Sains et saufs
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Dans les épisodes précédents de Physique :
Lance et Steve filent le parfait amour, même Lord Maximilian a fini par leur donner sa bénédiction, il ne peut plus rien leur arriver d'affreux, n'est-ce pas ?
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Les balles et les coups explosaient autour de lui au milieu de l'odeur de poussière et de sang. Le cœur battant il se précipita droit devant, là où il l'avait vu juste avant qu'il ne tombe.
La peur faisait trembler ses mains alors qu'il dépassait la montagne de gravats.
Lance était à terre et son sang se répandait sur le sable. Ses yeux bleus, vitreux, le cherchaient alors que le sang jaillissait paresseusement du trou dans sa poitrine.
Non !
Il ouvrit les yeux.
Il n'arrivait pas à reprendre son souffle.
Lance… Lance était…
Les formes tremblaient et se confondaient devant ses yeux. Il sentait, sous lui, le lit trempé de sueur. Il entendit un petit grognement.
Lentement, il réussit à distinguer les alentours à la lumière de la lampe toujours allumée, derrière lui, sur la table de chevet. Il vit William et Diana endormis l'un contre l'autre et là, de l'autre côté du lit, les yeux encore fermés par le sommeil, Lance.
Il laissa sa tête retomber sur l'oreiller, abattu par le soulagement, le cœur battant beaucoup trop fort.
Il l'avait retrouvé. Il était arrivé à temps. Tout s'était bien passé. Il avait réussi. Il était là.
Il tendit le bras, étrangement lourd, comme si les évènements de la veille pesaient encore dessus et hésita un moment. Il ne savait pas quelle heure il était, Lance était tout aussi fatigué que les enfants, il avait besoin de dormir…
Et pourtant il laissa sa main se poser sur son visage, il caressa sa joue sur laquelle commençait à pousser quelques poils, il repoussa une mèche de cheveux qui voulait tomber vers sa bouche entrouverte.
Il avait besoin de le toucher, de sentir qu'il était là, toujours vivant. Il ne pouvait plus détacher ses yeux de lui, du jeu d'ombre et de lumière sur son visage, de l'expression de calme, de ses muscles détendus et chauds.
Il laissa ses doigts glisser dans les cheveux blonds, frôler son oreille, descendre sur sa nuque.
Les yeux bleus s'ouvrirent lentement et il fallut un moment avant qu'ils ne le reconnaissent, avant qu'il ne lui sourie, qu'il ne tourne doucement la tête pour embrasser sa paume.
Son cœur battait à nouveau trop vite, mais pour une raison bien différente cette fois-ci.
Il retira sa main et, lentement, extirpa son bras de sous William et Diana.
Les yeux bleus le regardaient encore mais Lance n'avait toujours pas bougé.
Un mélange étrange de sensations courait dans ses veines. La peur du cauchemar se disputait à l'euphorie du moment. Mais plus que tout il avait besoin. Besoin de sentir, de vérifier, d'être rassuré.
Silencieusement, il se leva du lit, replaçant la couette sagement sur les enfants. A pas de loup, toujours suivi par le regard de son amant, il rejoignit son côté.
Il aurait pu ne plus jamais le voir…
Sa main et sa voix tremblèrent.
— Viens.
Il n'attendit pas, essayant de cacher les tremblements et la peur, marchant jusqu'à la salle de bain, ouvrant l'eau de la douche pour tenter de couvrir les murmures des « et si » que le cauchemar avait laissés.
Les bras s'enroulèrent autour de son torse et le corps de Lance était chaud contre le sien. Il voulait poser son oreille contre son sternum et écouter son cœur battre. Il voulait cesser d'avoir peur.
C'était illogique, il n'y avait plus de danger et pourtant c'était maintenant qu'il paniquait, qu'il n'arrivait plus à faire face à ce qui s'était passé.
Il aurait pu ne plus jamais le voir.
Il se retourna, le prenant par surprise et l'embrassant sans attendre, ses mains accrochées dans ses cheveux blonds et pressées dans son dos, sa langue s'introduisant en lui, tout son être se perdant dans les sensations de chaleur et d'intimité, dans l'idée d'eux.
— Hey…
Lance embrassait ses joues, ses mains chaudes sur son visage, sa voix douce.
— Je suis là, tout va bien.
Il ne s'était même pas rendu compte qu'il était en train de pleurer.
— Merde.
Autant pour son image de monsieur Parfait et d'ancien de la Royal Air Force.
Mais Lance pleurait aussi, en lui souriant et tout son corps tremblait.
— J'ai eu tellement peur de jamais te revoir.
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— Et si j'ai pas envie de me lever ?
Lance était encore allongé, nu, dans le lit aux draps défaits. Dehors le soleil avait à peine commencé à illuminer Central Park.
Steve sourit en passant son t-shirt.
— Ta mère sait dans quel hôtel nous sommes descendus. Qu'est-ce que tu préfères, que les enfants viennent te tirer du lit ou que ce soit elle qui le fasse ?
Lance leva les yeux au ciel avec toute l'exagération d'une diva.
— C'est très cruel de votre part, monsieur Parfait.
— Et pourtant tu m'aimes.
Son petit ami rejeta les draps et se leva, lui montrant son superbe postérieur.
— Mmm… Je sais pas. J'ai peut-être besoin que tu me rappelles pourquoi… dit-il avant de s'éloigner vers la salle de bain avec un déhanché beaucoup trop chaloupé.
Il le rejoignit avant qu'il ne passe la porte, laissant ses bras glisser autour de son torse, posant ses lèvres sur son épaule, respirant son odeur familière même au milieu de la chambre d'hôtel.
— Bonjour…
Il remonta vers son cou, laissant ses dents mordiller doucement sa peau, souriant en sentant le frisson qui le parcourait.
— On est en vacances…
— Mmm…
La tête blonde se posa contre son épaule, lui laissant accès à son oreille, ce dont il profita.
— Dans ce cas qu'est-ce qu'on fait hors du lit ?
Il mordit son lobe.
— On emmène les enfants voir ta mère sur un plateau de tournage.
— Ah, voilà.
Lance se redressa.
— Tu viens de tuer l'ambiance. Et la joie dans mon petit cœur fragile, continua-t-il. J'aurais pu te rendre tellement heureux…
Lance était appuyé contre le chambranle de la porte, la main tragiquement posée contre son front, sa jambe relevée comme une starlette des fifties lors d'un shoot.
— Va te laver, tu vas finir par nous mettre en retard.
Il fit claquer sa main contre la hanche et la fesse de son amant.
— Oh ! Monsieur, je ne suis pas celle que vous croyez ! s'exclama Lance, faussement outré, lui lançant un clin d'œil par-dessus son épaule avant de lui refermer la porte de la salle de bain à la figure.
Parfois, non en fait tout le temps, il était pire que ses enfants.
Steve quitta la chambre le sourire aux lèvres et partit réveiller William et Diana.
Ils étaient tous les deux déjà debout et en train de se dépêcher de faire leurs devoirs de vacances.
— J'ai déjà commencé à remplir mon journal, papa.
Diana lui tendit le cahier rose à paillette qu'elle avait choisi et qui venait avec son propre stylo orné de plumes.
— Et je prendrai les photos, rajouta William en levant les yeux de son cahier de vacances où il faisait ses lignes d'écriture.
— Si vous finissiez de vous habiller pour que nous descendions petit-déjeuner ?
— Est-ce que je peux mettre ma broche papillon pour aller voir mamie Alison ?
— Bien sûr, Diana.
Au milieu des conversations très sérieuses sur les bijoux appropriés pour une petite fille de six ans, il aida ses enfants à s'habiller, assez vite rejoint par Lance, les cheveux encore humides de la douche et pourtant le dernier à être prêt parce qu'il fallait toujours qu'il se passe un dernier coup de peigne ou qu'il réajuste la broche de Diana ou refasse la raie de William...
— Si tu continues on part sans toi.
— Vous laisseriez votre papa m'abandonner tout seul et sans petit-déjeuner ?
— Non, Lance, répondit Diana en mettant sa main dans celle de l'informaticien.
— Heureusement que tu es là pour me défendre. Pour la peine je vais te porter jusqu'à l'ascenseur.
Sa fille gloussa de rire quand elle fut soulevée presque jusqu'au plafond.
— Moi aussi je veux être porté ! soupira William en prenant sa main.
Et bien sûr c'était cruel de les reposer avant que l'ascenseur n'arrive, surtout que d'ici ils pouvaient bien mieux lire les numéros au-dessus de la porte.
Porte qui s'ouvrit sur un riche vieux couple dont la femme souriait avec chaleur, admirant ses adorables enfants, enfin jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive qu'ils étaient dans les bras de deux hommes qui se tenaient bien trop proches l'un de l'autre pour être de bons hétérosexuels. Là le silence se fit tendu dans la cabine et Lance en profita pour lui mettre une main aux fesses quand ils sortirent dans le hall, juste parce qu'il voulait voir si elle en faisait une attaque.
— Et si elle avait fait une remarque ?
Les enfants étaient en train de mettre leur serviette sur leurs genoux pendant qu'il se penchait sur son petit ami.
— Alors tu nous aurais bravement défendus. J'ai confiance en toi.
Et il était sincère, il disait ça comme si ça allait de soi, comme s'il pouvait vraiment les protéger de toutes les attaques, comme si tant qu'il était là tout se passerait bien.
Il le sentit serrer brièvement sa main avant de se tourner vers les enfants.
— Chocolat ou thé ce matin ?
C'était la première fois qu'ils allaient passer aussi longtemps seuls avec William et Diana. En Angleterre il y avait Mrs T et père pour s'occuper parfois d'eux, mais cette fois-ci ils allaient les avoir avec eux 24 heures sur 24. Lance s'était finalement habitué sans trop de problèmes aux week-ends où ils étaient là, préparant ses plans de bataille des jours à l'avance pour qu'ils n'aient que des choses bien à raconter lorsqu'il les ramenait chez Bethany. Là ils avaient tous les deux bossé énormément pour se permettre de pouvoir partir, et il était sûr que son petit ami n'avait pas de plan de bataille, ou du moins pas un qui les occuperait tous les quatre pendant deux semaines…
La crise, s'il devait y en avoir une, arriverait sans doute en début de semaine prochaine, quand Lance serait épuisé d'être sans cesse sorti et de n'avoir absolument pas profité d'une semaine de vacances.
Ou alors il serait charmant et manipulateur et drôle et tout irait parfaitement.
Il regarda son fils et sa fille qui redoublaient d'effort pour capter l'attention de Lance, pour lui montrer à quel point ils savaient des choses, pour qu'il leur sourie… Il n'y avait aucun doute, ils étaient bien ses enfants.
— C'est aujourd'hui que tu voies monsieur le génie solitaire ?
Lance était en train de touiller son café, les enfants étaient penchés au-dessus d'une carte de New York encadrée de publicités qui avait dû être prise à la réception.
— Oui. Nous devons nous retrouver dans le lobby dans…
Il regarda sa montre.
