Bonjour, bonjour !

Me revoilà, pour, une fois n'est pas coutume, une histoire presque longue (du moins selon mes critères, soit une dizaine de chapitres.)
Comme indiqué dans le résumé, il s'agit de yaoi, donc d'une relation homosexuelle masculine. Donc, à lire en connaissance de cause. (Je préfère l'indiquer, mieux vaut prévenir que guérir, dit-on).

Sinon, tout retour sur l'histoire, tant sur le fond que sur la forme, sera le bienvenu et apprécié à sa juste valeur.

En attendant, je vous souhaite une bonne lecture !

~ Alethea ~


Chapitre 1

Une main pressée sur son flanc gauche, les yeux brillants de fièvre, Daïré s'appuya contre un arbre, le souffle court. Non loin de lui, les aboiements se rapprochaient. Merde. Il aurait dû se douter qu'ils n'auraient pas abandonné si facilement. Le jeune homme jeta un coup d'œil autour de lui. La forêt n'était pas assez dense. Il était trop visible. Il devait atteindre la partie la plus touffue de la forêt, dans laquelle il pourrait disparaitre et échapper aux chiens.

Il faillit tomber quand il se remit en route, mais réussit à garder son équilibre. S'aidant des arbres, il fit quelques pas chancelants, le regard fixé sur sa destination. Atteindre les bosquets. Des points noirs dansèrent devant ses yeux. Il avait perdu trop de sang, et sa blessure s'était infectée. Le poison lui laisserait encore un jour de répit, s'il vivait jusque-là. Daïré secoua la tête. Ce n'était pas le moment de s'apitoyer sur son sort. Il devait avancer.

Un sifflement à sa gauche. Une flèche. Les archers s'étaient suffisamment rapprochés. Merde, merde, merde. Les bosquets se rapprochaient. Un nouveau sifflement à ses oreilles, suivi d'un troisième. Puis, un choc soudain à l'épaule droite, qui lui fit serrer les dents sur une inspiration douloureuse, manquant le déséquilibrer. Il accéléra encore un peu le pas. La cinquième flèche le toucha avec plus de force, le faisant chuter. Trop faible. Le choc lui coupa le souffle, alors qu'un voile noir obscurcissait sa raison. Non. Pas maintenant. Il devait rester conscient.

Dans un effort de volonté, il se releva. Il devait avancer. Peu importe la douleur, la perte de sang, le poison. Il devait avancer s'il voulait rester libre. Il se mit en marche aussi vite qu'il le pouvait. Une trentaine de pas plus loin, les soldats l'avaient rattrapé et l'encerclaient lentement. Adossé à un arbre, un sabre dans la main gauche, Daïré les regardait approcher. Six. Il pouvait les tuer. Il resserra sa prise sur son arme et se détacha de l'arbre, l'esprit dans un état second.

Cinq minutes plus tard, appuyé de tout son poids à un tronc, la respiration difficile et sifflante, la main droite pressée contre son flanc, le jeune homme essayait de ne pas perdre connaissance, fixant un point des fourrés. Quelqu'un était là. Il le sentait. Les fourrés bougèrent, et une silhouette en sortit. La vue se troublant de plus, Daïré tomba à genoux, incapable de rester debout plus longtemps. La silhouette s'approcha. Daïré pointa son sabre devant lui, avant de s'effondrer sur le côté. Il avait perdu connaissance avant même que sa tête ne touche le sol.

oOo

Des cris. Des appels. Des grincements. Des claquements. Et puis, surtout, le mouvement. Il bougeait. Pourquoi bougeait-il ? Par réflexe, Daïré porta sa main à sa cuisse, pensant y trouver ses armes. Il ne rencontra que le vide. Son cerveau lui indiqua qu'il reposait dans un lit relativement confortable, et qu'on lui avait ôté ses vêtements… ainsi que ses quelques armes. Où était-il ? Le mouvement était étrange. Léger, sans à-coups, sans cahots… Plus les grincements et les claquements… Le jeune homme avait vu suffisamment de ports pour se douter qu'il se trouvait à bord d'un bateau. Au-dessus de lui, des sabords ouverts et couverts par une plaque de verre laissaient entrer la lumière. Le milieu de la journée.

Avec une légère grimace lorsqu'il bougea, Daïré entreprit de fouiller dans ses souvenirs. Bon, il s'était introduit dans le camp, avait tué comme prévu le général, mais s'était fait surprendre. Il avait combattu, puis avait fui, blessé. Il se souvenait vaguement d'avoir atteint la forêt, d'avoir combattu encore, puis de s'être effondré, en même temps qu'une silhouette indistincte s'approchait de lui. Mais comment diable avait-il pu passer de la forêt à la mer ? Et surtout, pourquoi était-il encore en vie ? Pourquoi, et dans quel dessein ?

