Titre : Le diable porte des caleçons noirs

Genre(s) : romance, yaoi
Rating : NC-17
Notes de l'auteur : Ce texte a été écrit pour le défi d'écriture de miya-tenaka: Sex Is Not The Enemy.
Résumé de l'histoire : Vincent est photographe. Lorsqu'il accepte de rendre service à son ami en prenant quelques photos de son petit frère, il ne se doute pas vraiment qu'il s'est fait prendre dans les filets du diable.

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Je m'appelle Vincent Lejour et je suis photographe. Si j'ai trouvé difficile, au début, de percer dans le domaine, aujourd'hui je me sens bien dans mon métier. On commence à parler de moi, je me suis fait une petite place à la lumière et les contrats se font de plus en plus nombreux et prestigieux. C'est, entre autres choses, une des raisons pour laquelle je n'étais pas très chaud à l'idée de céder à la demande de mon ami Charles. Nous buvions un café corsé sur la terrasse d'un petit restaurant du Vieux Montréal lorsqu'il s'est penché vers moi avec les yeux de quelqu'un qui s'apprête à demander une faveur.

- Vincent, tu voudrais me rendre un service?

- Quoi, par exemple?

- En fait, ce n'est pas vraiment pour moi, c'est pour mon petit frère.

- …Derek?

- Oui. Une agence serait peut-être intéressée à le prendre comme nouveau mannequin, mais ils demandent qu'il ait déjà un portfolio… Quelques photos de mode, quelques unes, pas plus. Et comme tu es le meilleur…

J'avais soupiré bruyamment ce jour-là, incapable de refuser, mais sachant déjà que ce n'était pas une bonne idée d'accepter. Non seulement je savais qu'il s'attendait à un « prix d'ami », c'est-à-dire pas grand-chose, mais je n'avais pas non plus très envie de me retrouver seul avec Derek. Je n'avais pas revu le garçon depuis quelques années. Il était à peine majeur la dernière fois que je l'avais vu, mais déjà il était bien trop beau pour son propre bien. Un véritable appel à la luxure, avec ses lèvres pleines, son visage fin, ses cheveux sombres et son corps de rêve. Et il y avait, dans ses yeux gris, une lueur de gourmandise que je n'étais pas pressé de revoir.

J'avais tout de même accepté. Je me voyais très mal expliquer à mon ami ce qui me mettait mal à l'aise chez son petit frère adoré. Et le jour de la séance de photos arriva bien trop vite à mon goût.

J'habitais dans un studio luxueux, largement au-dessus de mes moyens. Une tactique de photographe, presque inévitable, pour jeter de la poudre aux yeux de la clientèle. Le rez-de-chaussée comportait un coin cuisine et salon, mais la majorité de la surface de plancher était consacrée à mon travail. Une mezzanine surplombait la moitié du loft, où ma chambre se trouvait, à l'abri des regards des clients. Le mur de deux étages qui faisait face à la mezzanine était presque essentiellement composé de grandes fenêtres qui faisaient toute la beauté de l'appartement. Orientées plein sud, elles baignaient le studio de la lumière idéale du soleil, un atout merveilleux pour le photographe que j'étais.

On frappa à la porte et je m'efforçai de prendre mon air le plus professionnel en allant ouvrir. Derrière la porte coulissante, je retrouvai le visage de Derek, plus mature, mais toujours aussi dangereusement parfait.

- Bonjour.

- Bonjour, entre. Fais comme chez toi.

Il me sourit et passa le seuil de la porte, que je refermai derrière lui. Je pouvais deviner, à son silence et à l'expression sur son visage, que le luxe de mon studio avait sur lui le même effet que sur les autres. Il me suivit jusqu'au milieu du loft, posa son sac près du divan et retira sa veste d'un geste volontairement sensuel. Je me forçai à parler pour me donner un peu de contenance.

- Tu as déjà fait un shooting de mode?

- Pas avec un professionnel. Mais j'ai souvent posé pour des photographes amateurs.

