire. Il la brandit devant mes yeux et je l'observai attentivement.
« Je trouve ça plutôt novateur », ajouta mon collègue.
« Oui, c'est… »
Je fixai scrupuleusement la toile et ne pus m'empêcher de penser qu'elle semblait avoir servi d'autel pour le sacrifice d'un mouton. Pour moi, c'était de la rage étalée sur une toile à l'aide d'un pinceau. Je levai les yeux vers le jeune artiste qui attendait patiemment – même plutôt passivement – mon verdict.
« Vous peignez depuis longtemps ? » lui demandai-je.
« Depuis quelques années, oui ».
Sa voix était grave, rauque et monocorde.
« J'ai peint celle-là après une rupture ».
« Ah. Je vois… »
« Alors, qu'en pensez-vous, Alexandra ? » demanda Marc.
« Et bien… c'est de l'action painting, c'est du déjà vu, je… »
« Elle déteste », coupa Marc, se tournant vers le jeune homme.
« Non, non, je ne déteste pas ! Je trouve ça plutôt intéressant », mentis-je, « vous en avez beaucoup ? »
« Euh… une vingtaine ».
« Amenez-les moi toutes et on verra si on peut monter une expo avec. Mais je ne vous promet rien, Monsieur Fontaine. Vraiment rien ».
*
Il était presque midi quand je quittai la galerie pour aller déjeuner. Je pris un taxi et indiquai au chauffeur l'adresse du restaurant dans lequel j'avais rendez-vous avec mes amies. Le trajet ne dura pas plus de dix minutes, et après avoir payé la course, je pénétrai dans le petit établissement duquel nous étions devenues des habituées. Le sourire aux lèvres, je rejoignis la table où Angie, Diane et Clara m'attendaient déjà. Elles levèrent simultanément les yeux vers moi.
« Salut, les filles », dis-je en m'asseyant sur une chaise libre.
« On a failli attendre », répliqua Angie sur le ton de la plaisanterie.
« Excusez-moi, j'ai eu un petit problème à régler à la galerie, je n'ai pas pu faire autrement ».
« C'est bon, aucun problème », dit Clara en m'adressant un regard miséricordieux.
Je hochai la tête et me tournai vers Diane. Elle fixait la salière, le regard vide et arborait d'énormes cernes qu'elle n'avait même pas cherché à camoufler. Je posai ma main sur la sienne.
« Tout va bien ? » demandai-je.
Elle sembla sortir d'une profonde transe et leva les yeux vers moi avant de secouer la tête, comme pour se réveiller.
« Oh, oui, excuse-moi. Je suis un peu fatiguée. Kévin est malade ; il n'a pas fermé l'œil de la nuit, et moi non plus, du coup. Il n'a pas non plus laissé dormir sa sœur… Il n'y a que Frank, avec son sommeil de plomb, qui n'a pas été dérangé ».
Elle poussa un profond soupir. Diane était la seule de mes amies qui, à même pas vingt-huit ans, était déjà mariée et mère de famille. En presque dix ans d'amitié, je ne lui avait jamais connu d'autre homme que Frank ; il avait fini par l'épouser et lui avait fait deux enfants, Kévin et Eloïse, respectivement quatre et deux ans. Elle m'adressa un sourire fatigué. C'est à ce moment-là que la serveuse vint prendre nos commandes.
« C'est ce soir que tu vois Eliot ? » me demanda Clara sur un ton blasé.
Je laissai échapper un petit rire, sachant parfaitement l'opinion qu'elle avait de mon petit ami – et des hommes en général.
« Oui, je le vois ce soir. S'il n'annule pas, bien sûr… »
« Bien sûr qu'il va annuler », s'exclama-t-elle. « C'est un homme, et les hommes ne savent faire que du mal ! »
Angie Diane et moi lui lançâmes un regard perplexe.
« Tu ne devrais pas te laisser faire, Alex », poursuivit-elle. « Largue-le la prochaine fois qu'il te fait le coup ! »
Je ri.
« S'il te plait, ne commence pas, Clara », dis-je sur un ton suppliant. « Je n'ai pas l'intention de le « larguer », comme tu dis. Je sais qu'Eliot est un homme très occupé ; son travail est très important pour lui et je ne veux pas être un frein à sa carrière. Le but n'est pas de l'étouffer… »
« Hum ».
Elle dégagea une mèche de ses cheveux blonds en me regardant d'un air sceptique. Je ne savais pas au juste quel problème Clara avait avec les hommes, mais c'était sérieux. Elle avait des tendances féministes très prononcées. Quoi qu'il en soit, je décidai de changer de conversation, et celle-ci s'orienta sur Angie et ses péripéties nocturnes.
Après une heure de discussion enjouée, alors que je m'apprêtais à m'éclipser pour retourner travailler, mon téléphone sonna. Je fouillai dans mon sac à main, et quand je parvins enfin à mettre la main dessus, je lus le nom d'Eliot sur l'écran.
« Excusez-moi les filles, je dois prendre cet appel », dis-je. « Allô ? »
« Salut, ma belle, comment tu vas ? »
« Bien, je te remercie, et toi ? »
« Ca va. Je t'appelle pour confirmer pour ce soir. Tu n'avais pas oublié ? »
« En aucun cas ! J'avais même peur que tu annules… »
Il ri.
« Je ne manquerais cette soirée avec toi pour rien au monde, chérie », dit-il.
Je souris, soulagée.
« Tu me rejoins chez moi après le travail ? » poursuivit-il.
« Compte sur moi ».
« Super, j'ai hâte de te revoir ».
« Moi aussi, j'ai hâte ».
« Je t'embrasse ».
« A ce soir ! »
Il raccrocha. Je levai la tête vers mes amies qui étaient restées silencieuses tout le long.