— Une heure.
— J'imagine que tu vas y passer la journée ?
— Jaloux ?
— Horriblement.
Le pire était peut-être que c'était un peu vrai. Ils étaient en couple, ils s'aimaient, mais parfois les vieilles hantises de Lance ressortissaient. Ou alors il essayait juste de le taquiner, la distinction n'était souvent qu'une très fine ligne.
— Aujourd'hui on va voir Mamie Alison ! déclara William en buvant une gorgée de son chocolat.
— Tu viendras avec nous, papa ?
— Non ma chérie, je vous rejoindrai ce soir pour manger.
— Tu crois qu'il y aura des stars comme Violetta ?
— Ou Tom Hanks ?
Il écouta Lance rire.
— Pourquoi Tom Hanks ?
— C'est un énoooooooorme acteur ! répondit William enthousiaste au point d'accompagner la conversation de ses bras.
Il mordit dans un toast et laissa la conversation continuer sans lui, se contentant de sourire et de rire. Malgré la neige qui tombait dehors et le froid c'était un parfait premier jour de vacances.
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Ils restèrent stupidement enlacés pendant trop longtemps. Enfin, c'était clairement trop longtemps, et stupide, mais il n'arrivait pas à se forcer à se séparer de Steve.
Finalement il sentit les mains glisser le long de son dos et il avait essuyé depuis longtemps les preuves de ses larmes sur le t-shirt incroyablement moulant de monsieur Parfait. Alors il releva la tête et repoussa la mèche de cheveux qui avait collé à sa joue.
— Je crois qu'il y a des écolos alter-mondialistes furax qui vont débouler dans la chambre dans pas longtemps si on continue à laisser l'eau couler comme ça.
Les yeux verts étaient encore un peu troubles et il embrassa doucement ses lèvres en passant les mains sous le t-shirt blanc. Il sourit en entendant le grognement qui fit vibrer le torse parfait. Mais ça ne valait pas l'incroyable vision de Steve soudainement beaucoup plus actif, en train de prendre les choses en main et de se débarrasser de son haut d'un mouvement fluide qui faisait délicieusement bouger ses biceps, pectoraux et trapèzes sous la lumière crue qui provenait du plafond.
Il recula de deux pas, la vasque l'arrêtant et le soutenant pendant qu'il regardait son homme laisser tomber son pantalon et avancer vers lui, concentré, le regard clairement carnassier, les yeux plus sombres et il frissonna.
C'était ce qu'il voulait, ce dont il avait besoin.
Après ce qui s'était passé, après la peur et les balles et le sang et des foutus mafieux russes il avait besoin que Steve lui fasse tout oublier. Il avait besoin de ses mains sur lui. Et pas juste pour lui arracher ses vêtements avant de le pousser sous la douche. Même s'il fallait bien avouer que les mouvements précis et juste un peu trop vigoureux ne seraient pas le moins du monde malvenus. Au contraire, avec ce regard et la force de ces mains il sentait sa peau se hérisser à l'idée qu'il allait bientôt le toucher, peau contre peau, le pousser sans aucun doute contre le mur de la douche et le garder là, immobilisé par son corps pendant qu'il l'embrasserait et que sa cuisse se glisserait entre les siennes et…
Les doigts de Steve étaient légers et frôlaient à peine sa peau en le débarrassant de son t-shirt. Mais ses yeux… Ses yeux étaient fixés sur son corps, dévorant chaque centimètre de peau nue et faisant se dresser bien plus que juste ses tétons.
Ils ne disaient rien, et tout autour d'eux il n'y avait que le bruit rythmique de l'eau s'écrasant sur les carreaux, rien pour le distraire de Steve, de ses mains, de son regard, de la proximité enivrante de son corps nu.
— Et maintenant ?
Sa voix s'était brisée, plongeant ridiculement dans les graves en plein milieu de la phrase.
— A ton avis ?
La voix de Steve était parfaite, chaude, douce, basse.
Et il avait failli ne plus jamais l'entendre.
Il se laissa pousser contre le mur et embrasser à en perdre haleine.
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Lance n'avait pas tout à fait prévu ça.
Il ne pouvait pas s'empêcher de comparer, oui il était petit et mesquin comme ça. Mais bon à côté d'un mannequin pour sous-vêtements vêtu dans un des costumes les mieux taillé qu'il lui avait été donné de voir, il y avait de quoi se sentir légèrement mal à l'aise.
Mais bien sûr Van Toëck était charmant. Avec tout le monde y compris les mômes. Et il n'y avait que lui qui avait le droit de charmer les enfants parfaits alors bon c'était juste un peu irritant.
Mais pas vraiment parce que l'assistant personnel et, il mettait sa main à couper, amant de Knight –non vraiment, ils s'étaient fait toute une conversation silencieuse au moment de partir et, vu comment le génie avait à peine serré un instant la main de Steve avant de s'éloigner comme s'il risquait de lui filer des microbes mais était resté la main très suspicieusement proche voire frôlant à plusieurs reprises celle de son secrétaire pendant toutes les présentations, il était évident qu'ils étaient tous les deux à la limite du procès pour harcèlement sexuel, pas que lui en aie quoi que ce soit à faire en fait, mais bon– était sincèrement charmant et en train de montrer New York à sa place aux gosses ce qui lui évitait d'être tout le temps le nez plongé dans sa tablette à la recherche de choses à leur raconter. Au lieu de ça il pouvait garder leurs mains dans la sienne et être sûr que personne ne kidnapperait le futur comte de Gwynedd et sa sœur, tout en faisant le tourisme qu'il n'avait jamais eu le temps de faire lorsqu'il était venu par le passé dans la Grande Pomme. A chaque fois c'était pour le boulot et les seules choses qu'il avait vues pour le plaisir avaient été des bars et quelques clubs. Bref pas des endroits où il pouvait emmener les enfants parfaits.
Il n'avait juste pas l'habitude de ne pas être le centre de l'attention, c'était tout.
Heureusement William et Diana tenaient de leur père et se tournaient sans cesse vers lui pour lui demander son avis ou partager leur émerveillement en découvrant Times Square, et le faisait se sentir totalement indispensable. En bref, ils étaient parfaits.
— Et voilà le Palace.
De jour le théâtre n'était pas aussi impressionnant que lorsqu'il était éclairé sur l'avenue, pour l'heure une affiche en rouge et noir déployait les charmes glamours et vintages d'une robe fourreau parfaitement remplie.
— En ce moment le théâtre n'est pas ouvert au public. Une série de télévision est en plein tournage dans les coulisses, la scène et la salle, les informa Kris Van Toëck.
— Oui, c'est la mère de Lance qui y travaille. Elle nous a invités, lui répondit William.
— C'est la première fois qu'on la verra en vrai, rajouta Diana.
— Elle nous a déjà parlé au téléphone.
— Et une fois elle a utilisé internet, comme grand-père, même si Los Angeles c'est moins loin de Seattle que l'Angleterre.
— Vous saviez qu'il y avait un décalage horaire de huit heures entre l'Angleterre et la Côte Ouest ?
— Il faut compter avant d'appeler grand-père pour éviter de le réveiller en pleine nuit.
Il appela sa mère pendant que les enfants inondaient le new-yorkais d'infos. Elle avait intérêt à décrocher ou à avoir un assistant qui décrocherait pour elle, il faisait beaucoup trop froid pour que les enfants restent immobiles devant le théâtre. Malgré le passage effréné des autochtones, il restait encore un peu de gadoue neigeuse collée aux semelles de leurs chaussures.
— Téléphone de Mme Whitelake, Madison à l'appareil, puis-je prendre un message ?
Assistante, donc.
— Bonjour Madison, Lance Belfort, je suis là pour voir ma mère, nous sommes quatre en tout, envoyez-nous quelqu'un s'il vous plait.
— Oui, bien sûr monsieur Belfort, je viens vous chercher immédiatement.
Il raccrocha et remarqua les yeux qui le fixaient.
— On va venir nous chercher et dès que mamie Alison aura une pause elle nous rejoindra.
Il sourit et passa la main dans les cheveux de William. Il avait tellement hâte de voir la tête de sa mère lorsque les enfants l'appelleraient mamie Alison, ça vaudrait la crise qu'il aurait à essuyer immédiatement après sur les ravages de la vieillesse. Au moins elle avait de nouveau un rôle, et un principal, dans une série populaire, et qui la ferait sûrement nominer aux Golden Globes.
— Excusez-moi ?
Il releva les yeux sur le modèle pour sous-vêtements mais aussi costumes sur-mesure qu'il avait un moment oublié.
— Oui ? Je suis désolé de vous imposer ce détour pour aller voir ma mère, avec un peu de chance nous réussirons à éviter le déjeuner.
— Non non… je veux dire, je m'impose déjà, vous auriez très bien pu visiter la ville sans moi…
— Mais c'est très généreux de nous avoir proposé de nous guider.
Et voilà il était là à échanger des politesses avec l'amant du parano amateur de serpents…
— Je voulais juste savoir, votre mère est Alison Whitelake ? En ce moment en train de tourner la saison 2 de Bombshell ?
Lance regarda autour d'eux mais pour une fois il n'y avait pas un seul charognard. Sûrement les paparazzis ne venaient-ils qu'aux commencements et fins de la journée de tournage.
— Oui.
Les yeux bleu lagon s'illuminèrent et c'était totalement injuste, il était encore plus beau quand il souriait.
Heureusement monsieur le mannequin avait déjà un riche amant il avait juste un peu fouillé sur le génie et il était déjà milliardaire, il ne risquait pas de venir essayer de lui voler son homme. Enfin, il resterait quand même sur ses gardes, on ne savait jamais, monsieur Parfait était après tout… parfait.
— Oh ! Je suis désolé, ça va vous sembler bête et puéril mais je suis fan de votre mère depuis que j'ai huit ans.
Okay c'était la première fois qu'il voyait ce genre de comportement chez un homme adulte et pas trop vieux, d'habitude il y avait les femmes au foyer comme la nourrice de Steve qui avaient les larmes aux yeux en se rappelant les scènes émouvantes de ses séries et surtout de la tragédie de sa vie, et les vieux pervers qui parlaient des courbes de sa mère juste devant lui. Là… il imaginait qu'elle était peut-être une icône gay… Il faudrait qu'il demande à Steve parce qu'il avait aucune idée de ce qui pouvait être à la mode dans la culture gay. En fait il aurait dû demander à Lawrence s'il connaissait sa mère ça aurait suffit à savoir si les gays en avaient quelque chose à faire d'une actrice télé sur le retour.
— Elle n'aime rien autant que de rencontrer un fan.
Le problème c'était que c'était trop vrai et qu'il allait devoir faire en sorte qu'elle se rappelle que les enfants étaient là et qu'ils étaient plus importants qu'un homme qu'elle allait voir en tout et pour tout une seule fois dans sa vie, même si son attention la flattait immensément.
