Genre: Slash (yaoi) – POV – Érotique
Pairing: Shayne/Wesley
Rating: -18 (M)
Une Dernière, pour John Cusack
Je monte des meubles. C'est mon boulot.
Au magasin, je m'occupe des modèles d'expo. On reçoit les colis, j'en prends un, je le déballe et je le monte.
En vingt minutes l'étagère est négociée. En deux heures, le meuble TV à cinq étages. J'étudie le mode d'emploi, histoire de voir à quoi j'ai à faire, exactement. Mais une fois que c'est fait, j'y jette seulement un oeil de temps en temps. Parce que je sais comment ça s'emboîte, je sais quelle vis correspond à quel trou, dans quel sens vont les planches, où et comment il faut clouer, coller, visser. J'ai l'habitude.
Il m'arrive de donner un coup de main aux collègues des cuisines équipées, mais c'est rare. Ils gèrent leur truc, moi le mien. Ils font équipe, je bosse en solo.
Des fois, je m'occupe des livraisons chez les clients, et je leur offre mes services. Offrir n'est pas le terme vraiment approprié, puisque le prix est légèrement plus élevé dans ce cas-là. Mais personne ne s'est jamais plein du rapport qualité/prix. J'ai même droit à quelques gâteaux et un café, de temps en temps.
Puis il y a ceux qui réceptionnent leur colis, qui signent leur papier et à qui je souhaite une bonne journée.
Et ensuite il y a les fondus de bricolage, qui (je le sais) mettent huit heures là où j'en mets deux, qui vissent, dévissent, placent, déplacent, retournent et reretournent les planches, froncent les sourcils en déchiffrant le mode d'emploi, mais ça leur fait plaisir de créer ce qu'ils se sont offert. Ces gens là, ils s'achètent un puzzle plutôt qu'une affiche. Je les aime bien, parce que je les comprends. Ils savent ce qui est bon.
À force de travail, j'ai les mains robustes, les doigts agiles, la peau dure. Je me suis filé des coups de marteau, coincé à peu près tout ce qu'il est possible de se coincer entre deux planches, j'ai pété quelques outils et balancé des modes d'emploi à la con direct à la poubelle, mais putain, je prends toujours autant mon pied à faire ce boulot.
J'aime le travail bien fait, et quand il est achevé, ça tient debout. C'est droit, carré. Y'a peu de place pour le hasard. Y'en n'a pas du tout pour l'à-peu-près.
J'adorais les puzzles, quand j'étais gosse. Et ces machins à cliper, pour en faire des maisons, des tapis, des bouteilles, des tables, des bouteilles, et la tour Eiffel. C'est de là que ça doit me venir. J'aurais voulu faire une tour plus grande que moi mais j'avais pas assez de ces petits machins. Ma mère avait pas beaucoup d'argent, elle avait pas de quoi assouvir toutes mes envies. Mes besoins, oui. J'ai manqué de rien, je m'en rends mieux compte aujourd'hui.
J'ai pas de famille, mais maintenant je sais ce que c'est que d'avoir à payer des factures, remplir des papiers administratifs, et faire ses courses pour ne jamais manquer de rien.
Je l'aime, ma mère. Et elle m'aime aussi, même si elle ne parle pas beaucoup de moi à ses amies, et au reste de la famille.
J'aurais voulu passer le réveillon de Noël avec elle, mais je bossais aujourd'hui, et la neige empêche toute circulation depuis deux jours. C'est pas très grave, elle a été invité par sa soeur à fêter ça en famille. C'était juste pour moi, parce que je le passerai seul, ce réveillon. J'aurais voulu moins de neige sur la route, et moins de boulot aussi. Les fins d'années sont épuisantes. Mais on n'a pas toujours ce qu'on veut.
Tant pis. Après tout, j'ai l'habitude. Je passe trois-cent jours par an seul dans mon studio, ça chagrine personne. Les soirs de réveillon, allez savoir pourquoi, les gens se sentent obligés de se regrouper. Et ils sont tristes de savoir que d'autres sont seuls.
