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Introduction
Encore un texte pas fini et sur lequel je bloque u_u alors si vous avez des idées pour la fin, sentez-vous libre de m'en faire part ! J'en suis assez fière, j'espère que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j'en ai pris à l'écrire !
Ceci sert un peu de prémisse, d'entraînement pour une véritable épopée que je compte publier un jour (elle reprend le thème du duo de héros, que j'aime décidément beaucoup, mais sur un niveau bien plus profond que l'amour). Ici, je comptais simplement développer une idée fugace que j'avais eue en regardant je ne sais plus quel film – Signs, je crois. J'ai eu un mal de chien à pondre une histoire autour de ça mais je crois qu'au final j'ai réussi. A la base je ne comptais pas que ça parte si loin entre eux, je voulais juste que ça reste de l'amour fraternel. Encore loupé.
Le texte est conçu pour qu'on puisse le relire à l'envi, vu qu'on comprend bien plus de choses en connaissant la chute ^^ Inceste, homosexualité sous-entendus. Avis aux esprits fermés... ;)
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Guy attrapa l'homme en armure de cuir et épée au côté qui venait de passer en coup de vent devant lui par le bras. Surpris, l'autre se retourna et se fendit d'un grand sourire.
- Toi ici, quel étrange phénomène !
- Moque-toi. Mais je te retourne la remarque, avec plus de sérieux.
- Sa Majesté m'a fait mander...
- Il ne m'en a pas parlé !
A présent, l'officier fronçait les sourcils.
- Pourquoi te l'aurait-il caché ? Je pénètre trop rarement ces murs pour que le fait soit ignoré de mon propre frère...
- Je ne sais pas... il n'avait en tout cas pas prévu que nous nous croiserions. Je me couche normalement bien avant la mi nuit.
- Tiens donc ! Je pensais qu'avec tout le travail de ta charge, tu aurais perdu cette habitude.
- Aucunement. De toute manière, je t'accompagne.
Yvain eut l'air d'hésiter.
- Et bien ?
- Il... voulait me voir seul.
- J'aimerais bien le voir oser refuser l'oreille de son chancelier !
L'officier se tut, et c'est donc ensemble qu'ils se firent ouvrir les lourdes portes de chêne du bureau privé du roi. L'endroit était confortable, tendu de tapisseries et tapissé de tapis jusqu'au fond des arches de pierres rehaussées de marches autour de la pièce. Un feu conséquent ronflait dans l'âtre, faisant danser les ombres des étagères des murs du fond, entre lesquelles on avait réussi à laisser une unique fenêtre. La Lune y était pleine et venait caresser le dos du monarque penché sur ses documents. Au pied des marches, devant le bureau royal, son garde du corps personnel fixait les nouveaux venus d'un regard étincelant, la main sur la garde de son épée. Il était au service personnel du roi depuis assez longtemps, mais restait toujours aussi nerveux à le laisser approcher par qui que ce soit.
Les deux frères s'inclinèrent d'un même mouvement jusqu'à terre, puis, côte à côte, attendirent que le roi Étienne daigne lever les yeux sur eux. Ce qu'il fit somme toute assez rapidement.
- Capitaine Yvain. Chancelier Guy.
Ces derniers s'inclinèrent à nouveau.
- Il nous semblait vous avoir demandé seul, capitaine.
- Ce jeune sot semblait perdu, et j'ai cru bon de le guider jusqu'à vous pour vous éviter un retard conséquent, votre Altesse, répondit aussitôt Guy sans se laisser impressionner, alors qu'à ces côtés, son frère avait perdu quelques centimètres en entendant le reproche.
L'allusion au fait que la présence de l'officier à l'intérieur des murs du château était en soi remarquable n'échappa pas au monarque dont les yeux s'étrécirent quelque peu. Il se contenta finalement de soupirer.
- Et bien, mon avenant chancelier, puisque vous êtes ici tout deux, vous serez les deux premiers à être mis au courant : le chef de guerre Urtak du Fatelmark m'a, par la présente, (il agita un bout de parchemin) aimablement déclaré la guerre.
Guy dissimula un sourire à la seule idée du géant barbu tentant de faire un emploi correct de l'expression « s'il vous plaît ». Il avait déjà été envoyé en ambassade auprès de lui et s'était fait une opinion sur le terrain. Et pourtant, Urtak y avait mis du sien.
