CHAPITRE 64


.

.

.

Bientôt un an... un an depuis que j'étais revenu chez moi.

Ma blessure avait guéri et je ne sentais plus du tout de douleur depuis quelques mois même en remuant un peu l'épaule.

Je crois que Taker m'avait bien visé au cœur mais il n'était visiblement pas aussi bon tireur que Greg qui, lui, avait tiré exactement dans ses quatre membres avec l'intention de l'achever à bout portant en le regardant droit dans les yeux.

il avait tiré un peu trop haut et raté sa cible.

Dès que j'avais pu, j'avais quitté la ville en laissant des informations aux policiers pour qu'ils puissent me contacter en cas de besoin, mais il n'y eut pas grand-chose parce que l'affaire avait été close avant même que je ne parte et pour cause, même le corps troué de balles, Taker s'était fait descendre dans l'ambulance qui le conduisait à l'hôpital après avoir réussi à subtiliser l'arme de l'un des policiers qui l'accompagnaient pour tenter de prendre un infirmier en otage.

Je n'avais pas revu Éric avant mon départ.

Il était toujours inconscient et au fond je n'étais pas certain de vouloir lui parler. Je n'avais rien à lui dire. C'était bien qu'il s'en soit sorti mais c'était tout. Ça ne changeait rien à tout ce qui s'était passé entre nous.

Pour finir de me convaincre, j'avais eu une altercation avec Greg qui n'avait pas hésité à me mettre son poing dans la figure alors que je n'avais même pas encore mis un pied hors de l'hôpital. Il avait été très clair. Il ne voulait plus que je m'approche de son chaton.

je lui avais proposé de revenir me voir lorsque mes deux bras seraient fonctionnels ainsi on pourrait ''discuter'' de façon équitable.

Comme si j'avais envie d'avoir quoi que ce soit à faire encore avec ce chat de malheur.

j'y était pour quelque chose dans l'état désastreux dans lequel Éric se trouvait et je n'en était pas fier mais il l'avait cherché. Je n'avais plus l'intention de perdre mon temps à regretter quoi que ce soit.

Ainsi j'avais quitté cette maudite ville et tous ses habitants, laissant tous mes souvenirs derrière moi.

Frôler la mort m'avait donné comme une grosse claque. Je m'étais soudain rendu compte que j'avais perdu trois ans de ma vie à me comporter comme le pire des crétins. Je me devais de me réveiller et de me retrouver.

J'aurais voulu que mes parents ne soient pas au courant de cette histoire mais il était impossible de cacher une telle blessure, surtout qu'elle requérait des soins particuliers. Ça avait quand même servi à calmer les choses entre mon père et moi car il n'avait pas du tout apprécié l'abandon de mon poste sans explication concrète. Il avait certainement d'abord pensé que ce n'était qu'un simple caprice de ma part.

Ma mère ,elle, était bien heureuse de mon retour et elle se fichait bien de la raison.

Moi aussi j'étais heureux finalement. De rentrer chez moi, me faire pomponner un peu. Retrouver des amis, Sortir , m'amuser, Vivre.

Voir Franck presque tous les jours aussi. Il avait d'ailleurs été le premier que j'avais contacté depuis l'hôpital et il avait immédiatement accouru à mon chevet. C'était d'ailleurs lui qui s'était chargé de résilier mon contrat et faire envoyer mes affaires.

On formait une jolie paire comme avant. toujours fourré ensemble. Un trio je devrais dire car Or était très souvent avec nous… et bientôt on était quatre car je ne supportais pas de tenir la chandelle.

J'avais fait une croix sur l'homosexualité et je n'avais pas eu à me forcer. Éric avait été une exception. Cette ville avait eu une mauvaise influence sur moi et dès que j'étais rentré, j'avais retrouvé mes esprits. Les mini-jupes avaient retrouvés leurs effets sur moi.

c'était ça la vie.

La vraie.

Qui a dit que les femmes étaient compliquées ? cette personne n'a certainement jamais rencontré Éric Portman.

Après avoir retroussé quelques jupes donc, j'avais fini par tomber sur une qui me plaisait assez pour me poser. Celle qui la portait s'appelait caroline.

