NDA : Cette nouvelle est une des suites de Morsure de l'âme, disponible sur ce site.
Vingt-troisième étage – Albert Street – Sydney – Australie – Juin 2015
Lathan se tenait debout devant la grande fenêtre de son appartement. Ses yeux observaient au loin l'Opéra qui illuminait la baie. Dans ses mains, un verre à vin était rempli d'un liquide carmin. Une personne le connaissant aurait pu croire à du sang, mais ce n'était qu'un vin rouge français. Cela aurait pu, songea Lathan en faisant tourner doucement le liquide dans le verre, mais il ne buvait que du sang animal, et ce, depuis la fin de la guerre.
Au contraire de certains de ses congénères, Lathan se souvenait du jour de sa renaissance comme si cela s'était passé la veille. Il avait toujours fait en sorte de s'en rappeler alors que cela s'était passé il y a plus de cinq siècles. Son regard cardinal[1] devint soudainement mélancolique. Sil'Arn ne serait plus jamais avec lui…
Son amant était mort suite à une embuscade que lui avaient tendue les humains. Dès l'instant où il avait été attrapé, Lathan l'avait ressenti au plus profond de son être et était parti à sa recherche pour finalement le retrouver dans un vieil immeuble abandonné, aux portes de la mort.
Le cœur de Lathan se serra lorsqu'il se rappelait Sil'Arn qui l'avait regardé suppliant. Il s'était mordu le poignet de l'avait placé devant la bouche de Sil'Arn afin qu'il puisse boire et guérir. Malheureusement, Lathan était arrivé bien trop tard et Sil'Arn ne s'était retenu à la vie que pour lui murmurer qu'il l'aimait et qu'il voulait continuer à vivre à travers lui. Sil'Arn s'était éteint dans les bras de l'homme qu'il avait aimé profondément pendant plus de trois siècles.
Un coup à la porte le fit sortir de ses pensées. Se retournant, Lathan tomba sur Maxence qui le regardait en s'avançant dans la pièce.
— Tu avais l'air perdu dans tes pensées, remarqua le Français.
— Désolé, murmura le vampire.
Maxence s'approcha pour s'arrêter devant le vampire. Il ne put louper la lueur de tristesse dans son magnifique regard. Ce n'était d'ailleurs pas rare qu'il l'observe ces temps-ci.
— Tu pensais encore à Sil'Arn ?
Lathan ne répondit pas, mais baissa son visage, honteux. Celui-ci fut relevé lentement par l'index de Maxence. Leurs regards se trouvèrent et Lathan put y voir de la tendresse.
— Tu sais très bien que je ne t'empêcherais pas de penser à lui, souffla le Français sans le quitter du regard.
— Tu es trop gentil Max…
— Non, je sais que tu ne vivras jamais avec moi ce que tu as vécu avec lui.
Lathan se sentit encore plus honteux. Maxence l'aimait sincèrement, lui avait l'impression qu'il ne ressentirait plus jamais la même chose… Enfin, il le pensait.
Maxence observa son homme rongé de remords et de mal-être. Que pouvait-il faire pour le distraire ? Il lui prit le verre des mains pour le poser sur le rebord de la fenêtre et l'entoura de ses bras en faisant reposer la tête du vampire contre son épaule. Lathan fut troublé de sentir la jugulaire de Maxence pulser près de sa bouche. Ne voulant pas commettre d'impair, il tourna son visage à l'opposer en fermant les yeux. La chaleur de Maxence le réchauffait. Il ne pouvait nier être attiré par lui, même il n'était pas Sil'Arn…
— Tu as le droit d'être heureux, Lathan, murmura Maxence.
— Je ne sais pas.
Maxence fit reculer le vampire pour lui montrer son regard sérieux.
— Que dirait Sil'Arn s'il te voyait ainsi ?
