Titre : Jardin de givre
Rating : T
Genres : Romance, drame
Résumé : Émile est borderline. Dans son univers décousu où il se cherche et se persécute, où un grain de sable prend la forme d'une montagne, il vivra une romance ambiguë avec son professeur de lettres.
Mot de l'auteur : Bonjour à tous ! J'espère que vous allez bien et que vous ne croulez pas complètement sous les devoirs. Si tel est le cas, j'espère que vous n'êtes pas en train de lire ma fiction alors que les études vous attendent impatiemment … Encore là ? Non, j'étais sérieuse. Retournez à vos devoirs. C'est ce que je devrais faire pour ma part … mais hum … j'ai la flemme de compléter ma dissertation. Plaisanteries mises de côté, ce chapitre marque la fin de Jardin de givre. Il s'est dessiné et redessiné dans ma tête une bonne vingtaine de fois avant que je ne convienne que cette fin-là était préférable à une autre. Elle se déroule environ trois ans et demi après les évènements du dernier chapitre. Bonne lecture à tous mes lecteurs. Merci de m'avoir soutenue dans ce projet d'écriture. Vous m'avez beaucoup apporté, vous m'avez aidée à garder le cap quand je ne savais plus exactement quoi faire de ce récit. Ce dernier chapitre vous est dédié.
Chapitre 16 : Sisyphe heureux
« La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. »
(Albert Camus)
Le sol du studio est introuvable. Il faut dire que les livres qui s'empilent ne me facilitent pas la tâche. J'ôte mes chaussures et marche sur des piles de feuilles brochées, sur des fils qui appartiennent très probablement à l'ordinateur de Quentin ou au mien. Tandis que je tasse quelques documents de mon pied, je perçois finalement la couleur du plancher, du bois franc qui brille étrangement sous toute cette paperasse. Le lit surplombe la grande pièce, meuble qui règne au beau milieu du bordel. La fin de ma licence, l'avancement du doctorat de Quentin, ce sont les raisons que nous invoquons pour justifier le bordel insurmontable qui caractérise notre domicile. Nous parlons aussi du manque de meubles pour ranger nos livres et nos cahiers, jamais de notre paresse quant à la perspective d'un après-midi complet à classer notre pagaille.
Quentin est assis sur le bord de la fenêtre, son ordinateur portable sur les genoux. L'appartement est rempli des cliquetis provoqués par ses doigts sur le clavier. C'est l'écho, l'écho qui sublime chacun de nos gestes au point où nous accomplissons à présent chaque action avec une infinie douceur pour ne pas s'énerver mutuellement. Je pose mon sac à dos sur le lit, m'y assois en soupirant.
« Je vais étudier jusqu'à l'aube, d'accord ? J'irai dans la salle de bains pour que la lumière ne te dérange pas. Je ne mangerai pas, je ne me doucherai pas. Je vais étudier jusqu'à ce que ma tête soit saturée et qu'elle rejette toute nouvelle information.
- Ton examen de demain te stresse ? me demande Quentin sans quitter son écran des yeux.
- Ah non, pas du tout. Je disais simplement ça parce que ma passion pour l'étude est sans limite, ironisé-je.
- Et il porte sur quoi ton examen ?
- L'histoire de la littérature, du XVIIème au XVIIIème. J'ai l'impression que je ne me rappelle de rien. »
Quentin rit doucement. Je cherche mes notes de cours dans le studio. Tandis que je les trouve, au pied du comptoir de la cuisine, je me rends compte que notre pagaille est tout de même finement structurée. Les livres que j'ai lus à la première session se trouvent près de la salle de bains. Ceux que j'ai lus ces derniers mois sont tous dans la cuisine et mes cahiers s'articulent autour de cet amoncellement de pages jaunies. Les affaires de Quentin sont toutes près de la fenêtre, dans un ordre que seul lui est en mesure de comprendre. Cet été, le ménage sera fait, coûte que coûte. C'est ce que nous nous sommes promis … les deux derniers étés aussi.
