Salutations, mes gens ! Voici le dernier chapitre de cette histoire. J'espère qu'elle vous aura plu jusqu'au bout, et je tiens à vous dire merci pour votre soutien, pour vos reviews, fav, alertes... C'est fou que ça fait plaisir ! :D
Avant de commencer, let's ràr !
Obscura : merci pour tes reviews ! Oui, Law est un enfoiré :D mais je l'aime, hoho.
Plume d'ange : aah, la romance sucrée sirupeuse... j'essaye d'éviter quand c'est possible... (mais bon y'a des fois où c'est pas possible. XD)
Kat : thanks ! La voici :D
Kayumi : oui, Joshua souffre... hohoho *aime faire souffrir ses persos XD* 'nyway, merci ! :3
Incandescent : c'est moi qui te remercie :D
Cmoa : Keep cool xD je fais pas durer la torture, je te fournis ça de suite. :3
Catsumi : oh xD J'avais jamais osé l'appeler Gaby. XD Sinon je suis d'accord sur Jorge, mais à force il doit être un peu lourd sur les bords. XD
Merci encore à toutes (et à tous ?) !
Titre : Blind Hatred
Auteur : Sana
Rating : T
Note : rendus à ce chapitre, vous devez le savoir, mais on n'est jamais trop prudents... Cette fic parle d'homos, donc ben, homophobes s'abstenir. Gabriel, Joshua, Lawrence et toute la troupe sont des personnages qui nous appartiennent à moi et mes amies rpg-istes Jyô et Hachi.
Voilà, bonne lecture !
.oOo.
Il restait deux semaines avant le bac, et c'était le sujet qui revenait le plus souvent dans la cour de récré ou dans la classe, entre deux cours. Tout le monde commençait à flipper un bon coup à propos des révisions et des épreuves, sauf Gabriel, qui était certain de l'avoir, Joshua, qui était certain de le rater, et Louis, qui préférait dormir plutôt que d'émettre une opinion sur le sujet.
Pourtant, au lieu de se plonger dans des livres ou des fiches de révision, la plupart des élèves préféraient passer les cours qui sautaient – et ils étaient nombreux – à jouer aux cartes, ou à se faire bronzer sur un banc au soleil. Gabriel, lui, était assis dans sa classe avec ses amis, près de la fenêtre, où il pouvait rêvasser en regardant dehors, et en écoutant passivement la conversation de Paul et Jorge qui portait sur le sujet d'histoire du bac blanc qui avait eu lieu en février.
- Franchement, les Borgia, c'était de la merde ! J'ai eu 1,5 ! Et encore, simplement parce que j'avais fait une jolie calligraphie pour mon nom.
- Pas mieux pour moi... Tu te souvenais qu'il était pape, le père Borgia ? Alexandre VI... N'importe quoi...
- Comme ça au moins, tu l'as retenu, fit remarquer Maxence.
Gabriel regardait les feuilles du saule pleureur osciller silencieusement dans le vent, perdu dans ses pensées – ça faisait deux mois que Lawrence était entré dans sa vie, et ces deux mois lui avaient paru plus longs que ses trois années de lycée en entier. Il n'avait toujours pas réussi à se décider entre la sécurité et la liberté, et ça avait eu une influence considérable sur son humeur – il avait toujours les nerfs à vif, et il s'énervait beaucoup plus rapidement qu'avant ; les gens s'amusaient à dire qu'il avait échangé son caractère avec celui de Joshua, qui était devenu sombre et silencieux.
Depuis la fois où ils s'étaient violemment heurtés dans le couloir, ils ne s'étaient plus reparlé, mais le brun avait recommencé à lever les yeux vers lui, parfois. Son regard noir avait toujours la même expression indéchiffrable, et c'était irritant – mais c'était un progrès tout de même.
Sauf que ce n'était pas encore assez.
Oh, Gabriel pouvait bien tout mettre sur le dos de Lawrence, il était un connard de la pire espèce, lui aussi (la vraie victime, là dedans, c'était Joshua, au fond, qui avait dû tout subir sans avoir rien demandé), par conséquent, il était normal qu'il récolte ce qu'il avait semé : mais dans son égoïsme, il aurait aimé avoir plus que des regards.
Joshua lui manquait.
Pas seulement le côté sexuel ; même ses provocations lui manquaient. Leurs disputes, qui avaient alimenté le quotidien de trois années de lycée, avaient disparu du jour au lendemain – même à présent, Gabriel ne s'y était toujours pas habitué. Il s'attendait toujours à recevoir une pique méchante de la part de Joshua, ou bien à entendre un "blondinet" moqueur qui n'augurait rien de bon – avant de se rendre compte finalement que ça ne risquait plus d'arriver...
