Bonjour à tous, encore une nouvelle histoire. Ouais, je sais, j'en ai encore pleins en cours mais bon, dès que je quitte ce site pendant plusieurs mois, je reviens toujours avec de nouvelles histoires sans avoir continué les autres. Ouais, ouais, c'est pas beau tous ça, je vous fais bien trop patienter, mais bon, je n'y peux rien :/

Donc cette fois-ci, histoire plus sympa, sans prise de tête (et cette fois-ci quand je le dis, c'est vraiment le cas haha), juste des meilleurs amis qui jouent à être amoureux ^^

Très bonne lecture à vous, en espérant que cette histoire vous plaise !


Kinjirareta Asobi - Jeux Interdits

Chapitre 1

Ethan se trouvait être mon ami d'enfance, celui qui ne cessait jamais d'écouter comme de commenter mon interminable et ennuyeuse vie à rester cloîtré devant un ordinateur. Il était celui qui me faisait sortir de ma chambre, celui qui m'appelait tous les jours pour me retrouver dans le parc de jeu près de chez moi. Parfois il apportait de quoi fumer, et j'adorais ces moments que nous passions ensemble à rire et à jouer à divers jeux d'enfants. Avec du recul je pense que si je ne l'avais pas rencontré un jour pluvieux dans la cour de récréation de notre école maternelle, je n'aurais jamais eu de vie sociale.

J'émiettai. Il roula ensuite notre premier joint.

Hargneusement, je me demandais toujours pourquoi je n'avais jamais d'appareil photo lorsqu'il le fallait. Aussi bien pour le paysage alentour : les arbres d'un vert époustouflant, les superbes couchés de soleil, les simples détails de la vie de tous les jours, que pour une autre chose en particulier. Plus exactement pour quelqu'un d'autre, mais je n'osais pas encore véritablement me l'avouer.

Il l'alluma. J'attendais en silence qu'il démarre une conversation.

Je crois qu'à cet instant, je n'avais pas encore réellement pris conscience que ce que je regardais avec tant d'aplomb n'était pas ce qu'il tenait entre ses doigts mais plutôt ses fines lèvres légèrement rosées qui jouaient délicatement avec le tonk. C'était comme une petite danse envoûtante lorsqu'il aspirait, quelque chose d'extasiant.

Le fait de ne pas le regarder m'aidait à me raisonner. J'ignorais ses gestes, écoutais d'une oreille distraite ce qu'il me disait tant qu'il n'en venait pas à me tendre le joint. Oui, le meilleur était lorsqu'il me le passait et que je pouvais effleurer ses fins doigts que j'avais très peu l'occasion de serrer comme de caresser.

Il prit sa troisième taffe et me sourit gentiment.

S'il avait sut que je savourais ce baiser indirect, que j'aspirais plus longtemps dans l'espoir de faire durer mon contact avec ce qu'il venait d'embrasser… Je me formalisais peu de nos microbes échangés, je préférais seulement m'imaginer un quelconque lien qui nous faisait dorénavant nous unir.

Je pris une seconde taffe.

Il n'ouvrit toujours pas la bouche et je l'en remerciais de ne pas me forcer à me tourner vers lui comme l'interlocuteur convenable que j'essayais de ne plus être. Je crois que ce jour-là, ce jour où je pris conscience de mes réels sentiments, l'herbe ne m'avait jamais aussi parue verte sous le soleil éclatant, cette tulipe ne m'avait jamais semblée si peu droite et cette fourmi à mes pieds ne m'avait jamais aussi peu dérangée.

Ma gorge me brûlait légèrement. Mon cœur accélérait. Je pris une troisième taffe.

Je me contentais d'écouter les enfants au loin, ceux qui se trouvaient au niveau supérieur du parc, ceux qui jouaient avec leur propre jeux d'enfants. J'avais également envie de jouer, de participer un peu plus encore à ce jeu interdit qui commençait à me troubler.

