Un petit OS sans prétention que j'ai écrit il y a un bon moment maintenant et que j'ai décidé de publier aujourd'hui en ces périodes de fêtes )
Joyeux Noël
De gros flocons tombaient sur la ville en tournoyant joyeusement, une légère pellicule blanche recouvrait déjà les rues, les visages souriants des passants emplissaient le paysage, les rires joyeux des enfants couvraient presque le vacarme assourdissant des voitures. Les périodes de fête faisaient sortir les gens.
On entendait des chants de Noël à chaque porte. La bonne humeur était présente partout. Ou presque…
Comment expliquer que pour chacun, Noël soit une telle source de joie alors que pour moi, cette période était la pire de l'année ?
Ça faisait des années que j'avais perdu cet entrain qui gagne la population à l'approche des fêtes. Des années que je n'avais plus cette joie de vivre, cette sensation de bonheur. C'était justement toutes les émotions contraires qui m'envahissaient en pensant au 25 décembre. C'était devenu pour moi une date synonyme d'horreur et de tragédie. Tout cet étalage de sentiments : sérénité, joie, excitation, me donnait la nausée. Toutes ces décorations me filaient le cafard. Tous ces chants faisaient remonter les souvenirs à la surface.
Tout ça me rappelait des évènements que j'aurais préféré garder enfouis au fin fond de ma mémoire, enfermés loin dans mon cœur. Mais, comment échapper à toute cette effervescence ? Impossible de faire un pas dehors sans tomber sur n'importe quoi ayant un quelconque rapport avec cette période que j'abhorrais.
Je la revoyais encore courir le long de l'avenue déserte, les larmes aux yeux et le cœur en lambeau. Je me rappelais de sa petite voix sanglotante, de ses mains tremblantes et de ses yeux rougis à cause de ses pleurs incontrôlables et incessants. Je me souvenais de la tristesse dans son regard mais aussi de la détermination qui y brillait avec force. Elle savait déjà ce qu'elle allait faire. J'aurais dû y prêter plus d'importance. Si j'avais réagit plus tôt, tout cela ne serait jamais arrivé…
Je m'adossais un instant contre la devanture d'un quelconque magasin, luttant contre le chagrin et le désespoir qui m'assaillaient. Je fermai les paupières, très fort, et serrai les poings, plongés dans les poches de ma veste. Je n'ai jamais été aussi faible que durant les fêtes de Noël. J'avais l'impression d'avoir de plus en plus de mal à retenir mes émotions ces derniers jours. Je ne dormais pratiquement plus, la douleur me tenant éveillé, je ne parvenais presque plus à fermer l'œil.
Le manque de sommeil entraîne chez certaines personnes, voire la majorité de la population, une irritation très facile à exciter mais, pas chez moi. J'étais simplement hors du monde réel, perdu dans ma pseudo-dépression qui débutait dès le 10 décembre pour finir vers le 20 janvier, comme tous les ans…
Période répétitive recommençant chaque année, depuis dix ans et qui ne semblait jamais vouloir finir.
Chaque année je me consacrais entièrement à mon travail pour ne pas y penser, et chaque année c'était un échec monumental. Pourquoi ne pas vouloir oublier tout simplement ? Me demanderez-vous. Comment oublier ça ? Impossible. Et puis, je ne voulais pas l'oublier, juste ne pas y penser trop souvent. Je ne voulais pas perdre son souvenir, si douloureux soit-il, c'aurait été comme la trahir…
Malgré mes efforts pour la garder dans un coin de ma tête, la dissimuler sous une montagne de vieux souvenirs pour l'écarter de mes pensées immédiates, Noël détruisait tout chaque année. Il écrasait ma volonté, explosait mes protections et faisait jaillir nombre de souvenirs et le chagrin immense les accompagnants. Chaque année à la même période, je revoyais son visage, et avec lui son caractère et toutes ses petites manies qui m'agaçaient mais qui lui étaient propres et la rendaient unique. Ce visage pour lequel j'ai versé et verse encore tant de larmes. Malgré les dix ans écoulés, elles ne cessaient de se déverser en un flot abondant et ininterrompu.
Je rouvris les yeux et détaillai l'homme qui me faisait face. Une touffe de cheveux châtains qui semblaient avoir été coiffés quelques heures auparavant mais, qui ne ressemblaient plus à rien désormais. Un front couvert de ridules d'angoisse. Des yeux ternes et sans vie. Un regard empli de tristesse et de douleur. De lourds cernes violets. Un visage amaigri par l'angoisse et creusé par la fatigue. Un corps frêle. Une silhouette fantomatique.