Je me suis préparé un repas de fête, malgré tout. Et j'ai prévu de me mâter un DVD. Un film que j'ai acheté il y a six mois, et que j'ai même pas encore déballé.
Quand je dis mâter, c'est pas un film de cul. Ça va, je baise pas souvent, mais ça me manque pas. Je fume pas, je bois pas non plus. Sauf ce soir. Et je ne bois pas parce que je suis seul, sinon je l'aurais passé à la fête des Alcooliques Anonymes, mon réveillon. Un repas de fête, allez aussi savoir pourquoi, ça s'arrose avec un peu d'alcool.
Je trinquais à ma mère, et à la santé de moi-même, en levant mon verre au plafond quand tout à coup... Mon coeur a fait un putain de bond, et l'alcool aussi. Un des glaçons a bien failli gicler du verre.
Alarme incendie.
Ma première pensée, je me la suis exclamée tout haut. Putain il fait -15, dehors ! Et la seconde, je l'ai seulement exprimée tout bas. Quelqu'un a fait cramer sa dinde. Quel con a fait cramer sa dinde.
Chier, merde.
Je suis sorti dans le couloir et j'ai constaté un début d'agitation. Feu de poubelle. Feu de hotte, j'ai entendu. Un sapin, a dit le voisin. Enfin bref, on s'est pas attardé plus longtemps, on a préféré s'habiller chaudement, se chausser, et descendre dans la rue, le temps d'être sûrs.
À peine j'avais posé un pied sur le trottoir que je les entendais déjà, les pompiers.
« C'est bon, tout va bien ! a lancé madame Valence en pointant son nez à sa fenêtre. Oh merde ! » qu'elle a dit en entendant les sirènes.
Moi ça va, j'ai juste pris mon mal en patience, j'avais rien d'autre à faire. Le dîner était dans le four, la minuterie était enclenchée, et ça conserverait mon petit menu au chaud, le temps que je rentre. Et si ça prenait plus de temps que madame Valence le pensait, c'était pas grave non plus. C'était meilleur réchauffé. Comme tout.
Personne ne m'attend, en plus, j'ai pas de rendez-vous, ni réservé au restau, comme certains, apparemment. Y'en a qui sont à moitié sappés. Pas sur le 31, plutôt sur leur 17.
En parlant de ça, mes voisins, je les connais pas tous. C'est dingue. Cette fille, là, je sais pas qui c'est. Et le mec avec qui elle est non plus. Il est canon, c'est bien dommage qu'il soit pas du bon côté de la force... Ils ont l'air bien accrochés l'un à l'autre.
« Vous habitez là depuis longtemps ? »
Je me retourne et m'aperçois que celui-là, je l'ai jamais vu non plus. Je lui réponds que ça va faire six ans. Ça l'étonne. Deux mois qu'il crèche ici, qu'il me dit, et on s'est jamais croisés.
Haussement d'épaules. Je réponds rien mais en deux mois, je croise pas grand-monde, alors. Moi je prends les escaliers. J'ai une trouille bleue des ascenseurs. Et qui prend les escaliers, de nos jours...
Il se présente à moi et me tend la main avec un sourire. Alors je la lui serre, lui souris poliment et me présente à mon tour.
Il est moins canon que l'autre, mais il m'a tout l'air d'être du bon côté, lui. Le regard ne trompe pas. Il n'est pas assez fuyant. Pas assez franc non plus. C'est entre les deux, et c'est précisément à ça que je les repère.
Là, on se met à discuter de madame Valence.
« Cette bonne femme c'est une tornade. Une fois elle est restée coincée dans l'ascenseur, justement. Hé bien elle n'y est pas restée longtemps. »
Il se marre. Et là-dessus, il me demande ce que j'avais prévu pour ce soir.
Je lui mens pas. Pourquoi je lui mentirais ?