- Ok. Tu veux boire quelque chose avant de commencer?

- Non, merci. Je suis prêt, quand tu voudras.

Il s'était rapproché de moi d'un pas élégant, un sourire au coin des lèvres. J'offrais souvent une goutte d'alcool à mes clients avant de commencer, surtout ceux qui faisaient ça pour la première fois. Ça les aidait à se lâcher un peu et rendait les photos plus intéressantes. Mais je me doutais que je n'aurais pas ce problème avec Derek, qui prenait déjà place dans la lumière du soleil. J'attrapai mon appareil-photo posé sur la table basse et réglai quelques paramètres pour la forme.

- Reste comme ça pour l'instant, je vais prendre quelques photos pour vérifier l'éclairage et tout ça…

- D'accord.

- Tu as besoin de quoi, pour l'agence?

Pendant que je prenais les premiers clichés, il ignora mes clics répétitifs pour m'expliquer que l'agence de mannequins exigeait trois styles de photos au minimum, en plus d'un portrait classique, des épaules à la tête. Il avait apporté d'autres vêtements pour les trois styles demandés : urbain, chic et décontracté. Rien de bien étonnant pour moi. J'avais souvent aidé de jeunes modèles à bâtir un portfolio et la plupart des agences exigeaient ces trois catégories de photos.

- C'est bon, l'appareil est réglé et la lumière fonctionne bien. On va commencer par le portrait, si tu es d'accord.

- Ok.

Je supprimai les clichés tests et zoomai pour prendre la photo à partir des épaules. Il sourit doucement, étirant un peu ses lèvres tellement parfaites. La lumière dorée du soleil jouait dans ses cheveux chocolat et dessinait les courbes de son visage. Je pris une quinzaine de photos sous différents angles et avec différentes expressions, par professionnalisme, même si la première me semblait déjà impeccable. Le sourire de Derek demeurait naturel malgré l'objectif braqué sur lui, ce qui était plutôt rare. Je finis par baisser mon appareil en hochant positivement la tête.

- C'est bon. Est-ce que tu gardes ces vêtements pour des photos de plein pied?

- Non, je vais me changer.

- Pas de problème.

Il s'éloignant en sautillant presque et je le suivis des yeux d'un œil amusé, jusqu'à ce qu'il commence à retirer son t-shirt. Il y avait pourtant un paravent juste à côté, dont tout le monde comprenait très bien l'usage. Je baissai les yeux et fis mine de m'intéresser aux images que je venais de capturer, les faisant défiler encore et encore devant mes yeux pour m'éviter de lever le regard sur son corps à moitié nu. Au sourire espiègle sur ses lèvres lorsqu'il revint vers moi, je sus qu'il avait fait exprès de m'embarrasser. J'ignorais à quel petit jeu il voulait jouer, mais je n'avais pas l'intention d'être de la partie. Je m'efforçai de demeurer professionnel et de conserver un visage neutre en baissant les yeux sur lui. Il portait une chemise noire au col relevé, dont les premiers boutons n'avaient pas été refermés, un étroit pantalon gris et des chaussures très élégantes au bout carré. L'ensemble avait beaucoup de classe, mais je décidai de ne pas m'y attarder. Je commençais à me sentir pressé d'en avoir terminé avec cette séance de photographie.

- Si tu t'adosse contre le mur de béton, je pense que l'effet serait intéressant. Qu'est-ce que tu en penses?

- Oui, voyons ce que ça donne.

Il fit ce que j'avais suggéré, s'appuyant contre le mur de béton, les mains dans les poches. Il avait repris un air sérieux, sans regarder la caméra. Après plusieurs clichés, je lui fis regarder dans l'objectif, avec sourire, sans sourire. Par lui-même, il monta les premières marches de l'escalier et s'appuya au garde-corps. L'effet était vraiment intéressant. Je continuai de prendre des photos sans rien dire, le laissant faire ce qui lui venait naturellement, voyant que, de toute façon, il savait très bien ce qu'il faisait. Après une quinzaine de minutes et une cinquantaine de photos, nous nous sommes arrêtés et il s'est à nouveau changé. J'ai encore fait mine de faire le point sur mon travail pour ne pas le regarder pendant qu'il troquait ses vêtements chics pour un jean troué exagérément étroit, des souliers usés et une chemise à carreaux noirs et blancs sous un kangourou noir.