Un bruit de pas se dirigeant vers la porte. Fébrilement, Daïré chercha une arme, parcourant la pièce du regard. Là ! Sur la table contre le mur d'en face. Le sabre qu'il avait récupéré avant de fuir, ses dagues et ses stylets. Se débarrassant du léger drap qui le recouvrait, le jeune homme posa les pieds sur le plancher de bois brut et se mit debout… pour s'écrouler aussitôt à genoux lorsque tout son corps se rebella contre ce mouvement trop brusque. Un voile noir se dressa devant ses yeux pendant qu'il luttait contre la nausée soudaine. Merde. Il se sentait plus faible qu'un chaton à peine né. Ce fut dans cette position pour le moins humiliante que le trouva l'homme qui venait d'ouvrir la porte de la chambre. Relevant la tête et la secouant légèrement pour chasser les points noirs qui dansaient devant ses yeux, Daïré contempla avec méfiance celui qui venait d'entrer.

Environ la même taille que lui, pour une carrure légèrement plus large. Dans les vingt-cinq ans. Des cheveux blonds comme les blés mûrs, les mèches éparses partant en tout sens. Des yeux d'un bleu très clair, tranchants avec la peau tannée par le soleil et le vent. Un pantalon ample, maintenu par une bande de tissu rouge sang noué dans lequel était passé un sabre d'abordage, à la lame légèrement plus courte et plus large que sa propre lame. Pas de haut sur le torse musclé, sur lequel quelques fines cicatrices couraient. Dangereux, sans le moindre doute.

Daïré plissa les yeux sans quitter l'inconnu du regard, estimant le temps qu'il lui faudrait pour saisir ses armes. Trop long, surtout dans son état. En face de lui, l'homme sourit légèrement.

– Pas la peine de chercher à atteindre tes armes. T'en as pas besoin ici.

Et perspicace avec ça. Évidemment, tomber sur un idiot aurait été trop beau. Daïré retint un juron. En face de lui, l'homme qu'il n'avait pas quitté des yeux secoua la tête.

– Tu n'aurais pas du quitter le lit. Tes blessures ne sont aps guéries.

Daïré haussa les épaules, jugeant plus important d'avoir de quoi se défendre à portée de main que de possiblement rouvrir ses blessures. Finalement, il s'avoua vaincu, s'autorisant à cligner des yeux, perdant ainsi le contact visuel. De toute façon, il ne pouvait rien faire pour le moment, affaibli comme il l'était. Il laissa l'inconnu s'approcher de lui et l'aider à se rasseoir sur le lit. Daïré s'enfonça un peu dans les coussins, tendu et sur ses gardes, pendant que l'autre homme prenait place de l'autre côté de la couche. Quelques secondes passèrent avant que le jeune blessé ne prenne la parole pour la première fois.

– Qui êtes-vous ? Et où sommes-nous ?

– Je m'appelle Sól. Capitaine de l'Amante, le meilleur navire pirate de cette partie du monde. Et nous sommes actuellement au large des côtes de Valpen.

– C'est idiot, rétorqua aussi sec Daïré, peu enclin à croire les dires de son... récupérateur. Il n'y a pas de bateau dans une forêt aussi épaisse que celle de Weet. Et nous étions vraiment bien loin de la mer.

Sól sourit légèrement, agitant un doigt en l'air, faussement supérieur.

– En effet. Mais il y a un fleuve suffisamment profond pour mon navire… Tu as eu de la chance que je doive m'éloigner pour chasser.

– De la chance, murmura le blessé à mi-voix. J'aurais dû mourir, je suis vivant. Je ne sais pas si c'est réellement…

Daïré s'arrêta soudainement, alors qu'une violente douleur venait lui fouailler les entrailles, le forçant à se recroqueviller sur lui-même sous le regard perplexe du capitaine pirate. Ah, il avait oublié cette saloperie de poison. Il entendit Sól se lever du lit et se précipiter vers la porte.

– Rei, va chercher Marissa. Vite !

Un nouveau spasme de douleur, pendant que la toxine arrivait à ses poumons, altérant sa respiration qui se fit difficile et sifflante. Ah, qu'il pouvait détester ce poison... Il ne s'y ferait jamais. La douleur passa quelques secondes, avant de revenir, rendant la lumière insupportable. Daïré ferma les yeux, pendant que son hôte revenait à ses côtés.