« Un dîner de fête arrosé, en tête à tête avec moi-même, et une fin de soirée en compagnie d'un mec de rêve, via le petit écran. John Cusack. »
Au moins, si je me suis mépris sur son bord, je vais être vite fixé. Et je le suis finalement, de la plus agréable des façons. Ça ne le fait pas fuir, ni même grimacer. À croire qu'il m'a repéré le premier, où qu'il a entendu parler de moi par un autre de nos voisins. M'en fous. C'est pas plus mal, de se faire draguer. C'est reposant.
En tout cas, j'ai jamais eu si peu de mal à rester planté sur un trottoir par -15°.
« On va faire un tour ? »
Je regarde l'immeuble. Rien a l'air de cramer. Aucune fumée ne s'échappe d'une fenêtre ou du toit. Et les pompiers sont là. J'accepte.
On parcourt la rue, on fait le tour du pâté de maisons. Il me parle de son boulot, je lui parle du mien. Il me dit qu'il a justement un meuble à monter, je lui dis que ça me ferait plaisir de l'aider, sauf si c'est un fondu de bricolage, bien entendu. Je suis pas du genre à piquer les jouets des autres.
Ça le fait marrer aussi.
Paraît que j'ai de l'humour. Je veux bien le croire, même si je suis capable de vannes bien meilleures.
On finit par rentrer. Les pompiers sont toujours là, mais les lances ont déjà été repliées. Fausse alerte. Je l'aurais un poil maudit, la dinde, si j'avais été dérangé de ma quiétude au milieu de mon film, par exemple. Mais là, bien sûr, je ne pouvais que l'en remercier.
C'est exactement à ça que je pensais en lui souriant bêtement.
« Ça te dirait de boire un verre en ma compagnie ? »
Oh bah ça oui, pour sûr ! se sont exclamés mes deux yeux en s'ouvrant comme des soucoupes.
Je l'aime bien, ce gars. En plus on est voisin, ça enlève les risques inhérents aux coups d'un soir. J'aime pas ça, les coups d'un soir, j'ai toujours la trouille de me taper un abruti, ou pire, un connard. Voire un psychopathe, mais je préfère pas me l'avouer, ça fait un peu désordre. Et puis aussi d'attraper une saleté d'infection, mais bon, bref. Mon voisin, je dirais pas que c'est un connard, encore moins un abruti. Peut-être un psychopathe, mais je préfère en douter. Et prendre des risques sanitaires, par la même occasion.
Parce que là, rien que le fait de savoir qu'il a envie de moi, ça me plaît. Ouais, ça m'excite. J'ai envie de lui. Ce soir. Après tout on se côtoie depuis deux mois...
J'ai donc accepté, et on se retrouve chez lui. C'est cossu, chez lui. Enfin je crois que ça l'est, parce que je suis pas sûr de la définition. Disons que c'est bien fourni, et confortable. Moderne, et chic. Tout ça à la fois. Cossu, d'après moi.
Il me fait visiter sommairement, m'offre un verre d'apéritif.
C'est un signe, ça. L'apéro, et ensuite le plat principal. Oh c'est petit. Oh que c'est cliché. Mais que c'est bon de saliver en l'imaginant déjà tout nu, et essoufflé. Cambré, agité, pressé.
On discute encore un peu. De son meuble, entre autres. On prend rendez-vous pour un jour de la semaine. On va pas faire ça maintenant. Les bruits de la visseuse électrique, le marteau, ça va pas le faire, à cette heure-là.
Il pose son verre sur la table et me regarde droit dans les yeux. Sa main gauche se pose sur ma cuisse. Je ne respire quasiment plus. Quelque part, je me dis que ça va un peu vite, de l'autre j'ai envie de tout balancer et de me faire prendre là, sur la table ou le canapé, je m'en fous, je veux voir sa queue, la caresser, la sucer, merde, putain, il remonte doucement, et il me parle. Qu'est-ce qu'il a dit ?
« Quoi ?
_Actif ou passif ?
_Passif. Et toi ?