- On pourrait utiliser le divan…

Je levai les yeux de l'appareil et concédai à m'approcher alors qu'il se laissait tomber sur les cousins rectangulaires. La lumière était suffisante et la palette de couleurs me plaisait bien, ses vêtements foncés contrastant avec la couleur crème du meuble.

- Très bien.

Je commençai mon travail avec sérieux, laissant parfois échapper un conseil qu'il s'empressait d'appliquer. Je commençais à apprécier sa façon de travailler. Il parlait peu mais analysait beaucoup et semblait surtout comprendre ce que j'attendais de lui. Ses poses et ses expressions étaient naturelles, équilibrées et artistiquement intéressantes. Après une dizaine de minutes, nous avions plus de clichés que nécessaires et il se leva pour se changer, en me prenant au dépourvu. J'étais juste à côté de lui alors qu'il laissait tomber ses vêtements. Je ne voulais pas m'éloigner pour ne pas montrer que j'étais mal à l'aise. Je me laissai tomber sur le divan et fixai résolument mon appareil, mais je voyais du coin de l'œil son corps diablement attirant, élancé mais musclé agréablement, sa peau claire.

- Vincent?

Je levai les yeux en m'efforçant de ne pas rougir. Il avait enfilé un pantalon en denim noir, mais il était encore torse nu. Il enfila précipitamment un t-shirt gris et lorsque sa tête émergea du col, il souriait.

- J'apprécie beaucoup que tu aies accepté de faire ces photos pour moi…

- Ce n'est rien…

- Je ne voudrais pas abuser de ta gentillesse, mais est-ce que je peux te demander une autre faveur?

Je me retins de lever les yeux au ciel. Comme Charles, Derek savait très bien s'y prendre pour me faire accepter à peu près n'importe quoi. Il prit place à côté de moi sur le divan, soudainement plus timide.

- Quel genre de faveur?

- J'ai vu sur ton site web que… que tu fais beaucoup de photos de modèles nus. J'ai toujours rêvé d'en faire, mais je n'ai jamais osé le demander…

Je ne répondis rien, regardant ailleurs pour éviter de croiser son regard. J'étais certain que ce n'était pas du tout le genre de photos que Charles voulait que je prenne pour son petit frère. Convaincu que je devais refuser, je posai finalement les yeux sur lui. Il avait l'air tellement intimidé de sa propre audace que j'hésitai à nouveau, persuadé qu'il mourrait de honte si je m'avisais de décliner sa proposition.

- D'accord. On en fera quelques unes, si tu veux.

Un sourire illumina son visage et il se mordit doucement la lèvre inférieure. J'eus l'impression qu'il avait réussi à se jouer de moi. Toute cette histoire avait l'air d'une mise en scène douteuse.

- Merci…

Il se leva d'un bond et je le suivis à retardement. Nous devions d'abord terminer les photos pour son portfolio. Il était vêtu simplement et cherchait une pose décontractée, debout devant les grandes fenêtres du loft. Il s'immobilisa et je pris quelques photos, remarquant qu'il n'était plus aussi détendu que sur les clichés précédents. Je baissai légèrement mon appareil et lui adressai un sourire amusé.

- Tu as toujours tes vêtements, alors n'aie pas l'air si coincé, tu veux?

Il se mit à rire et je m'empressai de capturer son expression, appuyant à répétition sur le déclencheur. Lorsque je parviens à faire rire un modèle, j'en profite toujours pour prendre le plus de photos possible. C'est souvent dans ces moments que les gens paraissent le plus authentiques. Il s'arrêta de rire en remarquant mon manège, mais le sourire sur ses lèvres était sincèrement amusé et les photos étaient réussies.