– Hey, t'as pas intérêt à mourir maintenant ! Je me suis pas fait chier à te porter jusqu'ici pour que tu crèves sur mon lit ! Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est le poison ? On n'a pas encore réussi à l'identifier…

Profitant d'une accalmie dans la crise, Daïré répondit entre ses dents, d'une voix rauque et hachée.

– Je… sais ce que… c'est. Ça… va passer. Bientôt.

– Donne-moi le nom, le pressa le blond. Si on a le nom, Marissa pourra préparer le remède.

– … Az… Azloth. Pas… de remède. Juste… attendre et serrer les dents.

Une nouvelle fois, la douleur se propagea par vague dans tout son corps. Un gémissement lui échappa, masqué par le bruit que fit la porte en s'ouvrant alors qu'une femme entrait dans la chambre. Concentré sur sa respiration, Daïré suivit malgré tout sa progression dans la pièce, se raidissant encore un peu plus qu'il ne l'était déjà lorsqu'elle entra dans son espace et posa ses mains sur lui, commençant à l'examiner. La voix du capitaine s'éleva à nouveau, semblant soulagée.

– Ah, Marissa. Il dit que le poisson est de l'Azloth. Il a l'air de connaître.

– De l'Azloth ? Oui, ça colle, mais... Toi, qu'est-ce que tu connais de ce poison ?

– Déjà… subi, grogna Daïré sans desserrer les dents, priant pour qu'ils arrêtent leurs questions idiotes.

– Impossible, lui opposa la femme d'un ton sans réplique. C'est un des plus violents poisons au monde.

Daïré haussa les épaules. Il le savait, oui. Mais il avait toujours eu une excellente résistance aux poisons. De façon presque machinale, il luttait contre la douleur, pendant qu'une partie de son esprit analysait la crise. Il savait ce qui l'attendait. Les vagues de souffrance se firent de plus en plus aigües et plus rapprochées, le faisant gémir puis crier. Puis, la crise prit fin. Soudainement, le laissant pantelant, le corps trempé de sueur, du sang imbibant à nouveau le bandage qui protégeait sa blessure. Quelques secondes passèrent en silence, avant que le jeune homme ne reprenne la parole.

– Vous voyez ? Il suffit d'attendre et de serrer les dents.

En face de lui, Sól le regardait avec un air surpris, une vague lueur d'admiration dans les yeux.

– Hé bien, tu es plein de promesses. On dirait que j'ai eu raison de te récupérer hier… Ton nom ?

– … Daïré, finit par répondre le jeune homme après un temps d'hésitation.

– Alors bienvenue à bord de l'Amante, Daïré, lui sourit le blond. Repose-toi. Nous parlerons plus tard.

Le jeune homme fronça les sourcils devant l'ordre déguisé, avant de sentir deux mains sur son front. Il entendit quelques paroles qu'il ne comprit pas, puis il sombra dans un sommeil sans rêves.

oOo

Il se réveilla quelques heures plus tard, en proie à une nouvelle crise, plus forte que la précédente. Il savait que l'Azloth en provoquait cinq, d'intensité croissante, toutes les douze heures. La plupart des gens mourraient à la deuxième ou à la troisième. En général, lui ne supportait vraiment mal que la dernière. Mais normalement, il était également en meilleure condition physique. Bah, il verrait bien. Au pire, il mourrait. Ce ne serait pas si dramatique, même si Ché trouverait bien un moyen de le lui reprocher, quitte à se dégotter un nécromant quelque part. En attendant, cette femme l'avait endormi, et il détestait cette idée.

Vers la fin de la crise, lorsque la douleur le fit hurler, il entendit la porte s'ouvrir, et Sól entrer dans la pièce. Le pirate s'adossa à l'un des murs et attendit que la crise se termine, sans jamais le quitter des yeux. Lorsque Daïré put à nouveau respirer normalement, Sól prit la parole de sa voix grave à l'accent chantant.

– Marissa m'a expliqué comment agissait ce poison. Si tu crèves, même si ça m'embêterait, tu préfères qu'on te balance à la mer, ou qu'on trouve un coin de terre pour t'enterrer ?

Daïré laissa échapper un bref rire devant la question étrange et pour le moins directe, avant de hausser les épaules avec sa désinvolture habituelle. Après tout, personne ne l'attendait nulle part… à part peut-être des gens voulant gagner la prime sur sa tête.

– Et bien, vous avez des questions fort déprimantes, capitaine. Balancez-moi à la mer, ça vous évitera de creuser. Pourquoi vous m'avez récupéré ?