Je ne me reconnaissais plus. Une loque, une épave. Voilà à quoi je ressemblais. Quasiment rien. Un homme brisé. Un homme détruit. Voilà ce que j'étais devenu.
Horrifié par mon reflet, je m'en écartai vivement et marchai en direction de l'immeuble d'en face et m'y engouffrai rapidement, gardant les yeux rivés au sol, craignant la probable rencontre avec mon double sur une vitre.
Mathilde, l'hôtesse d'accueil, me salua chaleureusement. Je lui répondis par un simple sourire. Elle était toujours très gentille à mon égard et je n'arrivais même pas à être un minimum plus enjoué.
J'avais la tête vide et, ne sachant plus vers quoi tourner mes réflexions, elles allaient d'elles-mêmes vers ce sujet que je redoutais tant.
Je montai en silence jusqu'à mon bureau, m'installai sur ma chaise et jetai un regard à travers la baie vitrée surplombant la ville. Je détournai aussitôt la tête regrettant mon insouciance irréfléchie. Noël ne restait pas seulement au ras du sol, mais, malheureusement, s'élevait aussi jusqu'au sommet des gratte-ciels. Quelle plaie ! Impossible d'échapper à l'engouement de cette fête qui me détruisait.
La porte face à moi s'ouvrit me faisant sursauter. C'était Hélène.
— Je t'ai fait peur ? Désolée.
— C'est pas grave.
Elle vînt s'asseoir face à moi après avoir fermé la porte derrière elle.
— Pourquoi ne prends-tu pas des vacances ? Ça te ferait du bien. Tu as l'air épuisé.
— A quoi me serviraient des vacances à part m'ennuyer et ressasser le passé ?
— Que vas-tu faire pour Noël cette année ? Me demanda-t-elle après un long silence.
Hélène connaissait déjà la réponse à cette question, mais ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'elle ait changé.
— Comme d'habitude.
Elle hocha la tête d'un air triste.
— Tu veux que je vienne avec toi ?
— Non merci.
Elle n'aimait pas que j'aille là-bas seul mais, je ne voulais pas qu'on m'y accompagne. Je ne voulais pas de témoin à ma faiblesse. Hélène le comprenait mais, ne l'appréciait pas. Elle ouvrit la bouche mais je la coupai.
— Je sais ce que tu penses.
Un lourd silence s'installa autour de nous. Mon regard se perdit dans les rangées de bouquins de ma bibliothèque.
Une fois de plus son magnifique visage envahit mon esprit endolori. Son merveilleux sourire me plongea dans une profonde mélancolie.
Tout ça n'aurait jamais dû arriver ! Trop jeune, trop naïve, elle l'était. Elle n'aurait jamais dû partir si tôt. Très belle, charismatique, elle attirait les convoitises.
Maintenant, c'était son visage que je revoyais. Le seul à qui elle n'aurait jamais dû s'intéresser.
Je serrai les poings et les dents. Je sentis une veine gonfler sur ma tempe. La colère montait sans que ne puisse rien y faire. C'était plus fort que moi. Dès que son nom me venait à l'esprit j'en suffoquais de haine. Dire que je le haïssais n'était qu'un euphémisme.
Une petite main froide vînt se poser sur mon poing serré.
— Tu devrais lui pardonner tu sais.
Rien qu'en me voyant elle avait tout compris. La nature de mes pensées premières puis, la dérive qu'elles avaient subies pour en arriver là.
Le pardon ? Comment pourrais-je jamais lui pardonner cela ?
— Il n'a rien fait. Pourquoi t'entêtes-tu dans cette haine qui te dévore ? Ce n'est pas en le haïssant qu'elle reviendra.
Le regard noir que je lui lançai la fit renoncer à la fin de sa tirade. Elle me regarda, l'air triste puis sortit de mon bureau.
— Réfléchis-y au moins. Ajouta-t-elle avant de fermer la porte.
Y réfléchir ? C'était bien ça le problème. Je ne faisais que ça. Elle m'avait été arrachée de force et pour moi, tout était de sa faute. Mais, le pire dans tout cela était que, inconsciemment, j'en étais presque arrivé à la même conclusion qu'elle.
Il n'avait rien fait. Du moins consciemment. L'avais-je haït pour de mauvaises raisons ? Etait-il vraiment innocent au final ? Peut-être…
Mais, ma rancœur était toujours ancrée dans les lambeaux du reste de mon cœur. Disparaîtra-t-elle un jour ? Peut-être…
Je sortis de mon bureau et allai marcher dans les rues enneigées, le plus loin possible de l'agitation des fêtes. J'errai, comme une âme en peine, ainsi jusqu'à ce que je me rende compte qu'il faisait nuit. J'étais dehors depuis une éternité qui m'avait pourtant paru durer seulement quelques minutes.