Même si j'avais suffisamment de bons clichés, je lui proposai d'autres positions, autant par habitude que pour repousser le moment où il retirerait ses vêtements. Lorsqu'il posa ses mains sur le dessus du divan et se retourna vers moi pour regarder directement dans l'objectif, je vis dans ses yeux gris la lueur gourmande que j'y voyais souvent lorsque nous étions plus jeunes. J'avais connu Charles au secondaire, bien avant de faire mes études en photographie. Comme ma mère et moi habitions loin de chez mon ami, il n'était pas rare que la mère de Charles ne m'invite à rester dormir. Et chaque fois que je croisais Derek seul dans la maison, lorsque je me levais la nuit pour un verre d'eau, lorsque je me brossais les dents le soir, lorsque je me réveillais avant Charles et que je descendais à la cuisine, il y avait dans les yeux du « petit frère » cette étrange lueur qui faisait rater un battement à mon cœur.

Je pris quelques photographies supplémentaires avant de capituler. Quelques photos de plus, les vêtements en moins, et il partirait enfin… Et il était plus que temps qu'il me laisse seul. Quelques minutes de self-control, c'était tout ce que je demandais.

- Voilà… Tu es sûr de vouloir poser nu?

J'ai vaguement espéré qu'il change d'idée, à ce moment-là. Un bref espoir, bien futile évidemment.

- Oui, je suis sûr.

À son sourire légèrement moqueur, je fus persuadé qu'il avait compris ce que j'avais espéré. Il retira son t-shirt à nouveau et cette fois, je mis quelques secondes avant de baisser les yeux vers ma caméra, cherchant autre chose à regarder que ce corps dangereusement attirant. Pourtant, il faudrait bien que je m'y fasse. Quelle idée saugrenue j'avais eue de céder à son caprice…

Son rire me fit relever brusquement la tête. Il défaisait le bouton de son jeans en riant, les yeux brillants de plaisir.

- C'est moi qui me déshabille et c'est toi es gêné. C'est le monde à l'envers…

Je me forçai à sourire comme si c'était une très bonne blague, secouant la tête pour nier.

- Je ne suis pas gêné. Je respecte ton intimité, c'est différent. Contrairement à toi, moi, ce n'est pas la première fois que je fais ça.

- Touché.

- Normalement, surtout pour ce genre de photos, j'offre à mes clients une gorgée d'alcool. Ça les aide à être moins mal à l'aise. Tu en veux?

- Je veux bien.

Je me dirigeai vers le coin cuisine, mon appareil-photo suspendu à mon cou, pour verser quelques gouttes d'amaretto dans deux petits verres. Pour une fois, moi aussi, j'en avais besoin. Je revins vers lui et le contact de ses doigts me fit frissonner lorsqu'il saisit le verre dans ma main. D'un même geste, nous avons vidé nos verres et il s'est enfin décidé à retirer son jean. Il portait un caleçon noir qui moulait son sexe. Je ne pouvais plus détourner le regard, comme hypnotisé par ce petit diable en caleçon noir. Lorsqu'il l'enleva enfin, j'ai rougi et espéré qu'il mettrait ça sur le dos de l'alcool que je venais d'avaler.

Dans un silence mal à l'aise, j'ai fait de mon mieux pour avoir l'air naturel et sérieux. Je ne m'étais pas trompé plus tôt en décrétant que son corps était une véritable tentation à la luxure. Chaque muscle était parfait, chaque courbe semblait avoir été dessinée pour attirer l'œil, sa peau claire semblait avoir la douceur du satin. Et cette lueur mutine qui faisait briller ses grands yeux gris…

Je reculai de quelques pas, caché derrière ma caméra, comme s'il ne pouvait plus me voir ainsi, et m'efforçai de prendre quelques clichés. Il était simplement debout, les bras ballants devant les grandes vitres remplies de lumière, découpant sa silhouette gracieuse. Malgré l'alcool que je venais d'avaler, je sentais ma gorge sèche juste à le regarder. Comme il n'osait plus bouger, je m'efforçai de demeurer professionnel et de l'inciter à se détendre.