- Le Fatelmark est au moins de trois fois inférieur à nos forces ! s'exclama Yvain.
Mais le chancelier, habitué aux manœuvres et rouages politiques, avait déjà vu plus loin et lui coupa presque la parole pour murmurer :
- Ezat ?
- J'en suis venu à la même conclusion. Ezat est encore le seul qui accepterait de charger à son côté un pays qui a repoussé – et même écrasé, répondit le roi en se lissant la barbe, plus de cinq tentatives d'invasions en trois ans.
- De peu, s'il inclut celle des Tessons, marmonna Yvain dans sa barbe.
- La vengeance est un vilain trait de caractère, lança Guy pour couvrir la remarque.
Il prit conscience qu'il avait noué ses bras autour de sa taille en réfléchissant, et les planta rageusement dans son dos. C'était un tic qui l'agaçait profondément.
- Quoi qu'il en soit, reprit le monarque, nous devons nous préparer à repousser les forces conjointes du Fatelmark et du Pays de l'Hermine... à combien les estimez-vous, seigneur Yvain ?
Ce dernier prit le temps de la réflexion avant de répondre.
- Le Fatelmark est un adversaire récurrent, et je peux vous affirmer qu'il ne possède pas plus de trois mille soldats à envoyer guerroyer. En revanche, nos réseaux d'information chez Ezat, qui comme vous le savez est terriblement méfiant, sont bien moins certains.
- Avancez-vous, capitaine.
- Je m'avance à neuf mille hommes. Ezat est un fin commandant et son peuple l'aime.
- Quel malheur que son règne d'amour dût rencontrer une fin tragique, répondit le roi avec une pointe d'humour.
Guy fronça les sourcils. Il le voyait venir.
- Votre Majesté, vous êtes trop confiant. L'Hermine a un impressionnant nombre de victoires à son actif, nombre d'entre lesquelles ont été remportées contre des armées bien plus conséquentes que celles d'Ezat.
- Eh bien, répondit le souverain avec un sourire, seigneur Yvain, je vous ai trouvé un ennemi digne de vous.
La conversation était close et les deux frères s'inclinèrent avant de se retirer, inquiets. Sitôt hors de portée des royales oreilles, le chancelier explosa.
- Ridicule ! Nous n'avons pas de corne d'abondance qui produit des soldats à volonté !
- Exact, répondit Yvain, la mine sombre. En fait, à l'heure actuelle, notre armée de dépasse pas les dix mille soldats.
Guy rata un pas.
- Dix mille ?
- Dix mille. Et devine combien de chevaux ?
- Je préfère ne pas le savoir...
- Tu as bien raison. Ca t'embête si je dors dans tes appartements cette nuit ?
- Pas le moins du monde, je passe mon temps à te répéter que tu y es le bienvenu quand tu le désires.
En entrant dans ses quartiers, Guy ordonna un bain pour Yvain – lui-même s'était lavé il y a moins d'une semaine, mais il doutait fortement de l'hygiène de son frère. Pendant qu'il se dévêtait, le chancelier s'assit à son bureau, essayant de se concentrer sur son courrier, mais le cœur n'y était pas. Finalement, pivotant sur sa chaise, il lança à Yvain :
- Tu veux une nouvelle croustillante ?
- Dis toujours, répondit son frère tandis qu'il entrait dans le bac. Par Thor ! C'est chaud !
- Ça s'appelle un bain. Alamir a répudié sa femme.
Le genou d'Yvain heurta le bord de la bassine et il s'écroula le moins élégamment du monde dans son ablution, projetant des gerbes d'eau chaude sur les coûteux tapis. Guy soupira.
- Je retire mes nombreuses invitations à ton sujet, mon frère.
Crachotant et toussant, Yvain finit par trouver la surface.
- QUOI ?
- Tu m'a bien entendu. La belle Tiphanny est libre.
- Impossible ! Pour quelle raison ?
- Retrouve un peu tes esprits, capitaine. C'est d'un héritier dont Alamir a besoin, pas d'une superbe nymphe aux seins généreux, aux cheveux aussi brillants qu'une sculpture de bois neuf...
- ... et aux yeux comme le ciel de la nuit sans Lune. Je sais, soupira Yvain.
- Et moi je sais à quoi tu penses. Mais je vais te donner l'avis du premier maître des intrigues de la cour, c'est-à-dire mon humble personne : tu as tes chances avec elle, et je suis très sérieux.