Encore une fois, il sentit l'habituelle contraction de son estomac – c'était fou comme l'absence de Joshua dans sa vie pouvait créer une douleur physique chez lui. Avant, il n'aurait pas cru ça possible.
Non, il fallait qu'il fasse quelque chose – ça ne pouvait pas durer...
Lorsqu'il se leva brutalement, en faisant racler sa chaise sur le sol, ses amis le regardèrent d'un air étonné, qui s'accrut lorsqu'il dit d'une voix agitée :
- Je vais aller faire un petit tour...
- Gabriel, ça va ? demanda Jorge, d'un air inquiet.
Le blond fit un énorme effort sur lui-même pour se calmer, et répondit plus posément :
- T'inquiète pas. Je vais juste me balader un petit peu.
Jorge le regarda d'un air dubitatif, mais il ne fit aucune réflexion, à l'instar de leurs amis – ces deux derniers mois leur avaient appris qu'il valait mieux ne pas trop poser de questions à Gabriel. En silence, celui-ci s'éloigna de la fenêtre, et dès qu'il fut sorti de la pièce, il se mit à courir le plus rapidement possible à travers les couloirs, le cœur tambourinant dans sa poitrine.
Ça n'avait peut-être aucun sens, et en plus, sûrement que la porte serait fermée... mais il fallait qu'il aille voir. Il fallait qu'il entre dans ce cagibi, parce qu'au fond, c'était le seul endroit où il pouvait venir se replonger dans l'ambiance de l'ère Joshua Lasheras... Il serait sans doute capable de faire le point, là-bas.
Lorsqu'il arriva devant la porte, il fut obligé de s'arrêter et de rester immobile pendant trois bonnes minutes pour reprendre son souffle – et se préparer psychologiquement à replonger dans l'océan de ses souvenirs sulfureux.
Sa respiration avait repris un rythme régulier lorsqu'il posa la main sur la poignée, mais son cœur continuait à battre de façon totalement désordonnée dans sa poitrine, et il eut un petit haussement d'épaules dédaigneux – il stressait ! C'était d'un débile. Il était juste sur le point d'ouvrir la boîte de Pandore, il était sur le point de revivre l'une des périodes les plus étranges de sa vie ; mais ça ne valait certainement pas la peine de se monter le bourrichon pour ça.
Sa main était posée sur la clenche depuis déjà deux bonnes minutes, et il n'avait toujours pas fait un geste pour l'ouvrir, comme paralysé par le trac – finalement, un bruit de pas lointain, des talons aiguilles de fille, sans doute à l'étage en dessous, l'incitèrent à se dépêcher, et il fit tourner la poignée.
Pas besoin de clé – c'était ouvert.
Il faisait noir dans le cagibi, mais l'odeur qui assaillit Gabriel était toujours la même, et il sentit son ventre se contracter avec la même douloureuse excitation que lorsqu'il y venait, traîné par Joshua, pour y passer un petit moment de paradis entre deux cours.
Dieux qu'il avait été bête de renoncer à ça pour sa simple sécurité... C'était un marché de dupes.
Un énorme soupir lui échappa, et il tâtonna pour trouver l'interrupteur dans le noir – mais ses doigts frôlèrent quelque chose de chaud, et son corps se figea instantanément, paralysé par la peur.
Son esprit tentait vaguement d'analyser ce que la source de chaleur pouvait être – prise électrique en surchauffe, bouche d'aération ou autre ? Non, il savait bien, d'instinct, que ce n'était pas ça.
Simplement, il n'était pas seul dans l'obscurité, et ses doigts venaient de toucher un tee-shirt porté par quelqu'un.
Et il ne connaissait pas trente-six mille personnes qui auraient aimé venir se réfugier dans ce cagibi.
- J...
Une pression sur ses doigts le fit taire – le cœur tambourinant comme jamais, il sentit d'autres doigts se mêler aux siens, puis s'enrouler autour de son poignet avant de le tirer doucement dans le noir. Une main sortie de nulle part effleura ses cheveux, puis les doigts caressèrent l'oreille et remontèrent le long de la mâchoire, doucement, jusqu'au menton.
Même s'il l'avait voulu, Gabriel n'aurait pas été capable de faire le moindre geste – les doigts effleurant sa joue, retenant son poignet, et l'odeur de Joshua, qui flottait dans l'air, lui ôtaient toute faculté de réaction.
La main lui fit lever légèrement le menton, et le blond sentit l'haleine de Joshua se mêler à la sienne, mais ses lèvres restaient hors de portée. Il ne pouvait que profiter de son odeur, qu'il avait l'impression de retrouver après trois siècles d'absence, et ce ne fut qu'à ce moment là qu'il réalisa avec quelle ampleur le brun lui avait manqué.