Nous nous trouvions l'un à côté de l'autre affalés sur l'un des nombreux bancs en bois du parc, je sentis son genou gauche venir se coller à ma cuisse. Un premier frisson m'échappa et lorsque je compris ce qu'il essayait de me faire passer, je cachais mon rougissement par un faux toussotement et une légère exclamation.

Je lui rendis aussitôt le pet'. Je fermais les yeux de honte.

Je me demandais lorsque ma gorge commencerait à se dessécher, quand je sentirais cette barre dans mon crâne et l'alourdissement de mes globes oculaires. J'attendais, imperturbable, les effets de ce que nous fumions, unique échappatoire à ce trop plein d'émotion qui semblait ne pas vouloir se relâcher.

- o O o -

— Yo mec, t'sais quoi ?

Notre première heure de cours de l'après-midi allait débuter. Je partais pour cinq heures d'histoires de l'Art d'affilé, Ethan, lui, allait en maths renforcé. Je l'avais attendu durant la pause de midi, comme à mon habitude, sous le porche de l'entrée du bahut mais il n'en était jamais sorti. Et voilà que, tout sourire, alors que je m'apprêtai à rentrer dans ma salle, une tête blonde courut jusqu'à moi. Tout d'abord irrité, je continuai mon chemin alors que déjà, il empoignait mon épaule et me tirait à lui. Nos deux corps s'entrechoquèrent et je ne pus m'empêcher de rougir.

— Que… Lâche-moi ! m'exclamai-je, gêné.

— Oh, oui, pardon !

Il fit le geste de défroisser mes vêtements tandis qu'un bon nombre de mes camarades de classe me dépassait afin d'entrer dans la salle et que bientôt, ce serait au professeur de faire son entrée.

— Euh, donc, je disais…

Il semblait hésiter comme chercher les mots adéquats. Se grattant le haut de la tête – tique nerveux que je lui connaissais depuis notre enfance –, je le trouvai merveilleusement excitant.

— Tu disais ? m'impatientai-je cependant, agacé par la tournure que prenait mes pensées.

— Oui, alors, vois-tu…

Il s'éclaircit la gorge, je fronçai les sourcils. Il dût s'apercevoir de mon empressement car il posa une main sur mon épaule avant d'esquisser un léger sourire d'excuse.

— On m'a fait une déclaration tout à l'heure et…

Mon cœur se serra, ma gorge s'assécha, ma poitrine tressauta et mes mains se mirent à trembler de façon si soudaine que je crus tout d'abord avoir inventé ces paroles, que je venais de me recréer un cruel scénario masochiste. Cependant, alors que je sentais chacun de mes sens s'emballer comme mes paupières devenir lourdes et mes yeux humides, je le vis m'esquisser un second sourire : celui-ci beaucoup plus sincère et enjoué. Beaucoup trop heureux, les joues bien trop rouges, le sourire et la joie se lisant sur son visage.

— … j'ai accepté de me mettre avec lui !

J'avalai ma salive.

Lui… ?

— Ouaip ! Si mignon, si tu le voyais ! Ton portrait craché de quand on était au collège !

La colère monta soudain, je sentis des tiraillements au niveau de la mâchoire.

— Quoi ? Tu sors avec un mec ? Et en plus de cela, tu sors avec lui parce qu'il me ressemble ? Mais… Mais…

Estomaqué, assommé, ayant définitivement abandonné à contrôler l'expression de mon visage et sentant les larmes poindre, je ne pus finir ma phrase et décidai de choisir le chemin de la sortie. Bousculant mon professeur, je lui bégaya quelques besoins d'aller à l'infirmerie.

Dépassant l'entrée du lycée et traversant à toute allure la rue, je m'effondrai finalement, cinq cent mètres plus loin, dans l'une des embouchures menant aux quais du fleuve traversant la ville.

