Annonce du 22 septembre 2015 :

Cette histoire est maintenant publiée par la maison d'édition MXM Bookmark, après trois ans de publications sur fictionpress, et quatre sur manyfics. Je l'ai donc retirée du net, et vous encourage à vous rendre sur le site de l'éditeur ou en librairie pour vous la procurer si elle vous intéresse !

Un très grand merci à tous les gens qui sont venus lire cette histoire, et un autre merci supplémentaire à ceux qui ont pris le temps de me laisser un petit mot en passant. Ça faisait longtemps que je pensais me débrouiller pour proposer une version papier, mais la seule chose qui m'aurait poussée à la retirer du net, c'est qu'elle soit acceptée par une vraie maison d'édition pour bénéficier d'un vrai travail éditorial.

C'est maintenant chose faite. :p J'espère que vous ne serez pas trop déçu de ne plus pouvoir la trouver ici, mais je sais que beaucoup de gens l'avaient réclamé en papier, et ça sera une version de qualité ! (beaucoup plus que ce que j'aurais pu faire toute seule, en tout cas :p)

Je laisse ici uniquement le début de chacune des trois parties, pour laisser à ceux qui le souhaitent la possibilité de se faire une idée, et pour conserver les messages de tous ceux qui étaient venus donner leurs avis et leur ressenti après la lecture.

Merci encore, et à très bientôt !


Stigmata

Partie 3

Enki s'agenouilla devant Khasilm pour l'aider à lacer ses incommodantes sandales, aussi habile pour défaire les vêtements que pour les rajuster. Ils étaient en retard, et le jeune prostitué voulait leur faire récupérer le temps qu'ils avaient perdu en s'attardant un peu trop avec les baquets d'eau chaude.

Ses muscles puissants laissés à moitiés nus, Khasilm, dans toute la splendeur de sa virilité débordante, était rouge comme une tomate. Leur client était parti depuis un bon moment déjà et pourtant, le bel étalon de la maison de passe ne parvenait pas à chasser son souvenir de sa mémoire. Encore moins avec Enki agenouillé devant lui.

— Atshet te torture avec ces vêtements, le plaignit pourtant le jeune prostitué.

Enki se redressa avec souplesse et recouvrit ses épaules frêles d'une étole épaisse et chaude. Il ne portait rien d'autre qu'une tunique lâche tombant jusqu'à ses cuisses et ses bas tirés bien au dessus des genoux. Le tissu était léger mais au moins, Enki se sentait couvert, et protégé du froid mordant. Khasilm, lui, ne portait qu'un long pagne et des sandales à lacets montants. Il ressemblait à un beau guerrier du royaume Ayati, pays de l'est où les déserts et le soleil contraignaient les peuples à vivre toute l'année dans une chaleur étouffante. Mais ici, à Olshian, il y avait de vrais hivers, et ils pouvaient être rudes.

— Allez viens, ils doivent nous attendre, le pressa Enki.

L'étalon le suivit sans un mot, les pommettes écarlates. Un brin blasé, Enki le précéda et ensemble, ils descendirent à toute vitesse vers la grande salle de la taverne. Les autres filles étaient déjà attablées, l'une d'elles servant à chacune une mixture poisseuse où flottaient de vagues morceaux de légumes. Mais ça sentait bon.

— Ah ! Voila les deux plus jolis ! Vous vous éclipsez tous les deux avant d'aller travailler ? railla l'une d'entre elles en voyant descendre les deux garçons.

La rougeur de Khasilm devint si prononcée que toutes les filles éclatèrent de rire. Enki, lui, leva les yeux au ciel et trouva simplement une place sur le banc, aux côtés des autres. Une fois assis, il fit de son mieux pour retenir sa grimace et ne pas embarrasser un peu plus le pauvre Khasilm qui s'installait à ses côtés.

— Juste un client qui est venu au dernier moment… dit-t-il en tendant son assiette pour avoir sa part de pitance. Il nous a voulu tous les deux.

Les filles ricanèrent, mais sans animosité. La plupart d'entre elles, les plus rondes et les plus âgées, ne travaillaient qu'à la taverne, de la fin de l'après midi jusqu'à très tard dans la nuit. Les autres, plus jeunes et plus jolies, étaient assez présentables pour travailler aussi dans le salon du lupanar le reste de la journée, mais ne parvenaient pas à ramener assez d'argent pour pouvoir se contenter de leurs clients du jour. Alors, comme les deux garçons, elles descendaient le soir aider à la taverne. Il y avait un troisième garçon, l'étranger, mais il ne parlait pas un traître mot de leur langue et ne servait pas à grand-chose à part traîner sur le chemin.

— Allez, dépêchez-vous de manger, croassa Atshet en passant la tête par la porte. On ouvre bientôt !

Un concert de soupirs accueillit ses reproches et loin de se dépêcher, des conversations jaillirent de tous les coins de la petite tablée, entrecoupés de bruits de cuillères et de succion. Enki se permit une ébauche de sourire, appréciant cette ambiance bon enfant qui lui rappelait tant son ancien bordel. Loin du silence feutré et des airs ampoulés que prenaient les filles dans le salon, ici, tout le monde se serrait les coudes et plaisantait de vive voix. Il fallait bien ça pour se changer les idées avant une longue soirée de travail.

Ils avaient peu de temps pour se remplir l'estomac, avant d'ouvrir les volets de bois de la taverne et achalander les premiers clients. Mais ils prenaient pourtant un moment pour savourer cette maigre nourriture et se chamailler entre eux sur celui qui finirait la marmite.

Pourtant, du coin de l'œil, Enki remarqua que Khasilm donnait de mornes coups de cuillère dans son écuelle. Tendu et crispé, il n'avait pas l'air d'avoir très faim.