La nuit s'assombrissait à vue d'œil tandis que je rejoignais mon domicile, plus perdu que jamais.
-oOo-
Cela faisait des heures que j'étais arrivé au bureau et pourtant, je n'avais toujours rien fait, à part observer le plafond les yeux dans le vague. Je réfléchissais au fait que le lendemain, jour de Noël, il faudrait que j'aille acheter une sublime rose rouge avant d'aller la rejoindre. Le rouge, sa couleur préférée. Pourquoi une rose ? Tout simplement parce qu'elle était aussi pure que cette magnifique fleur, que sa peau était aussi douce qu'un de ses pétales et que, malgré son air angélique, elle aussi piquait.
Comment n'avais-je pu voir son désespoir ? Ce devait pourtant être flagrant ! Mais trop occupé avec une de mes conquêtes de l'époque, j'étais devenu aveugle. Peut-être aurais-je pu la sauver, seulement, j'étais trop distrait pour m'en apercevoir. Je me maudis pour n'avoir rien détecté plus tôt. Elle m'appelait au secours et je n'avais rien vu de sa détresse. Son intense douleur aurait pourtant dû me faire réagir !
A cette époque, les filles ne cessaient de défiler et pourtant, aucune n'avait ses yeux, sonregard, son attitude, son charisme, cette attraction sur moi. Aucune ne lui ressemblait. Mais, rejetant cette attirance en bloc, je changeais de copine chaque jour, espérant ne plus y penser.
C'est à ce moment qu'elle s'est mise à vouloir lui plaire. Lui plaire à lui. Le seul qui n'aurait jamais dû l'approcher. Cette espèce de frimeur et bourreaux des cœurs. Idole du lycée, adulé par toutes les jeunes filles pré-pubères. Il n'a fallu qu'un regard pour qu'elle succombe, pour qu'elle tombe sous son charme.
En y réfléchissant bien, c'est vrai qu'il n'y était pour rien. Elle y avait juste cru un peu trop fort. Beaucoup trop même. Ce n'était pas comme si c'était lui qui l'y avait poussée. Il avait peut-être contribué à sa chute mais, inconsciemment.
Je me levai en hâte, attrapai ma veste et sortit en trombe de mon bureau sous l'œil éberlué d'Hélène. Je lui envoyai un grand sourire pour la rassurer sur mon état mental et quittai l'immeuble. Je m'engouffrai dans la gare et sautai dans le métro qui se trouvait là. J'eus juste le temps de monter dans le wagon que les portes se refermaient déjà. Trois stations. Je descendis sur le quai et émergeais dans la rue. Le vent glacial transperçait mes vêtements et me frigorifiait. Je resserrai mon manteau autour de moi et avançai vers la rue Diderot. Après tant d'années de haine je me rappelai encore très nettement de son adresse. Se souvient-on de détails aussi précis d'une personne qu'on abhorre ?
Je me postai sur le pas de la porte et réfléchis. Etait-ce une si bonne idée d'être venu jusque là ? Sans m'appesantir sur mes doutes et laisser l'incertitude me gagner, je sonnai. Il ne fallut que quelques secondes avant que la nervosité me submerge. Je tremblais de tous mes membres. Mais pourquoi donc étais-je venu ici ? Maudite impulsion ! Je fixai la porte close. Et s'il avait changé d'adresse ? Il était encore temps de m'enfuir, de courir à toutes jambes à travers la ville, de rentrer chez moi bien au chaud et de garder ma dignité intacte. Je me détournai près à fuir quand une voix chaude m'interrompit.
— Shane ? C'est toi ?
Je baissai la tête et fixais une seconde le béton. Trop tard pour fuir. Je me retournai et le découvris sur le pas de la porte, l'air surpris. Il n'avait pas changé. Toujours ces yeux bleu turquoise envoûtants, ces cheveux longs et noirs lui chatouillant les épaules. Ses traits fins s'étaient juste légèrement durcis, donnant plus de caractère à son visage. Il était toujours aussi séduisant qu'avant. Je ne pu empêcher la rancœur de revenir juste l'espace d'un instant.
— Salut Michael.
Un grand sourire illumina son visage, pour légèrement s'assombrir quelques secondes plus tard.
— Qu'est-ce que tu fais là ?