- Relaxe, d'accord? Tu peux peut-être t'appuyer contre un mur? Ou bien…

- Ici?

Il fit quelques pas vers le poteau métallique qui se trouvait près de moi, au milieu du loft. Je déglutis difficilement et reculai de quelques pas pour avoir plus de latitude. Les bras au-dessus de la tête, les mains accrochées au poteau, il tournait la tête vers moi. Son corps était cambré, la pose était artistiquement plaisante et je me remis dans la peau du photographe, repoussant le désir pour me concentrer sur ce que je faisais. Alors que les clics s'enchaînaient les uns aux autres, je ne pus m'empêcher de remarquer, à travers l'objectif, que son sexe était en train de se tendre sous mes yeux. Je priais pour qu'il réussisse à calmer ses ardeurs ou qu'il décide soudainement de partir. Mais il ne bougea pas et son sourire devint aguicheur. Je m'efforçai d'ignorer un moment l'érection qu'il portait fièrement, continuant de prendre quelques photos hésitantes. Puis, dans le viseur de l'appareil, je le vis approcher vers moi. J'eus tout juste le temps de baisser ma caméra pour recevoir ses lèvres sur les miennes. D'un geste, il repoussa mon appareil-photo pour se plaquer contre mon torse, sa langue glissant entre mes lèvres pour venir caresser gentiment la mienne. J'avais le souffle coupé, les mains encore suspendues en l'air, le cœur prêt à éclater.

Il quitta mes lèvres et ignora mon air choqué, un sourire goguenard sur les lèvres. Il me retira doucement mon appareil-photo, le posa sur la table basse et revint se coller à moi, ses mains glissant sous mon pull, sa bouche cherchant avidement à goûter la peau de mon cou. J'échappai un gémissement qui fit vibrer ma gorge contre ses lèvres. Son érection ne mit pas longtemps à réveiller la mienne et pour ne pas qu'il le remarque, je le repoussai fermement.

- Qu'est-ce que tu fais, Derek?

- Allez… Vincent… Tu n'en as pas envie?

Avant que je n'aie le temps de l'en empêcher, ses doigts frôlèrent mon sexe tendu et je soupirai bruyamment.

- Ta chambre est là-haut?

- Oui…

Il me prit par la main et me tira doucement jusqu'à l'escalier. Je le suivis docilement. Il ne semblait pas gêné le moins du monde d'être nu devant moi, les muscles de ses fesses ondulant à chaque pas devant mes yeux. Je me sentis gêné en entrant dans la chambre. À côté du rez-de-chaussée luxueux, ma chambre faisait plutôt pâle figure. Les murs étaient un peu défraîchis, le lit très modeste. Une seule lampe éclairait la pièce, posée simplement sur une vieille commode. Je vivais déjà au-dessus de mes moyens sans devoir en plus rénover la chambre. De toute façon, ma clientèle ne montait jamais jusqu'ici et mes amants se foutaient royalement de la décoration. C'était bien la première fois que je confondais les deux.

Derek me tira de mes réflexions futiles en me plaquant contre le mur de béton. S'attaquant à nouveau à mes lèvres, il se mit en devoir de me dévêtir. Lorsque mon pull vola à travers la pièce, j'attrapai ses hanches et le pressai contre moi, reprenant un peu le dessus. Mes doigts s'enfonçant sans douceur dans sa peau, je cherchai sa langue de la mienne avec ardeur. Je tentai d'inverser nos positions pour le coincer entre le mur et moi, reprenant les choses en main. Mais dès que son dos entra en contact avec le mur, il me poussa violemment sur le matelas et entreprit de me retirer mon pantalon. Dévoilant enfin mon érection, il me regarda avec envie et se jeta sur moi. Ses jambes le long des miennes, ses mains sur mon corps, sa bouche sur la mienne me rendaient fou de désir. À nouveau, je le fis pivoter pour me retrouver au-dessus de lui, l'attrapant par la nuque pour approfondir le baiser. Mais l'instant d'après, il était de nouveau au-dessus de moi.

