Bonjour à vous ! Merci pour vos reviews :) Faites-moi signe si je ne vous ai pas répondu, j'ai été débordé depuis décembre ^^''

Dernière partie de cette histoire aujourd'hui avec l'épilogue en prime.

J'espère que vous l'apprécierez, en espérant vous voir suivre mes autres histoires ! :D


A LA LUEUR DE LA LUNE

Partie 5

Durant cette longue année qui suivit, mes cicatrices blanchirent comme mes souvenirs s'étaient ternis. Il semblait que je ne réussirais plus à le reconnaître si nous nous croisions dans la rue. Il avait disparu, aussi bien en tant qu'humain qu'en tant que loup, il avait disparu et cela ne m'importait plus.

Ce que, bien entendu, je tentais de me convaincre.

L'attente avait laissé place au désespoir puis à l'oubli. J'ai rencontré un homme, un de ceux à la peau halée et aux yeux sombres qui me le rappelait parfois dans leur façon d'agir, dans cette même chaleur qui m'entourait lorsqu'ils m'enlaçaient. Cet homme m'avait appris à canaliser la douleur dans autre chose, quelque chose de bien plus particulier, de bien moins dangereux, quelque chose qui me permettait d'oublier son visage. J'achetai donc chaque semaine du cannabis et m'amusais, désormais seul dans la forteresse que me semblait être la maison, à tournoyer, à chanter, à crier, à dessiner, à rire et encore rire. Et j'avais refoulé son souvenir comme lui avait refoulé mon amour.

Il n'était pas humain. Je n'étais plus maître de mon propre corps. Je me tatouai, me perçais les oreilles et le visage dans l'espoir qu'il me revienne rien qu'un peu. Je n'aspirai qu'à un contrôle, ne serait-ce que minime, de mes pensées, de mes sensations, de mes sentiments. Juste ne plus sentir ma poitrine se contracter quand je regarde par la fenêtre et espère y voir un homme, ou un loup. Juste ne plus espérer quand les bruissements des feuilles me rappelle leur avancée, dans les bois, jusqu'à moi.

Il m'arrivait parfois même de me retourner dans les rues de la ville, de jour comme de nuit, et de fixer chaque homme que je croisai, chaque homme susceptible de lui ressembler. Seulement une carrure, une démarche, une coupe de cheveux, un rire, un sourire. Tout ce qui faisait qu'il était lui, juste lui et non pas l'homme que j'avais choisis pour le remplacer…

Un an. Un an de refoulement, d'avancée discrète dans la vie. Au ralenti, comme si une part de moi-même refusait de créer un futur sans cet homme. Juste un souvenir qui se fait omniprésent, une trace de lui sur mon corps, dans mon corps. Une trace de sa présence. Je recherche encore son odeur dans ce qui m'entoure, dans les gestes de mon partenaire, je tente d'y calquer les siens. Le temps d'une jouissance, ses yeux dans les miens, pour une dernière fois.

Il m'a abandonné. Avait-il peur ? Etait-il effrayé d'être mis à jour ? Comment a-t-il pu penser que je le renierai ? Que je le haïrai ? Aujourd'hui encore, alors que mes cicatrices ont blanchies et que mes souvenirs de nos rencontres se ternissent, je ne peux empêcher une part de mon âme d'être toujours à lui. Seulement à lui.

J'appartiens à un souvenir.

Si seulement j'avais pu le rattraper ? Tant d'actes manqués et maintenant ce besoin de substitution… Si seulement il m'avait aimé un peu plus. Si seulement il avait été humain. Si seulement il m'avait révélé qu'il ne l'était pas. Juste me dire que, pour lui, la lune dominait son monde. Juste me laisser une petite place dans celui-ci.

Je roulai mon premier joint de la soirée. Mes parents m'avaient laissé la maison et je me retrouvai seul, le jour de nouvel an, à faire le tri dans mes souvenirs. Existait-il des évènements heureux en cette année qui venait de passer ? Quel était le moment le moins triste ? Le moment où j'étais le moins mélancolique ? Y avait-il, ne serait-ce qu'un instant, où je n'avais pas essayé de me convaincre qu'il n'existait plus dans mes pensées ?