Il n'aimait pas faire cela, mais en presque un an de relation, il savait que c'était le seul moyen pour faire reprendre ses esprits à son borné de vampire. Lathan le regardait hagard, mais il savait que Maxence avait entièrement raison. Sil'Arn lui aurait remis les idées en place et y aurait mis tout son cœur jusqu'à ce qu'il comprenne et entende raison. Maxence voyait toutes les émotions passées dans le regard de son amant et savait qu'il était en train de débattre avec lui-même. Le Français n'avait pas encore compris comment faire pour que Lathan cesse de s'en vouloir d'avoir un peu de bonheur dans sa longue vie.
— Laisse-toi un peu aller. Je ne suis pas un vampire, je n'ai pas vécu aussi longtemps que toi, mais je veux te voir sourire.
Maxence glissa le bout de ses doigts sur la joue de Lathan et les fit descendre le long de son cou pour les arrêter sur la chemise au niveau de son cœur. Il le sentait battre tranquillement voir faiblement si l'on considérait que le cœur d'un vampire battait moins vite au repos que celui d'un humain.
— Je n'ai pas la prétention de vouloir te faire oublier Sil'Arn, mais laisse-moi l'occasion de t'aimer.
Le vampire savait que son compagnon était sincère avec lui. Il se rappela d'un moment vécu. C'était au moment de la guerre entre les vampires et les humains. Sil'Arn lui avait fait promettre d'être heureux après sa mort. Au moment là, Lathan l'avait refusé avec véhémence, c'était bien l'un des seuls moments où les deux vampires s'étaient vraiment engueulés, car Lathan restait obtus. Mais il avait finalement cédé et le lui avait promis faiblement.
Maxence vit son amant une nouvelle fois plongé dans ses pensées, mais voyait ses sourcils se détendre peu à peu. Quand Lathan rouvrit les yeux, il tomba sur ceux verts de son compagnon.
— Peu après le début de la guerre, Sil'Arn m'a fait promettre d'être heureux. Comme s'il savait à l'avance ce qui allait lui arriver. J'avais oublié cette promesse…
— Alors, nous allons tout faire pour que tu puisses l'honorer. Tu sais Lathan, je ne veux que ton bonheur. En venant en Australie, je n'avais jamais imaginé rencontrer quelqu'un… mais tu es là à présent.
Le visage de Lathan se fendit d'un sourire et chacun se rappela leur rencontre.
— J'avais eu la peur de ma vie ce jour-là, se rappela Maxence en souriant.
— C'était la première fois que tu voyais des êtres de ma race. J'ai dû te forcer pour que tu acceptes de me suivre dans un petit bar pour que nous parlions.
— Et j'ai mis un long moment avant de te croire. Je pensais dur comme fer à une très mauvaise blague. Jusqu'à ce que tu me montres tes canines.
Lathan sourit en ouvrant la bouche. Maxence aperçut les dents de son amant. Lathan avait eu un air ahuri lorsqu'il l'avait vu se pincer le bras pour ensuite grimacer de douleur après avoir touché ses canines. Maxence se mit à rire en se rappelant de ce moment-là et leva une main pour réitérer le même geste qu'il avait eu un an plus tôt.
— Tu as réalisé plus rapidement que je le pensais.
— Mais ce que tu n'as jamais su, c'est que je suis tombé amoureux au moment là. C'est cliché, mais tu es arrivé comme le preux chevalier pour me défendre. Et depuis ce jour-là…
— Nous sommes toujours restés ensemble… J'ai mis longtemps avant de te laisser t'introduire un peu dans mon cœur.
Maxence vit une nouvelle fois la peine s'inscrire sur les traits gracieux de son amant. Ne l'acceptant pas, il s'approcha et vint déposer un tendre baiser sur ses lèvres.
— Hors de question que je te laisse avoir cette tête maintenant. Cesse de ressasser le passé et regarde ce que tu as dans le présent, Lathan.
Le vampire ne put regarder ailleurs que le regard de Maxence où il put lire un amour profond. Se laissant faire, il sentit les bras de son amant l'entourer chaleureusement. Fermant les yeux, il pensa :
— Pardonne-moi Sil'Arn. Je ne t'oublierais jamais, mais je vais accepter de faire entrer Maxence un peu plus dans mon cœur.
