Auteur : sofi
Rating : relation homosexuelle inside
Disclaimer : Les personnages m'appartiennent. Antoine est le petit frère de Charlie, l'héroïne de « Don't go knoking on my door »... il n'est pas essentiel d'avoir lu l'histoire de Charlotte pour comprendre celle-ci. Pour celles et ceux qui connaissent déjà Charlie et Vincent, sachez juste que WYSIWYG se passe environ cinq ans après les évènements de DGKOMD.
Et pour rester dans la continuité, le titre de cette histoire lui est aussi issu de l'album « Oops, I did it again » de Britney.
Nombre de mots : 4637
Note: écrit pour le défi "sex is not the ennemy" lancé par Miya Morana

What you see is what you get

Jour J -251
La colère ne quittait pas Antoine, qui marchait tel un robot pour regagner le parking du supermarché où il avait garé sa voiture. Presque trentenaire, les cheveux châtain coupé très court, il avait une carrure athlétique, mise en valeur par un costume de qualité aux couleurs claires. Ses yeux, banalement marron (d'après lui... mais «avec des morceaux d'étoiles dedans» comme lui disait sa maman quand il était petit) étaient plissés de colère. Puis la colère devint fureur et l'homme se mit à parler à voix haute sans même s'en rendre compte :
-Ça ne te conviens pas? Mais va te faire foutre, espèce de salopard!
Il aurait continué sa litanie encore longtemps si une poigne ferme ne l'avait pas plaqué contre un mur en béton du parking souterrain. Le choc fut assez rude pour lui faire lâcher la veste de costume qu'il portait sur un bras en cette chaude journée de juillet et son attaché-case dont le contenu se répandit sur le sol. Antoine ouvrit la bouche pour protester mais aucun son n'en sorti. Il faut dire que le jeune homme en face de lui n'avait pas l'air commode: une vingtaine d'années, le crane rasé sur les côtés laissant au sommet une crête noire de quelques centimètres, des yeux comme deux morceaux de charbon, la mâchoire crispée. L'inconnu portait un jean usé et un t-shirt kaki qui avait connu des jours meilleurs. Et des chaussures coquées. Antoine pria pour ne pas recevoir de coup.
-J'ai dis "je veux des excuses MAINTENANT".
-Euh... pourquoi?
-Pourquoi?! Tu me bouscules au point de me faire tomber et quand je te fais remarquer que j'aimerai des excuses, tu me dis d'aller me faire foutre... j'ai cassé la gueule à des types moins cons que toi, tu sais...
-Bousculer?... Oh, merde. Je suis désolé. J'étais tellement en colère contre Sebastian que je n'ai pas fais attention.
-Tu te fous de moi?!
-Non. Ma sœur dit que je suis comme le système DOS : complètement mono-tâche...
Après quelques secondes de silence, l'inconnu relâcha Antoine et se mit à rire à gorge déployée.
-Hey! C'est vexant vous savez.» Fit remarquer ce dernier en rajustant sa cravate, avant de lisser d'un geste machinal sa chemise griffée.
Le jeune homme essaya de se ressaisir:
-Tu parlais d'un Sebastian tout à l'heure... Sebastian Ruprecht?
-Oui. Vous le connaissez?
-Deux ans que je bosse pour ce connard.
-Je ne vous ai jamais croisé...
-Personne fait attention aux types qui mettent en rayons... Enfin, je ne vois même pas pourquoi j'ai demandé : tu es clairement son type.
-Son type?
-Jeune, beau gosse et cultivé.
-Je veux bien que vous ayez l'œil pour les deux premiers -en toute modestie- , mais cultivé?
L'inconnu désigna un programme de cinéma parmi les effets qui s'étaient échappés du sac où une séance avait été entouré.
-Je connais pas beaucoup de gens qui aiment voir des films obscurs d'auteurs encore plus obscurs dans un ciné de quartier.
-C'est le Macbeth d'Orson Welles!» S'indigna Antoine.
-C'est bien ce que je dis, mec !» Un coup d'œil rapide à sa montre arracha un soupir au jeune punk «Faut que j'aille pointer, pas envie de les avoir sur le dos. Heureux de t'avoir rencontrer !
-Au revoir.
Alors qu'Antoine s'accroupissait pour ramasser ses affaires, il sourit en entendant l'inconnu déclamer alors qu'il s'éloignait :
-Demain, et demain, et demain! C'est ainsi que, à petits pas, nous nous glissons de jour en jour jusqu'à la dernière syllabe du temps inscrit sur le livre de notre destinée... (1)