- o O o -

Le lendemain, je ne retournai pas non en cours. A quoi ? Le voir s'afficher avec ce gosse, ce garçon… Un garçon ! Je comprenais lorsque, tout guilleret comme la dernière fois, il venait m'annoncer qu'il tentait le coup avec une certaine fille et même lorsqu'en soirée, il s'éloignait de la bande avec l'une d'elles, je ne m'en mêlais pas. Je me contentais de l'ignorer, de faire comme si ces sentiments n'avaient jamais existé. Et même lorsqu'il me les présentait, je feignais m'en intéresser, je discutais avec celles qui touchaient cette peau qui, dangereusement, me tentait, qui embrassaient cette bouche que j'aurais voulu posséder. J'avais acquiescé, à chaque fois. J'avais été heureux pour lui, heureux qu'il n'apprenne pas les sentiments de son meilleur ami et qu'il trouve des femmes qui l'aimait d'un amour beaucoup moins sale, beaucoup moins vicieux. Et quand venait le moment où elles le quittaient – car oui, ces filles défilaient puis se lassaient si rapidement, sans qu'Ethan n'ait eu le temps de ne serait-ce qu'éprouver une once de sentiment autrement éprouvé que par le sexe – j'étais à ses côtés. J'acceptais ses visites nocturnes et le pack de bière – toujours cette même marque imbuvable – qu'il apportait après chacune de ses ruptures. Nous roulions un pet' et je l'écoutais. En silence. Je le consolais avec quelques phrases toutes faites que je lui ressortais si souvent sans qu'il ne s'aperçoive de l'aspect cyclique de mes réactions, tout en me réjouissant intérieurement : c'était moi, et rien que moi qui avait le privilège de toujours rester, de toujours être à ses côtés. Mais là, un homme, non, je ne pouvais l'accepter.

A quoi bon camoufler mes sentiments, me disant qu'un hétéro et qui plus est mon meilleur ami ne pourrait jamais éprouver ne serait-ce qu'un semblant de désir, si c'est pour qu'à la première occasion il court jusqu'à moi afin de m'annoncer que le mec avec qui il sort, donc qu'il veut se taper, me ressemble ?

J'écrasai ma roulé sur l'encadrement de la fenêtre de ma chambre avant de la jeter. Je soufflai, me frotta les yeux avant de finalement reprendre mon souffle et d'éliminer ces pensées de mon esprit. Plusieurs jours après que cette scène se produit, j'espérai encore ne plus me sentir blessé, trahi. Mon amour propre en avait prit un coup, l'homme que j'aimais sortait avec une pâle copie de mon moi jeune. Quelle ironie. Si seulement j'avais tenté quelque chose, comment aurait-il réagi ?

Ce fut sur cette interrogation que je décidai d'ouvrir l'un mon bouquin de philo, peut-être que réviser m'aiderait-il quelque temps à oublier tout ceci.

- o O o -

— Yo, mec !

On m'interpellait sur la droite, il me saluait. Je feignis - oui, il me semblait que j'excélai dans cette unique pratique - un certain désintéressement avant de me tourner face à lui pour que nous puissions nous saluer. Il devait être aux alentours de 7h30. Cela faisait environ dix minutes déjà que j'avais quitté mon habituel TER matinal d'un quart d'heure afin de venir au lycée. Notre bande de pote se constituait généralement à cette heure précise, pour l'instant, je n'étais encore que seul. Je savais que lui arriverait à cette heure-ci car il s'arrangeait toujours pour rester avec moi, quelque soit mes horaires de train à la fin des cours et ceux de mon arrivée au bahut. Dix minutes plus tard arriverait, de façon consécutive, divers autres terminales littéraires qui formaient notre bande. Entre autre, deux de ses ex. Entre autre, seulement quatre personnes qui ne nous égalait pas niveau roulage de 'oinj. Etions-nous considéré comme les fumeurs notoire ? Non, ce lycée était réputé depuis une vingtaine d'années pour son atmosphère hyppie, tant et si bien que les rondes des voitures de police fermaient les yeux face à ce prolifique et quotidien enivrement passager : il était vrai que chaque jour défilait devant nous des personnes - toujours différentes - recherchant des feuilles slim, et je ne comptais plus non plus les "t'es def' ?" ou les "fumer, c'est mal" (bien entendu, pour cette dernière remarque, des scientifiques en particulier). Enfin bref, Ethan était face à moi et il n'était pas seul.