Il imagina Sil'Arn lui sourire comme il en avait eu l'habitude et Lathan se laissa bercer par les pas de Maxence. Ce dernier avait senti le relâchement du corps de son vampire et comprit qu'il avait pris une grande décision pour leur couple. Maxence ne savait pas ce qu'il aurait fait si Lathan n'avait pas changé d'avis. Frottant son nez contre l'oreille du vampire, Maxence murmura :
— Je ne te demande pas de changer radicalement. Tu ne le pourrais pas et je ne le veux pas. Mais juste… d'accepter mon amour pour toi.
— Merci Max… Je vais faire en sorte de te rendre heureux.
L'appartement redevint calme alors que le couple regardait les lumières de Sydney s'allumer peu à peu. Ils avaient dit le principal et savaient qu'à présent tout irait mieux entre eux.
Maxence se tenait devant son patron, impassible.
— Mr Kincela, nous avons décidé de vous changer de poste. En voyant tout ce que vous avez accompli en à peine deux ans chez nous, nous ne pouvons vous laisser dans ce service.
Voyant que son employé ne parlait pas, le directeur se redressa sur son fauteuil en cuir marron et plaça ses deux mains devant son menton.
— Suite à la réunion de la semaine dernière, nous avons pris la décision d'ouvrir une nouvelle infrastructure de notre maison d'édition. Comme pour celle de New York, nous allons publier des auteurs de ce pays.
— De quel pays s'agit-il ?
— Du Canada.
Maxence écarquilla les yeux et son cœur se mit à battre furieusement. Qu'allait donc lui proposer son patron ? Il imaginait déjà le prochain chamboulement de sa vie.
— Nous souhaitons vous voir à la tête de notre nouvelle société, déclara placidement Mr McLan en observant son employé.
— Pardon ? souffla Maxence ahuri.
— Vous nous avez prouvé plus d'une fois que nous pouvions vous faire confiance. Vous avez toutes les capacités requises.
— Mais il y a d'autres employés plus capables que moi et qui ont les diplômes pour le faire.
— La différence entre ces personnes et vous, c'est que vous, vous ne cherchez pas cette place justement. Je n'ai pas confiance en ces gens, Mr Kincela.
— J'ai mon compagnon ici… murmura Maxence désemparé.
— Je suis sûr qu'il vous suivra partout, répondit le directeur en sachant qui était le compagnon de son employé.
Maxence eut un gros doute sur cette affirmation. Lathan vivait en Australie depuis plus de cent cinquante ans et il n'était pas sûr qu'il veuille changer maintenant. Surtout qu'il était en quelque sorte le chef des vampires australien.
Voyant son employé plongé dans ses pensées, Mr McLan l'interrompit.
— Vous avez un délai d'une semaine pour nous donner votre réponse, Mr Kincela. Cela vous permettra de parler avec votre ami.
— Merci.
Maxence salua son patron et quitta le bureau le cœur battant. Regardant sa montre, il s'aperçut qu'il était l'heure de rentrer chez lui. Il alla dans son bureau pour chercher ses affaires et saluer ses collègues.
En voiture, Maxence se demanda ce qu'il devait faire. C'était une grande opportunité pour lui. Devenir P-D.G d'une maison d'édition, c'est ce qu'il voulait depuis tout petit, en temps normal, il aurait immédiatement sauté sur l'occasion. Mais à présent, il y avait Lathan dans l'équation. Comment le prendrait le vampire s'il lui disait qu'il déménageait à l'autre bout du monde ?
Arrivant chez lui, Maxence posa ses clefs sur le petit meuble à l'entrée et avança vers son salon. Il pila net en découvrant devant lui, vêtu d'une chemise blanche entrouverte et d'un pantalon beige, Lathan près de la fenêtre.
— Que fais-tu ici ? l'interrogea Maxence en s'approchant.
— J'ai senti ton trouble et tes interrogations. Que se passe-t-il ?
Lathan s'était approché de son amant et voyait qu'il essayait de lui cacher quelque chose. Le vampire essaya d'interpréter les émotions qu'il sentait autour de Maxence et ressentit de la peur.
— Max… Que me caches-tu ?