Parce qu'il voulait qu'elle fasse une bonne impression, que William et Diana disent ce soir à Steve qu'ils adoraient leur mamie Alison et qu'ils en parlent à leur grand-père, bref qu'elle soit assez parfaite pour ne pas faire tache sur le blason de la famille parfaite dont il avait bien l'intention de faire partie.
— Monsieur Belfort ?
Madison avait oublié de mettre un manteau et visiblement elle avait aussi oublié de dormir et de se maquiller ce matin et il n'allait même pas penser à ses cheveux qui tombaient épuisés sur son visage, incapables de se retenir à son chignon.
— Oui, Madison ?
— En effet, c'est moi, entrez, il fait froid.
Ils se serrèrent la main et pénétrèrent dans la chaleur du théâtre dont le vestibule était à peine éclairé.
— Bonjour les enfants, je suis Madison, je travaille pour votre mamie. Voilà votre pass, ne le perdez pas sinon vous serez emportés par la sécurité.
— Bonjour, mademoiselle, répondirent les enfants parfaits dans un chorus harmonieux.
— Madison, monsieur Van Toëck, un ami new-yorkais qui a bien voulu nous faire visiter la ville.
— Enchanté. Même topo, gardez votre pass bien en vue et il n'y aura pas de problème.
Elle vérifia anxieusement son portable.
— Putain il faut que je…
Elle s'arrêta avec l'air d'un lapin terrifié.
— Pardon les enfants, j'ai dit un gros mot. Surtout ne faites pas comme moi.
La pauvre était presque comique avec ses yeux exorbités et sa main devant sa bouche.
— Ce n'est pas grave, Wiliam et Diana vous pardonneront sûrement.
— Papa dit que les gens disent des gros mots parfois quand ils sont sous le coup d'émotions extrêmes.
— Comme la colère ou la peur.
— Ou lorsqu'ils sont stressés.
— Vous êtes stressée ?
— Papa dit que c'est normal d'être stressé par le travail.
— Il dit qu'on est son antistress parce qu'il nous aime énormément et que ça lui permet de penser à autre chose.
Madison ne savait pas trop comment répondre et ne voulait surtout pas brusquer les petits-enfants de sa stressante patronne.
— Si nous allions voir Mamie Alison, Madison a encore beaucoup de travail.
La gratitude la plus abjecte était peinte sur son visage mais aussi la courbe désespérée et vaincue de ses épaules.
Ils suivirent Madison depuis le hall directement vers une porte réservée au personnel qui devait mener aux coulisses.
— Aujourd'hui nous tournons sur la scène donc tout a été installé dans les coulisses. Les loges sont encore utilisées pour le tournage alors c'est un petit peu tassé…
En effet c'était tassé, les différentes chaises pour les acteurs principaux étaient alignées juste à côté du raccord maquillage et coiffure, à peine quelques pas devant le buffet du service traiteur et les écrans où le directeur photographie et le réalisateur regardaient les rushs pendant les temps de pause. Le matériel technique était soigneusement entreposé un peu plus loin.
Sa mère devait être furieuse de ne pas avoir un espace rien que pour elle dans lequel elle puisse se concentrer, préparer son jeu d'actrice et faire ses exercices d'assouplissement facial et karmique en paix.
— Votre mère est en train de tourner. Elle sera bientôt en pause le temps que décor et accessoires changent le plateau. Vous voulez que je vous apporte quelque chose : café, chocolat, thé, pâtisseries, sandwichs ?
— Ne vous inquiétez pas, Madison, nous irons nous servir directement, je suis sûr que les enfants ne seraient pas contre un chocolat.
Tous deux lui sourirent, toujours accrochés à sa main.
— Vous pouvez retourner travailler, nous n'allons pas vous embêter plus longtemps.
— Vous ne m'embêtez absolument pas, mentit-elle, assez mal, il espérait qu'elle n'aspirait pas à être actrice…
Elle les quitta presque aussitôt.
— Vous avez déjà visité les coulisses d'une série, monsieur Van Toëck ?
Il savait déjà que c'était la première fois pour les mômes et qu'ils en rebattraient sûrement les oreilles à Bethany. Madame Ex-Parfait allait juste le haïr un petit peu plus. C'était le but.
— Non, j'ai déjà visité les coulisses du Palace lors de répétitions, mais jamais celles d'un tournage.
— En studio ou en décor réel c'est souvent pareil, le plus important c'est le service traiteur.
Il les dirigea vers la table.
— Tout le monde dépend de sa dose de sucre et de caféine même si bien sûr certaines personnes envoient toujours leurs assistants leur chercher un café bien particulier.
Il prépara deux chocolats et se servit un gobelet de café.
— Café ?
— Thé s'il vous plait.
Monsieur le mannequin devait penser que la caféine à hautes doses ruinerait ses chakras…
— Tout à l'heure quand ils changeront le décor on ira jeter un œil aux caméras et tout ce qui est nécessaire pour filmer dans les meilleures conditions. Il n'y a jamais moins d'une cinquantaine de personnes de l'autre côté du plateau. Est-ce que vous pouvez me citer quelques métiers qu'on va rencontrer ici.
— Réalisateur, répondit immédiatement William.
— Caméraman, se hâta d'ajouter Diana.
— Les gens qui s'occupent du décor.
— Les maquilleuses.
— Tu triches ! bouda William puisque l'une d'entre elle était en train de faire des retouches maquillage devant l'immense miroir accompagné des ampoules que tout le monde associait au cinéma.
— Non, je suis observatrice, c'est très important pour être policier.
— Tu veux être policier ? demanda Van Toëck à la petite fille.
— Médecin légiste. Ou présidente des Etats-Unis, je n'ai pas encore choisi.
Le pire étant qu'elle serait capable de devenir présidente des Etats-Unis, surtout avec l'appui d'un vieux nom bien connu comme celui des Belfort…
Oui enfin pour l'heure elle avait six ans et n'était pas encore entrée en politique.
— Lance !
La voix était posée et sonore et bien sûr sa mère avait ménagé ses effets, royale dans son costume des années cinquante, la pelisse de fausse fourrure sur les épaules, éclairée par les lampes du comptoir de maquillage.
— Oh ! Mon chéri !
Elle avança vers eux, ses chaussures à talon résonnant sur le sol alors même qu'il y avait quand même un terrible brouhaha tout autour, mais c'était tout elle, attirant toujours l'attention.
Elle s'arrêta juste devant lui, lui tendant les mains.
— Je voudrais tellement t'embrasser mais je risque de causer des problèmes pour Jerry.
— Allez-y, Alison, je ferais le raccord et ça fera du bien à Gracie de repasser sur la coiffure, elle est sur son téléphone depuis ce matin, lança le maquilleur qui était un homme aux muscles beaucoup trop développés pour sa profession.
Elle coupa court à ses réflexions, le serrant contre elle et il le lui rendit. Pour une fois il était content de la voir. Il voulait vraiment qu'elle connaisse les enfants, et qu'elle les aime, et qu'il l'aime. C'était peut-être le fait d'avoir passé Noël avec Lord Maximilian en plein milieu d'un épisode de Downton Abbey plein de sentiments familiaux, mais il avait envie qu'elle fasse partie de leur famille.
— Bonjour maman.
— Brr… Tu es tout froid, est-ce que Maddie ne t'a pas proposé de boisson chaude ? Je te jure cette fille a tout le temps la tête dans les nuages, des fois je me demande pourquoi j'ai une assistante si je dois tout faire à sa place, se plaignit-elle en levant les yeux au ciel.
— Il ne fait pas si froid, ce doit être la différence avec la chaleur des projecteurs.
— Tu dois avoir raison, j'ai tourné toute la matinée ! Je suis épuisée ! Et il faut encore que je continue toute la journée ! Heureusement que je me maintiens en forme !
— Oui, maman. J'ai des gens à te présenter.
Elle se délogea de ses bras immédiatement, son plus beau sourire sur les lèvres.
— Oh pardon les enfants, mais je vois Lance tellement peu souvent, vous le voyez plus que moi.
Elle s'accroupit, dans un mouvement gracieux.
— Bonjour William, bonjour Diana ! Lance, tu ne m'avais pas dit qu'ils étaient si grands pour leur âge. Je n'arrive pas à croire que tu n'as que sept ans William, et toi Diana tu seras bientôt aussi grande que moi.
Les enfants avaient repris sa main, soudainement timides même s'ils souriaient sous les compliments.
— Est-ce que j'ai droit à un câlin maintenant que je fais presque partie de la famille ?
Elle ouvrit les bras et, exactement une seconde plus tard, les deux enfants parfaits étaient serrés contre elle et ils ne dépareillaient même pas avec son costume tant ils étaient bien habillés et coiffés.
— Je suis tellement contente d'enfin vous rencontrer !
Elle les embrassa sur la joue, son rouge à lèvres ne laissant pas une trace, et le son s'entendait parfaitement malgré le bruit ambiant.
— Nous aussi mamie Alison. J'ai mis ma broche papillon aujourd'hui, parce que c'est la plus jolie.
— Elle est superbe et en plus elle est accordée à tes yeux. C'est Lance qui a choisi tes vêtements ce matin ?
— Non, je les ai choisis toute seule.
— Vraiment ? Tu as un goût excellent.
Diana rougit.
— Lance, si tu aidais ta mamie Alison à se relever, lança-t-elle immédiatement après, les yeux furieux.
Il lui sourit et l'aida à se remettre sur pied.
— Il faut que j'aille m'asseoir pour me faire remaquiller et recoiffer mes chéris, mais Lance va aller vous chercher des fauteuils pour que je puisse vous garder près de moi. Je suis tellement contente que vous soyez là !
Il était un saint et il accepta la punition sans même soupirer.
— Bien sûr, mais avant, maman, voici Kris Van Toëck, un ami, qui est un grand fan.
Il laissa le mannequin pour sous-vêtements en offrande et alla chercher le premier assistant venu. Quelqu'un d'épuisé, de jeune et qui courait déjà quelque part ferait l'affaire.
Il en arrêta un immédiatement.
— Excusez-moi. Alison Whitelake veut deux tabourets pour ses invités.
— Je suis press…
Il retira son porte-monnaie de la poche intérieure de son manteau et sortit un billet de cent.
— S'il vous plaît… Mason, lut-il sur son badge.
Mason prit le billet et fit l'effort de sourire.
— Tout de suite.
— Elle est à la retouche maquillage.
— Aucun problème.
Il repartit, sûr, pour l'avoir fait plusieurs fois, que ça marcherait.
— Vraiment ?
Sa mère discutait alors même que la coiffeuse était en train de s'affairer pour lui crêper littéralement le chignon.
— Oui, ça reste pour moi la meilleure version.
Elle rit, à gorge déployée, comme elle l'avait toujours fait.
— Oh, monsieur Van Toëck vous devriez avoir honte de raconter des mensonges pareils à une grand-mère comme moi.
— Madame Whitel…
— Appelez-moi Alison.
Est-ce qu'il lui disait qu'il était gay ou juste qu'elle avait passé l'âge de flirter ?
— Alison, je vous jure que votre version de I dreamed a dream est pour moi la meilleure qui existe et je suis un aficionado du théâtre on Broadway.
