Bonsoir à tous !

Voilà un petit moment que je n'ai pas posté ici. Cette histoire me trotte dans la tête depuis une paire d'années et après quelques essais ratés, je l'ai finalement retrouvée et quasiment écrite d'une traite.

C'est un bout de vie, une étape importante entre deux anciens meilleurs amis, dont l'attirance a tout bouleversé… Pour ceux qui ont lu « Ecrémé ou Demi-Ecrémé », je tape dans un tout autre style. C'est beaucoup plus sombre et l'écriture est plus « classique », on va dire.

Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture !

Avertissements : Des propos « vulgaires » et des scènes un peu chaudes sont présentes… Ames-sensibles s'abstenir !

USELESS FEAR

Tout simplement banal.

Traîner à moitié nu sur les bords d'une départementale, comme s'il faisait le trottoir… C'est ça son quotidien ? Non mais j'hallucine. Cet idiot me surprendra et m'énervera toujours. Il n'y a que lui pour me foutre dans un tel état.

Vraiment, là, j'enrage.

« Qu'est-ce que tu fous ? » je scande en baissant la vitre, la mine irritée.

Pour sûr que je dois pas faire mon âge, on me le dit souvent… Trop vieux dans ma tête, peut-être. Trop d'indignations, de doutes. Pas assez ouvert d'esprit, mais je m'en fous. Qu'ils pensent ce qu'ils veulent. J'en ai assez bavé.

La lueur qui s'allume dans les yeux de mon interlocuteur me donne une idée sur son état. Il doit être saoul, parce qu'il a l'air content de me revoir.

« Bastien ? », souffle-t-il de façon presque inaudible, et la façon dont il le dit me donne l'impression qu'il est en train de rêver.

Ou de planer, à voir…

Merde, le con. Qu'est-ce qu'il a pris ?

L'irritation me gagne d'autant plus lorsque j'entends une voiture passer, remplie de jeunes qui klaxonnent et qui crient « Hé, la tapette ! » en riant comme des baleines – en fait, je meurs d'envie de les traiter de tous les noms mais mieux vaut que je me contienne.

D'un autre côté, c'est normal qu'ils lui manquent de respect. Maël l'a cherché…

« Oui, c'est moi », je soupire en tentant de me calmer, me concentrant sur mon interlocuteur et ses yeux trop sombres.

« Ravi de te revoir ! », j'ajoute dans un ricanement glacial.

Mon ironie ne le blesse apparemment pas. Il baisse juste un peu les yeux, mais je vois un putain de sourire sur ses lèvres tuméfiées. Merde, ça l'amuse. Qu'il y a t-il de drôle dans mes paroles ? Le dégoût, c'est la seule chose que je devrais lui inspirer. Comme ce qu'il m'inspire.

Les compteurs seraient remis à zéro, les aiguilles tourneraient dans le bon sens. Mon rythme cardiaque ne subirait plus d'embardées inexplicables en sa présence.

« Moi, ça me fait vraiment plaisir, de te revoir », dit-il avec un drôle d'air mélancolique et mes yeux s'écarquillent.

J'avais un doute sur son état mais là… Il doit avoir touché le fond.

« Ca ne devrait pas me plaire que tu me vois dans cet état », murmure-t-il en désignant sa tenue, « mais c'est un bon message pour te dire Merde à toi et tous ceux qui me jugent. Je suis désolé Bastien… Je n'ai pas changé… Sur ça. »

Ca, c'est son homosexualité, et une boule se forme dans ma gorge et me serre jusqu'à la rendre sèche parfois.

Maël et moi, ce n'était pas une grande histoire d'amitié – enfin, c'est ce que je pensais – jusqu'à ce que tout pète, que je réalise combien le perdre était douloureux, combien je m'étais attaché à ce petit con.

C'est normal après une telle relation – on se connaissait depuis l'école primaire – d'être sur les nerfs quand on voit ce que votre ancien ami est devenu. Une petite pute, et fière de l'être. Je n'ai jamais su quoi penser de tout ça…

Une autre voiture passe et mes mains se crispent sur le volant. Il ne se passe pourtant rien, c'est de la pure anticipation. L'idée qu'il passe entre toutes ces mains, sous tous ces corps ; putain, ça me rend fébrile, un peu malade de dégoût.

Je ne devrais plus me préoccuper de lui parce qu'une part de moi le déteste, mais l'autre part, une sorte d'ivresse protectrice, me pousse dans le mauvais sens. Les vestiges de notre amitié, de ce qu'il s'est passé entre nous… Tout ça reste gravé en moi.

Mes yeux se ferment, en proie au doute et à la fatigue, et je sens Maël s'éloigner, les épaules baissées. Mon manque de réaction semble l'avoir accablé et il a décidé de m'ignorer.

Non… C'est hors de question !

Un petit coup sur l'accélérateur. Voilà comment j'avance dans la vie. Par à coups. Par tâtonnements. Je ne suis qu'un peureux et quand j'ouvre la portière pour prendre Maël dans mes bras, je sens la crainte me bouffer tout entier.