Le jeune homme aux cheveux châtains avait enchainé sans transition, ancrant ses yeux noisette dans les prunelles bleu glacier de son vis-à-vis. Celui-ci haussa les sourcils d'un air surpris, cherchant le sens profond de la question. Voyant cette incompréhension, Daïré explicita ses propos.

– On ne sauve pas quelqu'un qui fuit l'armée royale sans raison. Donc, pourquoi m'avez-vous aidé ?

– Hey, je suis un pirate, rétorquant le blond en riant. Normalement, c'est nous qui fuyons ou affrontons les soldats du Roy. Je t'ai récupéré parce que j'en ai eu envie. Et puis, tu pourrais faire une bonne recrue pour mon équipage. J'ai perdu pas mal d'hommes, ces derniers temps. Mais ce n'est qu'une proposition. Pas un ordre.

– Un sauvetage désintéressé. Quelle rareté, ironisa un Daïré peu dupe. J'ai peine à vous croire.

– C'est pourtant la vérité. Je suis un pirate, je fais ce que je veux. Que voudrais-tu que je demande, après tout ?

– Oh, je pourrais penser à pas mal de choses...

Le capitaine fronça les sourcils devant la réponse volontairement évasive du blessé, qui soutenait son regard sans la moindre gêne. Sól finit par concéder sa défaite avec un simple mouvement de tête. Après tout, son équipage comportait plus de hors-la-loi que d'honnêtes hommes… Et tout autant de secrets. Cela ne le dérangeait plus depuis longtemps.

– Bon, ce navire ne va pas trouver sa route tout seul. Je remonte. Toi, dors encore un peu.

Sans attendre de réponse, il se détacha de la cloison de bois et quitta la chambre – sa chambre. Daïré se détendit enfin, puis se laissa glisser dans un sommeil réparateur bien que superficiel.

oOo

Il se réveilla à nouveau cinq heures plus tard, se sentant en meilleure condition. Daïré s'assit lentement, vérifiant du bout des doigts la qualité du bandage qui lui enserrait toujours les côtés. Bien. Ça tiendrait quelque temps. Posant les pieds au sol, il se leva doucement, laissant à son organisme le temps d'adaptation nécessaire pour ne pas s'aplatir une nouvelle fois sur le parquet avant de faire quelques pas. Sur la table où reposaient toujours ses armes, il trouva des vêtements propres, qu'il allait enfiler lorsqu'il avisa un miroir installé dans un coin de sa pièce. S'en approchant, il s'observa avec minutie.

Le verre poli lui renvoya l'image d'un jeune homme d'une vingtaine d'années, un peu plus grand que la moyenne et harmonieusement musclé. La peau légèrement plus pâle que d'ordinaire était marquée de nombreuses cicatrices. La plus remarquable restait celle légèrement argentée qui partait de l'arête de son nez pour s'arrêter sous son œil gauche, lui donnant un air de mauvais garçon. Quelques-unes des cicatrices étaient toutes récentes : celles qu'il s'était faites durant sa dernière escapade. Se tournant légèrement, Daïré observa avec attention les deux marques rouges sur son épaule, où les flèches l'avait touché. Presque cicatrisée, de même que les autres estafilades que les soldats lui avaient faites. En fait, seule la large blessure qu'il avait au flanc restait préoccupante… mais elle ne cicatriserait pas tant que le poison n'aurait pas été évacué de son corps. Les marques de l'empoisonnement se voyaient encore dans les yeux noisette toujours fiévreux, et la sueur avait collé ses cheveux châtains à ses tempes et son cou. Daïré poussa un léger soupir. Une douche ne lui ferait pas de mal, mais l'eau salée ne serait pas une partie de plaisir. Enfin, il verrait plus tard.

Se détournant du miroir, le jeune homme s'habilla lentement. Puis, avec un soupir de soulagement, il sangla un étui double autour de sa cuisse gauche et y glissa ses deux dagues. Un de ses stylets vint se cacher dans un bracelet qu'il portait au poignet droit, pendant que l'autre se glissait dans le léger étui qu'il avait enfilé sous la chemise et qui venait se plaquer de manière imperceptible au creux de ses omoplates. Il détestait sortir sans ses armes, même s'il était tout à fait capable de se battre à main nue.

Une fois prêt, Daïré sortit de la pièce. Il préférait éviter de rester enfermé quand il pouvait faire autrement. Au bout du court couloir, il trouva une échelle étroite qu'il grimpa sans attendre et qui l'amena sur le pont du navire. Il s'arrêta, se protégeant les yeux de sa main devant le soleil aveuglant. Bon. Alors. Deux mâts, plus celui qui prolongeait la proue. Le beaupré, s'il ne se trompait pas. Beaucoup de voiles, un peu trop à son humble avis. Et des cordages dans tous les sens, là aussi bien trop nombreux. Et bien, tout cela devait sans doute avoir une utilité, mais il ne voyait absolument pas laquelle. Sous les yeux suspicieux des membres d'équipage présents, il se dirigea vers la poupe du navire où il avait de bonnes chances de trouver le capitaine.