Il tendit timidement sa main libre devant lui, et ses doigts rencontrèrent un obstacle de tissu et de chaleur, en face – ils les fit glisser doucement sur la surface du tee-shirt, et put déterminer plus ou moins à quelle distance de lui se trouvait Joshua et comment il était tourné par rapport à lui – visiblement, le brun était en train de lui faire face. Ses doigts glissèrent sur le côté de son ventre, et retombèrent vers sa hanche, qu'il sentait légèrement saillir sous le tissu.
Cette main posée sur la hanche de Joshua permit à Gabriel de se rendre compte du moment où le brun réduisit à nouveau la distance entre eux en faisant un pas de plus – ses lèvres étaient si proches maintenant que Gabriel pouvait presque les toucher, il pouvait sentir son propre souffle rebondir sur les lèvres d'en face – le tout dans un silence presque absolu, seulement entrecoupé de bruits de doigts qui glissaient sur le tissu, et de deux souffles erratiques et agités qui s'entremêlaient.
Finalement, Joshua fit disparaître le reste d'espace qui les séparait, et leurs lèvres qui se frôlèrent doucement donna à Gabriel l'impression qu'une main tenace avait agrippé son cœur pour l'écraser.
Ils s'étaient embrassés extrêmement souvent pendant leur rapide relation, mais ça avait été à chaque fois passionné et torride, et c'était la première fois que Gabriel expérimentait un baiser du genre avec Joshua – il n'aurait pas cru que quelque chose d'aussi tendre puisse bouleverser aussi fort. Ses doigts glissèrent doucement dans le creux des reins du brun, tandis que celui-ci faisait disparaître l'une de ses mains dans les cheveux de Gabriel, et que l'autre tenait toujours son poignet légèrement. L'absence totale de paroles entre eux rendait la scène totalement irréelle, et Gabriel espérait qu'il n'allait pas se réveiller dans son lit pour découvrir que ça n'avait été qu'un rêve.
Non, les lèvres de Joshua faisaient partie d'une réalité tout à fait tangible. Elles ne se contentaient plus de le frôler, maintenant, et s'emparaient franchement de siennes – ce qui était loin de lui déplaire.
Il n'avait rien perdu de son talent en deux mois. Rien qu'à l'embrasser, Gabriel en avait les jambes qui tremblaient, et il avait déjà envie d'aller plus loin ; quelque chose que Lawrence n'avait pas réussi à lui faire ressentir depuis qu'ils "sortaient ensemble".
Depuis deux longs mois, ils ne s'étaient pas touchés – pas étonnant que la douceur du baiser ne dure pas. Joshua avait lâché le poignet de Gabriel pour l'attirer contre lui, et le blond passa ses bras autour de son cou, tandis que leurs bouches se faisaient de plus en plus pressantes et avides l'une contre l'autre. Il fallait compenser le manque que la rupture avait créé – et quelque part, Gabriel se disait qu'il ne détesterait pas rester comme ça contre lui pour l'éternité.
Puis les lèvres de Joshua quittèrent celles de Gabriel et allèrent se loger dans son cou, et le blond se rappela que c'était une chose qu'il aimait faire quand ils couchaient ensemble – et en sentant des frissons brûlants courir le long de son dos, il se rappela également que le brun n'était pas le seul à aimer ça. Il réprima un gémissement ; quelque chose lui disait que le silence entre eux était sacré, et qu'il ne fallait pas le briser avant le moment opportun.
Il sentit les doigts de Joshua glisser le long de son corps, et déboutonner le bouton du bas de sa chemise – est-ce qu'il avait l'intention de lui faire l'amour là comme ça, dans le noir, sans un mot, et sans aucune explication, aucun éclaircissement à propos de leur conduite passée ? Peut-être qu'il ne voulait pas allumer la lumière, pour ne pas avoir à admettre plus tard que ça s'était réellement produit...
Gabriel n'avait pas envie de ça.
- Joshua, murmura-t-il très bas. Allume la lumière...
- Non, répondit la voix du brun dans son cou, entre deux baisers.
- Je veux te voir, insista Gabriel. Je veux te voir...
- Tu ne m'as jamais vu, répliqua Joshua, toujours à voix très basse.
Surpris, Gabriel cligna des yeux, mais la phrase n'avait aucun sens pour lui – comment ça, "il ne l'avait jamais vu" ?
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? Je ne t'ai jamais vu...?
- Tu ne m'as jamais regardé, rectifia Joshua. Tu n'as jamais fait attention à moi.
- Qu'est-ce que tu racontes, bien sûr que si, je...