« Les examens de ce genre sont faciles, me réconforte Quentin. Les questions sont prévisibles. Quelques dates et auteurs majeurs à retenir en somme.
- Facile à dire, monsieur le sorbonnard. »
Quentin rit derechef parce le surnom que je lui octroie depuis les deux dernières années ne ressemble en rien à ce qu'il est. C'est à la suite de la lecture de Gargantua que je l'ai appelé ainsi. Parce que la Sorbonne lui a ouvert les bras dès qu'il a formulé l'idée de s'inscrire au doctorat.
« Que veux-tu ? On n'a pas tous la chance d'avoir mon savoir et ma perfection. » répond-il sur le ton de la vantardise.
Il se moque ouvertement du prestige lié à son université. Il n'est pas snob, Quentin. Son savoir ne lui est pas monté à la tête. Pas encore, du moins. Il dit souvent que dès que sa thèse sera terminée, il signera docteur sur les documents administratifs. Il dit aussi qu'il se plaira à assister à des diners mondains pour étaler ses connaissances et offrir une cruelle compétition à ceux qui prétendront égaler son intelligence. Ça le fait marrer. Moi aussi. On partage très peu ces derniers temps. Ni promenade en amoureux, ni sexe torride. Il y a les études qui dévorent notre temps. Je profite donc allègrement de ces moments d'humour qui scellent notre complicité. John Lennon me rejoint sur le lit. Ses yeux en forme de soucoupe me toisent longuement.
« Tu l'as promené aujourd'hui ? » demandé-je à Quentin.
Celui-ci hoche la tête vigoureusement. Il termine d'écrire son paragraphe avant de me donner plus amples informations.
« Deux heures, ajoute-t-il. Ça m'a permis de m'aérer le cerveau.
- Je lui ferai faire un autre tour avant le diner. Tu m'accompagneras ?
- Je suis désolé, Émile … Je suis un peu empêtré dans ma thèse en ce moment. Je me contredis dans mes propos et il faut vraiment que je corrige ce détail avant demain.
- Pas de problème, je comprends. Ça t'arrangerais que j'aille chercher le diner ce soir ?
- Et tes études ?
- Dix minutes jusqu'à la pizzeria ne me priveront pas d'un bon résultat.
- Tu dois déjà faire une demi-heure avec le chien …
- Bah ça fera quarante minutes.
- Écoute, ça ne me dérange pas de préparer à manger. En plus, manger encore du gras ne nous aidera certainement pas.
- Arrête Quentin, ce n'est pas si grave. J'exagérais peut-être un peu avec mon examen. Si ça se trouve, quatre heures feront l'affaire pour mémoriser toutes les dates et les auteurs. »
C'est l'argent dépensé qui ennuie Quentin, je crois. Le studio près de l'université nous a enchanté tous les deux, même s'il était petit, même si le coût était élevé. L'endroit nous pousse à promener John Lennon très longtemps, par peur qu'il s'ennuie entre ces quatre murs. Il nous pousse aussi à compter notre argent plus souvent. Seulement, nous y sommes très attachés. La vie étudiante, bousculée entre étude et travail, nous plait aussi. C'est depuis que nous sommes ici que notre relation me paraît la plus saine, depuis que nous avons décidé de quitter Montréal pour poursuivre nos études à l'étranger. Nous partions enfin sur un pied d'égalité. Également perdus en ces lieux, nous découvrions chaque merveille de Paris avec le même étonnement. Malgré son avance sur moi, Quentin ne ressent pas le besoin de jouer l'enseignant. Il m'aide lorsqu'il en a l'occasion, me conseille quelques lectures, mais le fait avec l'attention d'un amoureux et non avec celle d'un professeur. Je relis sa thèse fréquemment, pour dénicher des fautes qui lui ont échappé. Nous avons quitté nos rôles, celui de l'élève et de l'enseignant, celui du protecteur et du protégé.