Jour J -206
Cela faisait maintenant quatre ans qu'Antoine avait fini ses études de droit international. Comme Berlin lui plaisait, il n'avait pas songé à regagner sa patrie d'origine. Le jeune homme n'avait eu aucune difficulté à trouver du travail, le fait de parler six langues étant un atout dans sa branche.
Dans le cabinet, il s'était très vite lié d'amitié avec Rachel, jeune femme d'origine russe, à la magnifique chevelure rousse et à la langue bien pendue.
C'est avec elle qu'il se promenait dans la ville quand ils croisèrent un groupe discutant et riant devant une librairie. Il reconnu parmi eux l'inconnu du parking et ce dernier le héla avec un grand sourire :
-Hey, mec! Tu peux marcher et parler en même temps!?
Alors qu'Antoine se retournait pour montrer son majeur au jeune insolent, il percuta un lampadaire.
-Et merde...
Rachel se mordit la langue pour ne pas rire, mais ne pu s'empêcher de demander :
-Dis donc, il te fait de l'effet ce garçon... Et tu ne trouves pas qu'il s'entendrait à merveille avec ta sœur sur le plan vestimentaire?
Après un coup d'œil à son inconnu, qui lui souriait façon publicité de dentifrice et qui portait un pantacourt en jean trop large et un t-shirt noir qui proclamait «I FUCK THE SYSTEM (but with condom only!)», Antoine parti dans un long sermon en russe sur le fait de se mêler de ses propres affaires, ce qui fit d'autant plus rire la jeune femme.

Jour J -161
C'est dans une petite boîte gay qu'Antoine avait rencontré Sebastian. La quarantaine, PDG, marié et père de famille respectable, s'il ne se cachait pas pour ses liaisons, celles-ci n'étaient que des liaisons justement.
Antoine savait qu'il avait fait une belle erreur en tombant amoureux de cet homme.
-C'est pire que de tomber amoureux d'un hétéro.» Lui avait confirmé Jöchen, un ami qu'il avait rencontré à son arrivé à Berlin.
Mais aujourd'hui, Antoine avait le cœur léger : Sebastian l'invitait à dîner. C'est donc en souriant qu'il remonta le parking du supermarché, pénétra dans le bâtiment et se dirigea vers les bureaux de l'administration.
Mais il fut stoppé net par une voix qui venait du bureau des comptables :
-OK, je suis PD et j'aime me faire enculer! Mais essayez de me baiser encore une seule fois sur mes horaires et je vous traîne au tribunal!
La porte s'ouvrit avec fracas avant d'être fermée tout aussi bruyamment. Et Antoine se retrouva nez à nez avec son inconnu, habillé beaucoup plus sobrement d'un pantalon noir et d'un sweet de la même couleur au logo du supermarché. Le jeune homme quitta aussitôt son air de serial killer :
-Hey! Ce bon vieux système DOS!
-Cavalcasselle. Antoine Cavalcasselle.
-Hm?
-C'est mon nom.
-Oh! Enchanté! Moi, c'est Loki Makhard.
-Loki? Comme l'Ase (2)?
L'inconnu, qui n'en était plus un, lui sourit de toutes ses dents :
-Oui! Tu es un des rares à ne pas me parler de jeux vidéo ou de Supernatural, tu sais... Mon petit frère s'apelle Freyr et ma soeur ainée Saga.
-Tes parents doivent être quelqu'un!
-Ils ont beaucoup d'humour et une profonde culture celtique. Mais je ne veux pas te retarder...
-Oh, je suis en avance... une mauvaise habitude. Ça se passe mal au boulot?
-Comme d'habitude!» répondit Loki en riant.
-Pourquoi tu ne cherches pas ailleurs?
-Parce que c'est un choix. Je veux travailler ici, pour me rappeler tous les jours contre quoi je me bats.
-Et contre quoi....
Loki eu un geste très large qui englobait tout ce qui se trouvait autour de lui :
-Çà. La consommation, le système qui nous abruti...» Il haussa les épaules «Et puis, ce taf sert quand même à payer le loyer. Et les horaires décalés me laissent le temps de m'investir dans une ONG. Et une petite assos' qui s'occupe des sans-logis du coin.
-Wahou...
-Quoi? J'ai juste envie que mes mômes grandissent dans un monde pas trop pourri.
-Tes mômes? Tu n'as pas dis à l'instant que tu étais homosexuel?
-Et alors? J'ai le droit de vouloir fonder une famille, non?
-Oui, oui. Bien sur!» S'empressa de répondre Antoine devant l'air renfrogné de son vis à vis. «C'est que je vais faire trente ans et que cela ne m'a jamais effleuré l'esprit.
Loki retrouva son sourire et dit, en désignant le fond du couloir :
-Et c'est pas en fréquentant des types pareils que tu pourra de toute façon.
Antoine se lamenta (tout en souriant, ce qui enlevait toute crédibilité à la chose) :
-Oh, non... tu ne vas pas t'y mettre toi aussi...
-File roucouler, beau gosse...» Lui intima le cadet avant de partir. «Et à un de ces jours!»