Mon téléphone vibra dans mon dos. J'étais nu, allongé sur la large table de la salle à manger à rêvasser, à imaginer quel aurait été mon année s'il était resté à mes côtés. Il était vingt-trois heures trente. J'envisageais déjà de me servir un verre du whisky dans la vitrine se trouvant face à moi lorsque les douze coups de minuit retentiraient dans la maison entière, au fur et à mesure, dans chaque pièce, le carillon d'une nouvelle année sans lui.

« Hey ! Prépare-toi je viens te chercher ! »

Un brouhaha persistant envahissait le combiné. J'eus du mal à reconnaître la voix de l'homme qui me téléphonait.

« Pardon ?

— Je serais bientôt devant chez toi, BG ! Dépêche-toi d'enfiler des fringues sex', j't'emmène en boîte ! »

Ma poitrine se serra. Quelle avait été ma plus grande erreur cette année ? Celle d'arrêter de me taillader ou celle d'avoir accepté d'écarter les jambes pour cet idiot qui avait les mêmes yeux que lui ?

« Je… je peux pas sortir…

— Quoi ? J't'entends pas !

— Je disais que…

— Enfin bref ! » me coupa-t-il succinctement, « j'arrive ! »

Il raccrocha. Je fermai les yeux et soupirai. Qu'allais-je faire lorsqu'il viendrait frapper à ma porte ? Une nouvelle année signifie un nouveau départ. Si celui-ci ne se fait pas avec lui, il ne devrait se faire avec personne. Et sûrement pas avec ce coup de substitution qui ne représente que la fin de quelque chose d'important, cet imbécile qui ne partage que la beauté de son physique.

Je le voulais juste lui. Seulement lui. Dans mes bras. Toucher sa peau, l'embrasser, la lécher. Lui susurrer la vérité au creux de l'oreille. Lui avouer combien mes sentiments étaient forts, combien je ne pensais plus qu'à lui alors qu'un an s'était écoulé ou encore, comment le froid ne m'empêchait pas de, chaque soir de cet hiver qui débutait, m'aventurer à la lisière des bois et rechercher, à travers l'épais feuillage, une silhouette qui pourrait être sienne.

Un courant d'air me fit frissonner. Je m'assis sur la table et éteignis mon bédo sur le bois de celle-ci. Je m'amusai un instant de la sombre trace qui y trônait avant de fixer mon regard à la fenêtre. Tout ne se résumait toujours qu'à ce regard mélancolique posé sur l'extérieur…

Je ne tentais pas de me demander de quelle façon j'oublierais tout ceci, ni même si une réelle fin existait entre nous. Je ne me souvenais que du dernier regard qu'il m'avait lancé, et mon cœur se serrait. S'il ne s'était pas enfui, nous serions encore ensemble, m'assurai-je comme une dernier espoir à chaque fois que mon esprit vaquait du côté de ces quelques pensées. Il me fallait encore du temps, juste un peu alors, je pourrais enfin ne penser plus qu'à moi et à mon bien-être, à mon bonheur.

Si seulement il avait sut que l'aimer tel qu'il était me suffisait…

J'entendis tout à coup le son d'une griffure parcourir de long en large la porte de l'entrée. Comment cet idiot avait-il pu arriver aussi vite ? Je me raisonnai, frottai le coin de mes deux yeux et, ne cherchant pas à couvrir ma nudité, je décidai d'ouvrir la porte. Personne.

« Que… ? »

Face à moi, le vide de la nuit, un vent frais pénétrait au moment où une silhouette dans le jardin me sauta aux yeux. Estomaqué, je dus m'y reprendre à deux fois avant de comprendre qu'elle était bien réelle et aller bientôt s'évaporer dans l'ombre des arbres.

Ce ne pouvait être que lui… n'est-ce pas… ?

Je ne cherchai déjà plus à raisonner, mon corps avant pris le dessus sur mon esprit. Nu, je traversai le jardin en toute hâte.

« Attends ! »

Ce ne pouvait être que lui !