Je suis heureux.
Quentin laisse son ordinateur portable par terre, s'assoit près de moi et m'enlace tendrement. Comme si le chien devinait notre besoin d'intimité, il saute hors du lit, se dirige vers son panier. Je réponds à son étreinte, caresse son dos d'une main tremblante. La chaleur entre nous est inégalable, indomptable. Rien n'y fait, elle me chamboule chaque fois.
On reste longtemps comme ça, sans un mot.
Cet été, June et Vincent se marieront, une décision qui nous a tous deux laissés pantois. Il paraît qu'ils se sont rapprochés à la suite de notre départ, que June est passée très souvent à la boutique. Ce qui a commencé par une prise de nouvelles sur nous deux s'est transformée en de longues discussions enflammées. C'est ainsi que me l'a raconté June. Ils ne nous ont rien dit sur leur relation amoureuse. Quentin a reçu une invitation à leur mariage en décembre, une invitation qu'il a relu trois ou quatre fois sans y croire. C'était la vengeance de Vincent, paraît-il. Parce que la soirée où Quentin lui a annoncé être gay et me fréquenter l'a profondément marqué. June m'écrit très souvent ces derniers mois, soulagée de finalement pouvoir me raconter son histoire, et ça me fait du bien de la lire. Ça me remplit d'une forme de béatitude très niaise et ça fait rire Quentin.
Il y a bien des choses qui font rire Quentin. Le rire de Quentin résonne toujours dans ma tête, comme une mélodie qui me rappelle que rien ne doit me blesser trop longtemps, que le bonheur me rattrapera toujours. C'est bête dit comme ça, j'en ai conscience. Quand on parle de malheur, la gravité qui entoure nos propos nous prête aussitôt une grande maturité. Quand on s'étend sur le bonheur, on nous prête alors une forme de naïveté et d'immaturité toute enfantine. Ce qui est faux et terriblement injuste, je trouve. Ma dépression ne m'a pas fait grandir, pas plus que les troubles auxquels on me condamnait. C'est l'étape qui a suivi la douleur qui m'a fait grandir et si j'étais resté confiné dans les bras du passé, jamais je n'aurais accédé à la plénitude qui me caractérise aujourd'hui.
Ce n'est plus l'insouciance liée à l'enfance que je regrette, c'est le temps passé à la chercher alors qu'elle m'avait définitivement tourné le dos. Mon parcours est incomplet, rempli de failles et de violences, mais moi, je suis entier.
« De la pizza jambon et champignons, me précise Quentin à l'oreille. Je voudrais aussi une tartelette aux fraises. Il y en a d'excellentes chez le boulanger.
- Le gras va seulement augmenter dramatiquement notre taux de cholestérol, dis-je en l'imitant grossièrement.
- Oh, ça va. Dans le pire des cas, on finira obèses, mais savants.
- Tu m'aimeras avec quelques bourrelets en trop ?
- Évidemment. De toute façon, personne d'autre ne m'aimera puisque je serai devenu obèse, moche et en mauvaise santé.
- Mais savant, ajouté-je.
- Oui, un vrai de vrai sorbonnard. »
Olivia est passée à Paris, les cheveux roses et des tatouages plein les bras. Elle a exposé une de ces œuvres dans un musée d'art contemporain. Une œuvre à laquelle je n'ai rien compris tant elle était remplie de motifs informes et de couleurs criardes. Olivia m'a dit que mon esprit n'était pas suffisamment raffiné pour comprendre l'art contemporain. Elle n'a pas complété ses études à Chicago. Elle est revenue habiter notre appartement de Montréal avec sa nouvelle flamme, un contrebassiste new-yorkais qui auditionne pour devenir membre de l'orchestre symphonique. Ils sont ensemble depuis quelques mois et Olivia se plaît à pratiquer son art sur le corps du jeune homme. D'un style classique à un style trash, Olivia l'a transformé, comme elle a tenté de le faire des centaines de fois sur moi. Elle a tatoué Quentin quand elle est venue à Paris, un motif espagnol sur l'omoplate, une référence à un mythe de son village natal. Je ne sais trop comment elle l'a convaincu. Le tatouage ne va pas trop à Quentin, mais je m'y suis fait graduellement.