Jour J -103
Une toute nouvelle année venait de commencer. Emmitouflé dans son épais manteau de l'armée kaki, Loki sorti du vestiaire des employés et se retrouva dans la galerie marchande où la chaleur l'assaillit.
-Après avoir bossé au rayon surgelé toute l'après-midi, t'es bon pour la crève, chéri.» Maugéra-t-il. Pour payer ses études, Loki avait travaillé dans un fast-food, avant d'être magasinier. Il avait tenu sept mois mais la débauche de viande -lui qui était végétarien- … et son gaspillage l'avait fait partir.
Un master d'économie en poche, il aurait pu se trouver un job «costard, cravate et voiture décapotable» mais hey... il n'en avait aucune envie.
L'ONG lui avait proposé en début de semaine un travail à mi-temps... et rémunéré. Il hésitait encore, par conviction et entêtement. Mais une partie de lui trouvait particulièrement jouissif de pouvoir dire tout le bien qu'il pensait de Ruprecht avant de quitter cette foutue boîte.
Alors qu'il avançait en vérifiant l'heure -il ne voulait pas manquer son bus- il lui sembla reconnaître une silhouette familière. Loki ralenti le pas pour mieux regarder l'homme assit à une table d'un des cafés de la galerie.
C'était bien Antoine.
-Hey mec! Qu'est-ce que tu fais dans le temple de la consommation?
Antoine, absorbé par le contenu de la tasse devant lui, leva la tête. Ses yeux étaient rouges et bouffis et il s'essuya rapidement les joues avant de répondre d'une voix cassée :
-Je noie mon chagrin dans un chocolat chaud.
-Vu ton état, je pense qu'il te faut quelque chose de plus fort...
-Deux chocolats chauds?
-J'aurai dis une infusion de camomille...
-Crétin...
-Tu veux en parler?
Antoine lui tendit son téléphone portable :
-Il n'y a pas grand'chose à dire.
Loki lu :

Sébastian à 10h03 :
C'est terminé.

Toine à 10h12 :
Quoi? Je ne comprend pas...

Sébastian à 10h 18 :
Je me suis lassé. A partir de maintenant, ton numéro est bloqué.

-Rude, comme rupture...» fut la seule chose que Loki trouva à dire en lui rendant le téléphone.
-Je pense aussi... Alors après le travail, je suis directement venu ici. Je me suis dis que je pourrai peut être le voir une dernière fois... et ne me dis pas que je suis pathétique, je le sais déjà.
-Je me dis juste que je viens de rater mon bus. Tu me ramènes.
-Dès que j'aurai fini mon chocolat. Je t'offre quelque chose?
-Un café.» Répondit Loki avant d'ôter son manteau, son pull (il faisait définitivement trop chaud dans cette galerie) et de s'assoir.
Antoine ouvrit la bouche. La referma. Et enfin éclata de rire.
-Oh, mon Dieu! Ton t-shirt! Franchement...
Loki lui tira la langue. En orange et rose sur fond bleu ciel, on pouvait lire :
Hey man, pick up the soap
Get on your knees and pray!

Le plus jeune reprit le portable qui trainait encore sur la table. Antoine lui demanda, surprit :
-Qu'est-ce que tu fais?
-Je me téléphone. Comme ça, je suis sur d'avoir ton numéro.
-Parce que je suis jeune, beau gosse et cultivé?
Loki leva les yeux au plafond en grognant «En toute modestie bien sur...» et Antoine se mit à rire.
Décidément, la journée finissait bien mieux qu'elle n'avait commencée!