_Je fais les deux. »
C'est bon, je respire plus. Vaut mieux que je pose mon verre moi aussi, et que je l'éloigne un peu. Sauf que je sais pas quoi faire de mes mains, alors je le reprends, et je le vide d'un trait. Nom d'un chien, ça arrache. J'ai pas l'habitude de l'alcool, je tiens pas du tout le coup, je me roule par terre après trois verres. J'fais pitié. Mais je m'en cogne. Il a ouvert ma fermeture éclaire, et il explore.
J'ai mis un caleçon, aujourd'hui. C'est pas très glam', mais au moins je suis à mon aise, là-dedans. Lui aussi, remarque. Il me pelote le paquet à travers le tissu, se penche plus près de moi, et met sa langue dans mon oreille.
Je ferme les yeux. L'alcool, le sang qui afflue aux points sensibles, son odeur, sa chaleur, c'est bon.
« C'est quoi, ce film ? me murmure-t-il. Celui que tu devais regarder ? »
Je peux pas répondre tout de suite. Faut que l'onde passe. Il me fait vibrer, avec sa voix brûlante, dans mon oreille. Il me toucherait pas que ça me ferait quand même bander.
Je parviens quand même à articuler :
« Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal.
_Pour Jude Law ?
_Ben en fait... Plus pour John Cusack, mais la relation... »
Je pousse un soupir, qu'est-ce qu'on en a à foutre, franchement...
« Oui, continue... »
Je me rends à peine compte que c'est moi qui miaule comme ça. J'écarte les cuisses. Il malaxe mes couilles, toujours à travers le tissu. Et puis il s'enfonce un peu plus et me caresse avec ses doigts. C'est là qu'il veut aller, et il va y aller. Il appuie, frotte, je commence à plus pouvoir me tenir sur ma chaise, faut qu'on bouge.
Je lui chope le coude, éloigne sa main et me lève. Il m'imite, et me prends par la main pour m'entraîner tranquillement sur le divan.
Canapé tissu, trois places. Un Scala , structure en sapin classique, contre-plaqué. Coussins larges, confortables au possible. Polyester, viscose, acrylique. J'y passerai ma vie, sur un canapé comme ça.
Je m'y installe, il s'assoit juste à côté de moi, pose sa main droite sur ma joue gauche et approche mon visage du sien. On s'embrasse du bout des lèvres. Il est très doux. Ses gestes sont doux, et il l'est aussi au toucher.
« Vous invitez souvent des hommes, ici... ?
_Tu peux continuer à me tutoyer, tu sais ? »
Je fais oui de la tête. Je ne sais pas trop ce qui m'a pris. En tout cas, il ne m'a toujours pas répondu. Il a juste repris les choses en main dans mon pantalon. Et ce qu'il fait avec ses doigts, ça me... ça m'envoie des décharges dans les entrailles, ça me retourne le cerveau. Il me mordille la lèvre supérieure, je passe ma langue sur son menton.
« Tu es le premier, me dit-il.
_Je te crois pas.
_Pourtant, tu peux. Mais je peux rien prouver, alors... »
C'est trop. Je prends appui sur mes pieds, je me cambre et je descends mon pantalon, et mon caleçon, aussi. Sa main est aussi chaude et douce que le reste de sa personne. Il effleure mon sexe qui commence à accuser de bien belles dimensions et couleur, et là nos langues se rencontrent.
Je lève un bras, et j'enfouis ma main dans ses cheveux. Enfin j'enfouis, pas tellement, ils sont ras, poivre et sel. Pourtant il n'a pas plus de quarante ans. Peut-être un peu plus âgé que moi. C'est la première fois que j'embrasse en homme avec des cheveux poivre et sel. Ça lui va bien. Il est pas si mal que ça, comparé au voisin du côté obscur. Et puis lui, il est libre, et doux, charmant, électrique.
Je déboucle sa ceinture, défait le bouton pression, et plonge ma main gauche dans son pantalon. Oh bonté divine. Il ne porte aucun sous-vêtement. Direct sur sa toison, et sa queue bandée. J'aperçois son sourire. Il aime ça, les effets de surprise.
