Voici enfin ma première fic longue! Héhé depuis le temps que j'y suis, je suis ravie de l'avoir enfin terminée avec la béta-lecture de Frei100 qui m'a beaucoup aidée!!
L'histoire en elle-même est déjà écrite en entier mais je pense que je vais publier un ou deux chapitres par semaine, histoire qu'il n'y ait pas tout d'un coup... Bref, place à l'histoire, j'espère que l'univers assez glauque vous plaira...
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Jensen se laissa retomber sur le matelas défoncé. Il resta quelques instants immobile, à fixer le plafond orné de taches toutes plus douteuses les unes que les autres pendant que le quadragénaire se redressait lentement. Alors que celui-ci allumait une cigarette, assis sur le bord du lit, Jensen sentait le regard lubrique de l'homme se promener sur son corps nu, et du coin de l'œil, il lui apercevait une expression satisfaite figée sur la face. Le jeune homme se releva à son tour, et se dirigea vers la minuscule salle de bain de la chambre. Pendant qu'il s'aspergeait d'eau le visage et la nuque, il sentit deux mains calleuses se plaquer sur ses hanches.
- Tu veux pas prendre une petite douche avec moi, avant d'y aller ?
Le jeune homme planta ses yeux gris dans ceux du reflet derrière lui et repoussa une de ses mèches brunes avant de répondre.
- Désolé, c'est l'heure. A moins que tu ne veuilles rajouter un peu plus ?
Le quadragénaire bedonnant parut hésiter puis soupira. Il caressa une dernière fois son corps et le pressa contre le sien, lui faisant sentir son début d'érection. Puis ses bras velus le libérèrent à contrecœur. Il s'assit sur le bord de la baignoire pendant que Jensen s'habillait, se rinçant avidement l'œil.
Après quelques dernières tentatives du plus âgé, le jeune ouvrait enfin la porte de la chambre, lorsque la voix grave retentit encore :
- Attends un peu Mike, c'est bien ça, Mike, non ?
- Ouais.
- Tu m'as dit que t'avais quel âge déjà ?
- 19, mentit le brun d'une voix posée.
- Ouais ok, tu fais un peu plus jeune, mais si tu le dis, hein, pas de problème ! Dis-moi, tu restes toujours dans le secteur quand tu… enfin tu sais !
- Ouais.
- Bien, bien, je repasserai un de ces jours !
Jensen attendit encore quelques secondes puis quitta la pièce sordide en entendant le fracas de l'eau dans la cabine de douche. Il se demanda pourquoi les clients avaient toujours du mal à dire les choses comme elles étaient. Qu'il tapinait, se prostituait, baisait pour du fric ! Et qu'eux n'étaient rien de plus que des clients comme il en voyait défiler des dizaines. Il se sentait atrocement souillé, comme toujours. Il recompta une dernière fois l'argent et sortit de l'hôtel.
Le jeune homme franchit les quelques centaines de mètres qui le séparaient de l'appartement dans lequel il vivait depuis quelques jours à peine, depuis que son souteneur lui avait proposé cet appartement dans un immeuble qui lui appartenait. Il avait quitté le squat qu'il occupait avec d'autres garçons et filles, tout comme lui prostitués pour un autre, à peine plus sélect. Car Jensen voulait continuer ses études pour pouvoir enfin un jour, changer de vie et ne plus devoir tapiner pratiquement tous les soirs. Le brun claqua bruyamment la porte derrière lui, et passa devant une jeune fille qui était figée devant le poste de télévision, malgré l'heure tardive de quatre heures du matin. Elle aussi se prostituait et il la savait rentrée depuis peu de temps mais ne lui adressa pas la parole. Lorsqu'il revenait de la rue, le dégoût profond qu'il s'inspirait ressortait sous forme d'agressivité, et Alice l'avait appris à ses dépens, bien que tous deux s'entendent bien en temps normal.
Jensen s'adossa en soupirant contre la porte de la salle de bain et retira ses vêtements après s'être accordé un instant de battement. Il se glissa dans la cabine de douche et ouvrit à fond le jet d'eau chaude. Il resta immobile un long moment, laissant la brûlure du liquide tourbillonnant sur sa peau chasser toutes ses pensées. Après ce qui lui parut une éternité, il entreprit de se nettoyer. Il frotta alors chaque parcelle de sa peau jusqu'à ce qu'elle en devienne douloureuse, sans parvenir pour autant à se sentir un peu plus propre.
Pour cela, il s'accorda ce qu'il faisait lorsque son propre dégoût devenait trop fort pour qu'il le contienne. Il attrapa une lame de rasoir et, après l'avoir soupesée un instant, fit jouer le métal glacé sur ses poignets. Il se laissa tomber contre la paroi de la douche, regardant avec soulagement son sang couler sur ses avant-bras. Pris d'une joie inexplicable à cette vue, il leva les bras pour laisser dégouliner le liquide chaud sur son corps.
Lorsqu'il sortit enfin de la cabine, des volutes de vapeur se formèrent autour de sa peau au contact de l'air plus frais. Il prit soin de verser de l'alcool à 90° sur ses plaies, lui arrachant une grimace de douleur mêlée à une certaine euphorie. Il devait faire cicatriser ses blessures au plus vite, car bien qu'elles le soulagent incroyablement, la grande majorité de ses clients trouvaient ces lignes de sang coagulé répugnantes, à l'exception de quelques pervers.
- Bonjour, excusez-moi, il y avait de la circulation sur le trajet.
- Jensen ! Seulement cinq minutes de retard aujourd'hui, c'est une première pour un lundi matin ! Allez entre.