— Regarde, je t'avais dit qu'il te ressemblait ! s'exclama-t-il, le sourire aux lèvres.

Le gosse à ses côtés lui porta un regard si ambigu et à la fois si consterné que je ne pus voir s'il acquiesçait les dire de son "copain".

— Euh, pas vraiment, je ne trouve pas.

Une boule au ventre venait de se former, j'espérais que mon visage ne me trahisse pas.

— Enchanté, j'm'appelle Paul. Il me tendit une main que je serrais en retour.

Assez beau, ouais. Moi, masochiste ?

— Enfin bref, voulus-je changer de sujet, mais Ethan me coupa aussitôt.

— Alors, alors, on va en quoi là ?

J'étais… consterné, oui, c'est le cas de le dire. La jalousie ne m'atteignit même plus lorsque j'aperçus leurs deux mains enlacées et ce, offert en spectacle devant tout le lycée. Je n'avais même plus le courage de les regarder. Comment cacher ses faiblesses lorsque l'on ne sent plus que con, juste con. J'avais attendu tant d'années dans l'espoir que mes sentiments se tarissent et voilà qu'Ethan sortait avec un homme. Il y avait de quoi être épuisé, de quoi se sentir honteux et haineux envers soi-même.

— Andrew ?

Ses yeux de merlan frit me donnait envie de le frapper.

— Philo, grommelai-je avant d'apercevoir un peu plus loin la tignasse d'Alex. Euh… je…

Je ne terminai pas ma phrase, me contenta de la montrer du doigt avant de me diriger vers elle et d'échapper à cette situation oppressante.

— Hey, Andy, dis-moi oui ! rit-elle avant de me prendre dans ses bras.

— Pauvre meuf, ricanai-je avant de gentiment la repousser.

— En attendant, la pauvre meuf détient des petits secrets de Mr. Andy que celui-ci n'aimerait certainement pas voir ébruiter, susurra-t-elle de façon suspicieuse.

Ce fut alors qu'Antoine, la prit à la taille et lui demanda d'en dire plus. Nous nous insultâmes gentiment avant d'exploser de rire. Antoine avait niché sa tête au creux du cou d'Alex et s'amusait dorénavant à lui faire remarquer qu'elle devrait se raser la moustache. Une baffe vola qu'il évita de justesse avant de l'amener à lui et de lui voler un baiser.

— Ah… la jeunesse, fis-je remarquer de façon ironique.

— Bon , c'est pas le tout, reprit la jeune femme dont les divers imprimés de ses vêtements semblaient l'entourer d'un aura mystificateur, qu'est-ce que je vois là-bas ?

Antoine suivit son regard, écarquilla les yeux et de sa bouche ne put que sortir un grommellement de pur stupeur. Sa copine ricana avant de se tourner vers moi et de me lancer ce genre de regard contrit que j'aurais préféré ne jamais croiser.

— Euh… Ca fait… longtemps ? me demanda-t-elle, les sourcils froncés tout en se mordillant la lèvre.

— Trois jours, je crois, fut ma seule réponse avant que la sonnerie du lycée ne retentisse et que je me décidai à tourner les talons.

Elle ne chercha pas à me rattraper.