Je vais donc et je viens, avec trois doigts, le long de sa verge. Elle durcit peu à peu, j'accélère, je ralentis, je force, je faiblis, j'empoigne. On se branle en communion. Et on s'embrasse, on se lèche. On s'essouffle paresseusement.
À un moment, alors même que je m'apprêtais à passer une nouvelle étape dans nos tendres ébats, il pivote son corps vers moi, me lâche la bite et me met la main aux fesses. Il descend le long de ma raie en faisant des petits gestes de roulement avec ses doigts, et puis me soulève. Je pivote donc et pose un genou près de son genou à lui.
Je sais pas trop comment je m'y prends, sur le coup, mais trente secondes après, j'ai plus de pantalon, plus de caleçon, et plus de chaussures. Juste mes chaussettes, et j'suis assis à califourchon sur lui. Il m'enlève mon pull et mon t-shirt, je fais pareil.
Là, il se penche, avec ses mains sur ma taille, et se met à me mordiller les tétons.
Je plonge mes mains dans ses cheveux, je me colle à lui, je touche son ventre avec ma queue, je sens la sienne qui se dresse entre nous.
« T'es beau », qu'il me dit.
Je sais pas. Oui, peut-être. C'est à force de monter des meubles, de soulever des colis de trente, cinquante kilos. Ça vous fabrique un homme avec des tablettes abdominales, des bras puissants, mais sans l'épaissir. J'suis content qu'il me trouve beau. Moi je le trouve beau, aussi. De plus en plus.
Je réprime un gémissement, mais alors le deuxième, je peux pas. Il aime bien le travail manuel, lui aussi. Et il étudie le plan avant d'enfoncer son premier clou. Je plie les genoux, il appuie. Je me redresse, je pose un pied et je le coince entre sa fesse et le dossier du canapé Scala. Là, il y va plus franco, plus directement là où je veux qu'il aille. Il a compris que j'en peux plus d'attendre. Je lui prends le manche, et je le caresse. Je pompe, même.
La tête baissée entre nous deux, je vois sa main entre mes cuisses, et je le sens qui tournoie et qui frappe avant d'entrer.
« Oui ! »
Je me mords les lèvres, je renverse ma tête en arrière et je prends une profonde inspiration. En même temps qu'il me pénètre. Et il commence à me balancer doucement, avec sa main libre sur ma hanche. Il bouge, à l'intérieur et à l'extérieur de moi. Je lui lâche la queue. Il me lèche le torse, sa langue titille le bout de mon téton en feu, je pars total en vrille.
Je le vois même pas sortir la capote et se l'enfiler. Il sait y faire.
Plus vite que son ombre.
Quand je baisse les yeux, je le vois enduire ses doigts de salive, et il retourne me lubrifier avec deux d'entre eux. Il l'a déjà mise, la capote, il l'ajuste jusqu'à la garde. Il va me planter. Je l'agrippe par les épaules, je pose mon autre pied entre sa fesse et le dossier, et là, il pose ses mains sous moi. Quand je redescends, c'est plus ses doigts.
Oh non, c'est plus ses doigts. Et le passage ne se fait pas tout seul.
Faut que je temporise. Que je m'adapte. Mais une fois que ça passe, je me mets à grogner. Oh putain quelle est bonne. On était fait pour se rencontrer, dès le départ.
Je malaxe ses épaules comme un chat pianote un coussin avant de s'y rouler en boule. Je m'enfonce en lui. J'suis une putain d'allumette qui frottent sur... je sais plus comment ça s'appelle, mais je m'en fous, je m'enflamme. Je vais au bout de moi-même. Il écarte un peu les jambes pour pas que j'écrase ses valseuses, et on s'arrête. Juste pour reprendre notre souffle, et s'embrasser encore une fois.