.


.

Samedi après-midi, 15h 45.

J'étais sur la terrasse du deuxième et alors que je discutais mon agenda du lundi avec ma secrétaire, je regardais caroline assise devant moi.

Elle semblait mécontente et lorsqu'elle l'était, ses lèvres peint d'un rouge sensuel se rétractaient toujours en coin, en une moue boudeuse.

Elle trouvait que je travaillais trop et elle détestait les appels de ma secrétaire, surtout le week-end. Sa jupe moulante et trop courte, comme je l'aimais, me laissait tranquillement admirer ses longues jambes croisées et décorées à leurs bouts par des escarpins vernis noir.

Sa chemise non moins moulante dont un bouton de trop était ouvert, laissait consciencieusement admirer le haut de ses seins ronds et fermes qui ne dépassaient que peu la taille de ma main.

Ses ongles parfaitement manucurées tapotaient légèrement sur ces cuisses pendant qu'elle attendait que je termine mon appel.

caroline était une jolie brune et je sortais avec elle depuis bientôt un mois. Elle travaillait comme hôtesse et j'étais tombé sous son charme la dernière fois que j'avais utilisé les services de la compagnie où elle travaillait.

Mon appel terminé, je souris et je m'apprêtais à trouver les mots justes pour calmer ma belle lorsqu'une domestique nous interrompit.

- excusez-moi monsieur, c'est Paul.

Paul travaillait à la sécurité. Je pris l'interphone que me tendait la domestique et parla

- allo, Paul ?

- heum… oui monsieur. Il y a un jeune homme à la porte qui insiste pour vous voir. Il prétend vous connaitre. Son nom est Éric Portman.

- …

Mon silence soudain inquiéta caroline

- que se passe-t-il chérie ? me demanda-t-elle.

- non… rien. lui répondis-je en me reprenant, puis je m'adressai à Paul

- je n'attends personne aujourd'hui. Vous savez ce qu'il faut faire.

- oui monsieur… je lui ai déjà dit qu'il ne pouvait être reçu que sur rendez-vous… mais… ça fait plus d'une demi-heure qu'il est là... Il dit qu'il vous attendra jusqu'à ce que vous le receviez…

- qu'il attende.

- d'accord monsieur.

Je remis l'interphone à la domestique et elle disposa.

- de la visite ? demanda encore caroline.

- la dernière personne que j'ai envie de voir…

Ma tête se tourna vers l'entrée. Tout au bout, au loin, derrière la grande grille de fer, j'apercevais effectivement une silhouette qui attendait debout mais c'était vraiment trop loin pour que je puisse réellement l'identifier.

Éric ? vraiment ? que voulait-il après tout ce temps ? Greg ne savait donc pas proprement garder ses animaux en cages ?

Comme caroline me regardait toujours d'un regard intrigué, je reportai mon attention sur elle et lui parla de notre programme du soir tout en lui prenant la main.

Il se fatiguera et s'en ira…

caroline aimait beaucoup sortir, aller dans les clubs vip. Je savais déjà qu'elle proposerait quelque chose de ce genre. Elle voudra aussi que Franck vienne car ils s'adoraient. Ils aimaient les sortis autant l'un que l'autre et ils étaient doués pour mettre l'ambiance. Or quant à elle ne voyait pas toujours tout ça d'un très bon œil, pas vraiment parce que caroline s'entendait bien avec son mec. C'était la présence même d'une autre fille dans la bande qui la dérangeait ,mais, comme disait Franck, elle s'y fera…

Tout en parlant, je n'arrivais pas à m'empêcher de jeter quelques coups d'œil de temps en temps vers le portail à l'entrée.

Une dizaine de minutes plus tard, il était toujours là et même après qu'on nous ait servi des cocktails et qu'on ait eu le temps de finir nos verres.

Je finis par l'oublier quelques dizaines de minutes encore et lorsque je regardai à nouveau dans sa direction, il s'éloignait enfin de l'entrée mais quelques pas à peine plus loin, il s'arrêta devant la clôture de ronce.

Mais qu'est-ce qu'il foutait ?

Avant même que j'aie eu le temps de deviner la réponse, il s'était jeté sur la clôture d'un seul coup et s'était mis à l'escalader !