— Je suis venu te dire que je te pardonnais. Je ne considère plus comme coupable et je m'excuse d'avoir reporté sur toi toute ma colère durant toutes ces années.
Je l'observais. Il était vraiment très surpris. Les yeux écarquillés et la bouche ouverte, il n'arrivait apparemment plus à émettre un son.
Je détournai les talons avant qu'il ne retrouve l'usage de la parole. Je ne voulais pas entendre ce qu'il avait à me dire. Ma fierté venait d'être mise à mal, sa réaction maintenant m'importait peu. J'avais dit ce que j'avais à dire. C'était terminé. J'arrivais à la bouche de métro quand la voix lui revint.
— Shane ! Attends ! Reviens !
J'accélérai le pas, ne voulant pas voir l'expression de triomphe qui devait très certainement s'étaler sur son si beau visage.
Finalement, je rentrais bien au chaud chez moi mais, ma dignité en moins. Faire des excuses à un homme que l'on n'a pas vu depuis des années et qu'on déteste n'est pas la meilleure solution pour lui redonner du peps !
Je me blottis sous mes draps et attendit que le sommeil vienne me trouver, le cœur lourd.
— Une rose rouge ?
— Oui c'est ça.
Le fleuriste me la donna, un sourire de connivence sur les lèvres. Il devait surement croire que c'était pour ma petite amie. Je ne le détrompais pas et payais avant de sortir rapidement de la boutique.
Mes pas me menèrent d'eux-mêmes à l'endroit où j'avais rendez-vous chaque année. Je passai l'immense portail en fer forgé et me dirigeai, en silence, au milieu des allées, afin de l'atteindre. Je m'assis face à elle et commençai à lui parler. Elle ne me répondit pas. Comment aurait-elle pu ?
Je lui racontais ce qui s'était produit cette semaine, me remémorant le matin même, le regard d'Hélène quand je lui avais annoncé que j'avais pardonné Michaël. Elle était heureuse que je sois enfin allé le voir. La fierté brillait dans son regard. J'avais au moins donné le sourire à quelqu'un ces jours-ci, malgré mon état physique et moral déplorable.
Je restais là, à lui raconter tout ce qui me passait par la tête. Je me délestais de mes états d'âme et lui dévoilais mes profondes réflexions. Elle était la seule à qui je pouvais confier tout ça, tous mes tracas, toutes mes faiblesses. Elle avait toujours été là pour m'écouter, et aujourd'hui encore je pouvais évacuer ma douleur en lui parlant. Les heures s'écoulaient sans que je les voie passer.
Je n'avais plus rien à dire. J'avais asséché ma soif de parler. J'observai le ciel étoilé, en silence, enroulé dans mon manteau. Ma respiration créait des volutes de fumée blanche que je suivais du regard.
— Joyeux Noël, Shane.
Je sursautais légèrement. A cette heure tardive, cet endroit était sensé être désert, surtout le soir de Noël.
Je me retournai et découvris Michaël.
— Pardon ?
Il sourit et vînt s'asseoir à côté de moi.
— Il est minuit.
— Déjà ? M'exclamais-je en regardant ma montre.
J'étais là depuis des heures et pourtant, je n'avais pas l'impression qu'il s'était écoulé autant de temps.
— Qu'est-ce que tu fais là ? Demandais-je.
— Je suis venu te voir. Je me doutais bien que tu serais ici. Répondit-il en jetant un coup d'œil à sa tombe.
Je jetai un regard circulaire sur le cimetière. Il était vide.
— Tu ne passes pas Noël avec ta famille ?
— Je n'ai pas de famille.
Un silence pesant s'installa entre nous.
Pas de famille ? Il n'avait pas refait sa vie ? Et ses parents ? Etaient-ils morts ?
— Merci de m'avoir pardonné. J'ai culpabilisé pendant tellement de temps.
— Je l'ai fait parce que j'ai compris que tu n'y étais pour rien. Enfin, pas directement.
— Mais, tu penses toujours que si je ne l'avais pas rejetée elle serait encore là, non ?
— J'admets. Mais je ne comprends pas pourquoi tu l'as rejetée.
— Tu n'as même pas une petite idée ?
— Pourquoi ? Je devrais ?
Il me regarda droit dans les yeux, une lueur que je ne parvenais pas à déchiffrer au fond du regard.
— J'avais quelqu'un d'autre en tête…
Je le regardais, incrédule. Keira était géniale, avait tout pour elle et il avait quelqu'un d'autre en tête ?
— Keira ne te plaisait pas ?
— Pas vraiment, non.