— Mon patron m'a convoqué tout à l'heure, expliqua Maxence, perdu.
— Pourquoi ?
Maxence se laissa tomber sur son canapé, cachant son visage dans ses mains. Inquiet, Lathan s'installa à ses côtés, troublé de sentir autant d'émotions émaner de son compagnon.
— Il me propose une nouvelle place.
— C'est super ! s'exclama Lathan. Mais pourquoi le prends-tu si mal ?
— Parce que cette place n'est pas en Australie. Mon patron me veut à la tête de la nouvelle infrastructure de McLan Édition[2]… au Canada !
Le vampire cessa de sourire instantanément. Voilà pourquoi Maxence le prenait si mal ! Lui-même à présent ne savait comment réagir. Voyant son désarroi se peindre un peu plus sur le visage de son amant, Lathan se rapprocha et l'entoura de son bras par les épaules.
— Que veux-tu faire ?
— Je ne sais pas. D'un côté, devenir P-D.G c'est une grande expérience, mais…
— Mais ? souffla le vampire en attirant son amant pour qu'il s'installe contre lui.
Maxence se laissa faire et s'allongea en posant sa tête sur les jambes de Lathan alors qu'il lui caressait les cheveux.
— Je ne peux pas choisir tout seul.
— Pourquoi ?
— Mais toi ! s'écria Maxence.
Lathan sourit faiblement et plongea son regard dans celui de Maxence qui était réellement inquiet.
— J'ai réfléchi depuis notre dernière discussion. Mes sentiments pour toi sont sincères. Si tu veux accepter, fais-le.
— Mais nous serons séparés et je ne le veux pas ! Tu as tes congénères ici… Je ne peux pas te demander de tout laisser…
Un doigt se posa sur sa bouche pour le faire taire. Levant son regard, Maxence découvrit Lathan avec un air sérieux.
— Les vampires qui vivent ici savent s'occuper d'eux. De plus, Elsian peut très bien prendre ma place. Je devrais revenir de temps en temps c'est certain, mais je ne suis pas enchaîné à l'Australie.
Maxence avait du mal à y croire. Alors cela voulait-il dire que Lathan acceptait de le suivre au Canada ? Voyant l'interrogation de son compagnon, Lathan se mit à sourire et murmura.
— Acceptes-tu que je vienne avec toi au Canada ?
— Je… je…
— Il faudra s'habituer, car ce n'est pas du tout le même climat qu'ici.
Son amant s'était relevé brutalement et l'entourait à présent de ses bras alors qu'il l'embrassait tout son soûl.
— Ça veut dire oui ?
— Bien sûr !
Lathan serra le corps de son amant un peu plus contre lui et l'embrassa à nouveau. Il avait bu la veille et son envie de sang en était diminuée de beaucoup. Il pouvait alors l'embrasser sans crainte.
Maxence était heureux. Il allait pouvoir faire le travail qu'il avait toujours voulu tout en restant avec Lathan. Il ferma les yeux alors qu'il avait repris sa place sur les genoux de Lathan qui continuait de caresser ses cheveux.
Croyant que son amant s'était endormi, Lathan murmura.
— Je te suivrais partout où tu iras Max…
Maxence rouvrit les yeux subitement en souriant. Levant sa main, il vint la loger dans les cheveux du vampire. Maxence avait toujours aimé glisser ses doigts dans ses cheveux, les trouvant fascinants par leur blancheur. Il avait d'abord pensé à une teinture, mais lorsque Lathan lui avait révélé sa nature de vampire, Maxence avait compris. Étrangement, il n'avait jamais eu peur de lui. Il avait appris, comme tous à l'école, la guerre qu'il y avait eu et jamais il n'aurait pensé connaître, ni même tomber amoureux de l'un des vampires qui avait réussi à la faire cesser pour amener la paix entre les deux races. Maxence savait que Lathan était très respecté parmi les vampires, tout comme l'avait été Sil'Arn avant qu'il ne meure.
Alors, savoir que ce vampire était à présent tout à lui… C'était à peine croyable, mais bien vrai. Lathan voyait la joie dans les yeux du Français. Lui avait déjà vécu au Canada, mais pas longtemps et ce n'était peut-être pas là où ils iraient vivre.