Non mais…

A peine sauta-t-il à l'intérieur du jardin que les chiens se lancèrent vers lui.

Me levant brusquement, je m'accrochai au balcon et hurla les noms des chiens à plein poumon.

Ils étaient presque sur lui lorsqu'ils s'arrêtèrent.

Le jardinier qui n'était pas loin les avait appelé aussi et Paul apparu à son tour dans le jardin alors que l'un des chiens, le dernier arrivé, s'approcha quand même plus près d'Éric pour le renifler, crocs dehors.

Oh, putain…

Ces trois bergers allemands avaient été entrainés pour attaquer toute personne s'introduisant dans la demeure de façon suspecte ou toute personne inconnu trainant non accompagné.

Mais celui qui reniflait Éric s'était mis à le lécher, ce qui avait calmé les deux autres avant que le jardiner ne vienne les emmener pour les enfermer et Paul d'emmener Éric avec lui.

Le chien qui léchait Éric s'appelait puceau. Je lui avais donné ce nom moi-même et Éric avait joué avec lui plusieurs fois lorsqu'il venait chez moi il y a près de 9 ans maintenant… ce n'était encore qu'un petit chiot à l'époque et il était le doyen du trio.

Énervé, je descendis rapidement les escaliers pour les retrouver en bas, sous la véranda.

Il avait des égratignures partout et Paul tout en le menaçant d'appeler la police laissait une domestique lui tamponner ses blessures d'un coton imbibé d'alcool.

« les jeunes de nos jours.. » marmonnait-il.

« franchement ! tu t'imagines qu'on peut débarquer chez les Morgan comme ça et voir qui on veut ? monsieur Kyle ne te recevra pas et tu passeras la nuit au poste de police ! ça t'apprendra ! »

- ça va, laissez-nous. Ordonnai-je.

Ils se tournèrent tous vers moi un peu surpris car aucun d'eux ne m'avait vu venir.

Paul et la domestiques s'excusèrent alors et se retirèrent. Il ne resta plus que nous deux et son regard sur moi.

« suis moi » lui dis-je en retournant à l'intérieur.

« ça n'a pas vraiment changé ici » dit-il en me suivant jusqu'au salon.

Cela faisait près d'un an que je n'avais pas entendu cette voix… j'aurais préféré ne jamais plus l'entendre.

Je me retournai pour le regarder.

Il portait un t-shirt vert olive, des jeans bleu et des baskets. Rien d'inhabituel si ce n'était ses cheveux un peu plus courts que d'habitude.

il avait maigri.

Dire qu'il avait pratiquement regagner un poids normal lorsqu'on sortait ensemble… il devait encore être dans l'une de ces mauvaises passes dont il était passé maître.

Ces yeux étaient restés les même. Leurs couleurs étaient toujours aussi fascinants, je devais le reconnaitre... Je regrettais presque qu'il ne lui soit resté aucune trace visible des coups que je lui avais porté. Ça m'aurais procuré une certaine satisfaction d'avoir réussi à abimé un peu ce visage parfait au lieu de constater qu'il était toujours aussi beau, malgré la pâleur de son teint et malgré ses horribles cernes qui lui pesaient sur ces yeux.

- ça n'a pas changé. finis-je par dire. De quoi veux-tu parler ?

- … h…

- parle vite. Je n'ai pas que ça à faire.

- …

Son regard perçant se plongea à nouveau dans le mien. Il ne semblait pas offensé. Il s'attendait à ce que je le traite comme cela. Par contre il n'avait pas l'air d'avoir préparé son discourt.

- …

Il finit par sourire. Un peu timidement.

- je… commença-t-il… La dernière fois que je t'ai vu tu recevais une balle et Je voulais… je voulais juste te voir…

- voilà qui est fait. Veux-tu que je te raccompagne ?

- non, je… je veux que tu saches aussi que je suis désolé. pour tout ce que j'ai pu te faire… tu ne le méritais pas

- tu as fini cette fois ?

- Kyle je…

- arrête. j'ai la désagréable impression que tu continues à me prendre pour un con

- … non ce n'est pas ça, je…

- content de le savoir. Maintenant rentre chez toi parce que tu nous perds du temps à tous les deux.