Jour J-51
-Calme-toi, il va venir ton play-boy! C'est juste qu'une demi-heure...
-Il est en avance, d'habitude.» Grogna Loki, en regardant sa montre pour la onzième fois en onze minutes.
En presque deux mois, ils s'étaient vu quasiment toutes les semaines. Pour une nuit Monty Python dans un petit cinéma d'art et d'essai. Pour un chocolat chaud après le travail. Pour une conférence sur la traction animale. Pour la pièce Les serviteurs et la neige(3) que donnait des amis dans une veille église. Pour partager un repas sur le pouce entre midi et deux.
En riant, Nikolaus le laissa pour aller chercher d'autres glaçons dans le congélateurs : les 23 ans de son colocataire drainait plus d'une trentaine d'amis dans leur appartement. Et il fallait bien leur fournir à manger et à boire.
Nikolaus, 22 ans, plutôt mignon malgré son éternelle barbe de trois jours et le bâton de réglisse qui ne quittait jamais ses lèvres, avait deux particularités : résoudre un Rubik's Cube en moins de 5 minutes et connaître plus de choses sur Star Trek que Gene Roddenberry lui même.
Sa petite amie, Tania, était du même acabit. En sirotant un café un matin, postée devant la fenêtre de la cuisine, elle avait dit à Loki :
-La texture des nuages rend particulièrement bien, mais je n'aurai pas utilisé Lens Effect Glow, ça fatigue les yeux.
Loki n'en était toujours pas revenu.
Peter, dit Lola pour des raisons aussi anciennes que nébuleuses, était la quatrième et dernière personne qui partageait leur appartement. Professeur de biologie excentrique et un brin maniaque, ses effets personnels occupaient trois des quatre placards de la salle de bain.
Ce fut ce dernier qui ouvrit à Antoine et lui prit son manteau. Suivant les conseils de Loki, le juriste avait délaissé son habituel costard-cravate pour une tenue plus décontractée : un jean et une chemise blanche près du corps. Lola applaudit d'admiration:
-J'adore cette chemise!
-Je préfère le mec qu'il y a dedans!» Répondit un jeune homme qui passait près d'eux.
-Tse, tse tse! Markus! On ne saute pas sur les invités!» Gronda le professeur, avant de conduire Antoine dans le salon, où les meubles avaient été repousser contre les murs.
Loki vint aussitôt vers lui :
-J'me faisais du soucis, mec...
-Désolé d'être en retard : un mauvais coup de fil au mauvais moment! Et bon anniversaire!
Comme Loki prenait le paquet que lui tendait Antoine, Tania cria :
-L'ouverture des cadeaux! L'ouverture des cadeaux!
Il y en avait une dizaine regroupés sur une table. Et Loki commença à les ouvrir : deux livres de Pierre Rabhi (4), le DVD de Soleil Vert (5) et un autre de Blade runner.
A ce moment, et malgré que les cadeaux aient touché juste à chaque fois, le jeune homme prit un air boudeur :
-Vous n'avez rien de plus gay à m'offrir?
-Si!» répondirent deux jeunes hommes tendrement enlacés.
-Venant de vous, je ne m'inquiète pas!
Il s'agissait d'un t-shirt noir portant l'inscription en lettres argentées «Voldemort is cool» et d'un autre bleu électrique et blanc : «Sexy men killing me. I don't mind dying!»
Des places de théâtre, des savons et une lotion après-rasage fait maison par Lola et ce fut le tour du cadeau d'Antoine.
Lorsque Loki ouvrit le paquet, une carte postale à l'aquarelle s'en échappa. Le dessin rond et doux représentait un coq couvant sereinement des œufs en tricotant des tous petits chaussons. Si sa vue le fit sourire, le petit texte écrit d'une écriture nerveuse lui fit froncer les sourcils «Pour tes mômes à venir... A
C'est donc perplexe que Loki fini d'ouvrir le paquet. Il en sortit trois albums pour jeunes enfants. Le premier racontait l'histoire d'un petit garçon fan de pirate, qui vivait chez sa maman et son copain la moitié du temps... et l'autre moitié, chez son papa... et son copain aussi. Le second narrait l'histoire de Raphaël, petit bout de 6 ans, qui aimait Jérôme. Enfin, le dernier album : Ugolin était un chien. Et les chiens n'aiment pas les chats. Mais Ugolin, lui, préférait le poisson à la viande et il y avait ce chat, là...(6)
Loki feuilletait encore et encore les albums. En silence. Puis il les posa et s'essuya -oh très rapidement- les yeux. Antoine se gratta nerveusement la nuque et allait s'excuser d'avoir fait un si mauvais choix quand le cadet s'avança vers lui et le serra dans ses bras. Longtemps.
-Merci, mec.
-Je... euh... De rien.
Alors qu'Antoine virait coquelicot, Markus s'écria :
-Hey! Moi aussi je veux un câlin!
-Nous aussi ! Nous aussi!
Et c'est dans un joyeux brouhaha que tout le groupe quitta l'appartement pour une boîte où ils avaient leur habitude.