- Oui, bien sûr. « Tiphanny, ô déesse resplendissante, je vous ai toujours aimée d'un amour pur. Épousez-moi. Je vous promets une vie sans heurts conjugaux, puisque votre mari ne sera jamais à vos côtés. »
- Beaucoup de femmes accepteraient, tu sais. Les amants ne lui manquent pas.
- Ne me torture pas !
- Ne te torture pas !
Yvain s'enferma dans un silence renfrogné tandis que le valet de son frère le levait pour lui savonner les jambes.
- Et ne me regarde pas comme ça non plus. Tu me mets mal à l'aise.
- Désolé, fit Guy en retournant à ses papiers pour masquer un sourire pétillant. J'étais juste en train de me dire qu'il suffirait que tu te dénudes devant Tiphanny pour qu'elle t'épouse sur-le-champ.
Le silence teinté d'eau qu'il entendait derrière lui le fit sourire de plus belle. Il n'avait pas besoin de regarder pour savoir que son frère devait être rouge comme une tomate.
Les préparatifs pour la guerre battaient leur plein à peine quelques jours plus tard, et celle-ci n'était plus un secret pour personne, puisque les guetteurs du nord des terres avaient sonné l'alarme le lendemain de la réception de la lettre d'Urtak par Étienne III. Les messagers à l'usage des rois étaient en général assez riches pour être montés sur des volants, ce qui n'était pas le cas de ceux des frontières, qui voyageaient le plus souvent à dos de cheval ou d'élan. Chacun savait à présent qu'Urtak n'avait pas respecté les règles de la courtoisie la plus élémentaire, c'est-à-dire de mettre ses troupes en branle après retour de messager. Par bonheur, le gros de l'armée du pays d'Asbonne était en ce moment stationné au sud de la capitale pour le défilé annuel, dans une vaste ville fantôme dont seul le centre était animé en temps normal, et dont chaque bâtiment était plein à craquer à cette époque de l'année, tentes à l'appui. Ce qui devait être un défilé de joie pouvait à tout moment se transformer en bain de sang. Sûr de leur supériorité, Ezat en personne avait été vu menant les douze mille hommes, forces d'Urtak combinées aux siennes propres. Ils passaient apparemment délibérément entre les villes qui jalonnaient leur route, si sûrs de prendre le roi qu'il en devenait sot de massacrer les habitants et de piller ce qui allait de toute manière leur revenir.
Sa rancœur et sa haine devaient encore être bien tenaces.
Mais chacun continuait de penser que c'était après Étienne qu'il en avait.
Au bout d'une semaine et quelques jours, Guy en fut persuadé : son frère l'évitait. Il n'avait jamais passé tant de temps sans que l'un finisse par rendre visite à l'autre, même en temps de troubles, même au cours de ces trois dernières années... et l'armée s'était levée à la rencontre de l'adversaire, Yvain en tête. La taille de l'assaillant ne justifiait pas une telle absence, son identité peut-être, mais Guy était inquiet quoi qu'il en soit. Il devait lui parler, le réconforter, lui donner du courage. Il en aurait grand besoin... Le chancelier usa de tout son appui sur le roi pour que ce dernier consente à s'en séparer pour l'assaut, et à contrecœur, mais Guy put se mettre en route le lendemain. Peu désireux qu'on le reconnaisse, il passa des habits qui ressemblaient vaguement à ceux d'un moine ou d'un magicien. Lorsqu'il demanda Fyldir à l'écurie, il dût montrer le tatouage qui l'identifiait pour obtenir le grand palomino du chancelier. Mais il était satisfait : si même les palefreniers royaux ne le reconnaissaient plus sous sa capuche, il pourrait rejoindre son frère sans être inquiété par les brigands qui attaquent les personnages importants sans escorte mais pas les hommes de religion.
Poussant Fyldir – qui d'ailleurs était taillé pour le supporter, malgré la chaleur – il parvint à rattraper l'armée avant la tombée de la nuit, et mit encore quelques heures à la remonter jusqu'à son meneur, malgré le galop leste de sa monture. Le chancelier l'attacha à côté des chevaux des officiers, expectant qu'il y serait bien traité, et, sa cape de voyage claquant derrière lui comme un prince, il marcha d'un pas vif jusqu'à la tente d'Yvain. Deux gardes lui croisèrent leurs épées sous le nez. Il eut un sourire.
- Vous faites bien votre travail.