— Arrêtez, vous allez me faire rougir.
Définitivement il avait bien fait de revenir parce qu'elle avait déjà oublié William et Diana qui, heureusement, parfaits comme ils l'étaient, observaient avec fascination les mouvements de la coiffeuse, lui posant quelques questions auxquelles elle avait la gentillesse de répondre.
— Les chaises sont en route.
— Oh, merci. Gracie, voilà mon fils Lance. Est-ce que je t'ai dit que tu avais bonne mine aujourd'hui ?
— Merci maman.
Ce pouvait difficilement être pire que lorsqu'il était en train de se noyer dans l'absence de Steve et mourir à petit feu autour de la piscine à s'attraper un cancer de la peau.
— Par contre j'ai l'impression que tu commences à perdre tes cheveux, comme ton père… J'espérais que tu aurais au moins hérité des miens.
Il aimait sa mère. Elle le rendait fou et elle ne pouvait pas s'empêcher de se mettre en avant mais il l'aimait quand même, raison pour laquelle il ne vérifierait pas dans un miroir parce qu'il savait qu'elle avait tort, qu'il ne perdait pas ses cheveux qui étaient parfaitement sains et épais et nombreux.
— Vos chaises, madame Whitelake.
— Merci Mason, répondit-il, les arrangeant pour que les enfants ne gênent pas Jerry ou Gracie dans leur travail.
— Oh, William, je n'avais pas remarqué que tu avais les yeux de ton papa et Diana et toi avez ses beaux cheveux blonds. Je suis tellement contente de vous voir, répéta-t-elle, prenant leurs mains dans les siennes.
Il ne leva pas les yeux au ciel parce que sa mère était en train d'en faire des tonnes, après tout ce n'était rien de nouveau.
— Vous savez que j'ai joué dans un théâtre juste comme celui-là ? A l'époque Lance était à peine plus vieux que William… Tu t'en souviens mon chéri ?
Cette fois-ci elle attrapa sa main pendant que la pauvre Gracie continuait à essayer de refaire son chignon.
— Oui maman. Je me souviens de la première, il y a même des photos.
— Il a dû aller à l'école à New York pendant quelques mois à cause de ça.
— Alison, est-ce que tu as ton texte, Chris a pris le mien et je n'arrive pas à le retrouver…
Une actrice venait de se laisser tomber dans le siège juste à côté, prête à être retouchée avant d'y retourner.
— Bien sûr ma chérie. Madison !
Il était à peu près sûr qu'elle n'était pas dans les alentours et pourtant maintenant elle était là, juste sur sa gauche, comme si elle avait jailli de l'ombre.
— Mon script s'il te plait, et mon smoothie rose. Merci. Oh, Megan, est-ce que je t'ai présenté mon fils Lance et les enfants de son mari : William et Diana. Mes chéris, vous avez sûrement déjà reconnu Meghan, elle a triomphé à Broadway et joué dans cette série… comment s'appelait-elle déjà ?
Cette fois-ci il leva les yeux au ciel.
— Je ne suis pas marié à Steve, maman.
— Oh chéri c'est tout comme. Smash, c'est ça, le nom de la série. Oh et voici Kris Van Toëck. Comme je disais c'est tout comme, maintenant vous pouvez vous marier dans tous les états en plus, je suis sûre que le mariage sera grandiose !
Elle se tut pour que Jerry repasse du crayon sur ses lèvres.
— Pas la peine de choisir ta tenue pour un mariage qui n'aura pas lieu.
Merde, il venait à peine d'emménager avec monsieur Parfait, il n'était pas prêt à passer devant monsieur le maire. Surtout que Bethany n'était même pas encore vraiment l'Ex-madame Parfait…
— Taratata ! dit-elle, faisant la moue pour laisser le temps au produit de sécher et se fixer. Tu viens de me présenter mes nouveaux petits-enfants, maintenant j'exige des droits de visite et donc Steve et toi vous marierez. Si tu veux je t'aiderai avec la réception et Sergueï fera votre portrait de mariage, il est incroyablement doué pour ça.
— Maman, je ne vais pas épouser Steve, il est toujours marié à Bethany.
Sa mère ne réagit pas, sûrement parce que Jerry était en train de travailler au pinceau sur ses yeux mais la conversation qu'avaient maintenu Meghan Quelquesoitsonnom et Van Toëck s'était soudainement tue.
— Comment ça il est encore marié ?
La pointe de son eye-liner était affûtée comme une lame alors qu'elle se tournait lentement vers lui, tous les yeux accompagnant son mouvement.
— Est-ce que je ne t'ai rien appris ?
Elle descendit de sa chaise.
— Meghan back-up, lança-t-elle de manière cryptique.
Mais l'actrice prit son téléphone en souriant et il n'eut pas le temps d'écouter car sa mère était sur lui, grandiose et théâtrale.
— Dois-je te rappeler ce pour quoi je me suis battu des années durant ? Les larmes, les procès ?
Il y eut un bruit soudain, derrière lui mais il n'eut pas le temps de vraiment s'en occuper car elle le poussait dans un des fauteuils réservés aux acteurs.
— Assieds-toi et retiens bien la leçon.
Elle s'éloigna et claqua dramatiquement des doigts. Il s'attendait presque à ce que la lumière s'éteigne et qu'un projecteur l'illumine soudain.
— Les filles ?
Soudain une volée de femmes en costumes, dont Meghan apparut derrière elle.
D'abord il n'y eut que les percussions des mains frappant les unes sur les autres et des pieds tapant le rythme puis soudain Alison, Meghan et une autre actrice qu'il avait sûrement dû voir à la télé commencèrent à chanter.
— All the single ladies, all the single ladies…
Il grogna de honte. Bien sûr que sa mère allait lui faire la leçon sur pourquoi il devrait se dépêcher de mettre le grappin sur Steve, a cappella, avec une chanson et une choré de Beyoncé et entourée de choristes et de danseuses en costume dans les coulisses d'une série télé. Parce que sa mère ne connaissait pas le concept de honte. Et croyait que, comme sa série, sa vie était une comédie musicale…
William et Diana s'installèrent sur ses genoux pendant que Jerry et… Van Toëck ? rejoignaient les danseuses. Sa vie venait de basculer dans la quatrième dimension…
Et tout ça juste parce qu'il n'osait pas pousser Steve à divorcer, parce que monsieur Parfait avait forcément raison et que rester marié à Betany était ce qu'il y avait de mieux pour éviter le scandale et préserver les enfants… Mouais, rien à faire, au fond il n'y croyait pas.
Parce qu'il ne voulait pas y croire. Parce qu'il voulait Steve entièrement à lui. Parce qu'il voulait que Bethany ne soit plus que l'ex-madame Parfait, même aux yeux de la loi. Parce qu'il voulait que Lord Maximilian aie raison sur ce point…
Et il avait juste trop la trouille pour faire face au problème et en parler comme un adulte… Ce qui expliquait pourquoi sa vie pathétique lui infligeait sa mère en train de faire des mouvements en talons qui devraient être interdits à une dame de son âge…
Alors que tout ce qu'il avait à faire c'était poser la question. Et Steve lui répondrait en toute honnêteté…
Et si ça se trouve il lui dirait non…
xxx
— Oui…
Le mot se terminait en un gémissement et le son se répercutait sur les carreaux mouillés. Il mordit sa lèvre inférieure avec juste un brin trop de force. Ce qui fit gémir et frissonner son amant.
— Les enfants dorment.
Les cheveux de Lance tombaient sur son visage et ses pupilles étaient dilatées, sa bouche ouverte sur son souffle haletant. Il était tout ce qu'il avait jamais désiré et plus encore.
— Dans ce cas il va falloir que tu me fasses taire parce que je n'y arriverai pas tout seul.
Steve grogna. Il essaya de se retenir, de se contenir mais les mots brûlaient contre sa peau et l'envie le terrassait. Lance le rendait fou.
Surtout lorsqu'il le regardait de ces yeux assombris de désir derrière ses cils mouillés.
Steve se laissa tomber à genoux. Habituellement il aurait remarqué les rainures douloureuses sous sa peau, l'inconfort de l'eau qui lui tombait sur le visage avant que Lance ne l'abrite, le fait qu'il n'avait plus vingt ans et que ses muscles ne le remercieraient pas le lendemain. Habituellement il aurait eu besoin de faire taire ces problèmes momentanés pour se concentrer uniquement sur Lance, sur son plaisir, sur son corps qui se tendait de plus en plus. Là il n'y avait que l'urgence, le besoin de s'assurer qu'il était là, qu'il pouvait le sentir contre lui, le rendre fou, le besoin de l'entendre alors même qu'il venait de leur rappeler que les enfants dormaient juste à côté…
Il leva la main, tendant le bras au maximum jusqu'à l'amener à la bouche pulpeuse de son amant.
— Ouvre.
Il sentit la surprise qui retint son souffle lorsque l'ordre lui parvint. Il ressentit avec une incroyable clarté la langue qui caressait le tranchant de sa main, là, au-dessus de lui, le gémissement qui s'étouffa directement sur sa peau lorsque Lance le fit pénétrer dans sa bouche, refermant ses dents sur lui.
Il avait du mal à respirer et il n'avait même pas encore commencé à vraiment le toucher.
Il releva la tête, suivit la flèche courbe de son sexe en érection sur les abdos parfaitement dessinés jusqu'au torse bronzé par des années d'exposition oisive au soleil. L'eau glissait sur les cheveux blonds, les plaquant contre son visage, mais, injuste comme toujours, la beauté de Lance n'en était que grandie par la façon dont ses traits étaient ainsi soulignés. Et il le regardait, le désir assombrissant ses pupilles, ses yeux fixés sur lui, comme hypnotisés.
Lentement, maintenant le regard, il porta la main jusqu'au sexe mouillé, laissant deux doigts courir sur sa longueur avant de donner deux coups de langue juste en-dessous du gland. Les yeux bleus brillaient pendant que les dents mordaient sa main et que le gémissement s'étouffait contre sa peau.
Souriant, lentement, il le poussa à pénétrer entre ses lèvres, il l'entoura avec juste assez de force pour que ce soit presque difficile, pour que la pression le masse de tous côtés, le fasse en vouloir plus.
Il posa la main ouverte sur le ventre juste à la limite des poils blonds et appuya, le maintenant contre le mur, l'empêchant de continuer à s'enfoncer, de contrôler la situation, de le priver du plaisir de le rendre fou caresse après caresse. Il sentit la résistance, les efforts que faisait Lance pour prendre ce qui lui était refusé, mais il était à sa merci, ses gémissements caressant ses mains, son corps répondant à ses ordres.
Il remonta, léchant une dernière fois avant de relever la tête pour contempler les yeux qui s'étaient fermés en signe de défaite.