- o O o -

16h00, fin des cours pour cette journée. Terminer à 16h00 signifiait aussi petite réunion entre pote devant le lycée, petit tournage de bedo entre pote devant le lycée. Ethan m'ayant suivi tout au long de la journée et ayant moi-même réussi à me comporter de façon un tantinet normal, nous nous approchions dorénavant de notre bande de potes. Alex et Antoine étaient déjà là, Charles, Camille et Léo ne tarderaient pas à nous rejoindre. Je m'assis contre le mur, dans l'attente de ce dernier, tout en évitant le regard interrogateur d'Alex. Cependant, cette place que je gardais pour Léo fut prise par Ethan et je dus donc me tourner vers les deux autres afin d'être certain de ne pas avoir à croiser son regard. Et, tandis que nous commencions une conversation tout à fait anodine à propos du bac blanc prochain, les autres arrivèrent tour à tour, deux d'entres eux s'étaient arrêtés entre temps pour s'acheter un café.

— Qui a des slim ? demanda d'emblée Léo lorsqu'il vint s'asseoir tout juste face à moi.

Je croisais son regard, il m'offrit l'un de ses sourires tant malicieux que complice avant de m'empoigner par la cheville pour soutenir sa demande.

— Attends, soufflai-je faussement agacé avant de récupérer mon sac et d'y sortir ce qu'il recherchait.

Oui, j'avais déjà couché avec lui. Je ne sais plus trop le nombres de fois et cela importait peu tant que nous sachions tout deux qu'elles étaient les limites de notre relation. Il connaissait mes sentiments pour Ethan, je connaissais les siens pour Alex, alors quoi de mieux que de calmer nos frustrations ensembles ? Cette pensée me fit sourire, personne ne sembla s'en être aperçu.

Il me parla tout d'abord de l'un de ses projets d'arts plastiques, une statuette avant d'en venir à me passer le joint. Il était très tactile et je ne m'étonna donc pas du fait qu'il voulut emprisonner ma main dans la sienne et d'ensuite de déposer, entre l'index et le majeur, ce qu'il avait à me faire passer. Je regardai à droite puis à gauche, vérifiant qu'aucun professeur ni aucune voiture de police n'était dans les parages avant de savourer ma première taffe de la journée.

Je pensais déjà au moment où je rentrerai chez moi, au moment où seul Ethan encombrerait mes pensées et ce, jusqu'à ce que je m'endorme. Par la même occasion, je me dis que, peut-être, je devrais dire à Léo de venir me rejoindre cette nuit. J'en profitai, alors que tous les autres étaient en grandes conversations sur un sujet qui m'était inconnu puisque j'avais perdu le fil des conversations pour sortir mon portable de la poche de mon jean afin de, très discrètement, lui envoyer un sms. Ce n'était pas la première fois que j'avais recours à de telles pratiques pour camoufler ce que j'avais à dire sur l'instant, ce que j'avais à dire lorsque tous n'étaient pas concernés ou qu'il n'aurait pas fallut qu'il l'apprenne.

Quelques instants plus tard, ce fut au tour de Léo de sortir son portable. Il parut tout d'abord interrogateur (je supposai qu'il ne venait que de voir mon nom) puis son visage s'éclaira pour enfin déposer son regard si bleu, si troublant sur moi. Un cours instant, juste un cours instant qui ne sembla toutefois pas échapper à Ethan car je vis celui-ci, du coin de l'œil, nous dévisager. Je reçus bientôt une réponse affirmative de l'intéressé. Je n'allais donc pas passer la soirée à me morfondre, première bonne nouvelle de la semaine.

La sonnerie de 17h00 retentit quelques temps plus tard, je décidai de mettre de la musique provenant de mon portable. Ethan me félicita pour mon choix : Bad Boys de Bob Marley et, quand il vit que je ne lui rendais pas son sourire, son visage se décomposa avant d'aussitôt reprendre cet air de je-m'en-foutisme compulsif qui lui allait si bien. Ce fut lorsque Charles et Camille durent partir en cours qu'il en profita pour me prendre à l'écart, sous le regard inquisiteur de tous nos amis.