Jour J-50
Il était quelque chose comme quatre heure du matin quand une petite dizaine d'invités regagna l'appartement. Il y avait Loki, Nikolaus, Tania et Lola bien sur, mais aussi Antoine, Markus, les deux amoureux : Dan et David, ainsi qu'Imako, Wilfried et Beth.
Passablement éméchés, partant d'une bêtise, ils finirent assis en rond pour le jeu «action ou vérité»
-Mais j'ai quinze ans de trop pour jouer à ça!»S'indigna Antoine, assis par terre, le dos appuyé sur le bas du canapé où les filles étaient assises.
-Oh, ça va l'Ancêtre! Tiens commence!»Répliqua Markus au tac au tac.
-Vérité?
-Quelle est la personne la plus séduisante ici?
-Objectivement? Dan sans hésitation.
-David, fait gaffe! Y'a...
Mais Wilfried ne pu finir sa phrase, Antoine le coupa en haussant les épaules:
-J'ai dis qu'il était le plus séduisant, j'ai pas dis que c'était mon type.
-Et c'est quoi, ton type?
-UNE question à la fois.»Trancha Antoine, un sourire satisfait aux lèvres.
Beth du raconter son premier béguin, David faire un strep-tease, Imako embrasser un garçon, Markus avouer avoir déjà eu un plan avec des jumeaux et Loki...
Nikolaus sourit tel un chacal devant sa proie :
-Tu va passer la prochaine heure sur les genoux d'Antoine.
-Ça va pas être possible, mec: il est affalé par terre.
-Alors, tu t'affale avec lui.
Antoine, médusé, regarda Loki se lever et venir s'assoir entre ses jambes, le dos contre son torse. Le juriste ne prêta plus qu'une oreille distraite à ce qui se passait dans le salon. L'odeur de la peau de son cadet l'entêtait.
Lorsque Imako raconta que son fantasme à elle était d'avoir Jude Law dans son lit-ou n'importe où d'ailleurs, la discussion partit assez rapidement sur Sherlock Holmes.
C'est là qu'Antoine s'aperçu que sa main gauche jouait avec les cheveux de Loki. Il la retira auusi vivement que s'il s'était brulé.
La conversation dévia ensuite sur l'homosexualité dans la littérature classique et sans vraiment comprendre comment, ils en vinrent à monter une comédie musicale sur l'épopée de Gilgamesh (7).
Alan Rickman ayant été retenu à l'unanimité pour le rôle titre, le petit groupe se querellait gentiment sur l'acteur qui pourrait interpréter Enkidu.
Et Antoine réalisa avec une gêne immense que sa main s'était faufilée sous le t-shirt de Loki et lui grattouillait le ventre comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Alors qu'il retirait la fautive, Loki grogna de mécontentement.
Lola le regarda, attendri:
-Il s'est endormi!
-Grmph...dors....pas...
-Allez, les jeunes, on s'arrache!» intima Markus. «On te laisse le border, Antoine!
Le salon se vida en moins de deux minutes.
-Et merde...
-Grmphhhhhhhh...
-Loki? Allez, on se lève.
Ce dernier bailla et s'étira.
-Hmph. T'es pas drôle comme coussin, mec. Je te trouvais confortable.
-N'oublie pas que j'ai toutes les qualités.
-Surtout la modestie...
-Mais là, j'ai une crampe alors si tu pouvais te lever...