- je…

- aller… j'ai déjà donné, sincèrement Je ne veux rien entendre. j'ai tourné la page et tu m'ennuies franchement à revenir là-dessus. Je croyais m'être débarrassé de toi mais tu ne sais pas quand t'arrêter on dirait. Disparait Éric et Rends moi service, fais en sorte que nos routes ne se recroisent plus jamais.

Il ne bougea pas mais mes mots semblaient avoir fait leurs effets… pendant quelques secondes du moins car très vite il fit son sourire confiant et un pas vers moi.

- tu ne t'emporterais pas comme ça si tu avais vraiment tourné la page.

Qu'est-ce qu'il racontait ? j'étais parfaitement calme.

- et si tu en venais directement aux faits ? qu'est-ce que tu veux ?

- toi.

Si je ne m'étais pas retenu, j'aurais pouffé de rire.

Un sourire finit cependant par apparaitre sur mes lèvres alors qu'il me fixait intensément.

- merci mais je passe. répondis-je en le regardant à mon tour droit dans les yeux.

Nos regards restèrent connectés pendant de longues secondes. Il fit encore un pas et se retrouva presque collé à moi.

comme je l'avais pressenti, il glissa sa main dans mes cheveux et un peu brusquement, pensant surement que j'essayerais de lui résister, il m'imposa un baiser.

Totalement passif, je le laissai faire jusqu'à ce qu'il se décide à y mettre fin, un peu déboussolé par mon manque totale de réaction.

Il se recula de quelques pas.

- ça aurait pu être gênant si on nous avait surpris. Dis-je avec indifférence en sortant un mouchoir de ma poche pour m'essuyer les lèvres comme si je craignais d'être infesté.

- …

Il fut sur le point de dire quelque chose lorsque le bruit de talon sur le carrelage nous fit nous retourner tous les deux.

- chéri, Tu es parti si précipitamment.

caroline vint directement vers moi et m'embrassa langoureusement.

Nous aurait-elle vu ?

Elle passa un bras sous le mien et sourit à Éric.

- oh mais c'est lui qui est passé par-dessus la clôture.

Il y eu un moment à peine perceptible de silence gêné durant lequel je me demandai si je devais les présenter.

- ce n'est personne. Il s'apprête à partir. Finis-je par dire

- je n'ai pas fini. Intervint immédiatement cet petit énergumène pour me contredire

Le regard de caroline qui passa de l'un à l'autre montrait clairement qu'elle ne comprenait rien à notre cinéma

- il y a aussi un type qui n'arrête pas d'appeler. Je lui ai fait dire que tu le rappellerais.

- tout à l'heure bébé. Je me débarrasse de ''ça'' et je m'en occupe.

- très bien. Je t'attends la haut. Ne traine pas trop.

Elle se pencha pour m'embrasser encore avant de partir après un clin d'œil aguicheur.

Elle en faisait trop. Elle avait forcément vu quelque chose.

Je retournai mon regard vers Éric lorsqu'elle disparut dans le couloir.

Il semblait complètement déconfit. Pour une fois je pouvais clairement lire sa déception sur son visage.

Qu'y avait-il de si étonnant à ce que j'aie pu refaire ma vie ?

- maintenant que tu sais qu'on m'attends, écourte cette mise en scène ridicule. Dis-je sur un ton non moins froid que celui que j'avais adopté jusque-là.

Il me tourna brusquement le dos. Je le vis bouger, passer ses main sur son visage et dans ses cheveux. Il resta ainsi durant quelques secondes. Ses épaules se levèrent puis retombèrent doucement.

Encore quelques secondes et il me refit face, complètement zen.

La faculté et la rapidité avec laquelle il savait remettre son masque était impressionnant. Mais cela m'arrangeait car ça nous évitait un atmosphère inutilement dramatique.

Il sourit.