Jensen pénétra dans la salle de français. Il remercia le professeur dont il sentit le regard obscène le suivre alors qu'il rejoignait sa place. Il se rappela sa surprise, lorsque, à la rentrée, quelques mois auparavant, il avait rencontré cet homme qu'il avait eu comme client en tant que professeur. Il était resté figé une seconde mais avait vite retrouvé toute sa contenance et un petit sourire en coin. Ce sourire s'était d'ailleurs élargi lorsque, une dizaine de minutes plus tard, l'effervescence d'une première rentrée en classe passée, le regard de l'homme avait fini par croiser le sien. Le choc avait sans conteste était le plus fort pour lui. Il s'était arrêté en plein milieu d'une phrase et avait bredouillé quelques sons incompréhensibles, les yeux toujours rivés à ceux de son élève. Jensen avait même poussé jusqu'à demander, d'un ton innocent et les yeux brillants « Vous allez bien, professeur ? » en insistant volontairement sur le dernier mot. A la fin du cours, l'homme lui avait demandé de rester et, après qu'il ait vérifié que la porte était bien fermée, ils avaient enfin pu aborder le fameux sujet.
- Alors… Comme ça, tu es lycéen ?
- En effet.
- Ecoute, je ne veux pas perdre mon emploi et ma situation de prof…
- Oui, évidemment. Et moi j'aimerais que ce que je fais après les cours ne s'ébruite pas. Je crois que ni vous, ni moi n'avons intérêt à ce que ça se sache. N'en parlez pas, et vos préférences resteront elles aussi dans l'ombre.
- Bien, bien. Ça me va, ça ! Mais dis-moi, mon garçon…
Le professeur, tout ragaillardi par la promesse de silence de Jensen, s'était alors senti en position force et avait approché sa face ruisselante de sueur de celle de son élève.
- Comme je suis ton prof, tu te rends bien compte que ça me donne un avantage sur toi. J'ai tout pouvoir sur tes notes, et plus loin, ton avenir ! Alors si tu veux réussir, tu vas devoir être très gentil avec moi… Si tu vois ce que je veux dire…
- Professeur, répliqua Jensen d'une voix mielleuse, bien que toute lueur d'amusement ait quitté ses prunelles pour faire place à une froide détermination. Je n'aime pas vraiment ce que vous insinuez, c'est vraiment offensant. Alors que je devine que vous êtes de nous deux, celui qui a le plus à perdre, non ? Un de vos élèves, encore mineur en plus…
- Quoi ? Avait glapi l'homme, dont le visage fut recouvert par une nouvelle vague de sueur. Tu es mineur ? Tu m'avais pourtant dit que tu étais déjà majeur !
- J'ai dit ça, moi ? Vous avez dû mal comprendre. Je n'ai pas encore dix-huit ans, professeur. Bien, j'espère qu'après cette petite mise au point, il ne vous viendra plus à l'idée de me menacer ni d'essayer un chantage aussi ridicule.
Un silence mortifié avait accueilli sa dernière phrase, et Jensen était reparti d'un pas léger.
Cette matinée-là, comme tous les jours de cours, le jeune homme alla s'asseoir au fond de la salle remplie et prit place à contrecœur à côté d'un de ses camarades.
- Salut Jensen !
Jensen ne prit même pas la peine de répondre, mais sa froideur ne fit pas disparaître le sourire chaleureux du brun assis à côté de lui. Alors que celui-ci s'était finalement détourné sans se froisser de son manque de réaction, Jensen lui jeta tout de même un coup d'œil en coin. Ses cheveux bruns ondulaient autour de son visage fin et ses yeux verts étaient tournés vers la fenêtre d'un air songeur. Il s'appelait Chris, et sa seule vue suffisait à énerver Jensen, pourtant calme de façon générale. Tout en lui, sa peau claire, son attitude toujours amicale, lui indiquait que c'était un garçon qui n'avait jamais connu la souffrance. Il était arrivé au lycée en cours d'année, depuis quelques semaines maintenant et était très sociable. Il avait déjà une foule d'amis et d'admiratrices, mais il tentait désespérément de se lier d'amitié avec Jensen, qui l'ignorait pourtant et le rembarrait plus sèchement à chaque fois.
- Donc, nous disions, avant que tu n'arrives, Jensen, qu'il serait bien que les binômes des exposés sur les différentes époques littéraires aient fini ou, au moins, qu'il ne reste que la touche finale à y apporter, n'oubliez pas que vous devez les rendre lundi dernier délai.
Un murmure de protestation général s'éleva des élèves et le professeur poursuivit, sans en tenir compte.
Jensen, qui rêvassait déjà, vit que Chris se tournait vers lui et commençait à ouvrir la bouche. Il soupira d'un air agacé, il avait accepté de faire cet exposé avec ce fils à papa et se demandait bien pourquoi. Il le supportait à peine et bien que Chris lui ait régulièrement proposé de travailler, Jensen avait toujours réussi à s'en débarrasser, sans jamais parvenir à l'offusquer ni lui faire comprendre qu'il n'avait aucune envie de travailler avec lui.
- Jensen ? On devrait s'y mettre vraiment, maintenant, puisqu'il nous reste que trois jours ! Et puis t'as entendu ce qu'a dit le prof, ça comptera avec un groscoefficient…
- J'ai entendu. Répliqua Jensen. Il réfléchit un instant puis lâcha, avec un mécontentement manifeste. On se voit demain, à la bibliothèque municipale, à deux heures, ok ?
- D'accord, super ! répondit Chris avec un grand sourire, qui acheva d'énerver son voisin.