Il l'y trouva en effet, à la barre du navire, surveillant le compas des yeux. Daïré le vit regarder vers lui d'un air surpris, avant de céder sa place à l'homme brun qui se tenait à côté de lui et de venir le rejoindre.

– Qu'est ce que tu fais ici ? Tu devrais rester couché.

– Pas question de rester allongé plus longtemps. Donc, je découvre mon nouvel environnement. Ma présence pose un problème quelconque ?

– Non, pas spécialement. Mes hommes sont méfiants, mais ça finira par passer. Alors, comment tu trouves mon navire ?

– Très… naviresque. Je sais distinguer le devant de l'arrière, mais je suis assez persuadé que mes connaissances maritimes s'arrêtent là. Si vous envisagez de me mettre au travail jusqu'à la prochaine escale, je souhaite bon courage au malheureux qui devra me former.

Daïré avait répondu avec un léger sourire, laissant ses yeux errer sur le moindre recoin de ce bateau, navire, ou quelque soit le nom que ce genre de bâtiment puisse porter. Après tout, c'était la première fois qu'il prenait la mer. Autant en profiter pour assouvir sa curiosité. À ses côtés, Sól se mit à rire.

– Oh, t'en fais pas pour ça. T'apprendras sur le tas. On apprend très vite en pleine tempête.

– Une tempête. Sur un truc qui peut couler au moindre coup de vent. J'ai hâte de voir ça.

Un sourire proche de l'hystérie éclairait le visage du jeune homme, qui avait décidément un sens de l'autopréservation très mal placé. Enchainant sans transition d'aucune sorte, il reprit la parole.

– Au fait, Capitaine. Est-ce que je peux me laver quelque part ou dois-je sauter à la mer ?

– Hum, il y a des barils d'eau de mer, mais Marissa m'écorchera vivant si son blessé doit subir la morsure du sel. Vois directement avec elle.

– Marissa… Ah, la femme qui était dans la cabine la première fois. Euh, je pensais que les femmes n'étaient pas acceptées à bord des navires ?

– Marissa est… spéciale. Elle est un peu sorcière, et les hommes préfèrent l'avoir avec eux. Sans compter que le premier qui oserait la regarder avec une quelconque envie risquerait de ne plus jamais pouvoir satisfaire une femme. Te voilà prévenu.

– Merci Capitaine. Je ne vous envahirais pas plus longtemps.

– Capitaine… Cela signifierait-il que tu souhaites rester à bord ?

– Au moins jusqu'à la prochaine fois que vous toucherez terre. Ce n'est pas comme si j'avais le choix, de toute façon. Donc en attendant, je me vois forcé de m'en remettre à vous et votre navire.

– Bien. Marissa doit être dans sa cabine, à cette heure-là. À côté de la mienne.

Acquiesçant d'un signe de tête, Daïré se détourna. Son corps s'était déjà adapté au léger roulis et il pouvait se déplacer sans peine ni maladresse sur le pont encombré de cordages ou d'hommes d'équipage. Deux échelles de corde plus loin, il frappait deux coups à la porte de Marissa la sorcière. Il n'avait pas pris le temps de l'observer lorsqu'elle était venue l'examiner. Il se souvenait juste d'une impression de roux.

Et rousse, la femme d'une trentaine d'années qui vint ouvrir la porte l'était certainement. Un roux flamboyant qui coulait jusqu'à ses hanches, illuminant un teint d'une blancheur d'albâtre. Un corps parfait, dont les moindres courbes étaient mises en valeur par les vêtements ajustés. Des yeux vert étincelants de vie. Avec un léger sourire aux lèvres, Daïré s'inclina légèrement devant cette beauté éclatante.

– Madame. Pardonnez-moi pour le dérangement, le capitaine m'a envoyé ici pour… hé bien, un bain.

– Tu ne devrais pas être debout, toi.

Daïré leva les yeux au ciel avec un soupir d'agacement. Mais pourquoi diable tout le monde lui disait-il la même chose ? Ce n'était pas la première fois qu'il était blessé. Il savait parfaitement ce qu'il faisait.

– Laissez-moi seul juge de ma santé, Madame.

– Marissa.

– Marissa. Donc, pour ce bain ?