Nous nous trouvions désormais de l'autre côté de la rue, le regard de nos amis ne nous ayant toujours pas lâchés.

— Ethan ? demandai-je, faussement étonné.

Il ne croisa pas tout de suite mon regard.

— Euh... mec, je voulais te demander...

Il se gratta la tête, comme à son habitude lorsqu'il était gêné. Je ne pus m'empêcher de trouver son joue au rouge magnifique.

— Dis, t'as un problème avec… euh… avec le fait que je sorte avec un mec… ?

Estomaqué, je lui fis soudainement volte face. Et voilà qu'il entamait le seul sujet dont je me serais bien passé aujourd'hui.

— Euh… tu vois, j'ai toujours voulu essayer de le faire avec un mec et, euh…, 'fin, je savais pas comment t'en parler…

— Ouais, pas grave, j'te raconte pas non plus quand je baise un mec, lui rétorquai-je de but en blanc, profondément agacé par cette dernière remarque.

Genre tu voulais le faire avec un mec et pour ça, tu sors avec ce bâtard alors que je suis là, devant toi, depuis des années et qu'à la moindre occasion j'aurais accepté le fait que tu me possède ?

— Qu-Quoi ?

— Ben quoi ?

Il se trémoussa nerveusement, tira sur le col de son tee-shirt, puis se frotta l'arrête du nez :

— Je, euh... je savais pas que t'étais..., ben, que tu faisais ça.

— Bah ouais, comme toi, Ethan, sauf que moi, je voyais pas l'intérêt de te le dire.

Il parut blessé par mes paroles, mais je ne m'en formalisai pas plus : cela faisait depuis le début de la semaine qu'il s'amusait à verser du citron sur les plaies qu'il avait lui-même créées, à s'afficher avec ce gosse qui ne le méritait pas, à scander à tort et à travers qu'il attendait pour se taper ce mec. Être méchant ne changerait rien au fait qu'il l'ait choisi lui, seulement lui.

Son teint semblait pourtant blanchir au fur et à mesure que nous discutions. Il me posait des questions sur mes diverses relations "purement masculines" mais, au lieu d'en être intéressé comme j'aurais pu le croire d'un hétéro désireux de nouveauté, comme il venait de me scander, chacun de mes mots sembla l'anéantir un peu plus, chaque nom sembla être comme une grosse claque dans la gueule. Et bien et bien, apprendre que ton meilleur ami est gay et, qui plus est, qu'il t'a caché toute une facette de sa personnalité, tout une partie des soirées qu'ils n'ont pas passé ensemble, ne doit pas être si facile à attendre.

Ouais, quand, toi, tu te tapes une fille en soirée, je fais de même, un peu plus loin, avec un mec. Ouais, quand, toi, tu dessoûles dans un coin avec une bande de gens et que tu me recherches du regard sans jamais me trouver, que le lendemain, je te dis que je suis rentré chez moi à l'improviste parce que je m'emmerdais, et bien non, j'amenais notre ami Léo, chez moi, et je passais toute cette fin de nuit à suçoter, lécher, embrasser, tout ce qui m'était disponible. Oh, et puis, lorsque je te console, ai-je oublié de te dire que je ne pense qu'à la façon dont je pourrais te prendre dans mon lit, dans ma cuisine, sur ma table basse, dans ma douche, à même le sol, contre un mur, à la fenêtre, face à mes voisins ?

— Bon, on retourne près des autres ? lui demandai-je quelques temps après.

— Euh, non. Désolé, Paul m'attend à la sortie, je vais chez lui...

Un semblant de sourire sembla se former sur ses lèvres. Il rejoint cependant notre bande, seulement le temps d'y récupérer son sac et de saluer tout le monde avant de s'en aller.

Oui, il me semblait que chaque fois que j'ouvrais la bouche depuis ce fameux après-midi où il m'avait avoué sortir avec un homme, je ne sortais que de quoi me faire paraître encore plus con, que de quoi l'éloigner encore plus de moi.