- Chut, coupa Joshua. Ça n'a plus d'importance, maintenant.
Un milliard de questions se bousculaient dans la tête de Gabriel, mais il ne put les formuler, car le brun le réduisit au silence en capturant ses lèvres à nouveau, et... eh bien, c'était dur de se dégager d'un tel baiser simplement pour poser des questions. Les doigts de Joshua continuaient à déboutonner sa chemise, en partant du bas, et Gabriel sentait confusément que s'il le laissait faire sans avoir des réponses d'abord, tout ça ne partirait pas dans la direction qu'il voulait ; aussi mit-il fin au baiser et au geste de Joshua, en attrapant son poignet.
- Attends, haleta-t-il, à bout de souffle à cause du baiser. Explique-moi... Je veux comprendre...
- Le problème, c'est que tu n'as jamais rien compris, depuis le début.
Ce n'était pas un reproche, mais une constatation, prononcée sur un ton calme, et sa phrase rappela à Gabriel la discussion qu'il avait eu avec Jorge, au Devil's Nest, quelques temps auparavant.
T'es intelligent, mais t'es pas une flèche.
C'est peut-être plus qu'une simple histoire d'orgueil blessé...
Ça ne t'est jamais venu à l'idée qu'il était peut-être amoureux de toi ?
- Joshua...
Le brun laissa retomber sa main – bon gré mal gré, il était entré en mode parlotte.
- Tu sais quoi, Gabriel ?
Sa voix était froide, mais ce qui choqua le plus le blond, ce fut l'emploi de son prénom – de mémoire, Joshua l'avait toujours insulté ou appelé blondinet, mais son prénom n'avait jamais franchi ses lèvres.
- Quoi...? demanda Gabriel prudemment – quelque chose dans l'attitude de Joshua n'augurait rien de bon pour la suite.
- Tu n'as jamais prononcé mon prénom au moment de l'orgasme.
Ce n'était pas ce à quoi s'attendait Gabriel, et il laissa passer un moment de silence stupéfait avant de répondre :
- Mais... toi non plus...
- Évidemment, grinça le brun. J'allais pas appeler ton prénom alors que toi, tu te moquais bien de savoir avec qui tu couchais...
- C'est pas vr–
- Si, c'est vrai ! coupa Joshua. Si t'avais trouvé un meilleur coup que moi entre temps, tu m'aurais aussitôt laissé tomber. Ose dire que c'est faux.
- Je...
Quelque part, il n'avait pas tort – mais il n'était pas tout à fait dans le vrai non plus.
En fait, c'était tellement flou que Gabriel n'arrivait pas à savoir lui-même. Peut-être qu'au début, c'était le cas, en effet, mais maintenant, il ne voyait plus les choses de la même manière...
- Alors je peux dire pareil pour toi, répliqua Gabriel dans une tentative de contre-attaque. Toi aussi, tu m'aurais laissé tomber pour un meilleur coup.
- Non.
La voix de Joshua était sèche, et Gabriel frissonna lorsqu'il réalisa qu'il n'y avait pas que de la colère dans ses paroles – il y avait surtout de la douleur. Beaucoup.
- Je ne t'aurais pas laissé tomber pour un meilleur coup, reprit Joshua d'une voix rauque. Je n'aurais pas pu le trouver. Tu n'étais peut-être pas le plus doué, mais tu étais le meilleur que j'aurais jamais pu avoir. Je t'aimais...
Gabriel se demanda rapidement si le sentiment d'horreur qu'il ressentait était dû à la déclaration ou à l'emploi du verbe au passé. Devant son silence figé, Joshua reprit :
- Visiblement, tu t'en es jamais rendu compte... Je suppose que ça veut dire que tu n'es pas totalement un connard.
- Tu m'aimais...
- C'était pas faute d'avoir essayé de te le faire comprendre, pourtant. J'arrêtais pas de te provoquer, et j'avais envie de toi à chaque heure de la journée... et peu importe combien de temps on passait à s'embrasser, j'en avais jamais assez.
- Si tu voulais que je comprenne, il fallait me le dire !
- C'est ça, pour que tu prennes la fuite, terrifié ? Je te connais, tu sais. J'ai passé trois ans à t'observer, Gabriel. T'avouer mes sentiments, ça revenait à te perdre définitivement, alors j'ai préféré rester silencieux. Comme un idiot, je me suis dit que peut-être, si on couchait ensemble... tu finirais par tomber amoureux de moi...
Il eut un rire amusé qui glaça le sang du blond dans ses veines.
- Ce que j'ai pu être con !