J'ai peur, mais ses sanglots me poussent à l'étouffer contre moi. Je suis terrifié, mais je lui chuchote de belles choses, si étranges venant de ma bouche qu'il sait si acide… Et je le fais monter à l'avant, ne pouvant lutter contre ma connerie.

Qu'est-ce que je vais lui dire demain, hein ? Question stupide. J'aurais dû y réfléchir à deux fois avant de m'arrêter sur cette route. Avant de le détailler. De le manger des yeux... Avant de repenser à cet ami, le seul, le véritable qui a toujours été là dans ma vie.

Nous roulons dans le silence pendant un temps qui me parait une éternité, jusqu'à ce qu'on parvienne chez moi, un petit appartement peu luxueux mais suffisant pour une personne comme moi, sans ambitions.

Maël ne connait pas cet endroit. Il prend timidement ses marques, hésite sur le pas de la porte, tandis que mon regard, à la fois agacé et bienveillant l'incite à entrer. Mes réactions de midinette me font pitié, et je bois un verre pour me rafraîchir les idées.

Je ne comprends pas ce soudain besoin de l'avoir pour moi ; ça doit être son évidente fragilité ce soir qui me fout dans cet état. Parce que oui, quand son côté « tarlouze » ressort, j'aime pas ça, j'ai l'impression d'avoir une fille et je me sens obligé d'agir différemment. De moins le briser.

« Bastien… » chuchote-t-il à nouveau et j'ai l'impression qu'il va me refaire une crise de larmes.

Il est en bad ou quoi ?

Maël tombe presque sur le canapé et ce faisant, sa jupe remonte un peu et je n'ai qu'une envie : chercher une maudite couverture pour cacher ses foutues cuisses.

« Ca fait deux semaines que je suis revenu mais j'osais pas, j'osais pas. J'savais que t'allais me jeter. » Les larmes lui montent aux yeux, tandis qu'il renifle, me jetant un regard perplexe : « Pourquoi tu… M'as amené ici ? »

Muet de stupéfaction, je ne trouve rien à répondre à cette question stupide que je me suis déjà posé. Mais il semble lire quelque chose qui ne lui plait pas dans mes yeux parce qu'il m'agresse immédiatement :

« T'as fait ça – me ramasser sur la route, m'amener chez toi – pour mieux me rabaisser, plus longtemps ? C'est ça ? »

« Quoi ? Mais je rêve ! J'ai eu la bonté de te tirer de là, je te signale. Qui sait où t'aurais fini… »

« Quand on déteste quelqu'un, on ne fait pas preuve de bonté. Et tu sais où tu peux te la mettre d'ailleurs ! », s'exclame-t-il, blessé à vif. « Demain ma fierté restera intacte malgré ce que tu peux en penser, et si j'ai envie de baiser plein de mecs, c'est pas toi qui va me faire la morale. Tu t'en foutrais si je faisais ça avec des filles, mais là, tu ne me vois que comme une pute alors que je ne réclame même pas d'argent. C'est quoi qui te fait chier dans le fait que j'y prenne plaisir ? »

Je suis sidéré. Putain.

« C'est justement ça, tu vois. Maël, t'as toujours été pédé, et je te cacherais pas que ça m'a un peu gêné, mais là t'as franchi toutes les limites. Vous voulez être acceptés mais vous connaissez pas la pudeur. Tu vas peut-être me penser bêtement homophobe – et je ne prétends pas ne pas l'être – mais je te parle de toi et de tous ceux qui baisent à droite à gauche, s'exposant aux jugements, croyant qu'en disant 'merde' ils vont gagner le respect des autres. Avant, je tolérais ça, même si dans le trou à rats où on a grandi c'était loin d'être le cas de tout le monde ! Mais depuis… Depuis un moment, tu fais n'importe quoi. On dirait grave un obsédé, sérieux, j'aurais honte à ta place ! Tu te rends compte de comment t'es habillé, et t'es là au bord de la route, à arrêter les passants. Tu veux que j'interprète ça comment ? Comme un mec qui a le cul en chaleur et qui est prêt à prendre le risque de se faire violer ou tuer par le premier venu juste pour avoir du plaisir ! Quoique c'est peut-être ce que tu aimes, les trucs maso… »

Maël a gardé les yeux rivés sur le tapis tout le long de mon discours. Ses beaux yeux bleus… Malgré ce que j'en dis, je l'ai toujours trouvé très beau, et très… Pur.

Je sais pas comment expliquer ça, mais ses traits peu prononcés, son corps un peu androgyne, ça m'a toujours fasciné.

« J'me casse », chuchote-t-il, la bouche déformée par une grimace, comme s'il venait d'avaler quelque chose d'amer.

C'est tout ce qu'il trouve à dire ?

Ramassant ses affaires, il ne perd pas une seconde et se précipite presque dehors, les yeux brillants. Il va pas se remettre à chialer, quand même ?