Une fois qu'Antoine eu retrouvé l'usage de sa jambe, il s'apprêtait à partir quand Loki lui dit:
-Dors avec moi.
L'ainé resta silencieux de longues minutes avant de répondre:
-Tu sais le coup de fil qui m'a mis en retard... C'était Sebastian.
-Ah.
-Il voulait qu'on se revoit. Je lui ai rappelé que c'était fini. Qu'il faisait partie de mon passé et qu'il y resterait.
Mais le sourire qu'affichait Antoine tremblait et sa voix se brisa sur les derniers mots. Debout dans ce couloir mal éclairé, les bras le long du corps, il serait les poings pour ne pas pleurer.
-MERDE! Mais pourquoi ça fait si mal?
Loki s'approcha en silence et lui caressa la joue. Antoine s'essuya les larmes qu'il n'avait tout compte fait pu retenir:
-Et tu es bien la dernière personne à qui je voulais dire ça...
-'K.
Le cadet se rapprocha encore et doucement posa les lèvres sur celles d'Antoine. Ce dernier répondit immédiatement au baiser, attirant Loki tout contre lui, lui mordant les lèvres, caressant sa peau. Mais rien de doux ou de sensuel : les gestes étaient brusques, violents, presque désespérés.
Tout aussi brusquement, Antoine s'arracha de Loki. Il reprit son souffle, son manteau et quitta l'appartement.
Tout doucement.
En murmurant «Je suis désolé».
Loki ne chercha pas à le retenir. Il alla se jeter dans son lit où il s'endormit difficilement.

A quelques centimètres de la porte de la cuisine, Nikolaus se retenait pour ne pas se fracasser le crâne contre le mur le plus proche, tandis que Tania commenta, pragmatique :
-Epic fail.(8)

Jour J -33

Lorsque Rachel pénétra dans le bureau de son collègue, elle soupira.
-Ne dis rien, s'il te plait.» Marmonna Antoine.
-Que voulais tu que je dise... enfin que je ne dise pas?
-Que je ne suis qu'un crétin. Qu'un salopard me sourit et je tombe amoureux aussitôt. Mais que dès que quelqu'un de bien veut faire un bout de chemin avec moi, je fuis à toutes jambes. Et que je suis très très malheureux.
-J'aurai dis «imbécile». Pas «crétin».
-Merci...
-Tu lui envoie un message maintenant ou je t'épile le torse?
-J'ai le droit à une troisième option?
Vu le regard que lui lançait Rachel, le juriste prit son téléphone en vitesse.

Toine à 9h07:
?como estas babe?

Loki à 9h23:
Mieux.

Toine à 9h25:
Si t'es au boulot et que je te dérange...

Loki à 9h39
:
Je peux encore faire de la bureautique et consulter mon téléphone en même temps MOI!

Toine à 9h48:

Enflure ;D
Tu as changé de taf?

Loki à 10h01

Oui.
Et avant de partir j'ai crevé les 4 pneus de Ruprecht. Ça soulage même pas.

Toine à 10h03:
TU AS FAIS QUOI? Oo
Merde, j'ai mal aux côtes à force de rire!
Rachel me regarde bizarre maintenant...

Loki à 10h39:
Héhé!
Je dois te laisser, mec : réunion

Toine à 10h47:
A plus tard!

Jour J-27
Antoine était curieux : Loki lui avait envoyé une photo intitulée «une œuvre de Lola».
C'était une photo de Loki -enfin, il supposait car on ne voyait vraiment que le buste-. Et le jeune homme portait un t-shirt à manche longues, blanc, où Lola avait reproduit le dessin de la carte postale : le papa coq.

Toine à 16h58:
Tu pourra féliciter Peter ! Ça rend super bien !

Loki à 17h35:
C'est surtout grâce au mannequin.

Toine à 17h55:
Et comment vont les chevilles du mannequin?

Loki à 18h03:

Bien, du moment que tu leur payes un café.

Toine à 18h06:

18h30 au salon de thé de la dernière fois?

Loki à 18h08:
'K

Antoine n'avait pas attendu Loki et sirotait nerveusement son chocolat chaud. Lorsque le jeune homme s'assit en face de lui et le gratifia de son sourire «publicité pour dentifrice», Antoine se sentit miteux.
Parce qu'il était lâche. Parce qu'il avait peur. Parce qu'il voulait fuir.
Encore.
Loki jeta un coup d'œil à la carte en parlant de son nouveau travail et commanda un café et deux parts de gâteau.
-Comme c'est toi qui paye, autant que j'en profite...
-Chacal.
-Je suis comme je suis.
Antoine lui sourit timidement :
-Tu as réellement crevé les pneus de son cabriolet?
-Ouaip. Mon seul regret c'est que je verrai jamais la tête qu'il a fait quand il s'en est aperçu … Pourquoi tu me regardes comme ça?
-Mon héros...
Les deux hommes partirent dans un fou rire qui mit longtemps à se calmer.