Gabriel en était bouche bée – il l'aimait ! Depuis tout ce temps, il l'aimait ? Et lui, il n'avait vraiment rien remarqué... Pas étonnant que Jorge se foute de lui... Mais le pire, dans tout ça, c'était qu'il avait agi comme le plus gros connard que la terre ait jamais porté.
Lasheras, le prof de maths veut que tu lui rendes la clé du cagibi.
Qu'est-ce que ça devait faire, de se faire larguer par la personne qu'on aimait, devant toute la classe, avec cette simple phrase, incompréhensible de n'importe qui d'autre, mais horriblement claire pour le principal intéressé ?
Il aurait aimé dire qu'il était désolé, mais quelque chose dans l'attitude de Joshua l'avertissait que ce n'était pas le bon moment pour des excuses. Le problème, c'était que ce n'était le bon moment pour rien d'autre non plus.
- Le pire, c'est de me dire qu'au fond, je ne peux même pas rejeter toute la faute sur toi. Au début, je pensais vraiment que tu m'avais largué pour ce gars-là, tu vois... Mais Jímenez m'a raconté la vérité, comment il te faisait chanter – j'imagine que c'est toujours le cas, d'ailleurs – et je n'avais plus vraiment de bonne excuse pour t'en vouloir.
La main de Gabriel tremblait, et il s'empressa de refermer son poing pour que ça s'arrête. S'il avait su... s'il avait su que Joshua ressentait ça, bordel, est-ce que ça aurait pu être différent ? Ou est-ce qu'au final, il n'aurait tout de même pas jugé que la possibilité que son père soit au courant méritait d'avoir la priorité sur tout le reste, même sur lui ?
- J'ai rendu les clés au prof, continua Joshua, mais j'ai fait faire un double avant. Je me disais que peut-être... Comme quoi, quand on est con, on est con. Même une fois que c'était devenu clair que tout était fini, je revenais tout le temps ici. T'imagines pas, Gabriel... tu peux pas imaginer le nombre d'heures que j'ai passées ici à t'attendre. J'espérais tout le temps que tu viendrais. J'ai passé plus de temps dans ce cagibi pourave que dans la salle de classe...
Il y eut un long silence à peine troublé par le bruit de leur respiration, et Joshua reprit finalement, en haussant les épaules :
- Ça n'a plus d'importance, maintenant, de toute façon. C'est du passé.
- Mais... t'es là, quand même, objecta Gabriel. Juste maintenant...
Il ne voulait pas entendre de phrases comme celle-là – il ne voulait pas que Joshua lui dise que c'était du passé... Vu le connard qu'il avait été, il ne méritait rien d'autre, sans doute, mais...
- Oui, dit amèrement Joshua. C'est drôle. Quelle coïncidence que tu te pointes juste le jour où je viens faire mes adieux à tous ces souvenirs... Tu serais arrivé une demi-heure plus tard, la porte aurait été fermée.
- Mais tu es encore là, insista Gabriel.
Il y eut un long silence, comme si Joshua n'avait pas entendu sa phrase, mais il finit par répondre, d'une voix presque imperceptible :
- Arrête, Gabriel...
Le tremblement dans sa voix serait peut-être passé inaperçu auprès de quelqu'un, mais Gabriel n'avait que son ouïe pour profiter de lui, et il était à l'affût de la moindre de ses paroles, aussi l'entendit-il clairement.
C'était le signe de l'indécision de Joshua – s'il voulait arriver à quelque chose, il ne fallait pas qu'il laisse passer cette chance.
- Tu m'as embrassé, pourtant...
- J'ai pensé que c'était une illusion, quand j'ai reconnu ta silhouette, quand tu es entré. J'ai voulu essayer, juste pour voir si c'était vrai...
- Mais tu n'as pas arrêté quand tu as compris que ça l'était ! insista Gabriel. Tu as encore envie de moi... Non ? Tu m'aimes encore...
- Non, soupira Joshua. Laisse tomber, Gabriel. Ça ne sert plus à rien, maintenant. Et puis, tu t'amuses bien avec ton Lawrence chéri, pas vrai ? Vous devez vous éclater au pieu, et en plus t'as la garantie qu'il ne dira rien à personne. Je ne sais pas si tu t'en rendais compte, mais j'aurais pu faire ça, moi aussi. J'aurais pu tout révéler, ou te faire chanter... Et je l'ai pas fait. J'aurais dû.
- Je ne m'éclate pas avec lui, marmonna Gabriel. On n'a même pas couché ensemble...
Cette fois, l'absence de réaction du brun lui fit comprendre qu'il avait marqué un point.
- Comment ça se fait ? demanda Joshua après un long moment.
Il parlait calmement, mais Gabriel, aux aguets, entendit à nouveau sa voix trembler de façon presque imperceptible.