« C'est ça, barre-toi et fuis. Tu sais si bien le faire ! »

Je lui en veux de ne pas s'investir autant que moi dans notre relation, de ne pas chercher à la sauver en faisant face au problème. En changeant. De toute façon, ce n'est pas comme s'il y avait une autre solution...

Il se fige, dos à moi, et mes yeux dérivent vers son corps, moulé dans une jupe noire serrée. Je ne peux m'empêcher de me souvenir d'une année au collège, où j'aurais déjà dû comprendre. On était chez moi et il m'avait demandé avec un sourire taquin s'il pouvait essayer les vêtements de ma sœur, pour le « délire ». Je me souviens encore de son déhanché, et de sa voix, alors qu'il se croyait sur une scène et se baladait dans ma chambre. Ça m'avait bien fait rire sur le coup. Maël était connu pour être complètement taré, et je crois que j'aimais bien ça.

Il détonnait, il dérangeait, dans ce monde ennuyeux, où moi comme tant d'autres suivions les normes, la banalité. Je me faisais chier, sans lui... Même si le reconnaître aurait été purement impossible. Je lui faisais toujours penser que je le considérais comme un débile, alors que quand je le voyais... je me précipitais sur lui.

C'était mon ami. Déjanté, impudique, gay... Mais je l'aimais. C'était mon ami.

« Bastien... Si je suis parti la dernière fois, c'est parce que tu me l'as demandé. Parce que tu me détestais. »

Sa voix me fait frissonner. Je ferme les yeux. C'est vrai.

La dernière fois qu'on s'est vu, il y a plus d'un an, c'était au lycée, un jour comme les autres. Je sortais avec Cynthia depuis plusieurs mois et je ne pouvais plus m'encadrer Maël.

A cette époque, j'étais beaucoup plus violent qu'aujourd'hui, même si je ne l'ai jamais frappé. Je ne pourrais pas lever la main sur lui. Demandez-moi de tabasser une pédale douce, je pourrais le faire... Aidé par certaines personnes, entraîné par des homophobes.

Mais Maël, j'y tenais trop, et c'est pourquoi ma haine était encore plus forte. Pour tout ce qu'il avait gâché... Alors ma violence était verbale, dans les insultes, dans le mépris, dans l'ignorance. Et Cynthia était beaucoup plus radicale que moi, elle me poussait toujours plus loin. Il y avait même des moments où je me demandais ce que je foutais, où j'allais comme ça, à faire le con, moi qui avais toujours été gentil et sympathique, suintant de bonnes valeurs.

Mais c'était plus fort que moi.

Alors un jour, j'ai carrément explosé quand je l'ai vu embrasser un garçon sans la moindre gêne dans la cour du lycée. N'avait-il donc honte de rien ? Maël avait déjà morflé dans le bled où on habitait à cause de son homosexualité qu'il affichait sans complexes ; alors se montrer, pour moi, c'était de la pure provocation.

Il se foutait de ma gueule. Et je lui aie dit que je ne voulais plus jamais le voir. Plus jamais.

« Je vois que tu ne changeras jamais... »

« Toi, change. », je murmure d'un filet de voix, conscient que si j'ai eu la chance de le revoir, cette fois, ça sera la dernière...

Et ça me tue.

« Et pourquoi ça serait à moi ? », rit-il nerveusement, en se retournant brusquement. « Parce que je suis différent, que je ne respecte pas la morale ? Quels droits ça te donne, hein, Bastien ? Tu te prends pour un super héros ? Pourquoi ça serait toi, la normale ? Je sais pas pourquoi je suis comme ça... », murmure-t-il alors que son visage s'assombrit de tristesse, « T'as réussi à vraiment me complexer sur mon identité sexuelle, tu sais ? Y'a plein de garçons qui me disent que c'est normal, que j'suis pas le seul... Pourquoi t'es pas comme ça, tu te disais être mon ami et tu me serrais dans tes bras, Bastien ! Sans parler de ce que t'as accepté de me donner... »

Il plante soudain ses yeux de glace dans les miens et je ne peux m'empêcher de déglutir, comprenant ce à quoi il fait allusion.

On avait quinze ans, merde... Fallait qu'il ressorte ça !

Les vieux dossiers, comme dans les disputes de couple. Cette comparaison m'arrache un rire nerveux.

« Ces mecs-là te disent ça parce qu'ils veulent te baiser », je m'énerve en soupirant de lassitude. « Ils vont pas te dire 'Mais non, mon chaton, c'est mal ce qu'on fait, après on va te tabasser !'... »

« J'me sens si sale », m'interrompt-il et ses paroles me font détourner le regard.

Sa franchise ce soir n'a jamais été si forte. Où est passé le petit garçon souriant et timide qui me remerciait de le sauver à l'école primaire ?

« Dans tes yeux, je me sens si sale. Et j'ai l'impression que je t'ai sali, cette fois-là... Que tu me le pardonneras pas... »

C'est tellement ça...