Sans les laisser répondre, il dénuda son épaule d'un geste leste, révélant une fois encore la demie Lune traversée d'une plume qui indiquait son office. Les deux hommes s'écartèrent respectueusement et il entra sans même s'annoncer.
A genoux devant un bol d'encens, Yvain priait. Depuis qu'il était entré dans l'armée, c'était toujours le même dieu qui l'avait pris sous sa protection : Thor. Guy, sans ôter son capuchon, s'installa en tailleur sur le vaste lit pliant qu'il emmenait toujours en campagne. « Un homme doit être bien reposé pour bien commander. » Le vent entrait dans la tente par on ne sait où, agitant les boucles brunes du capitaine - sans doute la réponse de Thor. L'Air. Fallait-il y voir un bon augure ? Le temps allait-il être de leur côté lors de la bataille ? Ce serait facile à déterminer : l'armée d'Ezat se targuait des meilleurs volants du pays, de puissants griffons qu'ils élevaient en aussi grande quantité que les chevaux ici pour la cavalerie. S'il pleuvait ou ventait de trop, les Asbonniens auraient l'avantage ; s'il faisait un peu lourd ou même ensoleillé, ils feraient des cibles faciles pour les archers montés depuis le ciel. Finalement, Yvain embrassa son poing, duquel il frappa sa poitrine avec déférence. Puis il se leva et faillit avoir une attaque en découvrant le moine assis sur son lit.
- Thor !
- Non, juste ton frère, répondit le moine en découvrant ses longs cheveux blonds.
- Guy ! s'écria l'officier, au moins aussi surpris que s'il y avait réellement eu Thor sur son lit. Mais... que...
Mais le chancelier était fâché, et passa tout de suite à l'offensive.
- Tu n'as même pas daigné passer prendre mes vœux avant de partir ! Quel frère lèverait son armée vers ce qui sera peut-être son trépas sans faire ses adieux à ceux qui lui sont chers ? Ne compte-je pas plus à tes yeux qu'un chancelier anonyme ? Quoique je ne suis pas sûr qu'un capitaine partirait sans en aviser le premier conseiller du roi !
Mortifié, Yvain subissait les reproches comme autant de coups de poing.
- Je suis... dévoré de culpabilité... encore maintenant... fit Yvain, la voix hésitante.
- Tu veux parler de ce qui s'est passé il y a trois ans ?
- Oui.
Bien sûr que oui. Évidement. Mais Guy avait posé la question pour remettre le sujet sur la table, laissant son frère éviter de répondre aux critiques.
- Ce n'était pas ta faute, je te l'ai répété cent fois. Tu courrais... tu as visé à l'aveugle, et le sort en a voulu ainsi. Il n'avait qu'à le faire fuir devant lui.
- C'était abject. Je suis un monstre... et tout ça en vain : au final, il a gardé le silence.
Dans un élan de compassion, Guy l'attira dans ses bras et le serra contre sa poitrine aussi fort qu'il le put. Mais même cette étreinte ravivait de douloureux souvenirs. Le chancelier s'en souvenait comme si c'était hier. Malgré la mission, malgré leur tâche, la tente... la chaleur... la lumière tamisée... ils avaient bien tenté de s'occuper de leurs obligations, mais s'étaient complètement laissés emporter. Ce n'était pas la première fois cette nuit-là, mais ça avait été la dernière. Guy revoyait comme dans une vision mille fois refoulée, qui s'imposait régulièrement à lui, les yeux d'Ezat, dans l'embrasure de la porte, par-dessus l'épaule luisante de sueur de son frère... Son expression de totale stupeur, puis son cri, bref : « Ha ! » et il avait tourné les talons, disparaissant dans la nuit.
Il serra plus fort son frère, et il sut qu'ils avaient revécu la scène ensemble.
- De toute façon, c'est trop tard... ce qui est fait est fait, murmura-t-il. Ce que tu dois savoir à présent, c'est qu'Ezat marche sur le pays que tu as juré de protéger et souille le sol du pas de son armée malfaisante. Ne pense qu'à cela. Bats-toi pour le peuple et pour la terre.
- Oui...
Ils restèrent enlacés un moment, sans parler, puis Yvain se détacha de lui et demanda une couche pour le chancelier du roi. Ce dernier nota amèrement qu'il ne songeait pas à partager son lit, qui était pourtant bien assez grand pour deux, mais garda le silence.