- ... Je voulais pas, avoua-t-il avec une pointe de réticence. J'ai pas voulu coucher avec lui... C'était juste... pas possible, après ce qui s'était... passé...
Sa voix mourut dans l'obscurité du cagibi, et le silence, dans le noir, paraissait s'étendre à l'infini – sans doute parce qu'il ne pouvait pas voir Joshua.
- Putain, Gabriel, finit par lâcher celui-ci, d'une voix pleine de colère contenue, t'es vraiment un enfoiré. Tu m'ignores pendant des années, et puis tu profites de moi, tu me largues comme une vieille chaussette puante, tu te mets à sortir avec un autre mec juste sous mon nez, et juste comme je décide enfin de passer à autre chose, tu te pointes avec la bouche en cœur et tu me dis ce genre de trucs ? Mais pour qui tu te prends, bordel ?!
Le local semblait trop petit pour absorber l'étendue sa colère, et le silence qui suivit son éclat avait l'air d'un silence de fin du monde. Gabriel se recroquevilla presque inconsciemment, la gorge tellement nouée qu'il avait du mal à respirer. Il fallait qu'il prenne une bonne inspiration, pourtant, parce que ce n'était pas le moment d'avoir les larmes aux yeux – même si, de toute façon, Joshua ne le verrait pas. C'était tant mieux, d'ailleurs ; il ne voulait pas qu'il le méprise encore plus que ce n'était déjà le cas.
- Désolé, finit-il par murmurer d'une voix qui montrait son trouble bien mieux que toutes les larmes du monde. Désolé...
Ce fut tout ce qu'il arriva à prononcer avec que sa voix ne se brise sur la dernière syllabe – et il se maudit, parce que c'était clairement audible, et que ça n'avait pas pu échapper à Joshua. Il fit un pas en arrière, et chercha à tâtons la poignée de la porte, mais le brun, qui n'avait pas loupé non plus le raclement de ses chaussures sur le sol, fut plus rapide à l'attraper que Gabriel à trouver ce qu'il cherchait.
- Tu t'enfuis encore, gronda-t-il sur un ton accusateur.
- Je vois pas ce que je pourrais faire d'autre ! s'exclama Gabriel, d'une voix trop aigüe pour paraître vraiment naturelle.
- En fait, t'es simplement un trouillard, continua Joshua. T'as peur de tout. T'as peur que ton père découvre que tu te tapes des mecs, t'as peur de mes sentiments, t'as peur qu'ils aient disparu... Non seulement t'as peur, mais en plus tu sais même pas ce que tu veux. C'est vraiment le combo qui tue.
- Pourquoi tu me retiens, alors ? Laisse-moi avoir peur tout seul !
- Et qu'est-ce que tu vas faire ? Tu vas rester comme ça toute ta vie ?
Le brun tira brutalement sur son poignet pour le ramener à lui, et Gabriel atterrit le nez dans son cou, alors que Joshua refermait ses bras autour de lui comme pour l'emprisonner.
- Gabriel, dans la vie, y'a plus grave que de faire son coming-out, bordel... Tu vois au moins, t'as des parents pour te soutenir ou t'engueuler – moi, ma mère était une prostituée qui s'est barrée quand j'étais gosse, et mon père est un alcolo qui se souvient à peine de comment je m'appelle. Ok, tout le lycée apprend que tu couches avec moi ; et après ? Qu'est-ce qu'on en a à foutre ? Qu'est-ce qui leur permet de juger ? Ok, ton père en vient à le savoir, tape un scandale et t'expulse de chez lui : aucun problème, on prend un appart à deux, et c'est réglé, t'es plus à la rue !
- Ça a l'air si facile, dans ta bouche, répondit Gabriel, pensif.
- Ça l'est ! insista Joshua. Laisse tomber ce connard de Lawrence... en plus, c'est même pas dit qu'il mette sa menace à exécution. Perso, je le crois trop trouillard pour oser faire un truc pareil. Il s'imagine que tu ne le quitteras jamais, et le jour où tu le feras, il se retrouvera bien baisé parce qu'il ne pourra rien faire. Largue-le, bordel...
Gabriel resta silencieux – au fond, il avait raison. Ça ne durerait pas toute la vie, de toute façon, il n'y avait qu'à voir la façon dont il s'irritait dès qu'il recevait un message, fut-il totalement anodin, de la part de Lawrence. Ce type l'exaspérait, et il répugnait à le voir ; il était plus que temps que toute la mascarade se termine.
- Mais...
- Mais quoi ? coupa Joshua, agacé.
- ... Tu m'aimes encore ?
- Ça te fait encore peur, c'est ça ? Tu vas prendre la fuite ?
- Non. Réponds-moi...