Un sentiment de culpabilité m'enserre le cœur et fait naître une horrible boule dans ma gorge et dans mon estomac. J'étais consentant, c'est ça le pire, mais bien trop difficile à admettre. Alors je lui en veux, et je m'en veux pour ça.

Je n'ai jamais pu dormir en paix... Après avoir couché avec lui... Depuis mes quinze ans...

Je le revois encore, au dessus de moi. Et tout ce que cette nuit a chamboulé au plus profond de moi, ce simple « service » que je devais lui rendre. Parce qu'il avait confiance en moi, qu'il voulait que je le dépucèle, que j'y aille doucement. Qu'il avait envie de ça.

« Le sodomite », qu'on l'appelait vulgairement dans notre bled. Sa réputation s'est rapidement faite et j'étais le premier à en rire ; alors que c'était moi son premier.

J'aurais dû me foutre de ma propre gueule.

Aucune responsabilité dans l'histoire. La conscience tranquille. Tu parles, ouais...

C'était Maël qui avait voulu ça, aimé ça, qui avait gémi, redemandé, qui avait tout fait. Rien ne s'était échappé de moi.

Pourtant, j'étais carrément chamboulé. Un puzzle éparpillé. Le ventre patraque, en dessus dessous. Pas moyen de savoir si j'avais aimé ou pas, j'étais juste sans voix. Tellement troublé.

Les nuits suivantes je me suis souvent masturbé en me remémorant lui et moi sur le canapé ; lui m'allongeant et m'embrassant timidement, me déshabillant, et je me souviens encore de sa langue traçant un chemin sur mon torse et prenant mon sexe dans sa bouche, avec ce sourire en coin, ce sourire d'inexpérimenté qui en brûlait d'envie.

Je le revois encore gémir pendant qu'il me suçait, son autre main occupée à se caresser lui-même et tout ce plaisir qu'il prenait et que je n'avais jamais pris moi-même m'avait laissé pantelant. J'étais carrément jaloux et je crois qu'une part de moi l'est toujours. Je ne pourrais jamais faire ce qu'il fait, exhiber mes plus profonds désirs, et les assumer.

Elle a bon dos, la fuite dont je l'ai accusée... Mais le vrai lâche dans l'histoire, ça a toujours été moi.

Après ça il s'est dévêtu – c'était la première fois que je voyais un corps nu autre que le mien, quelque chose qui était profondément intime dans ma famille... Son impudeur m'a paralysé, et j'ai cru mourir quand il en a fait de même avec mes vêtements. Quand il s'est préparé, avec ses doigts, sous mes yeux et c'était moi qui avais le feu aux joues, qui n'osait pas regarder.

Je lui en voulais pour son self-control, son assurance, sa beauté. Je le voulais. Mais je ne l'ai eu qu'une fois. J'étais le pote hétéro, avec un coeur de héros. Bon à y aller doucement, pour une première fois, un début vers le chemin de la perversion, de la débauche, de la baise, alors que j'avais juste envie de m'enfoncer en lui et de ne penser qu'au sexe, qu'à son cul délicieusement accueillant.

Maël ne m'a jamais vu comme un amant potentiel, parce qu'il avait besoin de mon amitié. La douceur et la tendresse d'un homme, qu'il n'avait jamais trouvé auprès de son père.

Aujourd'hui ce n'est qu'une petite pute, incapable d'aimer à long terme – il faudrait d'abord qu'il apprenne à s'aimer pour ça... Un homme avec des désirs sales, et qu'il assume, en plus...

Je revois encore la fine pellicule de sueur sur son torse, la chaleur autour de nous, la chaleur dans son corps. Ce médaillon qui pendait autour de son cou, ses yeux noirs et mon sexe dans son anus, un moment où j'ai retenu ma respiration, trouvant ça beaucoup trop violent. J'ai cru que j'allais le briser et j'en ai été écœuré ; mais lui n'a montré qu'une légère douleur... Il respirait la débauche, alors que nous étions si jeunes.

L'ultime péché...

Si d'abord Maël se préoccupât de mon inconfort plus que du sien, il a fini par cesser de le faire, de murmurer des « Bastien ? » entre ses halètements, pour vérifier si j'allais bien, car il comprit que moi, pur hétéro, n'avais jamais été aussi dur de ma vie et que j'en fermais les yeux d'humiliation. Mon souffle saccadé ne ressemblait plus à rien, moi le mordu de sport qui pouvais courir sur des kilomètres sans m'essouffler.

Là, c'était la distance entre le garçon que j'étais et l'homme que j'allais advenir qui me coupa la respiration. A cause de Maël. Depuis cette nuit, mon oxygène n'a plus jamais été le même ; ma naïveté s'est envolée.

Alors non, je ne lui ai jamais pardonné. D'avoir fait de moi un homo possessif et violent, de ne me considérer que comme son précieux ami, son frère de cœur... Il y a des limites en amitié à ne pas franchir. Et je lui en veux d'avoir toujours été ce garçon rêveur, différent, qui n'a pas su les poser entre nous.