Salif a tenté de reprendre contact avec Olivia quelques années avant d'abandonner. Il m'écrit fréquemment. On déconne via Internet quand nos horaires se croisent. Il a abandonné les lettres pour devenir policier. En uniforme, il ne sourit jamais et garde la tête haute. C'est pour le rôle, dit-il.
Il me reste toujours un lien vers Montréal, une sortie vers le connu, le familier. Je ne sais pas si j'aurais supporté Paris sans cette sécurité au-delà de l'océan. Quentin n'a pas vendu sa demeure à Montréal à laquelle il tient terriblement. Malgré les problèmes financiers que nous avons connus à notre arrivée, il a tenu à la garder, ce à quoi je ne me suis jamais opposé. Nous avons un pied-à-terre à Montréal, nous n'y serons jamais étrangers.
Je me rends à la pizzeria après une heure d'étude intensive. Il fait chaud dehors, l'été nous assaille, chasse le printemps brusquement. La nuit prend possession du ciel progressivement. John Lennon marche tranquillement derrière moi. Le chien s'est habitué très vite à la ville. Il en a fait son territoire. Il marche parfois devant moi, tourne où bon lui semble, gagne les parcs à grande vitesse. Il s'est fait un ami de l'homme qui travaille à la pizzeria. Celui-ci le laisse entrer sans rechigner, lui donne toujours une ou deux tranches de jambon. Il s'appelle Léo. La trentaine bien avancée, il travaille dans la restauration depuis toujours. Il dit détenir la recette de la meilleure pizza sur le continent, ce à quoi je ne peux qu'acquiescer malgré ma piètre connaissance en la matière. Lui aussi vit avec un homme. Ils se sont mariés à l'étranger il y a quatre ans. Léo dit que leur union ne vaut pas grand-chose ici, mais que ça lui plaît d'avoir pu affirmer son amour ainsi. Il vient diner avec son mari au studio parfois. Quentin et lui parlent beaucoup des droits des homosexuels en territoire français. Moi, je me tais parce que la question me heurte chaque fois, me ramène à un évènement que je n'ai jamais vraiment voulu affronter. Je ne dis jamais à Quentin et Léo que leurs propos me font mal. Je ne le dis jamais car entre leurs mots, j'ai l'impression que notre cause avance un peu.
Il y a un an, Jared s'est suicidé.
Nous ne nous parlions plus vraiment. Depuis Noël à la maison de campagne, nous gardions nos distances, nous saluions poliment. Je lui ai un peu parlé de ma réconciliation avec Quentin, il m'a un peu parlé du retour d'Antoine et de la froide indifférence de celui-ci. Seulement, nos confidences nous plongeaient dans le malaise. Nous avons décidé de ne plus nous voir. Il m'a écrit quand je suis parti à Paris, il m'a écrit pour mon anniversaire, puis plus rien. Je me suis dit que nos chemins se séparaient, que c'était le cours naturel des choses.
Il a travaillé deux ans dans une grande entreprise canadienne, une histoire de chiffres et d'impôts, de gestion. Il est tombé amoureux d'un de ses collègues avec lequel il avait une grande complicité. Il le lui a avoué au cours d'un diner. Celui-ci l'a rejeté poliment, lui mentionnant son hétérosexualité. Jared n'a pas insisté, mais l'histoire s'est ébruitée. Les bruits ont été si forts, qu'ils ont assourdis Jared. Ses collègues l'ont humilié, l'ont violenté. Olivia m'a épargné les détails trop durs. Elle pleurait quand elle m'a raconté l'histoire au téléphone. Le collègue de Jared a tenté de le soutenir, a tenté de démentir l'histoire. Il a finalement dû s'effacer devant les menaces. Jared a joué le brave et l'indifférent. Il allait rester à son poste coûte que coûte. Ce n'était pas un lâche. Il a tenté de contacter une association puis une autre, sans réel succès. Il s'est suicidé en juillet dernier. Olivia n'a pas pu m'en dire davantage.