- Je t'aime encore... oui. Quelle question... On n'efface pas trois ans de misère juste parce qu'on en a envie, crétin. Est-ce que j'ai l'autorisation d'espérer que si tu me demandes ça, ça veut dire que tu m'aimes aussi ?
- Est-ce que je t'aime...? murmura Gabriel, pensif. Je ne sais pas. Oui. Je ne vois pas ce que ça pourrait être d'autre, sinon.
Il leva la tête vers là où devait se trouver le visage de Joshua, et posa doucement sa main sur son visage pour en situer les traits, avant de tendre les lèvres pour frôler celles du brun.
- Tu m'obsèdes, murmura-t-il. Tu campes dans mes pensées à tout bout de champ. Jorge en a marre, parce que dès qu'on est à deux, tu es le sujet qui revient toujours sur le tapis.
- Mmh, marmonna Joshua, l'air pensif. Je suppose que ça veut dire que tu m'aimes, en effet.
Sa voix formait un vrai contraste avec celle qu'il avait encore quelques minutes plus tôt – toute trace de lassitude avait disparu.
- Quand tu m'ignorais, connard... j'avais envie de hurler pour que tu me regardes enfin.
- Ah, ben comme ça tu comprends un peu ce que j'ai subi pendant tout le lycée, enfoiré.
- Ça va, hein, si tu me disais pas, je pouvais pas deviner... Crétin.
- C'était de ma faute. J'aurais pas dû m'enticher d'un arriéré du bulbe...
- Je t'emmerde, sale fiente pourrie !
- Belle originalité, répondit Joshua avec un sourire dans la voix.
- Oui, j'essaye de renouveler le répertoire pour que tu ne te lasses pas d'entendre toujours les mêmes...
- Je te l'aurais dit avant, si c'était le cas.
Il resserra sa prise autour de Gabriel, et murmura dans le creux de son oreille :
- Maintenant qu'on s'est copieusement insultés, on peut passer à notre autre activité préférée ?
Il ne laissa pas le temps à Gabriel de répondre et le poussa contre le mur avant de s'emparer de ses lèvres.
De toute façon, le blond n'avait aucune objection.
.oOo.
Contre toute attente, Lawrence n'eut pas l'air franchement surpris quand Gabriel lui annonça que c'était fini.
- Alors t'as vraiment fini par le faire, grogna-t-il. T'as décidé de me quitter...
- Ouaip.
Il n'était toujours pas certain d'être psychologiquement prêt à se prendre une rouste de la part de son père pour délit d'homosexualité, mais tant pis, c'était comme ça, et il ne reculerait plus.
- Tout en sachant que je vais tout raconter autour de moi ?
- Oui.
- Tu ne vas pas changer d'avis ?
- Non.
- T'as couché avec Joshua ?
- ... Oui.
- Putain, cet enfoiré, grinça Lawrence, furieux. Alors, tu préfères retourner avec lui plutôt que de rester avec moi et d'assurer ta sécurité...
- C'est ça.
- ... C'est si bon que ça, le sexe avec lui ? Non, ne réponds pas. Ça va m'énerver.
Gabriel resta donc silencieux, mais le petit sourire qu'il ne put empêcher de faire naître sur ses lèvres arracha à Lawrence une grimace de dégoût.
- Je hais ce type...
- Il te le rend bien, assura Gabriel calmement.
- Et j'imagine que toi aussi.
- C'est vrai, admit le blond, mais c'est uniquement de ta faute... J'aurais pu t'apprécier si tu ne m'avais pas emprisonné dans tes combines. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même...
Lawrence fit claquer sa bière sur le bois de table, en faisant sursauter les occupants des tables voisines – le Devil's Nest : il fallait croire que c'était réellement une plaque tournante des relations humaines... du moins, l'autre plaque tournante, après un certain cagibi poussiéreux.
- Bon... Maintenant que je te l'ai dit, je ne vois pas l'intérêt de m'éterniser, ajouta Gabriel en sortant de la monnaie de sa poche. Tu sais quoi ? Je suis tellement heureux d'être libéré de toi que je vais même te payer ta bière.
- Trop aimable, maugréa Lawrence. T'auras tôt fait de le regretter quand tu verras un article sur toi dans le journal du lycée...
- Ça m'est égal, répondit Gabriel. Ça ne peut pas être pire que ce que tu m'as fait subir, de toute façon.
- À ce point ? demanda Lawrence, pensif.
- Oui, à ce point, répondit Gabriel en se levant. Bon, je ne suis pas en mesure de te dire que je suis content de t'avoir connu, ni de te dire merci pour ce qu'on a partagé, alors... ben, je te dis juste au revoir. Bon courage pour l'article.