Qui m'a demandé une chose que deux gosses, deux amis n'auraient jamais dû faire.

« J'me casse, désolé… »

Sa voix me projette violemment hors de mes pensées. Cette fois, il tourne la poignée, et se précipite dans les escaliers.

Ses talons résonnent sur le sol de manière si forte qu'il va réveiller tout le voisinage. Je n'ose pas le rattraper. Bordel, avec tout le boucan qu'il fait, on va se demander ce qu'un travesti faisait dans mon appart !

Essoufflé, je parviens à le rattraper deux étages plus bas. La colère me fait bouillonner. J'ai l'impression de sentir les veines battre à mes tempes si fort que je pourrais hurler.

Connard. T'es qu'un connard, Maël, pour me mettre dans un tel état.

« Lâche-moi ! », crie-t-il entre ses sanglots. Ma poigne se fait brutale. Je lui écrase le poignet et lui bâillonne la bouche.

« Laisse-moi Bastien ! », se débat-il comme un chien enragé et pour une petite brindille sur talons hauts perchés, cet idiot sait se défendre !

Sa claque me laisse sonné un court instant avant que je ne réalise que cet enfoiré se débat comme une fille et qu'en plus ça m'excite. Bon sang ! Enragé, je lui saisis les poignets et les plaque derrière son dos. Mon front se pose contre le sien et je le force soutenir mon regard. Son souffle est précipité. Il tente en vain de m'affronter à travers le brouillard de sa peine et de ses larmes mais même avec toute la fierté du monde, il n'arrive pas à gagner.

Je t'écrase, Maël. Je te domine. Soumets-toi.

Et tout son orgueil, toute cette lutte qu'il a engagée à partir du moment où j'ai choisi de dédaigner son homosexualité, de renier son identité, où je l'ai emmené plus bas que terre… Tout ça s'effondre face à mon regard implacable. Celui d'un loup dominant, d'un chef de meute.

Au fond, Maël haït ses faiblesses plus que tout – sa fragilité psychologique liée à son enfance, autant que celle de son corps fin et juvénile.

En cet instant, il me haït pour les lui montrer. Plus que tout.

Mais j'ai pas envie de céder à son regard noir, à la grimace de dégoût qui tord sa bouche ni aux trémolos de cette voix, bouleversée, qui chuchote : « J'te déteste, j'te déteste… Laisse-moi partir, laisse-moi crever… »

« La vie est chienne. »

C'est tout ce qui sort de ma bouche avant qu'elle ne s'empare de la sienne pour la faire taire, et que mes doigts se glissent dans ses cheveux noirs, si doux et soyeux. Ses lèvres sont fines et j'ai l'impression de lui bouffer le menton tant je l'embrasse voracement.

Quelle différence y a-t-il avec mes petites amies, si ce n'est cette jupe en cuir qui révèle combien il est bandé là-dessous ?

Sa queue appuie contre mes jeans tandis que je le soulève et que Maël s'accroche à moi. Il aime se faire porter comme une princesse, ce petit con.

La vache. Combien de mecs ont eu ses jambes autour de leurs hanches ? Ca me gonfle. Mes dents lui mordent la lèvre pour le punir alors que nous grimpons les marches et que je ferme la porte de mon appart à grand coup de pied.

Quand je le relâche, qu'il glisse le long de mon corps, ça m'fait réaliser que ma bite est aussi dure que la sienne. Avec de simples baisers.

J'halète un instant, complètement perdu et les yeux hagards. Maël recule, une expression indéfinissable peint ses traits. Puis il enlève ce t-shirt qui m'a brûlé les yeux sur la départementale, avec écrit Fuck me en lettres capitales.

Son pouce et son index grimpent le long de son ventre plat jusqu'à atteindre un téton marron, qui se dresse rapidement sous la caresse. Il s'approche, prend mes mains et les pose dessus, son désir combattant sa tristesse.

« Est-ce que… Est-ce que tu aimes ? », murmure-t-il, et je crois qu'il a juste perdu la raison quand il enchaîne, si timide soudain : « Ca pointe… Même si j'ai pas d'forme… J'en ai plus bas… », et il entraîne mes grandes mains dans les siennes si petites pour les poser sur sa divine chute de reins.

Han merde.

Ce combat intérieur me déchire. J'en crève d'envie, de ses fesses. Elles m'ont nargué alors que je conduisais, elles m'ont fait de l'œil quand il a tourné la poignée pour partir, elles m'ont carrément retenu au sens propre il y a des années, quand j'étais encore le seul à les posséder.

Mes divines. Je les aime. Maël me rend homo. Il me rend fou !

« J'pourrais être une vraie fille, Bastien… Pour toi… Tu pourrais me le faire de dos… Comme ça, tu… Tu la verrais pas », ajoute-t-il dans le creux de mon oreille, et il la lèche, fébrile.