- o O o -

— Bon, les enfants, vous savez ce que signifie un jeudi soir pour nous lycéen ?

— J'vois pas où tu veux en venir.

— Ca signifie que tout ceux qui n'arriveront pas à venir en cours le lendemain devront payer une tournée. Je précise que je ferais en sorte que chacun soit bien… dé-chi-ré !

Camille venait de nous annoncer quel genre de fête se déroulerait le soir-même à l'appartement plein centre-ville de ses parents - absents heureusement -, et je devais bien l'avouer, tout abandonner le temps d'une soirée m'enchantait.

— Genre, on sera combien ? lui demanda Alex qui venait de prévenir ses parents, uniquement par sms.

— Borf, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus se tenir debout, tellement mon appart' sera bondé ! s'extasia-t-elle.

Nous savions tous très bien que lorsqu'elle disait quelque chose dans ce genre, cela n'était que le reflet de la réalité. Chacune de ses fêtes étaient un franc succès pourrait-on dire. Il me semblait que dès qu'elle prévoyait quelque chose, tout le monde faisait en sorte d'y être. C'était simple, passer sa soirée en ville, un peu morne et posée, puis apprendre qu'il y a quelque chose chez Camille changeait radicalement la tournure de la soirée. En bandes de 5 à 10, tous venaient, à des heures variées, tous bourrés et défoncés, tous voulant danser, s'éclater, faire des rencontres.

Donc, « soirée chez Camille » était synonyme du fait que je ne rentrerai pas chez moi avant la fin des cours du lendemain. Jolie perspective, m'apostrophai-je intérieurement.

A 18h00, exténué par deux heures d'anglais, Léo m'invita à passer chez lui jusqu'à ce qu'ensemble, aux alentours des 21h00, nous rejoignîmes l'appartement de notre amie. Généralement, c'était chez Ethan que j'allais lorsque je ne pouvais pas rentrer chez moi, et c'était chez lui que nous repartions si une soirée s'écourtait prématurément, ou si à 6h00 du mat', tous étaient tellement morts et que nous nous emmerdions. Mais, ce jour-là, il était avec Paul et je ne savais même pas si Camille l'avait prévenu. Chose certaine, s'il venait, ce serait avec l'autre, et donc, dans tous les cas, rien que l'idée de me retrouver seul avec lui me semblait impossible.

Je soufflai, me roulai une cigarette en attendant que Léo et Antoine sortent des cours. Je me trouvai avec Alex, nous comptions notre argent pour l'achat d'éventuelles bouteilles.

— Ouais, donc, j'me prends une fiole de vodka, m'apprit-elle, plongée dans son porte-feuille.

— Ok, ok, j'ai pas vraiment de fric, mais j'ai à fumer, ça va, lui souriai-je.

— Yo, les gars ! s'exclama Antoine lorsqu'il arriva près de nous, suivi de près par Léo. Il s'assit instinctivement près d'Alex et la tira à lui afin qu'ils échangent un baiser. Alex rit, ses lèvres collées à celles de l'homme qu'elle aimait, sous le regard d'un Léo livide. Je décidai de me relever, de saluer ceux qui fricotait sans plus vraiment faire attention à nous et tirai Léo par le bras afin qu'il n'assiste plus à cette scène.

J'enserrai ses épaules de mon bras droit et, alors que je tentai de le faire rire afin de lui remonter, un tantinet, le moral, nous croisâmes Ethan et son copain, main dans la main, heureux ensemble, le sourire aux lèvres, les yeux dans les yeux. Je crus que poitrine se déchirait tandis que son regard se posait sur moi. Aucun de nous ne ralentit, Léo ne sembla pas même s'être aperçu du fait que nous croisions Ethan. J'avais les yeux, dans les siens, les siens dans les miens. Aucun de nous n'alla voir l'autre et bientôt, l'autre disparut de notre choix de vision.