La barbelé délimitant mon habitation des bois environnants m'écorcha l'intérieur des cuisses lorsque je l'escaladai. Retenant un gémissement de douleur, je pénétrai dans les bois, le froid ne m'éteignant plus, les écorces et branches sur le sol me blessant la plante des pieds à chaque foulée.

Je t'en supplie, attends-moi !

Je risquai plusieurs fois de m'écorcher les bras sur les troncs que je ne réussissais pas à éviter. Je le voyais, il était là, loin devant moi et ne semblait vouloir ralentir sous aucun prétexte. Je t'en supplie, n'oublie pas que je suis moi et ce que nous avons vécu… Si tu es venu ce soir, ne me quitte pas à nouveau…

La nuit m'obstruait la vue, je tombai une première fois mais lui continuait sa route. Je ne pouvais abandonner ! Me relevant difficile, les larmes aux yeux, de longs frissons parcourant l'intégralité de mon corps dénudé, ma fuite frénétique n'aurait pu être stoppée si je n'avais eu la certitude que c'était lui, seulement lui. Lui, humain et loup, à tout jamais.

Un autre de mes cris se perdit dans la nuit comme j'avais perdu sa trace, à lui. La tension dans mes jambes se relâcha et, tremblotant, je m'effondrai sur le sol gelé et empli de mousse. Je ne contenais plus ni mes larmes ni le tressautement de mes épaules. Frénétiquement, je me contorsionnai en proie à un abominable désespoir. Il me rendait fou, complètement fou. J'avais froid. J'avais si froid. Et si cela n'avait pas été lui ? Si mon inconscient avait tout inventé ? Et si j'étais tout simplement devenu fou ? Et s'il ne revenait jamais ?

Je me haïssais. J'étais un idiot… Jamais il ne serait venu frapper à ma porte, jamais il ne serait revenu après un an. Jamais…

J'avais chaud, extrêmement chaud et froid à la fois. Mon corps ne tremblait plus, enfin si je l'avais encore sentis, j'aurais constaté qu'il ne tremblait plus. Il fallait que je me résigne à abandonner. C'était fini. Je devais voir la vérité en face et comprendre qu'il n'était pas normal que je me retrouve nu dans les bois, en pleine nuit, en plein hiver…

Je devais juste arrêter de penser à lui… Oui, je devais partir et tout oublier… Juste, tout oublier… et dormir…

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Un souffle chaud me chatouilla l'échine. Dans la pénombre je ne percevais rien de plus qu'un infime faisceau de lumière s'acharner à pénétrer entre les épais rideaux de la fenêtres. Je décidai de m'en détourner afin de me rapprocher davantage de ce qui, dans mon dos, me tenait source de chaleur. J'encastrai mon corps dans celui à mes côtés, épousant parfaitement l'autre, ne me souciant plus une seconde de la dernière chose dont je me souvenais : l'intense fièvre animant mes membres. Dorénavant face à celui dont je partageais le lit, je me mis à retracer, du bout des doigts, l'ossature saillante de ses joues ainsi que la forme enivrante de ses lèvres. Lorsque mon homme-loup ouvrit finalement les yeux, je lui susurrai quelques mots avant qu'il n'en vienne à emprisonner mes lèvres des siennes.

« Oui, je te voulais juste toi… »

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Epilogue

« Maman ! Grand-frère a ramené quelqu'un à la maison ! »

Un enfant qui ne devait pas même avoir atteint ses huit ans tant il était frêle et mignon traversait la maison au pas de course jusqu'à la véranda, là où sa mère étendait toutes sortes de vêtements afin qu'ils sèchent. Son chemin avait été ponctué d'objet sur le sol à éviter, et plus particulièrement un aspirateur qui devait très certainement mêler, en ses entrailles, quelques poils de la fourrure de sa mère et de son frère. Lui-même était encore un peu trop jeune pour se voir en loup, et il l'acceptait.

« Que dis-tu ? » s'exaspéra la mère qui venait de se pince la peau du pouce avec l'une des pinces à linge.

« Y'a… y'a un humain dans la maison ! » s'égosilla-t-il alors qu'il tentait, par la même occasion, de reprendre son souffle.