C'est à ce moment précis que je compris qu'aucun d'entre nous n'avait l'habitude d'être passif. Je faisais toujours attention de sélectionner mes partenaires, mais là, j'avoue que je n'avais pas prévu le coup. Non seulement j'avais plusieurs années de plus que lui, mais j'étais aussi plus grand, plus large; j'étais le photographe et il était le modèle. Il me semblait logique qu'il se soumette à moi. Un peu plus violemment pour faire passer le message, j'inversai à nouveau nos positions, sans interrompre le baiser. Je m'agenouillai au-dessus de lui, serrant ses hanches entre mes cuisses. Mes mains écrasaient ses épaules contre le matelas, l'immobilisant au-dessous de moi, et un sourire triomphant étira mes lèvres. Il se débattit plutôt férocement, enfonçant ses ongles dans la peau de mes avant-bras, soulevant violemment les hanches, cambrant le dos, comme un chat en colère. Et le petit diable réussit à me faire basculer sur le côté.

Parce que je m'étais agenouillé au-dessus de ses hanches, je me retrouvai les genoux relevés, son bassin entre mes cuisses écartées. Ses doigts qui avaient griffé mes avant-bras s'étaient refermés autour de mes poignets, qu'il tenait fermement sur l'oreiller au-dessus de ma tête. D'un seul coup, tous les muscles de mon corps se relâchèrent. Notre combat avait eu quelque chose qu'on aurait pu qualifier d'animal. Et je venais de me soumettre.

Je me sentis fondre lorsque Derek recommença à embrasser doucement mes lèvres, relâchant un peu la poigne de ses mains autour de mes poignets. Après l'agressivité de notre lutte, il se faisait doux et tendre. Il bougeait presque imperceptiblement les hanches, son érection frôlant la mienne dans un supplice presque insoutenable. Un soupir passa mes lèvres malgré moi et il se redressa pour me regarder dans les yeux. Son sourire en coin était diablement sexy. Il y avait dans ses yeux gris cette lueur gourmande que je commençais à mieux comprendre. Sa voix brisa le silence, chaude et un peu rauque, et je me sentis frémir.

- Tu as un condom?

- Dans la commode… Tiroir du haut, à gauche…

- Tu ne bouges pas, hm?

Il me lança un regard appuyé avant de se lever. Son sourire semblait amusé. Pendant qu'il farfouillait dans le tiroir de ma commode, je ne bougeai pas, les cuisses écartées. Sa domination m'avait rempli de désir et j'attendis langoureusement qu'il revienne se poser sur moi. Je le vis déchirer l'enveloppe avec ses dents et glisser le préservatif sur son sexe gonflé, sans me quitter des yeux. Je frissonnais d'impatience. Puis il revint se placer au-dessus de moi, collant son torse contre le mien pour embrasser mes lèvres. Lorsqu'il interrompit le baiser, je rougis en le voyant porter ses doigts à sa bouche pour les lubrifier. Sa main disparut entre nos deux corps et je fermai les yeux. Je me crispai lorsque ses doigts glissèrent à l'intérieur de moi.