Cette fois-ci il amena sa langue à partir de plus bas, remontant très lentement, jouant avec la tête qu'il poussait contre le ventre tendu avant de l'accueillir un bref instant lorsque le mouvement la ramenait vers lui. Il mordillait les cuisses qui s'offraient à lui, tremblantes, parfois, sans plus d'avertissement, il l'avalait, presque jusqu'à s'en étouffer avant de le relâcher et se remettre à le torturer, écoutant les grognements qui réussissaient quand même à passer la barrière de sa main, sentant les dents qui s'enfonçaient en lui.
Il aurait pu continuer encore longtemps, enivré de désir, son esprit attrapé dans la litanie sans fin qui lui disait qu'ils étaient tous vivants, que Lance était là, qu'il n'était pas mort. Mais leurs corps étaient encore épuisés par les épreuves, ses propres cuisses commençant à trembler sous l'effort, et puis plus que tout il avait envie de le faire jouir, de le sentir se détendre complètement dans ses bras, de voir le sourire satisfait et las sur ses lèvres trop rouges, de le sentir l'attraper pour le serrer contre lui parce que Lance était particulièrement tactile une fois qu'il avait joui.
Il l'empoigna avec non pas plus de force mais de détermination, il cessa de jouer et entreprit de lui faire perdre totalement la raison. Le rythme était plus rapide, les mouvements plus précis, chaque caresse délibérée. Il le prit jusqu'au plus profond de sa bouche, sa main caressant toute la peau qu'elle rencontrait, cessant de le retenir, le laissant s'abandonner à sa recherche du plaisir. Il cessa de penser, de réfléchir, le laissa dicter les termes, l'utiliser au gré de son désir.
Il le sentait s'enflammer et s'agiter contre lui, le plus petit tremblement de son corps lui parvenait amplifié en une onde qui allait directement se nicher entre ses cuisses. Il avait l'impression qu'il pourrait jouir uniquement comme ça, avec Lance au-dessus de lui, avec ses doigts dans ses cheveux, ses dents dans sa main, son sexe pénétrant sa bouche encore et encore. Juste ça, aucune autre friction que la caresse sinueuse des gouttes d'eau qui s'écrasaient parfois sur son érection, juste le plaisir de son amant, les cris qu'il étouffait contre lui, les mouvements qu'il essayait de retenir pour ne pas l'asphyxier.
Il grogna et empoigna les fesses de Lance, l'amenant à entrer plus profond, à le priver de souffle, à prendre la main. Et son amant lui obéit, avec un abandon tendu et tremblant qui laissait présager son immédiate jouissance.
Les dents mordirent plus profondément dans sa paume, Lance s'arqua, il avala la preuve chaude et liquide qu'ils étaient encore vivants.
Lance tremblait lorsqu'il retira sa main et gémit doucement tandis qu'il l'amenait lentement à s'asseoir contre lui.
— Hey… merci.
Les mains de son amant étaient chaudes, mais pas autant que sa voix qui caressait ses lèvres. Cette voix qu'il avait cru ne plus jamais entendre.
xxx
Steve avait laissé Knight choisir l'endroit. Bien sûr il aurait pu proposer. Il n'avait jamais vécu à New York mais il y avait fait assez de séjours pour des séminaires et des conférences pour finir par connaître quelques bonnes adresses. Mais il savait parfaitement que le parano qui était parti se payer une île déserte avec la prime de la renégociation de son contrat, ne l'aurait pas suivi dans un établissement qu'il n'avait pas lui-même fait fouiller en détail du sol au plafond et passant par les comptes.
D'une certaine façon il ne se sentait pas trop dépaysé là tout de suite, avec le gros bras qui surveillait la salle depuis son mur, il aurait presque pu être en train de discuter avec Tao. Enfin non, contrairement à son meilleur ami, Knight n'avait qu'un seul garde du corps et il était autrement plus carré que les hommes de main du parrain des Triades de Seattle. Peut-être pas plus fort, mais clairement plus intimidant.
La serveuse plaça leurs cafés devant eux ainsi que le plat avec l'assortiment de danish préparés spécialement pour la saison par le chef pâtissier de l'établissement.
— J'imagine que vous avez lu l'article ridicule de Johnson dans le Physics-Uspekhi ? lança Knight, relaxé dans son fauteuil qui faisait dos au mur porteur.
Ils avaient mis en pause leur étude des équations du génie. Depuis leur départ du lobby de l'hôtel ils avaient eu le temps de reprendre leur débat sur l'imbécillité de la dénomination de dualité onde-corpuscule, revoir ensemble les dernières applications du moteur prototype TZ-54, corriger des erreurs de calcul qui avaient échappé à l'œil attentif de Knight, et parler de l'accélérateur de particules du CERN.
— Bien sûr.
Et visiblement maintenant ils allaient réduire en miette cet imbécile dévoré de vanité et de rêves de prix Nobel de Johnson.
— Que diriez-vous de réfuter ses affirmations et d'envoyer le papier à Advances in Physics ?
En temps normal il lui aurait fallu au moins une semaine de travail intensif pour démonter une à une la structure de foutaises soutenant la théorie de Johnson et il était en vacances, mais avec Knight ils devraient pouvoir finir avant ce soir…
— Il va crier à la cabbale et à la persécution.
— S'il ne publiait pas des âneries il ne…
Son téléphone sonna, la voix fluttée et jeune interrompant Knight, lui chantant de peut-être le rappeler. Bien sûr c'était Lance qui avait installé la chanson en espérant le forcer à la changer…
— Mes excuses.
Il se leva pour aller prendre l'appel à un endroit où il dérangerait moins.
Il était déjà midi trente, les enfants et Lance allaient sans doute manger, avec un peu de chance le secrétaire de Knight saurait les emmener dans un coin typique, et Lance penserait à surveiller qu'ils ne mangent pas trop gras, trop salé ou trop sucré. Il se voyait mal expliquer à Bethany que leurs enfants avaient pris un peu trop de poids et du mauvais cholestérol alors qu'ils étaient sous sa surveillance.
— Allo ?
— Papa ! Mamie Alison elle a chanté ! s'extasia Diana.
— Et dansé aussi ! complêta William.
— Et il y avait une autre actrice qui s'appelle Meghan.
— Et elle avait une jupe qui tournait tellement haut qu'elle ne s'arrêtait plus !
— Et tout le monde a applaudit quand la chanson a été finie.
— Kris a dit que la vidéo sera sûrement sur internet.
— Et on a eu le droit d'essayer des perruques.
— Lance a dit qu'il t'avait envoyé les photos.
— Tu les as reçues ? demanda sa fille.
Ses enfants parlaient en parfaite stéréo, l'inondant d'informations.
— Je n'ai pas regardé mes messages, j'étais en réunion.
— Alors on t'expliquera ce soir, poursuivi William, fiévreux d'excitation.
— On a appris plein de choses.
— Même que Jerry nous a donné des tatouages autocollants parce qu'on avait été sages et intelligents.
— Et Mamie Alison a dit qu'elle nous aimait très fort.
— Lance veut qu'on lui donne le téléphone, dit son fils avec juste un brin de regret.
Il y eut à peine un moment d'attente avant que la voix chaude ne lui parvienne.
— Hey.
— Alors, tu tiens le coup ?
— Bien sûr. Ma charmante mère a juste décidé de pousser la chansonnette et d'improviser toute une choré avec ses collègues de devant et derrière les caméras pour impressionner les enfants. Je suis sûr que la vidéo doit déjà devenir virale sur internet… Bref une réunion de famille tout ce qu'il y a de plus banal.
— Tellement américain…
— Oh chéri tu es juste jaloux, se railla son amant.
— Jaloux ? Je ne doute pas une seconde qu'Alison accepterait de m'adopter et je suis prêt à parier qu'elle m'aimerait bien vite plus que toi.
— Tu es un homme horrible. Je ne sais même plus pourquoi je suis venu à New York avec toi…
— J'ai bien une réponse, mais il me semble que tu es en public.
— Continue à prendre la grosse tête et tu finiras tout seul avec ta grosse tête...
— Tu ne serais pas aussi cruel.
— Tout dépend de si tu sais te montrer convainquant…
Il avait le sourire aux lèvres et le souvenir du corps alangui et chaud contre le sien.
— Lance, Lance, est-ce qu'on prendra un hot-dog ?
— Est-ce que papa veut bien ?
La voix de ses enfants fut une douche froide assez efficace.
— Le devoir nous appelle, soupira-t-il.
— Je te mets sur haut-parleur.
— Papa, s'il te plaît… supplia Diana.
— On est tellement sage que mamie Alison nous a félicités, renchérit son aîné.
Ses enfants ne faisaient pas de caprices, respectaient ses décisions, mais ils étaient quand même capables d'essayer de manipuler les gens autour d'eux avec leurs adorables bouilles et maintenant qu'ils côtoyaient Lance régulièrement il avait raison de craindre le pire parce que son petit ami avait cette mauvaise habitude chevillée au corps.
Il laissa le sourire fleurir sur ses lèvres avant de parler.
— D'accord, vous pouvez vous partager un hot dog.
— Merci, cria sa cadette.
— Tu es le meilleur des papas, déclara son fils.
— De tous les Etats-Unis.
— De tout le monde entier !
— Et je vous aime plus que tout, dit-il en souriant.
— Nous aussi on t'aime papa, dirent-ils à l'unisson.
— Je vous rejoins ce soir.
— D'ailleurs à ce propos, intervint Lance. Ma mère a invité monsieur Van Toëck et son patron à se joindre à nous au Jean Georges ce soir. Pourras-tu relayer l'invitation.
— Je n'y manquerai pas.
— Tu es merveilleux.
— Peut-être que j'attends quelque chose en retour.
— Et tu as de la chance de ne plus être sur haut-parleur…
— Je t'aime.
Il pouvait presque voir la légère rougeur qui envahissait le visage de Lance à chaque fois qu'il l'entendait dire ces mots, et le sourire adorable qu'il ne pouvait retenir.
— Je t'aime aussi, même si je ne sais toujours pas pourquoi…
— J'essaierai de t'aider à élucider ce mystère ce soir.
— Tu es insupportable.
— Et tu m'aimes.
Il raccrocha. Parce que Lance était toujours outré quand il ne pouvait pas avoir le dernier mot et que ça voulait dire que ce soir il serait sans doute délicieusement agressif et bien décidé à être au-dessus.
Il revint aux équations le sourire aux lèvres et plein de plans pour ces vacances.
xxx
Lance sentait les baisers doux et tendres qui pleuvaient sur son visage entre les gouttes de l'eau toujours chaude. Lentement ses os reprirent leur forme solide et il commença à les utiliser, à faire autre chose que ressentir. Il passa une main délicieusement fatiguée contre la nuque de son monsieur Parfait et l'attira contre lui, écrasant ses lèvres contre les siennes dans un baiser encore maladroit d'extase. Mais bien sûr il pouvait faire confiance à Steve pour réussir à transformer tout ce qu'il touchait en or car leur baiser devenait de plus en plus passionné, et il était chaque fois plus actif, cherchant à le toucher, à le faire trembler.
— Dis-moi ce que tu veux, chuchota-t-il entre la pluie de gouttes.