Maxence venait de donner sa réponse à son patron. Le sourire équivoque de ce dernier lui confirmait bien qu'il savait depuis le début qu'il accepterait son nouveau poste.
— Bien, maintenant que nous avons notre P-D.G, nous allons pouvoir avancer. Le bâtiment se trouve à Québec. Alors, nous allons à présent travailler ensemble pour le recrutement.
— Mon vice-président a été nommé ?
Mr McLan se mit à sourire étrangement et répondit :
— Non, mais j'ai quelqu'un à vous proposer.
— Qui ? s'étonna Maxence.
— Votre compagnon. Il a de grandes capacités et il doit être aussi sérieux que le dit sa réputation. Il serait également un atout pour notre société. Pourquoi ne pas le lui demander ?
Maxence resta stupéfait en regardant son patron qui avait un petit sourire. Il connaissait déjà la réponse de Lathan. La perspective de pouvoir travailler avec son compagnon lui plaisait au-delà de ce qu'il pouvait imaginer. Lathan avait acquis pas mal de compétences au fil des siècles. Mais accepterait-il ?
Peu rassuré, Maxence passa toute son après-midi avec son patron pour mettre en place la nouvelle structure. Mr McLan fut tranquillisé sur l'enthousiasme et le sérieux de son futur P-D.G. Il avait eu le nez fin en l'embauchant alors qu'il débarquait à peine de France. Son anglais était à présent bien établi, même s'il gardait une pointe d'accent français. Cette faculté avait pesé lourd dans la balance, car le français était parlé au Québec et cela faciliterait grandement les choses.
— Mr Kincela, votre compagnon parle français ?
— Oui.
— Tant mieux ! Vous allez former une bonne équipe. Vous avez carte blanche pour vos démarches et votre façon de travailler. Nous ferons une vidéoconférence une fois par mois ou moins. Cela sera suivant ce qu'il se passera.
— Euh… Lathan n'a pas encore accepté…
Un nouveau sourire étrange fleurit sur les lèvres de son patron. Maxence se demanda ce qu'il pouvait bien penser.
Lathan venait de trouver le point faible de son amant : sa facilité à rendre une scène normale en dramatique. Il pensait immédiatement négatif quand il n'y avait pas lieu d'être. Et là, le vampire voyait Maxence se faire un sang d'encre pour rien. Voyant que cela allait beaucoup trop loin, Lathan s'approcha et attrapa les épaules de Maxence qui reculait de plus en plus en évitant son regard.
— Max…
Maxence resta obstinément muet, refusant toujours de le regarder. Son mutisme l'anéantissait et il ne savait plus comment réagir, alors il se protégeait pour ne pas souffrir... encore une fois.
— Mon ange… arrête. Tu es en train de t'imaginer n'importe quoi.
— Tu ne me réponds pas ! s'énerva Maxence en relevant son visage brusquement. Ses yeux luisaient de colère.
— Si tu m'en laissais le temps aussi ?
Lathan gardait un calme olympien. Il savait que cela ne servait à rien de s'énerver à part braquer encore plus son amant.
— Il te faut autant de temps pour refuser ?
Cette fois, Lathan sentait très bien la colère de Maxence percer son aura. Cela le touchait plus qu'il ne le pensait et se força à rester impassible. Pourtant, il ne savait que répondre à Maxence qui essayait de se soustraire.
— Tu es ridicule, souffla Lathan faiblement.
La réaction de Maxence fut violente et imprévisible. Sans même réfléchir, il avait levé la main pour gifler le vampire qui à présent le regardait les yeux exorbités en posant une main sur sa joue rougie par le coup. Jamais Maxence n'avait eu de geste de violence envers qui que ce soit. Il n'avait pas vraiment mal, mais c'était le geste qui l'étonnait.
— Mon Dieu ! s'écria le Français en prenant conscience de ce qu'il venait de faire.
