Coup de foudre en enfer
Les deux inconnus se réveillèrent, prêts à entamer leur première matinée de colocation.
L'un était policier. Jeune, la silhouette élancée, des cheveux d'un noir de jais tombant élégamment sur ses épaules, des yeux turquoises au regard transperçant, un dragon tatoué courant le long de son bras gauche et sur ses omoplates.
L'autre était serveur dans un bar branché de Tokyo. Tout aussi jeune, svelte, des cheveux hérissés en pics parsemés de mèches d'un bleu électrique, des yeux sombres pétillants cernés d'un épais trait de crayon noir, une fine chaîne d'argent reliant son piercing à l'oreille à celui de sa lèvre inférieure, les ongles vernis et les doigts ornés de bagues.
Pas une parole n'avait été échangée depuis leur rencontre de la veille lors de la visite de l'appartement. Un seul regard, reflet d'une attirance qu'ils s'interdisaient, du trouble, puis de la gêne, avait suffi à les enfermer dans un silence lourd d'une indifférence feinte.
Presque prêt pour partir travailler, il prit son arme dans la commode du couloir séparant les différentes pièces pour la glisser à sa ceinture. La douche qui coulait depuis un moment derrière la porte de la salle de bains s'arrêta. Les yeux posés sur le cadran de sa montre, il s'apprêtait à s'en aller, la main tendue vers le porte manteau pour y décrocher sa veste.
Une porte s'ouvrit derrière lui. Il sentit un souffle chaud dans son cou, des mains se glisser sous sa chemise, enlever son uniforme, le dévêtir entièrement.
Un corps nu ruisselant d'eau fraîche se pressa contre lui, les mains posées sur ses hanches, des lèvres humides se collant à sa nuque, des dents mordillèrent sensuellement sa peau, la langue lui caressa avidement le dos, descendant plus bas, encore plus bas, puis lécha son torse, son cou, ses lèvres, avec envie.
Ses yeux encore écarquillés de surprise se fixèrent sur la mince silhouette presque fragile enlacée à son corps, diablement attirante et provocante.
Bravant ses interdits, il s'abandonna à cette sensation de chaleur enivrante qui faisait frémir chaque parcelle de son être, un désir ardent se propageant dans ses veines et parcourant son bas-ventre.
La confusion suivit.
Leurs lèvres scellées, leurs jambes emmêlées, leur dos griffé, la passion de leurs caresses, le monde qui se met à tourner, la douceur du tapis contre son ventre, la main serrée sur sa gorge, les lèvres effleurant sa peau. Et leurs corps serrés, unis. La douleur, furtive. Ses sens qui se mélangent dans un ballet infernal, les étoiles qui tournent dans ses yeux. Le plaisir qui se diffuse en lui, traversant son corps comme une décharge de bonheur. L'extase.
La main pressée contre son bas-ventre, le poussant à accorder les mouvements de leur bassin. Le souffle saccadé contre sa joue, leurs gémissements qui se mêlent, brisant le calme de cette matinée.
Leurs corps qui se séparent, déjà.
Et la réalité qui les rattrape, aussitôt.
Le souvenir de leurs proches respectifs les frappa en plein cœur : la famille très stricte et homophobe de l'un, la fiancée enceinte de l'autre.
La panique les envahit. Ils se serrèrent dans une étreinte désespérée, s'embrassant à la recherche de réconfort. C'était dur, tellement dur… Ils ne voulaient pas se séparer, plus maintenant. Surtout pas.
Déchirés, ils se relevèrent malgré tout. Le simple regard encore remplit de désir, d'amour et de tristesse qu'ils échangèrent les décida. Non, ils ne pouvaient être séparés.
Plus maintenant, c'était trop tard. Et il n'y avait qu'une seule solution envisageable, ils le savaient aussi bien l'un que l'autre.
Animé d'un sentiment d'amour sauvage et incontrôlable, le policier plaqua son colocataire contre le mur, une main caressant la peau ferme de ses fesses, l'autre jouant du bout des doigts avec sa langue, ses yeux intensément colorés plongés dans les siens, brillant d'une détermination farouche. Lorsqu'il relâcha son étreinte, son amant ramassa l'arme gisant au sol.
Refusant d'affronter un destin peuplé de douleur et d'intolérance, ils choisirent l'amour éternel.
Le métal froid du revolver délicatement posé sur sa nuque, les mains serrées, leurs doigts mêlés, leurs corps enlacés vibrant d'émotion, ils s'embrassèrent. Tendrement, passionnément.
Si ce jour est le dernier, s'il te plaît, ne le dis pas encore…
Si pour nous c'est la fin, ne le dis pas… pas encore…
Le coup retentit dans l'air frais du petit matin.
Quittant leurs corps enlacés étendus sur le sol, les deux amants fuirent ce monde dans lequel leur amour n'avait pas sa place.
Les deux anges s'envolèrent loin, très loin. Durch die Unendlichkeit ;
Bienvenue au Paradis.
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