De la sueur perle sur son front. Moi j'ai l'impression d'être en feu, carrément. De la fumée doit s'échapper de mes oreilles. Je sue, je mouille déjà de partout.
J'ai même un peu peur de venir trop tôt, tellement elle est énorme, en largeur et en longueur. Et puis ça va faire plusieurs mois... J'suis comme qui dirait un mec un peu refermé.
« Wes ? T'es toujours avec moi ? »
Je réponds avec un léger râle affirmatif. Sa voix à une de ces tessitures, c'est vibrant ! Et ses mains sur moi, qui me caressent les cuisses, les fesses, le bas des reins, les hanches, le dos, ça me fait fondre et frissonner à la fois.
Et là il se met à bouger sous moi. Mouvement des membres inférieurs, du bassin. Je suis le rythme, sans trop penser à ce qu'on fait. Je me redresse, et me concentre une minute sur la tapisserie, face à moi. Un blanc cassé, sans motifs. Entre 1,5 et 2 mm d'épaisseur. Assortie au Scala. Il a bon goût.
Je reviens « sur terre » en fermant les yeux. Il me met des petites claques sur les fesses, les écarte, je me consume, le chevauche de plus en plus sauvagement. Je m'éclate sur lui, j'suis tellement bouillant que je n'ai plus envie que d'une seule chose, c'est d'exploser. Et la sève brûlante qui remplit mes couilles, ma queue érigée que je frôle de ma main maladroite me... fait glapir, ça y est je viens, je viens ! Et mon visage se déforme, je me mets à haleter et à convulser sous l'effet de la jouissance ultime. J'éjacule sur son torse et le mien, et en moi, je sens la chaleur de sa propre sève m'envahir à travers le latex.
Il m'enlace. Je suis collé à lui mais j'ai ma tête en arrière, comme si j'arrivais plus à la maintenir. Et c'est le cas. Je suis mort. Mais bon, je soupire d'aise et je m'oxygène quand même.
Je me retrouve sur le canapé, allongé sur le dos, et lui au-dessus de moi. Nos regards se croisent, il est juste là, tout près. Il ne s'est même pas retiré, il est trop bon. On a juste basculé sur le côté, sous sa seule impulsion, il est trop fort. S'il remet ça tout de suite, je suis pas certain de tenir la distance.
Mais il reste sage. Et doux.
Il a récupéré son T-shirt, et il essuie son corps, et le mien. Avec une application bienveillante. Il se penche, passe le bout de sa langue sur ma peau. Je le regarde faire en lui caressant les cheveux et la nuque. Ma queue repose sur mon ventre. Il se retire finalement, ôte sa capote et la met dans le T-shirt qu'il roule en boule.
Il n'y en aura pas une goutte sur le canapé.
Si je n'avais pas eu le coup de pied nécessaire pour me débarrasser de mes chaussures, il y a fort à parier qu'il m'aurait balancé par terre au moment où je me positionnais pour me faire mettre. Pour me prendre direct sur la moquette.
Il s'éloigne hors de ma portée, mais c'est pour goûter ma queue et finir de me nettoyer. Il la caresse, la lèche et la prend même en bouche. Un bon vieux massage après l'effort.
Je me laisse aller.
Quand j'ouvre les yeux, il fait jour. Je les referme et m'étire doucement. Nu comme un ver, mais toujours les chaussettes aux pieds, je suis enroulé dans une couverture, sur le Scala.
J'y passerai ma vie, là-dessus.
Ça sent bon le café fraîchement moulu. Et ça fait des petits bruits de vaisselle. Des petits bruits que j'aime.
Je l'entends finalement s'approcher avant d'ouvrir les yeux à nouveau. C'est un homme que la nature a gâté, ça c'est certain. On dirait un maître nageur qui marche au bord d'une piscine. Olympique, la piscine. Sauf que lui est plus chaudement habillé. Pantalon de toile beige, et pull en laine chocolat. Un col roulé qui ne laisse rien voir de son cou, et qui lui donne un charme... cossu.