La langue de Steve passa dans son cou, jouant avec les filets d'eau qui y coulaient avant de remonter jusqu'à son oreille.
— Je veux te prendre, glisser en toi, tout oublier, sauf toi.
Il tremblait et, malgré l'eau chaude et les bras musclés autour de lui, il avait la chair de poule.
— Oui, réussit-il à dire avant de l'embrasser à nouveau, toute langueur évaporée par le désir brûlant qui envahissait son corps.
Il voulait nouer ses jambes autour de sa taille et le laisser le prendre contre les carreaux. Le fantasme le faisait soupirer et enfoncer ses ongles dans la peau délicieusement dure et musclée de ses épaules. Mais il n'était même pas lubrifié et il doutait que Steve avait très envie de se risquer à être acrobatique dans la salle de bain du Plaza, juste à côté des gosses et surtout après la fatigue et la peur de la veille.
La douleur fut vive et rapide mais il poussa quand même un petit cri de protestation.
— Arrête de réfléchir, lui dit Steve avant de recommencer à lécher doucement sa peau pour lui faire oublier jusqu'au souvenir de la morsure.
Les mains chaudes prirent son visage et il se laissa aller, il accepta les caresses, les baisers, ses doigts vagabondèrent sur le corps toujours parfait, il obéit à ses ordres, se remettant sur pied, partageant ses baisers. L'eau continuait de couler, chaude, et son bruit se mélangeait à leurs soupirs.
— Retourne-toi, chuchota la voix contre son oreille.
Il le fit et le torse de Steve recouvrit son dos, sa bouche lécha les vertèbres courbées de sa nuque, le faisant frissonner et il sentit les doigts couverts de lubrifiant glisser entre ses cuisses.
Il se mordit la lèvre, essayant d'étouffer son gémissement et laissa Steve le pénétrer. Il était à sa merci, dépendant de ses doigts, ses lèvres, son corps, sa chaleur, toute volonté annihilée. Steve prendrait soin de lui.
xxx
Lance ne comprenait pas comment tout avait pu basculer aussi vite. Ils marchaient dans les rues bondées de New York, en plein milieu des passants alors que touristes et habitants se mélangeaient autour d'eux, ils étaient dans un quartier riche et bondé, il tenait fermement la main des enfants. Comment est-ce que ça avait pu arriver ? Pourquoi est-ce qu'il y avait un pistolet contre la tête de Diana ? Qu'est-ce qu'il leur voulait ? Il avait du mal à respirer et pourtant il devait garder son calme, espérer que le fou furieux n'allait pas tuer la petite fille. Oh mon dieu, elle avait à peine sept ans ! Quel genre d'homme il était s'il n'arrivait pas à sauver une petite fille de sept ans ? D'où est-ce qu'il était sorti ? Pourquoi est-ce qu'il s'en prenait à eux ? Si Steve était là… Qu'est-ce que Steve ferait ? Il devait être calme !
Jamais il ne s'était senti aussi impuissant ! Il pensait à trop de choses en même temps, il était aussi furieux que terrifié.
— Montez.
La voix était froide et presque incompréhensible sous l'accent russe.
C'était sa faute ! Les russes l'avaient retrouvé ! Il avait mis les enfants en danger.
Il ne voyait même pas la voiture, il était concentré sur le flingue sur la tempe de Diana, sur l'air gelé qui faisait frissonner la petite fille.
— Je ne le répéterai pas.
Il serra plus fort les petites mains, fit un sourire qui se voulait rassurant aux enfants. William était pâle et silencieux et Diana tremblait sans un bruit. Il ne savait pas ce qui était le pire qu'ils crient de peur et risquent de les faire tuer ou qu'il y ait cette terreur muette dans leurs gestes.
— En voiture mes chéris.
Il tint fermement la main de William et lui emboîta immédiatement le pas, entrant dans la voiture, Diana presque accrochée à sa hanche. Il se laissait peut-être kidnapper mais rien ni personne ne le séparerait des petits.
La porte ne se referma pas immédiatement, non, Van Toëck entra aussi parce que bien sûr il ne se contentait pas d'entraîner les enfants de Steve dans ses mauvaises décisions catastrophiques, il faisait aussi kidnapper un pauvre gars qui avait juste la malchance de l'avoir rencontré ce matin.
Le bruit de la rue s'estompa et il vit clairement le bout luisant du pistolet que le chauffeur pointait sur eux, caché de la rue par les vitres teintées.
— Diana, William et toi partagez votre ceinture, dit-il d'une voix qui ne tremblait pas trop et à laquelle les enfants se hâtèrent d'obéir.
Les doigts rendus maladroits par le stress, il réussit à boucler la sienne. S'ils avaient une course-poursuite et un accident au moins ils prendraient moins de risques…
C'était ridicule. Ils étaient en train d'être enlevés, par des mafieux russes, à cause de lui.
Et il n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire.
Et encore moins de ce qu'il était en train de faire.
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Steve retira lentement ses doigts, embrassant la peau mouillée de sa nuque, respirant l'odeur musquée que même la douche ne pouvait couvrir.
Lance tremblait contre lui, sous lui, son souffle prisonnier de petits halètements, et ce léger mouvement ne faisait que frotter plus doucement ses fesses contre la ligne, rigide de désir, de son sexe.
Il ferma les yeux. Il avait du mal à se contrôler, les sensations et les gémissements de Lance le rendaient fou. Il voulait faire durer le plus longtemps possible et en même temps courir vers la libération de l'orgasme. Tous deux étaient des preuves tangibles, irréversibles que Lance était là, qu'il avait réussi à le sauver, qu'ils étaient en sûreté. Et il voulait garder ces deux preuves, pour toujours.
Il avait perdu la raison. Quelque part il savait qu'il balbutiait des morceaux de mots contre la peau de Lance alors que sa verge allait et venait, glissant contre le sillon lubrifié de ses fesses, que ses mains parcouraient son corps sans jamais trouver assez de satisfaction pour s'arrêter.
Il tremblait, au moins autant que son amant, mais pas uniquement d'anticipation, non, il y avait aussi toujours la lourde boule de crainte pesant dans son sang, agitant chacun de ses muscles, la peur que rien ne soit réel qu'ils n'aient pas réussi.
Combien de temps encore craindrait-il de ne plus être en contact avec Lance ? De ne plus le voir ? Est-ce qu'il réussirait à chasser l'odeur de poudre et de poussières et la vue du sang qui n'aurait jamais dû être associée à la peau dorée de son amant ?
— Je suis là.
La main de Lance était sur la sienne, là où il l'avait enfoncée dans la chair dorée. Il se força à détendre ses doigts, à laisser ceux de son aimé se glisser entre les siens, le réconforter.
— Tout va bien.
La gorge qu'il embrassa résonnait encore de ces paroles alors qu'il laissait son nez caresser la ligne de sa mâchoire.
— Je suis là, tu vas me faire l'amour et tu devras encore m'empêcher de crier trop fort.
Il embrassa le coin puis le sourire de Lance, regarda ses yeux bleus si clairs et vivants et commença à le pénétrer. Il ne tremblait plus, son cœur battait normalement, et à chaque nouveau frisson de plaisir de son amant il oubliait un peu plus cette terreur qui l'avait suffoqué.
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Knight n'avait pas pris la peine de se lever pour répondre à l'appel, il s'était contenté d'aboyer son nom d'une voix mécontente et sèche qui, ajoutée à son physique et son expression, aurait eu de quoi provoquer la peur si Steve n'avait pas connu l'animal et été plus courageux que la moyenne –il avait quand même été dans la Royal Air Force et déployé en Iraq–.
Il allait se resservir un danish, il s'était penché pour le prendre.
Il avait vu Knight se décomposer, l'énorme ermite était devenu pâle si vite qu'il avait cru à un infarctus.
— Combien voulez-vous ?
Sa voix était faible, tremblante et sa main gauche était crispée sur l'accoudoir.
Puis il n'avait plus rien dit et n'avait plus bougé, la main sur un téléphone qui semblait muet, les yeux perdus dans le vide, le visage toujours aussi blanc.
Lorsqu'il avait enfin bougé à nouveau le téléphone était tombé. Steve avait oublié l'équation et la pâtisserie, la peur commençait à le gagner, lui aussi, mais il ne savait pas pourquoi.
— Knight, que se passe-t-il ?
Les yeux intelligents s'étaient posés sur lui et le génie avait pris une grande inspiration.
— Les russes ont kidnappé Kris. Ainsi que vos enfants et votre compagnon, professeur.
Il cligna des yeux. C'était impossible. Les enfants et Lance étaient en train de visiter New York. Lance ne les emmènerait jamais hors des beaux quartiers, il ne se mettrait jamais consciemment en danger et surtout il ne mettrait jamais les enfants en danger, il les traitait parfois comme s'ils étaient en porcelaine et qu'il risquait de les abîmer juste en les regardant un peu trop longtemps. C'était impossible.
Il essaya de dire tout ça mais aucun mot ne réussissait à passer la boule qui s'était crée dans sa gorge.
— Je suis désolé, ils me veulent juste moi. Je vais faire l'échange et ils vous seront rendus, je le jure.
Knight était brisé, les épaules affaissées, la peau toujours d'une pâleur terrifiante.
— Non.
Le premier mot était passé, les autres suivirent en un déluge qu'il accompagna immédiatement d'actions.
— Je vais appeler Tao. Il dirige les Triades de Seattle. Il aura une solution.
Il attendit que son meilleur ami décroche et son cœur battait encore trop vite et il ne voulait même pas penser au fait que Lance et les enfants étaient aux mains de mafieux russes… Non. Tout se passerait bien. Il allait les sortir de là ! Il n'allait penser qu'à ça. Rien d'autre !
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Lance tremblait, épuisé par deux orgasmes consécutifs, haletant. Il avait l'impression d'être si lourd que son corps tout entier aurait glissé si Steve ne l'avait pas retenu contre lui. Mais en même temps il se sentait tellement léger, tellement à l'aise, il pouvait accomplir tout ce qu'il voulait, rien n'était impossible tant que Steve était à ses côtés, sa voix grave soufflant dans sa nuque.
Il leva une main maladroite qui tapota l'arrière du crâne de l'homme de sa vie. L'eau semblait ne plus être aussi chaude, ou alors trop, en tous cas le battement régulier des gouttes sur son bras était désagréable.
— Il faut sortir de là.
— Laisse-moi juste retrouver comment on marche, tyran, répondit la voix rauque.
— Je dis ça pour ton bien, c'est toi qui te prends l'eau froide dessus…
Il continua à tapoter sans aucune véritable coordination ni précision.
— Je t'aime.
Toujours plus classe et lover, monsieur Parfait savait toujours ce qui le faisait fondre et oublier qu'il avait des muscles et il accepta les baisers dans le cou tandis que l'eau était coupée.
— Maintenant faut juste éviter de mourir connement en se vautrant au sortir de la douche, lança-t-il parce que lui ne savait pas être classe et distingué et un lover.