Un frisson d'effroi l'envahit en voyant le regard rouge vif de son amant braqué sur lui. La peur s'insinua en lui alors que la culpabilité en faisait de même. Pourquoi avait-il fait cela ? Maxence se recula pour se laisser tomber sur le sol carrelé. Son esprit était bloqué sur ce qu'il venait de faire et plus rien ne voulait entrer. Il ne voyait plus qu'un voile blanc devant ses yeux, alors que son cœur battait lourdement dans sa poitrine. Ce fut Lathan qui se reprit. Il ferma les yeux quelques secondes afin de se calmer et s'avança ensuite vers son amant sans geste brusque.
— Max…
— Je… je…
Voyant qu'il ne pouvait rien dire de plus, Lathan se mit à genou devant lui et attrapa le visage baigné de larmes de Maxence pour qu'il le regarde. Mais celui-ci le fuyait.
— Je ne comprends pas ce qu'il vient de se passer, mais calme-toi. Quand tu m'as parlé de la demande de ton patron il y a quelques semaines, tu avais peur me perdre en acceptant. Je suis toujours là et je pars avec toi au Québec. Mon ange… tu devras te mettre en tête que personne à part moi ne prendra cette place de vice-président.
Maxence écoutait silencieusement le vampire lui parler posément et calmement. Alors… Lathan acceptait vraiment cette place ? Il sentait les doigts fins de Lathan essuyer les larmes qu'il n'avait pas conscience de laisser couler. Les yeux rouges étaient redevenus normaux et la tendresse pouvait s'y lire. Lui se sentait toujours aussi mal.
— Tu veux être mon vice-président ? souffla Maxence, incrédule.
— Si tu n'as pas changé d'avis, oui.
Sans que Lathan ne puisse le prévoir, Maxence se jeta à son cou et le serra très fort contre lui. Il n'en croyait pas ses oreilles !
— Tu vois qu'il n'y avait pas à s'emporter ainsi, murmura Lathan en caressant le dos de son amant si sensible.
Maxence se recula et plongea son regard dans celui de Lathan.
— Je suis désolé… je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça… tu as le droit de m'en vouloir et…
Le vampire le fit taire en l'embrassant à pleine bouche. Maxence voulut résister, mais succomba finalement et l'embrassa à son tour. Le baiser devint passionné lorsque Lathan alla chercher la langue de Maxence. Leurs mains entreprenantes se mouvaient pour déshabiller l'autre. Lathan prit le dessus et se mit à embrasser le corps de son amant. Ses mains caressaient chaque muscle, faisant réveiller le désir de Maxence qui l'entoura de ses bras et le fit remonter pour venir chercher ses lèvres.
Lathan en profita pour le soulever et l'emmener vers la chambre où il le fit tomber sur les draps soyeux. Le vampire reprit ses baisers et une de ses mains vint s'immiscer entre eux pour venir taquiner le gland de Maxence qui écarquilla les yeux. Heureux de l'effet, Lathan glissa contre Maxence afin que sa bouche puisse venir prodiguer un doux va-et-vient sur le sexe déjà tendu. Voulant lui faire plaisir, Lathan continua sous les protestations de Maxence.
— Lathan… je…
— Viens…
Reprenant un rythme plus vif, Lathan ne laissa pas d'autre choix à son amant que de venir dans sa bouche. Le vampire avala tout et sentit les mains de Maxence l'attraper. Ils s'embrassèrent passionnément alors que Lathan ne cessait ses caresses. Il remonta une main pour venir glisser deux doigts dans la bouche de Maxence qui les humidifia avec des gestes langoureux, faisant monter le désir de Lathan un peu plus.
Maxence se crispa lorsque le premier doigt s'introduisit dans son anus pour finalement expirer profondément. Lathan le prépara longuement, s'amusant à le faire gémir pour ensuite jouer avec sa prostate. Lorsqu'il sentit qu'il était assez préparé, Lathan fit retourner son amant afin d'avoir une meilleure position. La vue qu'il avait le fit frissonner d'impatience et se caressant brièvement, il se plaça face à l'entrée qui n'attendait que lui alors que Maxence attrapait les draps entre ses doigts.