— Khas… soupira Enki, à voix basse pour ne pas interpeller les autres. Culpabilise pas comme ça… C'est pas la dernière fois que quelqu'un va demander qu'on fasse ça.

Le jeune homme s'empourpra un peu plus et se mit à balbutier.

— Je… j'sais, mais… pardon quand même.

Enki roula des yeux devant ces énièmes excuses.

Khasilm n'avait vraiment pas l'habitude des autres garçons. Il avait un physique atypique pour une maison de passe, fort et musclé comme un taureau. Les clients le prenaient rarement et il était plutôt choisi par les très rares femmes qui poussaient la porte du bordel en tout anonymat. Il était surtout les bras forts de la maison, l'homme aux aguets qui restait toujours debout dans un coin du salon ou de la taverne. Ses muscles impressionnants en dissuadaient plus d'un et Enki et les filles se sentaient toujours rassurés par sa présence, comme un soutien dissuasif en cas de problème avec un client.

Enki se demandait souvent ce qui avait conduit un jeune homme comme lui dans une maison de passe, mais n'avait jamais osé poser la question. Aussi puissant et viril qu'il était timide et inexpérimenté, Khasilm avait du mal à se faire aux exigences du métier. Surtout quand elles impliquaient de devoir toucher l'un de ses camarades masculins.

— Qu'est ce que tu nous lui a fait, Enki ? Il est tout rouge ! se moqua gentiment l'une des filles en surprenant leurs messes basses.

— Moi rien, c'est lui qui a tout fait, rétorqua le prostitué avec un clin d'œil amical à l'adresse du pauvre garçon.

Ce dernier piqua un fard sur son écuelle et touilla machinalement sa soupe, pour tenter d'oublier les rires qu'il suscitait déjà.

La tentation était trop grande. Avec les grands timides comme Khasilm, et tous les jeunes naïfs en général, Enki ne pouvait pas retenir son envie de les asticoter. Aguicheur, il caressa la cuisse puissante et nue du bel étalon, se penchant vers lui pour le taquiner d'une voix chaude.

— Méfie-toi… Maintenant, moi aussi je vais essayer de me faufiler sous ta couverture pendant la nuit…

— Et lui, il est déjà dans ton dortoir, ajouta leur voisine d'en face avec un sourire goguenard.

Un grand éclat de rire anima la tablée et tout le monde termina son assiette de soupe avec un grand entrain. Amusé autant qu'attendri par la gêne de son compagnon, Enki profita pourtant de la cohue pour le réconforter un peu.

— Ça va, tu sais. T'en veux pas pour ça. C'est moins pire avec toi qu'avec deux hommes que je connais pas.

Khasilm hocha timidement la tête, et fit un effort pour se nourrir un peu et ne pas rester toute la nuit avec l'estomac vide.

Leur court repas terminé, ils débarrassèrent rapidement la table et tandis que les unes mettaient de l'ordre dans la salle aux dalles de pierres, les autres décrochèrent les lourds panneaux de bois qui obstruaient les fenêtres. On ne voyait pourtant du dehors que la chaude lumière du lustre de la taverne ; les vitres des maisons closes devaient être en verre dépoli, pour cacher aux yeux des bonnes gens le commerce immoral auquel les filles de petite vertu se livraient à l'intérieur.

Parfois, ils devaient cependant sortir sur le seuil, ouvrir un instant les fenêtres pour s'y accouder et achalander les clients, jouer de leurs décolletés profonds ou du galbe de leurs cuisses pour attirer à l'intérieur les âmes en mal de réconfort. Mais les habitués connaissaient la maison et il était rare que la taverne ne se remplisse pas vite, dès l'ouverture.

Enki aimait bien y travailler, mais se disait souvent qu'il n'aurait pas pensé la même chose s'il avait été une fille. La plupart des clients le laissaient tranquille et il se contentait la majeure partie du temps de servir les assoiffés. Il n'était pas sollicité comme ses compagnes d'infortune, qui ne quittaient une cuisse que pour s'asseoir sur une autre, sans cesses entourées, appelées, réclamées à grands cris et éclats de rire. La plupart des clients étaient des petits travailleurs, des ouvriers et des marins. Ils passaient la majeure partie de leurs temps entourés d'hommes et c'était la compagnie féminine qu'ils recherchaient le plus en venant au bordel. Enki avait beau être séduisant, les clients de la taverne voyaient suffisamment d'attributs masculins à longueur de journée pour en vouloir encore une fois le soir venu.

Le jeune garçon était donc surtout là pour faire joli. Mais il était loin de s'en plaindre. Il connaissait désormais les limites de son corps et il savait maintenant ce qui l'attendait si le rythme devenait trop soutenu.

Ils n'avaient pas percé le premier tonneau de la soirée qu'Atshet vint le tirer par le bras, lui et une autre fille, pour les remonter aux salons. Ils la suivirent avec docilité, habitués à ce qu'on revienne les chercher quand un client demandait à voir toute la marchandise de la maison. Une simple porte et un escalier de bois séparaient la taverne du reste de la maison. Elle était construite dans une rue pentue qui descendait vers le vieux port, et le salon du premier étage avait aussi pignon sur rue.

Enki se débarrassa dans l'ombre de son étole et d'une ceinture à laquelle il accrochait sa bourse. Sa compagne derrière lui en fit de même et raccrocha à la hâte ses boucles d'oreille, aucun des deux ne voulant subir de réprimandes de la part d'Atshet. Ils se faufilèrent dans le grand salon pour rejoindre les autres, que la lueur des bougies baignait dans une lumière éthérée.

À suivre chez MXM Bookmark !