- où en étions-nous ? demanda-t-il. Ah oui, le baiser… Ne t'inquiète pas. je n'ai pas pensé que c'était le moyen le plus facile de te faire flancher. La preuve, ça n'a pas marché…

c'est ça…

« … je m'inquiétais un peu pour toi. continua-t-il. je croyais avoir foutu ta vie en l'air. J'avais des remords en fait et c'est pour ça que je suis venu. Mais je vois que tu te portes plus que bien. C'est… je suis content pour toi. sincèrement. Au moins comme ça, j'aurai la conscience tranquille. »

Ironique, je lui répondis

- ça me touche, mais ce n'était pas la peine. Il n'y a rien que le temps n'efface.

- hm… Fit-il dubitatif, puis il refit deux pas vers moi. se retrouvant si près que je crus qu'il allait encore m'embrasser mais il me prit juste la main, me faisant sentir la chaleur brulante de la sienne.

Avant qu'il ne parle, je le coupai et lui dis en essayant d'adoucir un peu la voix.

- Éric, tu as l'air malade. Tu n'en as pas assez ? ça fait des années que tu ressasses les mêmes choses et que tu te ruine la santé pour rien. tu m'en as fait voir de toutes les couleurs et pourtant, j'ai tout oublié. Au fond, je ne t'en veut même pas plus que ça. c'est ce qu'il faut faire. Oublier et aller de l'avant. tu devrais essayer.

La pression de sa main sur la mienne se relâcha un peu et je vis une ombre planer au-dessus de sa tête. Son regard aussi était noir.

- facile à dire pour un fils à papa… il t'a juste fallu revenir chez toi pour retrouver le cocon bien chaud de papa et maman, une gigantesque villa et une horde de domestique… peut être que j'y serais arrivé si j'avais ta vie…

- j'avais cru comprendre que Greg était prêt à t'offrir tout ce que tu voulais. C'est la volonté qu'il te manque cher chaton. La volonté.

J'eus l'impression d'avoir touché un point sensible. Rien de ce que j'avais dit ou fait jusque-là ne m'avait valu le regard qu'il me porta lorsque j'eus fini ma phrase.

Ce n'était pas de la colère, non… il semblait juste profondément blessé. Comme s'il ne trouvait pas mes paroles justes.

- tu as raison, concéda-t-il cependant, le problème c'est moi et il est temps que j'y mette fin.

- c'est cela. acquiesçai-je

Je crus qu'il allait enfin partir mais il resserra ses doigts un peu plus fort sur ma main, comme s'il repoussait le plus possible le moment du départ.

- regardes moi dans les yeux, Kyle. dis-moi que tu ne m'aime pas.

C'était encore quoi ces bêtises ?

- je ne t'aime pas. lui dis-je instantanément sans hésiter et en le regardant bien droit dans les yeux.

- haha… je ne te crois pas.

- oh aller Éric. ne te surestime pas. il m'arrive même de me demander si je t'ai jamais aimé. Oui parce que je te regarde et tu me fais juste pitié. Ça me fait réaliser le degré de stupidité dont j'ai pu faire preuve. Mon histoire avec toi était une sorte d'obsession, d'idée fixe. Je voulais que tu m'aimes, c'est tout. Tu avais raison dès le départ. Un peu comme toi en ce moment, je voulais avoir la conscience tranquille et être sûr que le passé avait bien été effacé… Je voulais te sauver aussi parce que je me sentais coupable de ce que tu étais devenu. Maintenant je sais que ce n'est même pas moi qui ai fait de toi ce que tu es. Ce n'est personne. C'est toi-même Éric et personne ne pourra t'aider à t'en sortir si ce n'est toi.

Il sourit encore, un peu tristement.

- wow… ok. Je te crois, pas la peine d'être méchant. Mais, je ne crois pas que tu ne m'aies jamais aimé. Comment aurais-tu pu résister à mon charme. Hein ?

Il essayait de plaisanter mais il n'y arrivait plus vraiment.

Il continua

- … il est quand même possible que tu ne m'aimes plus… c'est bien comme ça. je voulais en être sûr.

Il prit mon autre main entre la sienne.

- fais-moi une promesse Kyle. Une dernière et je ne viendrai plus jamais te déranger.

- …

- promets-moi de profiter de chaque instant de ta vie. D'essayer de me pardonner et de m'oublier, totalement, complètement. Promets-moi d'être heureux...