- Je ne dirai rien, soupira Lawrence en repoussant son verre de bière d'un geste machinal.
- Pardon ?
- Je ne dirai rien, répéta le brun d'un air agacé. C'était juste du bluff. T'as tenu deux mois, et j'en suis le premier surpris... Donc non – ton secret ne sera pas encore éventé.
Gabriel le fixa un long moment, avant de dire :
- Donc j'ai vraiment perdu deux mois de ma vie avec toi pour rien. Je ne sais pas si je dois te remercier de ne rien dire ou si je dois te balancer mon verre à la tronche.
- Tu peux t'en prendre qu'à toi de ne pas m'avoir quitté plus tôt, répondit Lawrence en haussant les épaules. Mais bon, ça m'a permis de rester avec toi pendant deux mois... quoi que tu penses, j'étais vraiment amoureux de toi... Enfin, ça sert à rien de le dire juste maintenant, alors bon vent, et éclate-toi bien avec Joshua Lasheras...
Gabriel se força à rester calme – décidément, ce gars aurait réussi à l'irriter jusqu'au bout – et sans un mot, se détourna avant de sortir du bar. L'exaspération disparut dès qu'il fut dehors – dès qu'il fut en mesure de réaliser qu'il était libre, totalement libre, et que non seulement Joshua l'attendait quelque part pour aller fêter ça, mais qu'en plus, Lawrence avait assuré qu'il ne dirait rien, à personne ! Gabriel eut un large sourire et se mit à courir vers l'endroit où l'attendait Joshua, boosté par l'excitation débordante qu'il ressentait.
Lorsqu'il aperçut la silhouette du brun, dans la rue où celui-ci attendait patiemment qu'il ait fini de se débarrasser de Lawrence, il eut l'impression que son cœur était écrasé par l'émotion.
- Joshua ! s'exclama-t-il, toujours en courant vers lui.
L'interpelé redressa la tête vivement, et en le voyant arriver en courant, un large sourire se dessina sur son visage. Quand Gabriel fut à côté de lui, à bout de souffle, il demanda :
- Alors ? Comment ça s'est passé, raconte ?
- Je suis libre ! s'exclama Gabriel, radieux. T'imagines pas... Ça fait du bien...
- Tu m'étonnes, répondit Joshua, amusé.
- Et il m'a dit que depuis le début, il n'avait pas l'intention de révéler quoi que ce soit...
- Ah ? Putain, j'en étais sûr. Quel connard, ce type.
- Ouais... Enfin, c'est fini, maintenant, je m'en suis débarrassé pour de bon.
Il avait l'impression que d'un coup, tous ses soucis venaient de disparaître – comme si on lui avait enlevé un poids énorme des épaules. Maintenant qu'il ne devait plus le supporter, il en réalisait toute l'ampleur.
Lorsque le brun se pencha vers lui pour l'embrasser, histoire de marquer le coup, Gabriel recula prudemment.
- On est en pleine rue... J'ai pas envie que tout recommence, s'excusa-t-il.
- Y'a personne qu'on connaît, fit remarquer Joshua. Il est dix heures du soir, et on est dans une rue peu fréquentée, parmi le bon millier que cette ville comporte. Ça fait combien de chances qu'on nous calcule, tout ça ?
- Pas beaucoup, admit Gabriel.
- Précisément.
Lorsque Joshua s'approcha à nouveau de lui, Gabriel le laissa faire – après tout, il était trop heureux d'avoir l'occasion de se suspendre autour de son cou, et de le laisser jouer intensément avec sa langue – d'une façon qui lui donnait invariablement l'envie de faire l'amour avec lui séance tenante.
Faire l'amour avec lui.
Et dire que jusque là, il avait toujours utilisé l'expression "coucher avec" pour n'importe qui d'autre... Sortir – sans aucun doute, cette fois-ci – avec Joshua avait amené quelques petits changements dans son vocabulaire.
Enfin, ce n'était pas une mauvaise chose, songea-t-il, satisfait.
De toute façon, rien de ce que Joshua pouvait lui apporter n'était une mauvaise chose...
- Gabriel ? Joshua ? Mais qu'est-ce que vous f....
... À part les ennuis.
Silence.
- ... Oh... putain...
Interloqué, Gabriel tourna la tête vers Paul, qui les regardait d'un air si abasourdi qu'on aurait dit que ses yeux allaient lui sortir des orbites.
Avec un soupir qui ressemblait à celui du Grand Méchant Loup devant la maison des Trois Petits Cochons, Joshua laissa tomber sa tête sur l'épaule de Gabriel.
- Et merde.
*This is the end !*
Merci d'avoir lu jusque là !
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A bientôt pour une autre histoire !