« Il n'a pas annulé », dit Angie.
« Non, il n'a pas annulé… Ne m'attends pas ce soir ».
*
Je quittai le travail un peu plus tard que prévu, fatiguée et un peu énervée. Marc et moi avions passé tout l'après-midi à mettre sur pied une exposition de photographies d'un artiste local. Le vernissage avait lieu dans trois jours et tout cela se présentait plutôt mal : nous n'arrivions pas à nous mettre d'accord sur la façon de les mettre en valeur ; notre opinion divergeait de celle de l'auteur. De plus, comme la galerie était fermée le lendemain, il ne nous restait plus qu'un seul jour pour arriver à faire quelque chose de présentable.
Je pris un taxi pour me rendre chez Eliot qui habitait un grand appartement dans le centre-ville. Je fus déposée au bas de son immeuble et, l'ascenseur étant en panne, je gravis les marches jusqu'au cinquième étage. Je sortis mon trousseau de clés de mon sac à main et ouvris la porte. Au premier abord, l'appartement semblait vide, mais j'entendis le bruit de l'eau qui coulait dans la salle de bain ; il était sous la douche. Je posai mes affaires sur le canapé du salon et me rendis dans la cuisine. Un délicieux fumet assaillit mes narines, et je constatai avec émerveillement qu'Eliot avait préparé le dîner. Aussi, la table de la salle à manger était dressée pour deux. Je ne pus m'empêcher de sourire.
« Ça te plait ? »
Je me retournai. Eliot se tenait derrière moi, encore dégoulinant, une serviette enroulée autour de la taille. Ses bras étaient croisés sur sa poitrine.
« Et bien, tu t'es donné de la peine, je suis impressionnée », dis-je. « C'est en quel honneur, tout ça ? »
Il sourit et s'approcha de moi doucement avant d'enrouler ses bras autour de ma taille.
« C'est en l'honneur de… rien. J'avais juste envie de te faire plaisir ».
Il plongea son regard doux dans le mien et je laissai mes mains courir sur ses épaules nues. Il m'embrassa.
« Tu m'as manqué », murmura-t-il.
« C'est vrai ? »
Il hocha la tête et m'embrassa à nouveau.
« Je vais aller m'habiller, qu'on passe à table. »
Il s'écarta légèrement de moi, mais je le retins.
« Attends. Je n'ai pas très faim, en fait », dis-je.
« Ah ? »
« On peut manger un peu plus tard ? »
« Si tu veux ».
J'enroulai mes bras autour de son cou et l'embrassai avec passion.
« Je vois que tu as un autre type d'appétit », dit-il.
Je hochai la tête avec un sourire. Puis, je laissai une de mes mains glisser le long de son torse jusqu'à sa taille et tirai sur le linge qui cachait son intimité. Je lâchai ce dernier qui tomba mollement sur le sol. Il m'attira contre lui en m'attrapant par la taille, m'embrassa et m'emmena dans sa chambre.
*
J'étais allongée à ses côtés, blottie contre son torse. Je respirai l'odeur de sa peau qui sentait encore le savon ; il caressait mes cheveux. Nous demeurâmes silencieux pendant un long moment jusqu'à ce que, ne supportant plus ce silence, je prenne la parole.
« Tu as passé une bonne journée, en fait ? »
Il me jeta un regard en coin.
« Oui, ça a été. Je suis sur un dossier un peu épineux en ce moment, mais je pense pouvoir gagner cette affaire ».
« Tant mieux ».
« Et toi ? »
« Bof. Je suis face à une sorte de dilemme… Je ne sais pas vraiment quoi faire ».
« Tu veux en parler ? »
Je le fixai, étonnée. J'avais toujours été réticente à lui parler de mon travail, parce que j'étais sûre et certaine que mes histoires d'œuvres d'art ne l'intéressaient pas. J'étais d'ailleurs très déçue de ne pas pouvoir partager ma passion avec lui.
« Et bien… en fait, aujourd'hui on a reçu la visite d'un jeune artiste qui souhaite faire exposer ses peintures. Personnellement, je les trouve affreuses, mais le directeur les adore et veut faire une expo. En clair, je ne sais pas si je dois lui faire part de mon avis et risquer de compromettre son projet, ou me taire et le laisser faire ce qu'il veut avec ces horreurs ».
Je me tournai vers lui ; il avait l'air pensif.
« Qui est le patron ? » demanda-t-il enfin.
« C'est lui ».
« Alors tu dois le laisser faire, c'est lui qui décide ».
« Tu crois ? »
Il hocha la tête.
« S'il y a une chose que j'ai apprise ces dernières années, c'est que si tu veux être bien vu de tes supérieurs, il vaut mieux être d'accord avec eux ».
« Tu as sans doute raison. Je vais le laisser aller de l'avant avec sa fichue exposition ».
Il se tourna de façon à pouvoir me regarder en face.
« C'est sans aucun doute la meilleure chose à faire, oui ».
Il m'embrassa.
« Au fait, Eliot. Jeudi soir a lieu le vernissage de l'expo photo à la galerie. J'aimerais bien que tu viennes. Ne serait-ce que pour me soutenir… »
Il me fixa quelques instants, un léger sourire sur les lèvres. Il faisait sombre dans la chambre et j'avais du mal à discerner les traits de son visage, mais je les devinais. Je devinais ses cheveux bruns en bataille et ses yeux marron posés sur moi avec douceur. Je devinais aussi les petites rides d'expression qui se dessinaient aux coins de ses yeux quand il riait, et enfin, la courbe parfaite de ses lèvres.
« D'accord, j'irai », dit-il enfin.
« Merci… »
Il se redressa et s'assit sur le bord du lit.
« Bon », dit-il, « ce n'est pas tout, mais je commence à avoir faim, moi »
A suivre...