Cela faisait beaucoup de promesse pour une promesse et je n'avais certainement pas besoin de le lui promettre pour être heureux.

« c'est déjà fait. Éric. Déjà fait. »

Cette fois il sourit tendrement. L'une de ses mains lâcha la mienne et il me caressa doucement la joue.

Il dégluti, un peu difficilement comme s'il avait quelque chose en travers de la gorge.

Ne me dites pas qu'il va pleurer…pensai-je, craignant que ça ne le retienne plus longtemps.

- c'est bien… réussi-t-il quand même à articuler

De ses doigts, il attrapa quelques mèches de mes cheveux qu'il tourna entre eux.

Il retardait encore le moment de son départ…

Puis il finit par les lâcher et il recula.

- je t'aimais, Kyle. moi aussi. depuis le lycée, jusqu'à ce jour… et je n'ai jamais aimé personne, jamais, comme je t'ai aimé. Je n'ai pas su te le montrer mais j'espère que tu me crois.

- …

- …

- merci. Je me sens moins con par rapport au passé. Tu veux que je te fasse appeler un taxi ?

- ... non …Non, merci. Et ne te dérange pas, je connais le chemin... si les chiens sont enfermés bien sûr.

- je t'accompagne. C'est plus sûr.

Je l'accompagnai jusqu'au portail d'entrée en silence. Les chiens étaient enfermés, je le savais déjà. J'appuyai sur un bouton et on entendit le déclic du déverrouillage électrique avant que le portail ne coulisse lentement, pendant une éternité.

Sans un mot, Éric mit pied de l'autre côté de la barrière. Il sourit et leva la main dans un signe d'au revoir et je me dis que c'était certainement la dernière fois de ma vie que je le voyais.

« adieu » dit-il.

« adieu » répondis-je.

.

.

.

.

.


.

.

.

.

.

A peine retournai-je à l'intérieur qu'une domestique m'attaqua une nouvelle fois avec le téléphone.

« Un certain Greg Trainer vous appel depuis une heure monsieur. »

Ils s'étaient donné le mot on dirait

- je ne suis pas là. Répondis-je sèchement en montant retrouver caroline.

Un quart d'heure plus tard la même domestique vint me trouver pour me dire que c'était encore Greg. j'eus envie de lui dire que si elle revenait une troisième fois m'ennuyer avec ça, je la licenciais.

Mais elle revint une troisième fois avec un air contrit.

« il n'arrête pas, monsieur et il dit qu'il continuera à appeler jusqu'à ce qu'il vous parle. Il dit que c'est urgent. »

J'arrachai le combiné de ses main et cria

« qu'est-ce que tu me veux ! »

- allô. Kyle, c'est toi ?

- qui veux-tu que ce soit ?

- Dieu merci. Et arrête avec ce ton s'il te plait. Je ne t'appellerais pas si je n'y était pas forcé.

- ok. Alors parle. C'est quoi l'urgence ?

- Éric. Il était hospitalisé après une crise d'asthme violente. Mais il s'est enfuie de l'hôpital. Il m'a appelé pour me dire qu'il avait pris le train pour venir te voir. Mais il n'est vraiment pas en bon état…

- que veux-tu que j'y fasse ? le coupai-je.

- … Kyle. il s'est comporté comme une ordure avec toi. je sais. mais pas à ce point. Ok ? je te parle d'une question de vie ou de mort. Si tu voulais bien ne plus me couper…

- …

- …très bien. merci. il a dit qu'il venait te demander pardon et que si tu ne voulais plus de lui, il ne rentrera pas. jamais. Mais que je ne devais pas m'inquiéter. Sauf que je le connais. Il va faire une bêtise et une grosse. Tout ce que je te demande, c'est de le retenir lorsqu'il viendra et de m'appeler. S'il te plait. Fais-lui croire que tu veux bien l'écouter juste le temps que je vienne le chercher. D'accord ? je suis déjà en route. Au plus une demi-heure. Fais-le par…

- qu'est-ce que tu entends par bêtise ? le coupai-je encore

- il m'a dit au revoir Kyle… et il a déjà essayé de se suicider … une fois…

Merde…

J'avais posé le combiné.