Jour J -21
La voiture d'Antoine s'arrêta dans la rue de Loki. Ils avait passé la soirée au théâtre et le juriste ramenait son ami. Alors que ce dernier s'apprêtait à sortir, Antoine toussota :
-Loki? Tu ...
-Mh?
-Non, rien.
Loki le regarda en fronçant les sourcils, intrigué, puis comme Antoine restait silencieux, sorti du véhicule.
Lorsqu'il entra dans l'immeuble, Antoine soupira.
Il aurai voulu lui proposer de venir chez lui. Il aurai voulu le prendre dans ses bras. Il aurai voulu...tellement plus.
Mais il avait tellement peur.
-Imbécile...
Il démarra la voiture et parti.

Jour J-7

Rachel fulminait:
-дурак!(9) Il ne va pas t'attendre éternellement!
-Mais je ne peux pas... Merde, comprend moi!
-J'essaye, je t'assure que j'essaye, mais là, je n'y arrive pas.
Antoine se prit la tête entre les mains. Rachel le serra dans ses bras :
-Des remords valent toujours mieux que des regrets, tu sais?
-Mais je ne veux ni l'un ni l'autre! Je veux être heureux! Et surtout... je ne veux pas le perdre. Pas lui.
-Tu le perdras si tu continues comme ça... et tu le sais.

Jour J

Loki à 17h50:
Tu m'invites au salon de thé à 18h30.

Toine à 18h02:
Chacal :D

Loki était déjà devant la boutique quand Antoine arriva.
-Salut bab'! T'es garé où?
-Pas loin... mais mon chocolat chaud?
-Je t'en ferai un. Mais là, on va chez toi.
Antoine le regarda, les yeux surement ronds comme des soucoupes :
-Mais...?
Loki s'approcha jusqu'à être tout contre lui et murmura sur ses lèvres:
-Il n'y a pas de «mais».

Jour J+1
Ce fut la sonnerie de son téléphone portable qui réveilla Antoine. L'homme s'étira, ouvrit les yeux et le referma rapidement: le soleil était déjà haut. Il se leva néanmoins, résigné : la sonnerie lui vrillait les tympans.
Trois appels en absence de Jöchen. Antoine grimaça : c'est vrai qu'ils avaient prévu de faire les boutiques ensemble aujourd'hui. Et il avait... oh! Juste trois heures de retard...
Un coup d'œil à son lit.
Loki dormait encore, allongé sur le ventre, la tête enfui dans un coussin.
Antoine éteignit résolument son téléphone. Jöchen comprendrait. Du moins, l'espérait-il.
Et il regagna le lit, se coulant tout contre son amant, léchant sa peau, mordillant son téton.
Dans son sommeil feint, Loki sourit, satisfait.

FIN

Notes:

1 : c'est du Macbeth, évidement !

2 : Dans la Mythologie nordique, les Ases forment le groupe de dieux principaux, associés ou apparentés à Odin, et habitant la cité d'Ásgard.

3 : c'est une pièce de théatre écrite par Iris Murdoch

4 : Pierre Rabhi (né en 1938) est un agriculteur, homme politique, écrivain et penseur français d'origine algérienne, inventeur du concept «Oasis en tous lieux». Il défend un mode de société plus respectueux des populations et de la terre et soutient le développement de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement et préservant les ressources naturelles, l'agroécologie, notamment dans les pays arides.

5 : Soleil vert (Soylent Green) est un film américain d'anticipation réalisé par Richard Fleischer, sorti en 1973 et tiré du roman Soleil vert de Harry Harrison.

6 : Trois albums pour enfants que j'affectionne particulièrement ! Il s'agit -dans l'ordre- de :
Marius, de Latifa Alaoui M. & Stéphane Poulin
Jérôme par cœur, de Thomas Scotto & Olivier Tallec
Le secret d'Ugolin, de Béatrice Alemagna

7 : La légende de Gilgamesh, qui serait le plus ancien écrit découvert par les archéologues : écrite au 17eme siècle avant JC (bien antérieur à "L'Iliade" et "L'Odyssée" ou aux divers textes bibliques fondateurs du judaïsme et du christianisme), relaterait la première histoire d'amour entre deux hommes et la quête de l'immortalité.

8 : epic fail : échec total/critique

9 : imbécile! (en russe vous l'auriez devinez ^^)