Keira était une fille très jolie, adorable et attirait bon nombre de convoitises masculines et elle ne lui plaisait pas ? Je n'en revenais pas !
Pourquoi me regardait-il ainsi ? Serait-ce possible que… Non ! Pensais-je en secouant la tête.
— Elle était pourtant très belle et elle t'aimait.
— Oui mais, … toi aussi.
Je tournai vivement la tête vers lui, éberlué, les yeux écarquillés. Comment pouvait-il savoir ça ? Je l'avais pourtant si bien caché ! D'ailleurs, tout le monde croyait que je le haïssais. Ce qui était vrai d'un côté… Je le haïssais pour les sentiments qu'il me faisait éprouver à son égard.
— Elle ne me plaisait pas tout simplement parce-que mon style c'était plutôt son grand frère. Me répondit-il en souriant.
J'ouvris les yeux encore plus. Serait-ce vrai ? Il avait rejeté Keira pour moi ? L'homme sur lequel j'avais fantasmé toutes ces années voulait de moi ? J'avais rejeté en bloc mes sentiments à son égard pour rien ? Ma sœur s'était suicidée pour un amour de toute façon impossible ?
Il profita de mon ébahissement pour m'embrasser. Un baiser froid comme les flocons nous environnement, à cause de nos lèvres glacées, mais, brûlant comme notre passion et magnifiquement tendre.
Et dire que j'avais rêvé de ce moment durant toute mon adolescence mais n'avais jamais osé l'espérer.
Qui aurait cru que le garçon le plus beau et populaire du lycée était gay ? Et surtout, qu'il m'avait choisi moi ?
Il se sépara de moi, plongeant son regard dans le mien. Je lui souris et il fit de même.
— Tu sais, la vérité c'est que Keira n'était pas amoureuse de moi comme tu sembles le croire. Donc, on ne peut pas dire que je l'ai rejeté. Elle n'est pas morte pour moi.
Je fronçai les sourcils. De quoi parlait-il ?
— On avait discuté tout les deux et elle n'allait vraiment pas bien. Elle avait découvert quelque chose d'horrible sur son histoire. Et ça lui était insupportable.
Il fit une pause et m'interrogea du regard comme pour me dire que ce qui allait suivre, je préfèrerais sans doute éviter de l'entendre. Je l'intimai de continuer. Maintenant qu'il m'avait parlé de ça, je voulais savoir. Michaël reprit mais, à regret.
— Tes parents n'étaient pas les siens. Elle a trouvé des lettres par hasard. Une correspondance entre ta mère et une tante éloignée. Ça disait, en gros, qu'elle avait été abandonnée à la naissance par ses parents biologiques. Keira en a déduit qu'elle n'avait jamais vraiment été aimée puisque ses parents n'avaient même pas voulu d'elle, que les élèves du lycée ne l'appréciaient que pour son apparence et que personne ne la connaissait vraiment.
J'étais désemparé. Pourquoi ne m'en avait-elle jamais parlé ? J'étais là moi. J'aurais pu l'aider ! Je l'aimais, elle aurait pu tout me dire, je ne l'aurais jamais laissée tomber ! Mais elle avait décidé de se confier à Michaël. Une pointe de jalousie me transperça le cœur. Moi qui pensais que nous étions proches, je m'étais lourdement trompé…
— Je lui ai que c'était faux, qu'il y avait beaucoup de gens qui l'aimaient mais, je n'aurais jamais cru qu'elle réagirait comme elle l'a fait !
Cette histoire était horrible. Jamais je n'aurais imaginé quelque chose de plus sordide.
Mais, malgré le tragique de la situation, un sourire vint se placer délicatement sur mes lèvres. Michaël me regarda d'un air interrogateur.
Cette nouvelle, quoique triste, était un soulagement pour moi. J'avais toujours cru qu'elle était morte pour une raison futile. Un homme, une déception amoureuse : il n'y a rien de pire comme raison pour se tuer. Mais, j'apprenais qu'elle avait une toute autre raison, qui prenait tout son sens, elle. Elle n'était pas morte pour rien ! Et cette pensée me rendait heureux. Mon raisonnement était difficile à comprendre mais, au moins, je ne me torturerais plus pour son décès. Michaël le comprit et me prit dans ses bras tandis que les larmes dégringolaient le long de mes joues
Nous scellâmes notre destin d'un doux baiser sous la neige.
— Joyeux Noël. Souffla-t-il.
Je souris et enfoui ma tête dans le creux de son cou. L'avenir nous appartenait désormais et le passé ne viendrait plus nous entraver.