Caroline et la domestique me regardaient bizarrement. Je devais avoir une tête de fou…

Merde !

Merde !

Ma voiture ! vite.

- dites à John d'ouvrir le portail ! ordonnai-je avant de me ruer vers la sortie.

Il était partie depuis un bon moment déjà…

C'est pas possible…

Je me disais bien qu'il se comportait étrangement. Me faire promettre d'être heureux et tout.

Comment pourrais-je être heureux s'il fais ça ? comment je pourrais vivre tranquille ?

Je roulais sans savoir où aller. Suivant juste la direction que je l'avais vu prendre en priant tous les saints qu'il ne soit pas trop tard.

En passant le pont… je le vis.

C'était lui. merde. Il comptait vraiment le faire ? Il comptait se suicider ?

Je me rangeai bien que ce soit interdit et me rua vers la forme assise sur le bord du pont et regardant en bas sans que personne n'y prête attention.

Après avoir rapidement appelé les secours, je m'approchai doucement pour ne pas le surprendre trop brusquement. Je n'y croyais toujours pas en fait. Il ne pouvait pas être sérieux.

- … Éric ?

Il sursauta quand même et se retourna brusquement.

- K-Kyle ?

Son visage était baigné de larme. Il pleurait.

Il essaya d'une main de s'essuyer rapidement.

- … mais que, qu'est-ce que tu fais là ?

- et toi qu'est-ce que tu fais ? c'est dangereux. descends.

- … je… je prends de l'air. C'est beau… la vue.

- je veux bien te croire, mais c'est dangereux. Descends de là.

Il inspira fort puis me dit

- on vient à peine de se dire adieu… fiche moi la paix…

J'essayai de m'avancer mais il m'arrêta en criant

- t'approche pas !

- …

- … Greg t'a contacté c'est ça ?

- tu ne vas pas sauter hein ? Éric.

Je sentais la panique me gagner. Il ne pouvait pas. il ne pouvait pas faire ça.

Il rit.

- tu ne m'aimes plus Kyle… tu ne m'as peut être jamais aimé. Tu as été clair là-dessus. Qu'est-ce que ça peut te faire ? avec ou sans moi, tu t'en sors.

- non…

- si… si. mais moi tu vois je… je ne m'en sors pas. j'ai jamais réussi. C'est trop dur.. tout… je ne supporte plus cette vie. Je vais devenir fou. j'ai plus confiance en personne. Je ne suis pas heureux Kyle. je souffre. Je t'assure que je souffre. Alors s'il vous plait, laissez-moi. laissez-moi partir.

- Éric…

- non, tais-toi. je n'ai pas besoin que tu essaies de me faire croire que tu m'aimes maintenant. Qu'est-ce que vous avez tous ? vous n'avez rien à foutre de moi mais vous ne voulez même pas me laisser disposer de ma propre vie !

- …

- …pardon de te crier dessus… ce n'est pas de ta faute. Je t'assure. Tu as raison. Le problème c'est juste moi… Tu étais d'accord pour que j'y mette fin. c'est ma décision. Ce n'est pas de ta faute… … et si jamais tu vois Greg, dis-lui que ce n'est pas sa faute non plus.

- Éric ! tu ne peux pas me faire ça ! tu ne peux pas le faire devant moi ! comme ça !

- … tu es venu tout seul je crois… mais c'est vrai, je ne voudrais pas te faire vivre ça. Va-t'en. Laisse-moi seul maintenant

- tu sais que je ne peux pas faire ça… qu'est-ce que tu veux que je fasse ? que je te supplie ? tu veux que je me mette à genoux ?

Il se mit à rire hystériquement alors que ses larmes se remettaient à couler.

- j'ai fait quatre heures de train pour venir te voir Kyle, alors que j'avais l'impression que j'allais m'évanouir à chaque pas. Je me suis fait blessé par les ronces de ta maison et j'ai manqué me faire dévorer par tes chiens. Je suis venu t'ouvrir mon cœur et tu m'as montré que tu n'en avais rien à foutre. tu m'as dit que tu ne voulais plus jamais me revoir… Je ne t'accuse pas. je sais que je mérite tout ça. Ok ? ce que je comprends pas c'est ce que tu veux maintenant. c'est la mort ? ce n'est rien voyons. juste une délivrance pour moi. Alors s'il te plait. Laisse-moi.