Je me redresse, il s'installe à côté de moi, pose son plateau sur une table basse qu'il a poussée jusque-là pendant que je dormais encore.
« Thé ou café ? »
Sa voix me fait toujours le même effet.
« Café. »
Il me dit, en nous servant, qu'il ne savait pas et qu'il a préparé les deux. Je soulève mon postérieur, repositionne l'épaisse couverture sous moi et sur mes épaules, je m'emmitoufle et le regarde.
« Tu as froid ?
_Non, ça va. Merci. »
J'ai une petite voix. Je lui souris. On dirait que ça l'attendrit. Il me fait un petit signe en direction d'un meuble d'appoint, juste derrière moi contre l'accoudoir. Ce sont mes vêtements, qui sont pliés là. Je me penche et je vois mes chaussures soigneusement alignées au pied du meuble.
Je me redresse et lui refais face. Il me tend une tasse de café avec un petit sourire.
« Merci, c'est très gentil. »
Il me répond qu'il n'y a pas de quoi. Et laissant là notre échange de banalités, nous petit-déjeunons tranquillement.
À la pendule du salon je m'aperçois qu'il est à peine neuf heures du matin. Le soleil projette un rectangle, ou plutôt un parallépipède de lumière sur la moquette. C'est blanc givré, dehors. Ici c'est gris, blanc, douillet, chaud.
J'ai une pensée furtive pour mon repas de fête enfourné depuis la veille au soir. Et une pensée pour l'alarme incendie, madame Valence et sa dinde calcinée (enfin je crois). Et puis une dernière, pour John Cusack.
Mais une présence humaine, si douce et à la fois délicieusement électrique, une réelle présence humaine telle que...
Oh le boulet.
J'ai oublié son nom.
Le nez dans mon café, le bout de la cuillère plaqué sur ma joue, je réfléchis. Il me l'a dit une seule fois, quand on s'est rencontré sur le trottoir. Et je suis pas du genre à dire des trucs comme « oui, Jason », « merci, Kevin », ou « fais-moi mal, Robert ». Enfin si, mais sans le prénom, J'veux dire.
Du coup j'ai oublié. En plus de ça, quand il me l'a dit, j'étais pas assez concentré. Je crois bien que je regardais ses yeux sombres et la petite barre sur son front. Une ride un peu inquiète concernant le risque d'incendie.
Il y a un S dedans. Et c'est un long prénom. Trois syllabes, genre Stanislas... Saturnin ? Non. Je m'en rappellerais. Sssss... Sylvester ??
« Sers-toi, en gâteaux. Tu préfères les croissants, peut-être ?
_Non, non, ça me va très bien, c'est parfait, t'inquiète pas. »
Je le rassure mais alors moi, je le suis pas du tout. Pourvu qu'il disparaisse pas de ma vue et que j'ai à l'appeler, ou un truc dans le genre.
« Dis-moi.
_Oui ?
_On a convenu dimanche prochain, pour le meuble, c'est bien ça ? »
Ça me rassure, d'un coup. Ça fait du bien de ne pas se sentir seul au douloureux pays de l'Amnésie. Je confirme et j'ajoute sans réfléchir :
« On a tendance à perdre la mémoire, des fois...
_C'est vrai, sourit-il. Tu te souviens de mon prénom, par exemple ? »
Je me racle la gorge, le plus innocemment du monde et j'affiche un grand sourire sur mon visage :
« Oui, bien sûr, et toi ?
_Moi je m'en souviens. Wesley. »
Crotte de bique. Je me sens si seul, finalement. Figé dans le désespoir. Il m'a percé à jour. Je ne sais pas quoi répondre. Je lui ai menti. Un peu ironiquement, mais va savoir comment il va le prendre ? Je suis tout nu sous la couverture, ma tasse à la main, la marque de la cuillère sur ma joue. Au secours.
« Shayne, me dit-il.
_Shayne. Oui, c'est vrai. Je savais qu'il y avait un S. »
Pourquoi je lui dis ça ?
