La fin !


12

Moreau glissa lentement sa main derrière son dos mais, une nouvelle fois, Harry surprit son raisonnement.

Le calcul était simple, s'il tenait dans sa main l'arme de son père, c'est que l'homme à terre avait toujours le pistolet de l'autre cambrioleur.

Harry susurra en abaissant le cran de sécurité.

- Ne fais plus un geste, putain de fils de pute.

Moreau sembla enfin prendre conscience que toute la froideur et la détermination dans le regard du garçon n'étaient pas feintes.

- Oh ! Oh, p'tit gars, reste calme ! Tu vas pas vraiment me tirer dessus, hein ? Moi j'ai jamais eu l'intention de te tuer, hein ! Et… c't'histoire, là… Avant, c'était pour rire, ok ? bégaya-t-il en levant les mains comme pour prouver sa bonne foi.

- Pour… Pour… « rire » ? répéta difficilement le garçon.

Pendant une seconde, son expression se teinta de douleur mais elle se changea vite en une nouvelle, sauvage et implacable.

En fait, Harry avait décidé sa mort en son cœur à l'instant exact où il avait libéré ses mains de ses liens, et son sentiment n'avait fait que croître pour atteindre son apogée à cet instant, en observant les traits presque résignés de son tortionnaire devenu sa victime.

Car Moreau savait maintenant.

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Il fixait le canon du revolver et ne vit pas l'air de dégoût figé sur le visage d'Harry lorsque ce-dernier répéta les mots que Moreau avait prononcés un peu plus tôt.

- T'as un dernier mot à dire, « p'tit gars » ?

La gueule béante du canon de l'arme était résolument pointée sur son visage et il connaissait sans avoir besoin de la regarder l'expression déterminée et farouche sur la face de l'autre. Mais malgré sa terreur, une ultime bravade surgit sur ses lèvres.

- Va te faire…

Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase. Le coup de feu était déjà parti, emportant la moitié de son visage.

Harry tira un autre coup. Puis deux, puis trois, puis quatre, puis cinq. Il continua d'appuyer convulsivement sur la détente mais le barillet était vide et son doigt le faisait cliqueter dans le vide.

Enfin Harry laissa tomber l'arme sur le sol et le silence retomba sur lui.

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Le bruit avait réveillé les petites, dans la chambre d'à-côté et elles commençaient à sangloter mais ce fut comme si Harry ne les entendait pas, et il resta immobile, à fixer le sang se répandre hors du corps criblé de balles qui gisait à ses pieds.

Mais soudain, un bruit le tira de sa léthargie. C'était le craquement des marches de l'escalier que l'on essayait d'étouffer en vain. Il se jeta à genoux pour retourner et fouiller le cadavre.

Une silhouette massive surgit dans l'encadrement de la porte au moment où Harry attrapait le pistolet que dissimulait Moreau dans son dos. Le garçon la brandit précipitamment vers l'homme qui entrait sans l'avoir vu et appuyait sur l'interrupteur, jetant sur la pièce un flot de lumière blanche.

- Bordel mais qu'est-ce qui s'est passé ici ? souffla Bro avec une stupéfaction qui s'emplissait d'horreur à mesure qu'il constatait l'ampleur du drame.

Il cligna des yeux sans comprendre en voyant le garçon agenouillé à côté du corps et qui pointait maintenant une arme sur lui.

- Je… Je… J'ai tiré… hoqueta Harry dans un sanglot sans larme.

Bro hocha la tête. Ses yeux faisaient d'incessants aller-retour entre le corps de Moreau et Harry qui se relevait lentement et faisait un pas dans sa direction.

Les larmes se mirent à couler sur le visage d'Harry et ses doigts trouvèrent leur place sur l'arme, de nouveau prêt à faire feu.

Tout comme Moreau l'avait fait quelques minutes auparavant, Bro prit une attitude qui se voulait apaisante.

- Ok, ok ! Il le méritait certainement, mais maintenant, baisse ton arme, Harry !

- Vous êtes le chef… fit Harry comme s'il ne l'avait pas entendu. Vous étiez son chef et il vous aurait obéi… Vous auriez pu l'en empêcher et vous n'avez rien fait…

Il y avait dans la posture du garçon quelque chose de profondément alarmant sans que Bro ne puisse identifier ce que c'était précisément. Il semblait en état de choc et ses yeux étaient perdus dans le vide, emplis de larmes qui coulaient sans discontinuer sur ses joues.

- Ecoute je sais pas ce qu'il t'a fait mais je m'excuse… J'aurai dû l'en empêcher mais je l'ai pas fait. Je ne savais pas ce qu'il allait te faire…

- Vous ne l'avez pas arrêté…

- C'est vrai, concéda Bro avec une inquiétude croissante. Mais je ne t'ai rien fait, moi. Je ne t'ai pas touché, alors ne fais pas quelque chose que tu pourrais regretter…

- Il m'a… Il m'a… violé, cria Harry avec rage.

Et il tira.

Le flot de ses larmes semblait ne jamais pouvoir se tarir. Ses yeux exprimaient toujours le même vide et la même détresse lorsqu'il enjamba l'homme qui gémissait maintenant à terre en essayant de comprimer la blessure sanglante de sa poitrine, juste au-dessus du cœur.