J'ai pleuré, je suis resté cloitré au studio. J'ai envoyé valser mes travaux, mon boulot, Quentin. Je replongeais, borderline à souhait. Mutilations, billets de loterie. Quentin aussi a morflé, mais il est resté. D'une part par amour, d'autre part parce qu'il est ainsi fait que la culpabilité le rongerait s'il se désistait. Dépression, crises de colère. Tout s'est tassé au bout de quelques mois. Quentin était à bout de souffle. On s'est séparés. Une semaine ou deux, le temps de comprendre, de reprendre nos esprits. Je peux craquer à tout moment, je lui ai dit. J'ai été comme ça pendant très longtemps. Je n'en suis pas sorti à cent pourcent. Tu sauras rester malgré tout ? Quentin a hésité, vraiment, mais il est resté parce qu'on s'aimait. L'amour, ça rend complètement dingue.
Je reviens avec la pizza et plusieurs tartelettes aux fraises. Quentin m'accueille d'un large sourire. J'étale notre festin sur le lit, sous les yeux envieux du chien. On mange avec appétit, on discute vivement de l'actualité et de nos amis communs. C'est surtout pour ne plus évoquer la littérature qui nous sature le cerveau. Aucune référence aux livres, aux auteurs, aux essayistes. Madame Bovary et Notre-Dame de Paris au placard. Une fois notre diner terminé, je jette le tout à la poubelle. Quentin s'est étendu sur le lit, il n'a pas repris son travail.
« Il est un peu tard pour faire la grasse matinée, dis-je en le rejoignant.
- Il n'est jamais trop tard, me dit-il en bâillant. Je suis complètement crevé, Émile. J'ai l'impression de ne pas avoir dormi depuis dix ans.
- Je peux t'assurer que tu dormais comme un bébé cette nuit.
- 'Te fous pas de moi. »
Il me prend par la taille et m'attire vers lui. Mon corps tout contre le sien. Je l'embrasse du bout des lèvres. Il prend mon visage à deux mains pour m'imposer un baiser plus long. Ça dure et la chaleur s'intensifie dans mon bas-ventre. Au diable les études, on se déshabille brusquement, mais on fait l'amour lentement. Je ne me rappelle plus de la dernière fois. Je sais par contre que cette fois-là, je m'en souviendrai longtemps, du souffle rauque de Quentin dans mon oreille, de ma jambe que j'entrelace à la sienne. Et puis la chaleur, la chaleur qui nous noue l'un à l'autre et que je ne peux résoudre à laisser partir, même pour trouver l'apogée du plaisir. Quand ça arrive finalement, je m'échoue contre Quentin, à bout de force. Je ne trouve pas l'énergie pour me dégager.
Soudain, je sens sa poitrine vibrer. Il éclate de rire. Ça le prend parfois quand il vient de jouir. C'est inexplicable. Un autre amant pourrait en être vexé, moi pas. C'est Quentin. Quentin et toutes ses manies qui en font un être irremplaçable à mes yeux.
« Tu te rends compte qu'on fait l'amour pendant la seule journée où on devrait sérieusement bosser ? me dit-il entre deux éclats de rire.
- Ça me manquait, répondis-je.
- À moi aussi » dit-il plus sérieusement.
Sa main se faufile entre mes cheveux qu'il peigne affectueusement. Sa tête se colle à ma poitrine, ses yeux se ferment progressivement. J'ai une pensée pour mes études qui se défile rapidement.