- … ce n'est pas ça. j'ai besoin de toi Éric. je t'assure. Je te jure que j'ai besoin de toi… je…je t'aime…

- …

- tu sais que je ne le dirais pas si ce n'était pas vrai. Je t'aime toujours…

- … Si tu m'aimais tu aurais juste été heureux de me voir revenir… Tu m'aurais serré dans tes bras et tu m'aurais écouté…

- n'importe quoi ! si toi tu m'avais aimé comme tu l'as dit tu n'aurais jamais fait tout ce que tu m'as fait ! tu aurais essayé de me comprendre depuis le début! tu m'aurais parlé ! …moi aussi je peux te dire ça. si tu m'aimais vraiment, tu descendrais de là. Je t'en supplie Éric. Descends de là. Fais-le pour moi…

Sans m'en rendre compte, je pleurais aussi. parce que… parce que je voyais dans son regard qu'il allait le faire.

Il allait le faire, juste devant moi, peu importe ce que je lui dirais.

- pourquoi tu es venu ? dit-il. pourquoi tu es venu ?! ce n'était pas censé se passer comme ça. Je ne le fait pas pour te punir toi ou qui que ce soit. Il n'y a rien que je veuille que tu fasse !...tu aurais dû rester chez toi et, et peut être même que tu ne l'aurais jamais su ! c'était ce que je voulais. Je voulais que tu vives heureux. même si te voir aussi bien m'a fait mal, ça m'a fait penser que tu t'en sortiras quoi qu'il arrive.

- Ce n'est pas vrai… je ne m'en sortirai pas. s'il te plait, arrête ça, Éric. Viens avec moi. on va…

Je suivis son regard qui se détourna de moi et se posa respectivement sur deux policiers qui s'approchaient doucement des deux côtés du pont. Il les avait repéré.

- je suis désolé. dit-il. je suis désolé. Oublie moi Kyle. juste comme tu l'as promis.

« Éric ! non ! »

Ces mots étaient restés entravés au fond de ma gorge alors que je le voyais tomber comme au ralenti. Je n'y croyais pas. je ne pouvais pas y croire. je ne pouvais pas.

Ce fut le vide totale dans ma tête lorsque le bruit de son corps qui tomba lourdement dans l'eau me parvint, puis j'eus comme un coup de folie. J'eus envie de hurler de tous mes poumons tellement j'avais mal. J'avais mal au cœur.

La douleur était tellement forte que je me pliai en deux en essayant de me retenir d'une main à la rambarde mais je me mis à penser que je ne pouvais pas m'écrouler sans rien faire. C'était juste impossible qu'il parte sans moi. impossible que je reste derrière lui alors qu'il avait emporté mon souffle de vie avec lui.

Comment étais-je supposé vivre sans ? comment étais-je supposé vivre sans lui, tout en sachant qu'il n'était plus nulle part sur cette terre ? qu'il ne respirait plus ?

Je ne pouvais pas. je ne pouvais simplement pas.

Alors, même si je ne savais pas nager, même si je n'étais en état de rien faire, je pouvais au moins essayer de le sauver…

ou mourir avec lui…

Je posai alors un pied sur la rambarde et avant que le policier qui me faisait signe de ne pas bouger ne m'atteigne,

je plongeai à sa suite…

.

.


.

.

voilà :D

merci à petitcoeurfragil, à tous les Guests et à tous ceux qui me lisent.

j'en profite pour vous annoncer que le prochain chapitre sera probablement le dernier et sortira sans faute dans trois semaines.

mais si, vous pouvez me faire confiance :-p

ou non?

c'est peut être le moment rêver pour faire un petit chantage du genre "ça ne sortira "JAMAIS" si je n'ai pas un millier de reviews?" xD

mais non voyons, je ne ferais quand même pas une chose pareille!

même si une petite review me ferait super,hyper, méga plaisir, comme d'hab. xD

Aller, gros gros bisous à tou(te)s,

bonne fin de semaine et à bientôt

:*