Son désir et ses révélations me clouent sur place. Sa peur palpable aussi. J'ai toujours foutu sa peine face à mon attitude sur le compte de notre ancienne amitié, mais se pourrait-il que… Qu'il m'ait vu autrement… Qu'il ait espéré plus…

Je comprends rien ! Pourquoi s'abaisse t-il comme ça ? Est-ce que c'est ça, son attitude avec les mecs ? Est-ce que c'est comme ça qu'il les allume ? En jouant à la poupée ?

Je le repousse violemment en crachant ces mots et la révolte allume soudain ses pupilles. Me voilà mieux. Rassuré. Tandis qu'il me crie dessus.

« Pas besoin de ça avec les autres, ils sont pas homophobes en puissance, eux ! Ils aiment chaque partie de mon corps, et ils me tolèrent, avec mes exhibitions, comme tu dis ! »

La poupée m'a fait peur, et ma bouche l'avoue, doucement, pour calmer la boule de nerfs qu'est Maël à cet instant. On se met à cran, tous les deux. On se fait monter le feu.

On est dingues. En tout cas, je l'suis de lui. De sa peau, de son odeur, alors je ne peux m'empêcher de le serrer à lui broyer les os, de tracer un chemin mouillé sur chaque parcelle de son visage, d'embrasser son front, son nez, sa joue et de baiser sa bouche comme si je lui faisais l'amour.

« Pardonne-moi d'être comme ça », pleure-t-il en s'accrochant à mes coudes, la tête baissée. « C'est moi l'erreur de la nature, hein ? Mais… J'te jure… J'ai essayé de chan… »

Mes doigts sur ses lèvres le coupent dans son élan. Ses yeux s'écarquillent tandis que je secoue la tête brusquement, la tendresse m'animant comme un brasier alors que je n'ai toujours été qu'un feu ravageur de forêt. Là, il n'y a plus l'envie de détruire. Juste le désir de réchauffer. Je me sens flamme de cheminée, pour panser son petit corps meurtri. Pour cette âme d'enfant qui en a trop vu, trop tôt.

Parce que j'étais pas un gosse d'Hollywood, moi non plus. Qu'on était meilleurs amis, à neuf ans, dans cette cambrousse où son père l'a abandonné et où sa mère l'a trop materné, désirant une fille et non un garçon, elle qui haïssait les hommes.

Les cheveux de Maël étaient déjà longs lorsqu'une amie de sa mère vint jouer avec lui. Elles le maquillèrent, l'habillèrent, ravies de son calme, de sa passivité. Elles le couvrirent de bisous, et l'inconnue osa faire plus, prise dans son délire…

Toutes ces choses, il me les a confiées, juste à moi, parce qu'il en avait si honte.

Et je l'ai abandonné. Putain, je suis qu'un salaud ! Qu'un lâche !

« Je t'aime. »

Ca sort tout seul, ce sentiment qui me détruit depuis des années, depuis que je l'observe en silence s'épanouir avec tous ces autres, et me laisser seul, moi. Le bon pote indésirable.

Maël s'accroche à moi, m'embrassant à en perdre haleine.

« Moi aussi Bastien. Moi aussi ! Mon dieu… »

Je le saisis par les hanches et le porte jusqu'à ma chambre où je l'y allonge, retenant une boule dans ma gorge si forte que mes yeux peinent à ne pas pleurer. Quel gâchis…

Tout s'éclaire soudain, quand mes mains le déshabillent maladroitement, fébrilement, à la manière d'un homme qui veut un autre mais qui ne sait comment faire. Trop de temps à attendre, de conneries, d'inhibitions. Trop de secondes, de minutes, d'heures à se foutre en l'air dans le vent.

Si on avait su…

Ma langue descend le long de son torse pour sucer ses tétons – lui montrer que je les adore, même s'ils sont plats – puis trace son chemin du paradis pour affronter un ventre totalement imberbe, et aussi doux que de la soie. Pas de doute, Maël se rase, et il n'a que très peu de poils au niveau du pénis.

Peu importe, c'est dans un état second que ma bouche continue son exploration, ignorant la main paniquée qui m'attrape les cheveux, et ce petit cri terrorisé.

« Ba-Bastien, non ! »

Je comprends sa peur. Demain je me dégoûterais sûrement pour ce geste, pour mon antre buccal qui entoure son sexe et qui suce sans pudeur – et pour mon érection qui n'a pas diminué, si avide. Cependant tout ce qui compte à cette seconde est de lui montrer que j'accepte tout de lui. Me faire pardonner est juste ma seule priorité.

Il nous faudra du temps, car j'ai encore les valeurs et les jugements de ma famille dans la tronche, car je suis encore conditionné mais ce soir ma peur de le perdre pour encore un an – voire toujours – me rend dingue.

« Maël », je souffle en remontant sur lui, la sueur perlant sur mon front et l'excitation à son comble.

Ce dernier, toujours éberlué, se retourne sur le ventre, prend appui sur son coude et se redresse légèrement pour m'embrasser voluptueusement, une main moite posée sur ma nuque en arrière. Il lèche la salive dégoulinant sur mon menton puis se penche et relève les fesses.

« Je t'en prie », dit-il la voix cassée.