« Faut pas t'en vouloir, tu sais ? J'ai bien remarqué que tu n'étais pas particulièrement attentif, au moment où je me suis présenté.
_J'ai honte. »
Mais là, il passe sa main sur mon dos, se penche vers moi et dépose un baiser sur le coin de mes lèvres. Je respire à nouveau. C'est peut-être débile mais rien que pour ça, je l'aime.
Il descend sa main... Faut que j'aille pisser.
« Les toilettes ?
_Au fond du couloir à droite. Je t'ai sorti une serviette propre, si tu veux prendre ta douche, il n'y a aucun problème.
_Merci, mais j'habite juste au-dessus...
_Ça me ferait plaisir, que tu restes. »
Alors là ça y est, je ne sais plus quoi dire. J'accepte, bien sûr. On est le 25 décembre, j'ai rien de mieux à faire, et j'espère que lui aussi. Ça me ferait super plaisir de rester avec lui, qu'on se parle, qu'on apprenne à se connaître un peu mieux, qu'on aille se promener, qu'on se fasse un cinéma, aussi.
« D'accord », je lui fais.
Et je vois bien qu'il est soulagé. Ravi, aussi. Je lui fais un signe en direction du couloir, sur ce, et je me lève, je prends mes habits et file à la salle de bain, ma couverture sur le dos. J'aurais pu la laisser derrière moi, lui montrer mes jolies fesses et ma démarche féline en m'éloignant, mais je sais pas, il me semble qu'on n'est pas encore assez intime pour ça. Enfin disons... spirituellement.
Quand je reviens, tout frais et dispo, il a débarrassé la table basse, mais laissé les gâteaux. Il me propose un autre café, ou un jus de fruits, je lui réponds que ça va, non merci.
« N'hésite pas à taper dans le frigo, d'acc ? me dit-il en refermant la porte de ce dernier, un verre de lait à la main. Tu as prévu quelque chose, pour aujourd'hui ? »
Je jubile. J'ai le droit de jubiler ? Je jubile à mort.
« Non. Et toi ?
_Rien de spécial. »
Il me sourit, moi aussi. À quoi, trois ou quatre mètres l'un de l'autre, je me dis qu'on est beaucoup trop loin.
« Shayne.
_C'est moi.
_Je pensais qu'il y avait plus de syllabes.
_C'est parce que je t'ai dis mon nom, hier soir.
_Vraiment ? Tu sais, je m'en veux. J'ai pas la mémoire des chiffres, et celle des prénoms non plus. Un jour, j'ai oublié le prénom d'un de mes collègues, avec qui je bosse depuis plusieurs années. On se côtoie juste comme ça, mais pas moyen de m'en rappeler. Je l'ai espionné entre les rayons pour pouvoir lire son badge. Je me suis senti mal. J'ai oublié le mien, une fois. »
Il hausse les sourcils d'étonnement, en s'approchant lentement de moi, amusé.
« Pas longtemps, mais assez pour m'inquiéter. »
Il pose mes mains sur mes hanches, m'embrasse sur la bouche. Je l'enlace, alors, et j'en réclame un peu plus. Nos langues se lient, se délient, et renouent le contact.
Il a vraiment bon goût.
« Wesley. »
Je frissonne, et je murmure :
« C'est moi...
_Tu aimes John Cusack, alors ?
_Oui, beaucoup.
_Tu as vu 2012 ?
_Non, j'ai pas eu le temps.
_Il passe à l'Eldorado, demain soir. Ça te dirait ?
_Oh oui, bien sûr ! Tu t'es renseigné ? »
On s'embrasse en souriant. Il me caresse le dos, et moi les fesses.
« Je voudrais te remercier, pour le meuble.
_Il est encore dans son carton.
_Je sais... Je t'offrirai le pop-corn, aussi. »
Je ronronne. J'adore ça, le pop-corn. Comme j'aime ses mains au creux de mes reins.
On est à la bonne distance l'un de l'autre. Tout va bien.
C'est Noël.
La fin.