Il se laissa tirer et presque porter par son amant, emmitoufler dans la couverture et mieux bouchonner que les chevaux des écuries de Lord Maximilian. Enveloppé dans le peignoir chaud, il réussissait presque à tenir droit tout seul et à réfléchir à autre chose qu'à se blottir dans les bras de Steve et ne plus jamais en bouger.
Plus exactement, il pensait à ce qu'il avait laissé dans la poche de son pantalon, roulé en boule au pied du lit… Pas besoin de le cacher, ça avait été un achat totalement impulsif et qui maintenant le terrifiait totalement, mais d'un autre côté il avait aussi envie de le faire, besoin de le faire.
Ce n'était absolument pas le bon moment, ils étaient tous les deux encore pleins de craintes et d'adrénaline, c'était quelque chose que sa mère ferait, sans même hésiter…
Mais il voulait le faire. Il avait besoin de le faire, c'était la seule chose à laquelle il avait pensé quand ils étaient dans ce maudit entrepôt, enfin ça et « je suis trop jeune et beau pour mourir » ainsi que « les enfants vont bien », en boucle.
Il ne voulait pas y réfléchir. Il savait que s'il y réfléchissait il allait fuir, comme d'habitude, enterrer la boîte sous des montagnes de bordel et tout faire pour oublier cette idée.
Il ouvrit la porte de la chambre avant de perdre son courage, avançant silencieusement jusqu'à son pantalon.
— Tu veux retourner au lit ?
Il manqua de mettre un coup d'épaule dans le menton de Steve et se mordit la lèvre sur le début d'un juron.
— Non. Je… J'ai besoin qu'on parle…
Même lui reconnaissait que c'était mal sorti. Mais plutôt que de rattraper la situation il préféra tourner les talons et aller dans le salon le plus vite possible avant de perdre tout son courage et de se réfugier dans le lit.
Il attendit Steve pendant de longues secondes, immobile et tétanisé, la boîte s'enfonçant dans sa paume crispée pendant que son cœur s'emballait. Il allait le faire !
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Il était tellement mal. Il referma ses mains qui tremblaient, les immobilisant contre son corps. En fait, heureusement qu'ils avaient aussi enlevés Kris, non parce qu'il était vraiment mort de trouille, pour les mômes, pour lui, pour Steve, et il savait que sans l'autre homme il serait resté prostré, essayant vainement de cacher les enfants entre ses bras, attendant que Monsieur Parfait vienne le chercher. Mais là il y avait un autre adulte avec lui, quelqu'un qui le forçait à réfléchir, à tenter de trouver des solutions, quelqu'un qui l'empêchait de se recroqueviller en boule et mourir de peur.
Mais ça ne voulait pas dire qu'il prenait des bonnes décisions…
Par exemple sortir à la rencontre de mafieux russes avec juste un flingue volé à un autre mafieux qu'il avait étalé d'un uppercut, et ledit flingue dans les mains d'un homme qui avait de lui-même admis qu'il n'avait jamais tiré qu'au fusil de chasse… Et ça c'était sans compter sur la passerelle métallique sur laquelle ils étaient perchés et qu'ils essayaient désespérément de ne pas faire grincer. Sans parler du fait qu'ils avançaient dignement à quatre pattes pour ne pas se faire voir depuis en bas…
Ouais, totalement une mauvaise idée. Mais ils avaient commencé, et il se voyait mal dire à Kris de rebrousser chemin… Surtout que bon, ça leur laisserait toujours un mafieux inconscient, et attaché avec des machins trucs en plastique qui normalement servaient à tenir les tuyaux ensemble, sur les bras… Ah oui et ils l'avaient bâillonné avec leurs cravates en soie. Oh et il était en calbut pour cette incroyable épopée parce qu'ils avaient fait une échelle de vêtements qu'ils avaient attachée à la fenêtre de façon à faire croire aux russes que les enfants s'étaient échappés alors qu'ils étaient juste cachés dans le faux-plafond.
Ouais ils étaient allés bien trop loin pour revenir en arrière.
Mais ça n'empêchait pas que leur plan était pourri et qu'il était mort de trouille, surtout maintenant qu'ils étaient arrivés sur un escalier, toujours en métal grinçant et qu'ils allaient devoir le descendre l'un après l'autre, et toujours à quatre pattes…
Ils regardèrent, à travers le jour du grillage, l'entrepôt en contrebas. Une figure en costard, immense et beaucoup plus brune que les autres était en train de marcher, encadrée par des gros bras et…
— Damian.
Le visage de Kris était pâle et tendu par la peur. Mais il avait du mal à se concentrer là-dessus parce que Steve avait passé la journée avec Damian et si ce dernier était là…
— Merde, merde, merde. Qu'est-ce qu'on fait ?
Kris avait un air froid et distant, déterminé.
— Je dois aller le sauver. Tu cherches une sortie et tu t'occupes des enfants.
Lance attrapa son bras avant qu'il ne se lance la tête la première dans les emmerdes.
— Non, mauvais plan, on se sépare pas. Si Steve a reçu le message il est en route pour sauver les enfants et il a la moitié des chinois de la ville avec lui, et peut-être des italiens si ma mère est au courant. Je fais confiance à monsieur Parfait pour trouver et sauver ses enfants et à William et Diana pour être sages et ne pas se faire prendre. Par contre si on se sépare, l'un de nous, voir les deux, va se faire attraper et choper une balle. Donc, non, on reste ensemble et on va chercher ton génie visiblement suicidaire.
Il n'arrivait pas à croire qu'il était la voix de la raison, mais il fallait croire que les mannequins pour sous-vêtements amant de riches génies n'avaient pas le temps de regarder des films d'horreur et d'apprendre les bases les plus élémentaires de la survie en milieu hostile : ne jamais jamais jamais se séparer.
Kris inspira lentement, ses yeux perdant un peu de cette froideur.
— Je descends en premier, tu me dis si quelqu'un arrive.
— Okay.
Il regarda Kris descendre, lentement, sans un bruit, il avait un avantage injuste, il était un danseur, aucun doute qu'il ne puisse se déplacer sans même faire grincer le métal. Lui par contre…
Et si les russes l'attrapaient…
Il se retint de fermer les yeux, craignant irrationnellement que quelque chose d'horrible n'arrive s'il n'était plus en train de regarder la lente progression de son compagnon d'infortune.
Au moins, quoi qu'il lui arrive, les enfants étaient à l'abri. Ils savaient qu'ils ne devaient pas bouger et il avait envoyé leur localisation exacte à Steve. Monsieur Parfait serait là pour sauver ses enfants. Il n'en doutait pas, c'était une vérité aussi évidente que le soleil qui se lève à l'Est.
Kris était arrivé en bas. C'était son tour. Il se retourna et commença à descendre à reculons, ses genoux et ses paumes râpant horriblement sur les aspérités anti-dérapantes. Il ne manquerait plus qu'un mafieux russe le tue, comme ça, à quatre pattes dans les escaliers… Une fin grandiose.
Ok, il avait un peu l'humour noir, mais il fallait le comprendre, il n'avait jamais eu aussi peur, il était à peu près sûr qu'il pétait les plombs. Non, parce que depuis qu'il avait mis son poing dans la gueule d'un gros mafieux russe il n'y avait plus que quelques idées dans sa tête et toutes étaient raisonnables, tournant autour de sa peur panique de ce qui était en train de ou allait se passer, sauf une qui n'avait rien à foutre là parce que d'abord elle était ridicule et qu'ensuite c'était une idée nulle et franchement, si c'étaient ses derniers moments il ne voulait pas les passer à regretter de ne pas avoir demandé à Steve de l'épouser. Bon, il ne voulait pas non plus mourir en caleçon, comme un chien stupide, sur un escalier en plein milieu d'un entrepôt poussiéreux. Mais ça au moins c'était une préoccupation logique, qu'est-ce qu'il en avait à faire de savoir si Steve était ou non prêt à enfin divorcer de Bettany et l'épouser ? Est-ce que c'était vraiment le moment de douter de monsieur Parfait, surtout sur des choses aussi triviales comparées à des hordes de mafieux russes et armés qui voulaient la tête de Damian Knight pour des raisons que même son secrétaire et amant –ah ! il avait eu bon là-dessus, son gaydar était infaillible !– ne connaissait pas.
Il se rendit à peine compte qu'il était enfin arrivé en bas, il rejoignit en vitesse Kris derrière un container poussiéreux où il put au moins essuyer ses paumes sur son caleçon qui, heureusement, n'était pas en soie. Ce qui n'était pas le cas de son acolyte.
Hé, il était peut-être dans une dangereuse situation de vie ou de mort mais il savait encore reconnaître de la soie quand il en voyait. Et d'ailleurs, même mort de peur, il était toujours plus grand que monsieur le danseur-mannequin pour sous-vêtements. Alors voilà, il se rassurait comme il pouvait.
Des éclats de voix leur parvenaient, baragouinant des trucs en russe. Kris avait déjà commencer à s'avancer vers une nouvelle flaque d'ombre, pressé de rejoindre son homme pour essayer de le sauver, et Lance le suivit, la boule au ventre, rêvant d'un phaser ou d'un sabre laser, quoique non, il n'avait pas la moindre idée de comment se battre avec un sabre… en fait il savait juste mettre des pains, et encore pas aussi bien que monsieur Parfait et ça ne lui servirait à rien contre des mafieux russes armés…
Ils avançaient lentement, prudemment, de coin sombre en coin sombre, s'arrêtant de respirer et rentrant le ventre dès qu'un mafieux russe passait un peu trop près de leur cachette et les mains de Kris tremblaient sur la crosse du pistolet à chaque fois que le gangster s'éloignait et qu'il pouvait enfin se relâcher.
Soudain il n'y eu plus que deux barils de fer rouillé leur laissant juste un peu d'ombre et de couverture. Mais ils étaient juste à côté de leur but, ils voyaient la vieille, ses armoires à glace et Knight, assis dans sa chaise, immense et livide. A côté de lui, Kris avait le flingue serré contre son cœur. Il n'avait aucune idée de ce qu'ils allaient bien pouvoir foutre parce que bon, ils avaient en tout et pour tout un gun et l'effet de surprise…
Un autre mafieux vint souffler à l'oreille de sa patronne en fourrures qui semblait, au choix, sortie de l'opéra ou d'un charadesign de méchant de Disney. Il n'avait aucune idée du temps qui s'était écoulé depuis qu'il avait étalé le russe, mais il y avait fort à parier que le pot au roses venait d'être découvert… Il échangea un regard avec Kris. Ils allaient devoir agir vite.
Et en fait ils allaient agir maintenant, parce que celui qui avait relayé le message venait de se barrer en faisant signe à ses hommes de se disperser. Définitivement c'était le…
Merdemerdemerdemerde…
Kris venait de s'avancer et de tirer, rameutant tous les yeux sur eux et il ne pouvait pas rester là comme un con en chien de faïence, d'autant que le danseur était sonné par le recul.
Putain s'il s'en sortait vivant il demandait à Steve de l'épouser, il était hors de question qu'il mette son cul en danger comme ça et que monsieur Parfait refuse de faire de lui un honnête homme et de le rassurer.