Et puis, c'est un peu ça la vie, meublée d'imprévus qui nous sont imposés ou qu'on lui impose. Il faut n'en faire qu'à sa tête parfois, se défiler du quotidien et dénicher, sous une montagne d'obligations, le bonheur auquel chacun aspire.
J'ai commencé cette fiction en me disant qu'Émile ne pouvait que se suicider à la toute fin, qu'aucun être humain ne pouvait supporter un passé aussi lourd sans s'effondrer sous son poids. Puis ma vision a changé progressivement sans que je ne puisse réellement l'expliquer. La citation que j'ai utilisée au début de ce chapitre est probablement celle qui a changé ma vie. Le mythe de Sisyphe d'Albert Camus est l'essai qui m'a aidé à ne pas sombrer. Quand on apprend souffrir d'un trouble de personnalité limite, on s'emprisonne entre ces lettres, on croit être condamné à cela toute sa vie. La psychiatrie n'est cependant pas une science concrète et aucun être humain ne peut être emprisonné entre quelques mots. C'est un peu ce que j'ai essayé de faire comprendre à travers le parcours d'Émile, qu'il y a toujours de la lumière. À tous ceux qui souffriraient, sans nécessairement parler de trouble de personnalité ou de dépression, j'espère que vous trouverez de l'espoir tôt ou tard.
La réconciliation de Quentin et Émile ne m'a pas paru essentielle au récit. Leur avancement en tant que couple par contre, si. Il me fallait les ancrer un peu plus dans la réalité car ils n'ont été dans ce récit qu'un couple neuf et fragile. Je voulais montrer que les choses ne seront jamais faciles, mais qu'ils résistent malgré tout. Ce qui s'est passé lors de cette nuit de réconciliation vous appartient. Quant à Jared et son triste sort, sachez que la véritable histoire de ce personnage sera exploitée dans mon autre fiction, Pâte filo, qui, à bien des égards, sera plus trash et douloureuse que Jardin de givre. Miyuki l'a bien deviné, Pâte filo est imprégnée du thème de la vengeance tel que traité dans la trilogie de Park Chan-wook (qui contient Sympathy for mr. Vengeance, Oldboy et Lady Vengeance … Oui, je sais, il faut que je cesse de vanter ce film XD Il faut vraiment que j'arrête, mais c'est plus fort que moi). Si ça vous dit, le lien n'est pas très loin …
Je voulais adresser un merci tout particulier à quatre personnes merveilleuses qui ont été ma source d'inspiration à plusieurs égards. Merci à Cheshire K. qui m'a fait comprendre qu'on pouvait transformer une expérience difficile en une création littéraire, qu'on pouvait peindre le malheur avec style et douceur à la fois. Merci à mrs-valence qui a toujours su me faire rire à travers ses commentaires et sans qui je n'aurais pas réalisé l'importance de nuancer ses personnages pour les dépeindre de manière plus humaine. Merci à Galie qui a probablement été ma plus grande source d'inspiration pour la fin de cette histoire. Moi qui hésitais tellement à la finir bien ou mal, j'ai réalisé qu'encore une fois, il fallait nuancer pour être réaliste. Terminer sur Quentin et Émile au sommet de leur carrière et pleinement heureux ou sur Émile prêt à se pendre n'était probablement pas la meilleure idée qui soit. Je crois que cette fin est relativement heureuse, mais il fallait laisser des tâches d'ombre et d'incertitude pour conserver une pointe de réalisme. Merci à Miyuki Lee, confidente d'une patience sans borne qui m'a écoutée sans rechigner quand je me plaignais de mon histoire au téléphone et dont les propres histoires m'ont beaucoup inspirée.
Merci aussi à Siphirith Hojo-Valentine-Aizen, serenity444, Llala, Caly, cat 240 et à tous ceux qui m'ont suivie. Votre support m'a beaucoup aidée. Je vais m'arrêter ici avant que cette note devienne plus longue que le chapitre, mais n'hésitez pas à m'écrire si le cœur vous en dit.