Disclaimer : Y'a pas de fin. Vous en déduisez donc que c'est... à moi. Merci.
Note : Non mais je rigole pas, y'a pas de fin. C'est le nouveau truc à la mode, le texte participatif, c'est vous qui inventez la fin. (On fait passer son indécision comme on peut, n'est-ce pas.)
La porte
Il remit de l'eau à bouillir. Il venait à peine de finir la gorgée de sa précédente tasse, mais il avait besoin de se sentir réchauffé de l'intérieur. En permanence. Il frissonna.
Devant l'armoire, il hésita quelques secondes, puis saisit une boîte et prépara son thé. Versa l'eau chaude par-dessus. Un demi-sucre. Il hésita encore. Puis ajouta une goutte de rhum. Pour le principe.
Il retourna s'asseoir dans son canapé, devant la télé noire. Même pas le courage de l'allumer pour se vider la tête avec les inepties habituelles. Il colla ses pieds contre la bouillotte encore tiède qui traînait au milieu des coussins. Celle-là aussi, il devrait en changer l'eau.
Il devrait changer toute l'eau de son univers, d'ailleurs.
Dehors il pleuvait, soirée morne et triste de novembre. Le mois le plus déprimant de l'année.
Il souffla sur sa tasse et se brûla la langue une énième fois. La légère douleur qu'il ressentit ne parvint toujours pas à évacuer ses pensées sombres. Il avait envie de tout et de rien, de sortir s'éclater la tête mais surtout de ne pas bouger de son salon. Il eut un rictus en songeant à l'incroyable folie qu'il venait de faire en sortant la bouteille de rhum. On avait vu plus excitant.
Il devrait prendre un bain bien chaud, mais il n'avait même pas le courage de bouger jusque là. Il devrait enfiler un pull supplémentaire, mais il avait peur de se sentir encore plus vide s'il augmentait les couches. Parce qu'en épaississant sa carapace, il s'enfermait en lui-même comme dans une coquille vide.
Il avisa le téléphone d'un œil. Il n'avait personne à appeler. Il regarda sa bibliothèque, mais il n'avait pas envie de cultiver son bovarysme. Il aurait déjà bien assez mal sans ça.
Il n'avait même pas de chien pour le forcer à sortir malgré la pluie.
Il avait envie d'ouvrir la fenêtre en grand, et de jeter tous ses meubles sur le trottoir. Il avait envie de sonner à une maison, n'importe laquelle, et de vider ce qu'il avait sur le cœur à la première personne qui ouvrirait. Il avait envie de courir jusqu'au fleuve et de se jeter dedans.
Il avait envie que le vent cesse de mugir dans sa cheminée éteinte. Il n'avait même plus de bois pour réchauffer son intérieur.
Il manqua laisser sa tasse lui échapper des mains. Une goutte encore brûlante tomba sur la peau de son mollet. Il regarda la légère tache rouge avec étonnement, presque surpris d'encore ressentir quelque chose malgré l'engourdissement qui l'envahissait. Il se sentait comme une poupée de chiffons oubliée dans un coin.
Il entendit à nouveau ce qui l'avait surpris. Un grattement à la porte. Juste assez net pour qu'il n'ait pas halluciné. Il se calla un peu plus au fond de son canapé, curieusement inquiet, pas certain de ce qu'il devait faire. Il s'accrocha à sa tasse, par dépit.
Il avait plein de bonnes raisons de ne pas aller ouvrir la porte. Elle était loin, d'abord. Ensuite, il n'attendait personne, et à cette heure avancée de la soirée il ne voyait vraiment pas qui ça pouvait être. En plus, quelqu'un qui gratte à la porte, il trouvait ça louche.
Mais l'attrait d'une surprise l'emporta finalement. Il posa sa tasse avec emportement et courut presque jusqu'à la porte sans se soucier du thé qui avait arrosé sa table basse. Son cœur battait fort, c'en était ridicule. Il s'arrêta, la main sur la poignée. Il ne savait pas ce qu'il redoutait. Il ne savait pas ce qu'il attendait. Il avait peur d'être déçu.
Il serait forcément déçu.