- Tu es magnifique, Vincent…

J'ouvris les yeux et lui souris, séduit par la douceur de ses paroles et l'assurance de ses gestes. Il toucha un point sensible en moi et j'étouffai un gémissement qui sembla réveiller son désir. La main qui retenait encore mes poignets alla rejoindre la première. Son poids reposait entièrement sur mon torse, son visage s'était perdu dans le creux de mon cou, sa bouche caressant et mordillant mon trapèze. D'une caresse ferme derrière mon genou, il me souleva une jambe et l'autre suivit automatiquement. Mes pieds se refermèrent sur ses fesses. Mes mains, enfin libres, descendirent pour caresser les cuisses agréablement pressées contre les miennes. Les doigts à l'intérieur de moi se retirèrent, me laissant une sensation de vide qui fut vide remplacée par son sexe tendu. Je gémis alors qu'il me pénétrait lentement, ses lèvres posaient de petits baisers dans mon cou, comme pour faire pardonner la douleur qu'il m'imposait. Il commença un mouvement de va-et-vient suave et je me perdis en soupirs et murmures incompréhensibles. La douleur avait fait place à une sensation tout simplement délectable. Contre la peau de mon cou, je pouvais sentir qu'il souriait.

Ses coups de reins accélérèrent, mes soupirs devinrent des gémissements. Son coude se posa sur le matelas à côté de moi et il se souleva un peu. Ses yeux s'accrochèrent un moment aux miens, puis il vola à nouveau mes lèvres. Sa langue caressait la mienne, mes gémissements se perdaient dans sa bouche et bientôt je ne pus différencier quels sons étaient les miens. Il se cambra en atteignant l'orgasme, son ventre brûlant appuyant fermement contre mon sexe, et je faillis jouir à ce simple contact. Son corps retomba lourdement sur le mien et son visage disparut à nouveau dans mon cou, son souffle précipité réchauffant ma peau. Après quelques secondes de récupération, il se retira et se hâta de combler la sensation de vide en refermant ses lèvres autour de mon érection. En quelques minutes à peine, la succion et les coups de langue experts vinrent à bout des derniers remparts à mon plaisir, et je jouis dans un cri qui ne me ressemblait pas. Il revint se lover contre moi et je l'entourai de mes bras, m'abandonnant complètement à la sensation de bien-être qui m'envahissait.

Nous sommes restés longtemps ainsi, blottis l'un contre l'autre, laissant notre respiration et les battements de nos cœurs reprendre un rythme normal. Lorsqu'il remua pour se lever, j'eus envie de le retenir plus longtemps contre moi, mais je ne fis aucun geste. Je me contentai de l'observer en silence, ses muscles fins qui bougeaient sous sa peau alors qu'il se levait, le sourire tendre sur ses lèvres lorsqu'il se retourna vers moi. Et je lui souris à mon tour, me forçant à m'asseoir pour enfin émerger de cette douce torpeur. Il me lança mes vêtements au visage et je les évitai en riant. D'un bond, je me levai et le plaquai contre le mur de béton, là où nos ébats avaient commencé. Je retins ses poignets au-dessus de sa tête comme il l'avait fait pour moi et remarquai à nouveau cette lueur qui brillait dans son regard. Sa bouche se tordit en un sourire moqueur et il me vola un furtif baiser.

- La prochaine fois, Derek, tu ne m'auras pas si facilement.

- Ah? On verra bien…

Cette promesse implicite d'une « prochaine fois » me fit chaud au cœur et je relâchai ses poignets avec un sourire. Pendant que je me rhabillais, il descendit au rez-de-chaussée en faire de même. Je le rejoignis au moment où il refermait son pantalon sur le caleçon noir. Ses cheveux étaient en bataille. J'embrassai rapidement ses lèvres et lui tendit ma carte d'affaires avec un sourire sûr de moi.

- Tes photos seront prêtes dans une semaine. Passe les prendre quand tu pourras.

- Même heure, même poste… Merci.

Sa main glissa dans mes cheveux et s'attarda sur ma nuque. Avec un dernier chaste baiser, il s'éloigna de moi pour attraper son sac de vêtements et se diriger de lui-même vers la porte coulissante du loft. Avant de sortir, il me regarda une dernière fois avec cet éclair de gourmandise dans les yeux. Comme lorsque nous étions plus jeunes, mon cœur rata un battement. Le petit diable disparut derrière la porte et pour une fois, je me sentis pressé de le revoir.