Je pinçai les lèvres, ferma quelques instants les yeux avant de souffler. Léo posa son regard sur moi alors que je retirai mon bras de ses épaules. Il me demanda ce qu'il y avait et déjà, nous avions atteint l'arrêt de bus le plus proche, et déjà, je m'habituai, comme à chaque fois, à le voir en couple avec quelqu'un d'autre que moi.

- o O o -

— Bon, mec, on est chez moi, seuls, et je vois très bien que tu te sens aussi mal que moi.

Nous nous trouvions dans sa chambre, Léo s'était mollement affalé sur son lit alors que je me trouvais encore debout et que j'observai mon reflet dans le miroir. A travers celui-ci, je fis en sorte que nos regards se croisent et réussis difficilement à lui sourire.

— Je crois qu'on se retrouve toujours comme deux gros cons, rigolai-je sans grande conviction, ma voix partant dans les aigus.

— Nan mais laisse tomber, mec, on s'attache trop et pour quel résultat ? Pour qu'Alex n'ait de yeux plus que pour Antoine et qu'Ethan sorte avec un mec. Laisse-moi rire, on sert vraiment à rien.

Je lui souris à nouveau et décidai de le rejoindre sur le lit. Je me posai à califourchon sur ses cuisses, mes deux bras encerclant son visage. Il remit à sa place l'une des mèches de mes cheveux qui venait de lui chatouiller le visage.

— Tu sais, l'espoir n'apporte jamais rien, lui susurrai-je avant de déposer un léger baiser sur ses lèvres.

Ses bras allèrent entourer ma taille, puis il fit en sorte que je m'allonge sur lui.

— Pourquoi tu tentes rien avec Ethan ? Moi, je sais que c'est mort avec Alex. Elle me voit que comme un gay et sa relation avec l'autre est bien partie pour durer. Ca fait quatre mois, merde, quatre mois que je reste accroché à elle alors qu'elle s'est trouvé quelqu'un de bien.

Je voulus rétorquer mais il ne m'en laissa pas le temps.

— Mais toi, Andrew, qu'est-ce qui t'en empêche ? Ok, avant, Ethan enchaînait les meufs mais là, putain, il vient de se taper un mec. Un mec ! C'est pas pour ça que tu faisais rien ? Mais merde Andrew réveille-toi, si tu le voulais, il serait à toi ! Rien qu'à toi !

— Arrête tes conneries, soufflai-je avant de me blottir tout contre lui. Il venait de percer à jour tout ce à quoi je réfléchissais depuis ma conversation avec Ethan au milieu d'après-midi. Bien sur que j'avais ma chance s'il était en mesure de baiser un mec. Mais j'étais son meilleur ami, s'il me refusait, je gâchais notre amitié de plus d'une dizaine d'années.

Je ne pouvais pas tirer un trait là dessus. Je préférais endurer tout cela. J'avais déjà imaginé son mariage avec une femme qu'il aurait rencontré à la fac, et moi, le témoin éternel de ses amours. J'aurais pu être le parrain d'un de ses gosses et à jamais je serais resté à ses côtés, sans qu'il ne se doute de rien.

Oui, j'étais pathétique.

— Andrew, putain, c'est aujourd'hui qu'il faut que tu te bouges pour l'avoir.

— Il ne voudra jamais de moi, tu le sais très bien, Léo.

— Justement, nan. Je ne pense absolument pas ça, moi je vous vois, tous les deux. C'est comme ça que tout aurait dû être.

— Tu me fais chier !

Je m'assis sur le lit, dos à lui. Triturant mes doigts, je ne sentis tout d'abord pas son souffle dans le bas de mon dos.

— Fais-moi confiance et dans cinq semaines, il t'appartiendra à nouveau…

— Genre…

Il me plaqua contre le lit, se mit au dessus.


Alors, vous en pensez quoi ? Je continue... ? ^^"