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Harry atteignit le palier.

Il vit le troisième homme qui faisait les cent pas en bas de l'escalier s'arrêter et regarder dans sa direction. Il plissait les yeux mais ne pouvait pas le voir, ainsi dans l'ombre, aussi finit-il par demander avec anxiété.

- Bro, c'est toi ? Qu'est-ce qui s'est passé, alors ? C'était quoi ce dernier coup de feu ? T'as… buté ce fumier ?

Harry descendit sans répondre. Il n'avait pas besoin de lumière tant il connaissait les moindres recoins de cet escalier.

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Finalement, les larmes avaient séché sur les joues d'Harry.

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Matt recula en s'apercevant de son erreur et en reconnaissant le garçon.

- Que…

- Ils sont morts, expliqua Harry sans aucune émotion. Je les ai tués tous les deux.

Les deux hommes restèrent immobiles face à face durant plusieurs secondes qui auraient aussi bien pu être des siècles. Derrière eux, les pleurs lointains des deux fillettes ne s'arrêtaient plus, rythmant l'air immobile avec une régularité oppressante.

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13

- Tu vas me tuer, maintenant ? demanda Matt bien que sa question ressemblât plus à une affirmation.

Sa voix tremblait mais il y avait un certain calme dans ses yeux. Une résignation différente de celle qu'avait lue Harry dans le regard de Moreau avant qu'il ne le tue.

Cette résignation-là ressemblait plus à l'acceptation de celui qui a fauté et sait qu'il doit être puni.

- Donne-moi ton téléphone, demanda simplement Harry.

Matt s'exécuta. Harry s'empara du cellulaire sans baisser son arme pointée vers l'informaticien.

- Le coup de fil va passer, maintenant ?

- J'ai coupé le brouilleur, acquiesça l'informaticien.

- Ok, dit Harry.

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Harry tourna le dos à l'informaticien et, comme s'il était mû par un étrange instinct, il se dirigea vers la porte de derrière.

Il ouvrit la porte fracturée sans y prêter attention et avança sur l'épais tapis de neige. Il était pieds nus mais il ne ralentit pas sa cadence.

Il composa le numéro d'un geste machinal.

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Matt se faufila à sa suite. Il jeta un coup d'œil à l'extérieur.

Le garçon se tenait debout dans la neige immaculée, le visage complètement inexpressif. Il parlait au téléphone.

Matt se mordit les lèvres. Il devait partir au plus vite, maintenant, les secours n'allaient pas tarder à arriver. Pourtant il n'arrivait pas à se décider, et à laisser seul ce gamin perdu et dévasté par sa faute.

Après avoir pris une grande inspiration, il finit par se glisser furtivement dehors. Il passa à quelques mètres du garçon qui ne sembla pas le voir.

Quelques bribes de sa conversation lui parvinrent.

- Oui… Venez vite… Deux petites filles à l'étage… 12 rue des Trois Amours… Pas d'ambulance, non…

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Alors que Matt était sur le point de franchir les grilles qui entouraient le terrain, il se retourna une dernière fois. Le garçon avait maintenant raccroché. Il avait l'air frigorifié mais ne bougeait pas d'un muscle, les yeux dans le vague.

- Harry ! lança Matt sans trop comprendre pourquoi.

Le garçon tourna son regard sans émotion vers lui.

- Je suis…

- Ne dites rien, s'il vous plaît, demanda Harry.

Mais le flot de la culpabilité de Matt venait de faire céder le barrage de ses émotions. Et il ressentit le besoin gigantesque de s'excuser, de s'expliquer, faire son mea culpa sans attendre de pardon en retour.

- Si, Harry, je suis tellement…

C'était trop, beaucoup trop pour Harry. Il refusait de penser, refusait de penser à quoi que ce soit et surtout pas à quoi que ce soit qui touchât aux sentiments.

Une fois de plus, les larmes débordèrent de ses yeux et il tira.

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Harry prit soudainement conscience que la neige avait recommencé à tomber. Ses cheveux et ses épaules étaient couverts de flocons humides.

Il pencha sa tête en arrière et leur contact frais sur ses joues couvertes de larmes brûlantes lui fit du bien.

Chaque inspiration était un peu douloureuse dans ce froid glacial mais il se sentait enfin apaisé.

Il se laissa tomber à genoux.

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Il entendait les pleurs de ses sœurs là-haut dans leur chambre.

Il savait bien que c'était impossible, en réalité. Il était bien trop loin, mais cela lui était égal. Il les entendait, et les pleurs se transformèrent en rires à ses oreilles.

Il avait réussi. Il s'en était sorti vivant, ses sœurs étaient en sécurité et elles riaient, à présent.

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Harry poussa un long soupir de soulagement.

Il leva l'arme à hauteur de son visage et la posa sur sa tempe.

Il ferma les yeux, les larmes cessèrent de couler.

Et il tira.

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Fin.


Merci de m'avoir suivie dans cette longue et dramatique nuit de décembre! J'espère que ça vous a fait vibré autant que moi en l'écrivant.

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PS: bien que je poste peu souvent de nouvelles histoires, je continue à écrire pas mal! Jetez un coup d'oeil de temps en temps à mon profil, il y aura peut-être un nouveau post....

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