Il se jeta sur le garde du corps qui était en train de tourner son arme vers Kris et frappa son ventre de toutes ses forces. La surprise et le coup le firent plier en deux et il enchaîna immédiatement sur un uppercut qui résonna dans tous ses os et lui fit un mal de chien mais la marmule tomba et il lui mit un grand coup de pied dans la tête histoire d'être sûr de bien l'avoir séché une fois pour toutes.
Les mafieux avaient baissé les armes, enfin ceux qu'ils pouvaient voir, parce que Kris avait son flingue sur la tête de la vieille. Vieille qui avait l'air complètement tarée et sur le point de partir sur un rire fou et suraigu de méchante de James Bond.
Il vit le premier chinois en costard blanc avant qu'il n'ouvre le feu, il vit aussi le russe qui levait son semi-automatique. Il se jeta à terre en criant.
— Baissez-vous !
Le sol était dur, il faisait froid, mais en fait il ne remarquait rien de tout ça parce qu'il était trop occupé à être terrorisé par les balles qui volaient au-dessus de lui et qui pouvaient à tout moment ricocher et le priver à jamais de Steve, des enfants, de Mallon ce petit monstre, de son insupportable mère, d'Arthur, de Lad, et surtout de Steve. Steve qui, il en mettrait sa main à couper, était forcément quelque part dans cet entrepôt en train de jouer au héros et de se mettre en danger et si monsieur Parfait se retrouvait à l'hôpital il n'aurait même pas le droit de lui rendre visite ou de demander des nouvelles aux médecins parce qu'ils n'étaient pas mariés et c'était presque pire que d'être dans le sol poussiéreux d'un entrepôt à côté d'un mafieux à terre dont il ne savait pas s'il était inconscient ou mort et il était presque sûr qu'il avait des crottes de rats sous les ongles.
Le bruit régulier du semi-automatique avait cessé et il se força à se retourner, à s'accroupir, à regarder autour de lui.
Il fit bien parce que Kris était en train de tirer pour sauver son mec et qu'il n'avait pas vu le gros bras derrière lui qui allait lui mettre une balle dans le crâne.
Il poussa sur ses jambes et ses avant-bras frappèrent le dos du mafieux juste au niveau de sa taille et la brute s'écroula sous l'impact. Sauf qu'il avait toujours un pistolet et que sa première priorité devait être de l'en débarrasser. Il frappa de toute la force de sa droite l'épaule contre le sol et fila avec difficulté un coup de pied dans le gun avant de se battre pour prendre le dessus et commencer à écraser de manière répétée la gueule du mafieux contre le sol.
Il arrêta quand ce dernier ne bougea plus, pas un moment plus tôt et ses mains et tout son corps tremblaient.
— Lance…
Il releva la tête.
Steve était devant lui, lui tendant la main.
Il sentit les larmes monter à ses yeux. Il était là, il était venu les chercher, ils étaient vivants, Steve était là !
Il prit sa main et se jeta dans ses bras, s'accrochant à son corps, agrippant ses vêtements. Les bras de son amant se refermèrent sur lui, sa bouche se posa sur la sienne et il échappa aux larmes de soulagement dans un baiser dévorant et agressif qui lui fit perdre la tête et tout contrôle de lui, et bien sûr oublier qu'il était en caleçon dans un entrepôt plein de mafieux…
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Lance était tendu et immobile, au milieu de la pièce relativement froide après la salle de bain embuée. Il le regardait, le visage inexpressif et Steve ne put empêcher un frisson de crainte de remonter le long de son corps. Il connaissait Lance, il était compliqué et beaucoup trop content de se pourrir la vie tout seul. Est-ce qu'il allait le larguer, est-ce que le stress d'hier l'avait fait paniquer et décider de les abandonner ? Est-ce qu'il allait le laisser faire ? Est-ce qu'il pourrait s'en remettre si c'était le cas ? Et les enfants ? Parce qu'il fallait aussi savoir s'ils réussiraient à comprendre pourquoi, une fois de plus, Lance ne les acceptait plus dans sa vie.
Il se rendit compte soudain que ses mains étaient tellement crispées que ses ongles courts lui rentraient dans la paume. Il se força à se détendre. Il ne servait à rien qu'il s'enivre de suppositions, il devait attendre que Lance lui dise ce qui n'allait pas.
Le silence était lourd et froid dans le matin gris qui filtrait par les fenêtres.
Il ne se remettrait pas s'il partait une fois de plus, s'il le laissait seul. Bien sûr si c'était juste l'affaire de quelques jours, le besoin de rentrer à Seattle, à la maison, à des choses familières, à leur chat, ou celui de passer quelques jours avec Alison, ou chez elle quand elle était loin, il comprendrait, il l'attendrait…
Mais s'il prenait la fuite, s'il les abandonnait à nouveau…
Merde, il avait donné plus que son cœur à Lance, il l'avait laissé approcher de ses enfants, il avait laissé William et Diana l'aimer, il avait commencé à imaginer le reste de leur vie ensemble, il avait enfin trouvé la vie qu'il voulait mener !
Il avait commencé à tomber amoureux de Lance dès le premier jour, lorsqu'il avait croisé son regard à la conférence d'oncle Sean et qu'il lui avait souri, ses yeux bleus brillant d'amusement. Il n'avait jamais aimé quelqu'un comme il l'aimait. Et il était sûr qu'il ne pourrait jamais plus aimer après lui.
— Steve.
Il reporta son attention sur son amant dont le visage était froncé de détermination.
— Je veux que tu m'épouses.
Il lui fallut un moment avant de comprendre ces mots.
— Je… Ce n'est pas veux-tu m'épouser la formulation consacrée ?
— Peut-être, mais je veux t'épouser. Je veux que tu divorces de Bettany, je veux qu'on se marie et être sûr que si un jour il t'arrive quelque chose je n'aurai pas besoin de passer par ton père ou ton ex pour te rejoindre. Je veux rester près de toi. Je veux voir tes enfants grandir et leur apprendre à être un peu plus comme des gosses normaux. Je veux que le monde sache que toi et moi c'est pour durer. Je veux que tu m'épouses.
Il ouvrit la petite boîte noire qu'il avait jusque lors caché dans son poing. Même avec la faible lumière du jour nuageux, le platine brillait.
— Quand est-ce que tu…
— Hier, pendant que tu baignais les enfants, j'ai prévenu la réception, ils ont fait venir le bijoutier et j'ai choisi. Excellente répartition des tâches, monsieur Parfait.
Il sortit l'anneau de son écrin de velours.
—Alors, Steve ?
Les doigts de Lance tremblaient légèrement.
Il sentit le sourire déchirer son visage.
— Bien sûr que je veux t'épouser !
— Tu l'as dit, c'est trop tard, déclara-t-il en lui passant la bague au doigt.
Il l'attrapa et le souleva par la taille, le forçant à nouer ses jambes autour de lui.
— C'était trop tard à partir du moment où tu as dit que tu voulais que je t'épouse.
Il l'embrassa.
Il avait envie de rire et de le serrer dans ses bras et ne jamais s'arrêter, il sentait le bonheur lui monter à la tête.
— Je suis désolé pour le scandale que ça fera dans les tabloïds.
— Si je m'occupe assez vite des papiers du divorce ce sera bien retombé lorsque les enfants iront passer l'été chez mon père. C'est tout ce qui m'importe.
Il l'embrassa à nouveau et Lance le repoussa en souriant.
— Repose-moi espèce d'idiot tu vas te démettre une vertèbre et après je pourrai pas coucher avec mon fiancé…
— Tu doutes de moi ?
— Oh non, je suis sûr que tu n'as plus vingt ans et que ces conneries ne sont plus de ton âge.
— Tu sais que tout ce que ça fait c'est me donner envie de te prouver le contraire ?
— Oh non alors, quelle terrible conséquence inattendue.
Il éclata de rire et l'embrassa partout, y compris sur le nez.
Il n'entendit pas la porte s'ouvrir, ni les petits pieds nus sur l'épaisse moquette.
— Papa, pourquoi vous êtes partis ? demanda la petite voix de son fils.
— Lance et toi vous aviez dit que vous resteriez avec nous tout le temps, leur reprocha Diana en essayant de ne pas geindre.
— Moi j'avais pas peur, mais Diana aurait pu avoir un cauchemar.
Il se tourna et laissa redescendre son fiancé.
— Je suis désolé les e…
— Votre père et moi allons nous marier ! annonça Lance en prenant sa main pour leur montrer l'anneau.
— Je veux être demoiselle d'honneur ! Madison elle a été demoiselle d'honneur au mariage de sa tante et elle a porté une robe de princesse !
— Bien sûr ma chérie, si tu veux, dit son amant, non, son fiancé, en attrapant la petite fille et en la soulevant pour embrasser son front.
— Papa, est-ce que ça veut dire que vous allez adopter d'autres enfants ? Parce que Terry à l'école a perdu ses parents et moi je veux bien que ce soit notre frère, il a une collection d'insectes dans des boîtes en verre…
Lance éclata de rire.
— Désolé, tu devras te contenter de Mellon, nous n'avons pas prévu d'avoir d'autres enfants que vous, et même comme ça, je doute que nous puissions adopter ton copain Terry.
— Eh, et si moi je veux d'autres enfants.
— Et bien monsieur Parfait, bonne chance pour convaincre ton futur mari, dit-il en l'embrassant sur la joue pendant que Diana gloussait dans ses bras.
— Il t'a appelé monsieur Parfait, papa.
— Bien sûr ma chérie, vous êtes les enfants Parfait et votre papa est monsieur Parfait.
— Et donc quand vous serez mariés toi aussi tu seras monsieur Parfait, Lance, déclara William qui était en train de faire des pieds et des mains pour qu'il le prenne dans ses bras, jaloux de sa sœur, mais trop grand pour demander à être porté.
Lance resta un moment sans voix.
— Oui, il faut croire que je serai monsieur Parfait…
Leurs yeux se rencontrèrent au-dessus des têtes blondes et il sourit en constatant le rouge qui colorait les joues de l'homme qu'il aimait.
Il l'embrassa, juste un petit baiser, lèvres fermées.
— Au fait pas merci pour l'avoir annoncé aux enfants, maintenant faut que je prévienne Bettany avant qu'ils ne le fassent, sinon je ne suis pas sûr qu'elle voudra signer les papiers du divorce.
Lance sourit, ses yeux bleu brillant, remplis de malice et d'amusement.
— Oh, mon amour, ce n'est pas de ma faute si tu veux passer le restant de tes jours avec un connard, souffla-t-il à son oreille.
— Je ne veux passer ma vie avec personne d'autre.
Les yeux de Lance s'adoucirent et il tourna la tête pour cacher son sourire.
Steve embrassa les cheveux de son monsieur Parfait.
— Au fait, où est-ce qu'on va se marier ? J'hésite entre Vegas et une cérémonie organisée par ma mère chez elle…
Lance finirait par le tuer.
Au moins il mourrait heureux.
FIN