Nous revoilà.

Notre deuxième fois. Mais cette fois, je suis si conscient, si actif, si impliqué qu'il n'y aura pas de retour en arrière possible. Pas de masque, pas de haine pour dissimuler les preuves. Cette fois, je sais que je l'aime.

Un sentiment de bonheur m'envahit doucement, et un petit rire jaune m'échappe en songeant à quel point j'étais de sale humeur, quand je l'ai ramassé sur la route, y'a tout juste une heure.

Maël fait toujours basculer ma vie. Il me sort toujours de ma monotonie.

Il m'anime.

« C'est sexy, cette jupe… »

Il ricane, le rouge aux joues, gêné. T'es content, hein. J'te connais comme ma poche, mon p'tit con. Mes mains se glissent sous le tissu moulant et malaxent la peau tentante, glissante – pas étonnant qu'il ait chaud, là-dessous.

Est-ce grâce à moi aussi ? Je l'espère…

J'ai juste envie de la remonter, cette jupe tentatrice. Juste envie de la faire rouler sur son bassin et de baisser la ficelle de son string sur ses cuisses – puis de le prendre, juste comme ça. Les talons sont partis au bas du lit dans notre hâte, alors il serait presque nu.

L'impatience nous gagne et j'ai à peine déboutonné ma braguette tout à l'heure, pour me caresser alors que ma bouche était autour de sa queue.

Mon dieu, le pire c'est que je suis totalement lucide et qu'au final, je m'en fous…

Bastien la pute homosexuelle. Ouais, ça me plait. Au placard, le Bastien coincé, qui devait coucher avec Cynthia qu'une fois par mois, parce qu'elle trouvait que les hétéros devaient faire l'amour avec des bougies et que le sexe ne devait jamais primer.

Aux oubliettes, toute cette merde.

Encore vêtu de mes fringues, il suffirait d'abaisser mon caleçon d'une seule main pour me libérer et le prendre.

Mais j'ai pas envie. Le respecter… Ne pas le baiser comme tous ces coups d'un soir… Rendre cette fois aussi unique et sensuelle que la première me semble soudain une obligation.

« Hé, bébé », je susurre sensuellement en léchant son oreille tandis qu'il me jette un regard partagé entre une profonde joie et de la colère, parce qu'il pense que je le taquine.

Soudain très timide, Maël plonge le visage dans l'oreiller mais en ressort et se retourne lorsque je lui ordonne :

« Déshabille-moi. »

Se prenant au jeu, le seul garçon de mes fantasmes entreprend de goûter chaque parcelle de peau que mes vêtements découvrent – à commencer par les zones anciennement recouvertes par mon pull, comme mes bras musclés qu'il tâte en ronronnant presque de plaisir, comme mes fins pectoraux qu'il lèche en s'attardant sur mes mamelons, les yeux fermés. Quand il enlève mes jeans, c'est à mes cuisses qu'il s'attaque jusqu'à la plante de mes pieds qu'il embrasse et je gigote, chatouilleux.

C'est une ode à l'amour que je lis dans ses yeux joueurs, et n'en supportant plus, je lui retire ses derniers bouts de tissus pour nous laisser en tenue d'Adam.

Sa langue rejoint la mienne dans une danse qui me fait perdre la tête et je refuse d'accepter lorsqu'il me chevauche en changeant l'angle de notre position. Pas question qu'il prenne tout l'espace dans mon cœur comme la première fois. Il m'a trop dominé.

Et je sais qu'il préfère ça, quand je le domine. Il se sent aimé, rassuré, protégé dans mes bras. Il a toujours eu besoin d'un homme. D'un ami d'abord, puis d'un amant. Je veux lui montrer que je suis celui-là, que je suis les deux.

Même si je fous toujours sa fierté dans les roses quand il se soumet avec moi, et qu'une part de lui refuse de se sentir si faible et dépendant… Ce soir, il ne dit rien et se laisse faire, un sourire heureux sur les lèvres. Les larmes au bord des yeux.

Putain, ça sèche jamais chez toi, hein.

Arrête de m'émouvoir comme ça, Maël, ou je ne vais plus répondre de moi.

« Je t'aime », répète-t-il un peu plus tard, alors que je m'enfonce en lui, ayant pris toutes les précautions nécessaires.

Enfin, pas toutes. Il n'existe pas de capote pour le cœur et l'esprit, on devrait pourtant se protéger, quand on partage une telle symbiose. C'est pas sain, de baiser aussi vite, aussi fort, avec tant d'envie.

On finit par jouir, épuisés et Maël se tend clairement lorsque je quitte le lit pour aller jeter le préservatif à la poubelle et nous chercher un verre d'eau.

Bizarrement, j'ai pas envie de me dépêcher pour revenir et le rassurer sous les draps.

Qu'il paie un peu pour ce qu'il a fait de moi, une loque. Pour toutes ces années où j'ai jalousé ces mecs en silence, le ventre noué. Loin d'être un saint, je sais que je lui en aie fait baver, moi aussi. Comment a-t-il pu tomber amoureux d'un con pareil ?