« Quoi ? Mais ce n'est pas possible voyons. » essaya-t-elle de le réconforter, en vain.

L'enfant enserra le bras de sa mère avant de la tirer afin qu'elle n'hésite plus à se relever : « Il faut que tu viennes maman ! Il est dans la chambre de grand-frère ! »

La femme entre deux-âges due se résigner à suivre les instructions de son fils. Elle retira la pince qui retenait ses longs cheveux poivres et sels avant d'enjamber l'aspirateur et les autres objets trônant sur son passage jusqu'à la porte de la chambre de son premier fils. Ce fut à cet instant qu'elle sentit d'elle-même l'odeur de l'intrus. Son sang ne fit qu'un tour dans ses veines quand elle reconnut également celle de son fils à ses côtés.

« Que… » fulmina-t-elle, enserrant son jupon de ses longs et fin doigts déjà marqués par l'âge. Repoussant son second fils, elle ouvrit la porte à la volée et crut tout d'abord rêver lorsqu'elle vit son premier enfant s'appuyant sur son propre lit, de telle façon qu'il pouvait atteindre les lèvres de l'homme, de l'humain, recroquevillé sous les couvertures. Le loup qui était son fils s'écarta promptement du lit avant d'en venir à courber l'échine.

« Ma-… »

La mère s'avança dans la pièce, résignée à questionner comme réprimander son fils. L'enfant venait de passer sa tête dans l'encadrement de la porte et, aussi curieux qu'apeuré, il détailla l'homme qui, d'une position allongée, venait de se mettre assis.

« Que faîtes-vous chez moi ? » grogna-t-elle, on aurait sût dire si elle se trouvait sur la défensive ou si elle s'apprêtait à écorcher vif le jeune homme qui la fixait, le rouge aux joues.

« Laisse-moi t'expliquer maman !

— M'expliquer quoi ? »

La colère avait défigurée son ancienne beauté.

« Euh… bonjour madame… » Une toute petite voix se mêla à la tension que régnait dans la pièce, la mère délaissa la profondeur des yeux de son fils. Deux questions lui vint à l'esprit : quelle genre de relation entretenait son fils avec cet homme ? Connaissait-il leur nature ?

Sa mâchoire se décrispa, elle s'accorda un léger répit dans ses émotions afin de se focaliser sur le fumet que dégageait le jeune homme, fumet bien trop mêlé à son goût à celui de son fils.

« Hum… il me semble reconnaître votre odeur… » se risqua-t-elle d'énoncer.

L'humain rougit, sa colère sembla peu à peu s'anéantir.

« Maman, c'est l'homme qui a soigné ma blessure, il y a quelques mois de ça. »

L'humain pesta à l'entente de ces derniers mots, son fils à ses côtés ne put qu'étouffer un rire avant de passer une main dans ses cheveux.

« Vous êtes donc celui qui a sauvé la vie de mon fils » acquiesça-t-elle pour elle-même, sans plus se soucier du fait qu'un étranger avait pénétré son territoire.

« Oui, madame. » sourit tout à coup l'homme qui se trouvait dans le lit. « Mais il me faut bien avouer que je n'ai fait que panser sa blessure… »

Soudainement, la mère fit deux grandes enjambées afin d'atteindre son fils et lui asséna une baffe derrière la tête. Celui-ci parut incontestablement surpris, il avait cru que sa mère allait finalement les laisser seuls, mais c'était que mal la connaître.

« Aïeeeuh !

— Ce genre de chose est toujours méritée » sourit dangereusement sa mère. Elle se tourna à nouveau face à l'intrus : « Quand comptez-vous partir ?

— Euh…

— Jamais… ? » s'écria tout à coup son fils, l'espoir et l'envie se devinant dans son intonation bien trop enjouée.

La mère frappa au même endroit et, avant qu'il n'ait pu répliquer, ajouta : « Si vous avez faim, n'hésitez pas à vous servir. »


« Si vous avez faim, n'hésitez pas à vous servir. »

« Ô, moon, stand still for a moment,

tell me, ah, tell me where is my lover !

Tell him. Please, silvery moon in the sky »

Song to the moon – chanson russe


Fin.