« T'as aimé ? », s'enquit-il, embêté d'aborder le sujet… Mais il veut s'assurer de pas m'avoir traumatisé, cette fois.

Trauma. Ou rêve éveillé.

Ah. Les remords m'envahissent déjà. Si prévenant, et je gâche encore tout, avec mes pensées à la con.

Ca va être difficile, mais je veux faire des efforts. Je l'aime après tout…

« Et comment. »

Mes lèvres s'étirent en un sourire coquin et Maël semble toujours hésiter entre rester stupéfié ou crier de joie.

« Bastien. »

Sa mine sombre m'interpelle alors que je plongeais doucement vers le sommeil, épuisé par ce grand huit émotionnel, plus d'émotions en une soirée que j'en ai eue en 19 ans de vie.

« Refais-moi l'amour », supplie-t-il.

Complètement éveillé tout à coup, je hoche négativement la tête avant même d'y réfléchir. On n'est plus dans l'ambiance. Maël se fige, détournant les yeux, se mordillant la lèvre nerveusement.

Merde. C'est pas un refus. Juste…

« Est-ce que tu pourras me baiser n'importe quand ? », chuchote-t-il, l'air fatigué. De trop espérer ? « Est-ce que tu pourras faire tomber toutes ces barrières et accepter ce que tu es, à n'importe quel moment ? J'ai pas envie… Qu'il te faille un temps de préparation mentale, ou que sais-je encore. Je veux du spontané, j'veux vivre pleinement, Bastien. T'es prêt à ça ? »

Des doigts fébriles cherchent les miens pour s'y glisser et les entremêler. Son angoisse m'envahit soudain. Trop de questionnements, qui me donnent mal au crâne.

« T'as pas vraiment mis la main sur le bon mec, si tu veux t'éclater. »

Ma voix sonne un peu méprisante, j'ai besoin de crever l'abcès, de le lui reprocher. On est les opposés, autant de caractère que de physique. Mais alors qu'il me traitait d'intolérant, j'me rends compte que j'ai accepté sa différence ce soir, et que c'est lui qui n'accepte pas la mienne.

J'le fais chier. Probablement, j'suis un mec casanier, qui n'aime pas grand-chose, pas me montrer en public, pas me faire remarquer. J'aime ma routine, mon quotidien. C'est comme ça que je me rassure, moi. Et je lui en veux de m'avoir fait espérer !

Me redressant sur le lit, je m'apprête à en sortir lorsque sa main s'empare de mon poignet. Maël appuie son torse contre le mien pour me forcer à m'allonger et j'obtempère, même si mes mâchoires demeurent serrées.

« Idiot ! »

Et en plus, il m'insulte !

« Je ferai des efforts », promet-il en me défiant de ses yeux bleus et le contraste avec sa chevelure corbeau le rend soudain si beau que je ploie comme si c'était moi à présent, le petit loup docile. Il m'impressionne en courage, une fois de plus.

« Je te respecte et t'aime trop pour m'exhiber si t'es avec moi. Je m'habillerai bien, je serai sage, promis. De toute façon… J'suis un peu comme ça… Mais… J'en faisais un peu trop, aussi. » Son regard me fuit, penaud. « En rajouter pour te provoquer… Puis en rajouter parce que j'allais mal… Je me donne un peu des rôles, des fois. Alors je peux faire des efforts, Bastien. »

Son sourire en coin me fait craquer, comme son assurance – celle de notre première fois. Retour au galop, le gamin impudique, plein de vie !

« Mais faut que t'en fasses aussi, tu comprends ? Rassure-moi… »

Et là, oui, je comprends. Ce regard si désespéré, cette peur palpable.

Il a juste besoin d'être sûr que je ne changerai pas d'avis. Il a assez perdu par ma faute. Son seul ami. Son seul soutien. Maël ne veut pas s'illusionner, une fois de plus.

La vie ne l'a tellement pas gâté… Les images du jour où il s'est fait tabassé à mort par des petits homophobes de notre village me reviennent en flashes.

« Je ne partirai pas. Je ne te forcerai pas à le faire non plus. Juré. Et s'il m'arrive de péter un plomb, retiens-moi. »

Maël s'effondre sur moi, serrant davantage nos mains nouées.

« Je t'aime. », je pense bon d'ajouter, encore une fois.

Sa bouche tremble. Des petites perles mouillées s'écoulent encore de ses yeux et il les lèche lorsqu'elles arrivent à la commissure de ses lèvres, tout reniflant.

Pff, une vraie fille ! Mais ça ne m'empêche pas de vouloir connaître le goût salé de ses larmes, et l'embrasser me semble être une bonne solution.

Oh oui, c'est définitivement le meilleur remède…

FIN

Voilà, j'espère que ça vous a plu. Un petit mot pour la route ? ^^

Merci à tous ceux qui me lisent et à ma bêta Tigrou19 pour sa correction et pour le titre.

Bisous !