— Viens, murmura ce dernier, impatient.
Lathan acquiesça et entra doucement, ne voulant pas faire mal à Maxence. Lorsqu'il fut arrivé à la garde, il s'arrêta et laissa son amant reprendre sa respiration. Il avait senti sa crispation. Finalement, Maxence bougea et ce fut le signal pour Lathan qui se mit à remuer avec douceur. Le plaisir monta rapidement et Lathan accéléra la cadence. Voyant Maxence qui cherchait son regard, il le retourna doucement pour venir s'enfoncer à nouveau en lui. Leurs mains se trouvèrent et leurs doigts s'enlacèrent. Leurs regards luisants de désir se ne lâchait pas et Maxence reprit ses gémissements alors qu'il voyait les yeux de Lathan devenir plus rouge et brillant. Il ne se lassait pas de voir ce changement dans son regard. C'était envoûtant et magnifique à regarder. Ils se laissèrent porter par leurs plaisirs.
— Je… je vais venir… souffla Lathan qui sentait le point de non-retour approcher.
— Moi aussi…
— Ensemble…
Lathan accéléra la cadence et ils se libérèrent ensemble dans un concert de gémissements et de cris. Le vampire se laissa tomber contre Maxence alors qu'ils reprenaient leurs respirations.
Plus tard, Lathan tenait entre ses bras Maxence qui s'était endormi contre lui. La chaleur de son corps nu contre le sien lui rappela les moments où Sil'Arn l'avait pris contre lui pour le réchauffer lorsqu'il était encore humain. Mais Maxence n'était pas Sil'Arn, mais il l'aimait tout autant. Déposant un petit baiser sur la tempe de son amant, Lathan ferma les yeux pour s'endormir lui aussi.
Pendant que Maxence préparait tous les papiers pour la maison d'édition avec leur patron, Lathan s'occupait de la gestion de leur déménagement. Alors qu'il rangeait un carton, le vampire se mit à sourire doucement. Ils avaient décidé d'emménager ensemble quand ils seraient à Québec. Maxence lui faisait entièrement confiance et lui avait dit que quoi qu'il choisisse, cela lui irait parfaitement. De toute façon, le Français avait toujours aimé son style. Il avait alors regardé pour acheter une maison. Il était hors de question pour lui de payer un quelconque loyer. Il avait suffisamment d'argent de toute façon. Il n'avait pas eu à chercher longtemps avant de trouver son bonheur.
Depuis quelques jours, Maxence avait la surprise de trouver à manger et l'appartement rangé quand il revenait. Chaque fois, il remerciait intérieurement son compagnon de s'occuper ainsi de lui, même s'ils se voyaient peu ces derniers temps. Le vampire était vraiment un amour avec lui.
Entrant dans son appartement tard dans la soirée, Maxence eut la surprise de trouver Lathan allongé sur le canapé. Au vu de ses vêtements, il comprit qu'il était lui-même rentré après une énième réunion avec Elsian. S'approchant, Maxence s'agenouilla devant le canapé au niveau du visage du vampire endormi. Ses traits étaient paisibles et son souffle lent. Malgré ses plus de cinq cents ans, Lathan semblait n'en avoir que trente-cinq, officiellement trente-trois. Levant sa main, Maxence la posa tendrement contre sa joue tiède. La première fois qu'il l'avait touché, il avait été étonné de sentir la chaleur de sa peau, lui avait imaginé une peau froide vu sa blancheur.
Lathan bougea légèrement.
— Réveille-toi mon amour, murmura Maxence contre son oreille.
Maxence sourit en voyant son amant se réveiller doucement. Lathan remua et ouvrit enfin les yeux pour tomber sur le visage doux et souriant de Maxence.
— Tu es revenu ? Quelle heure est-il ?
— Il est près de minuit et je viens à peine de revenir. La réunion a été plus longue que prévu.
Lathan se leva précautionneusement en lissant sa chemise. Il s'en voulait de s'être endormi.
— Je voulais t'attendre pour passer la soirée ensemble…
— Ce n'est pas grave et c'est ma faute.
Maxence vint tout de même chercher un baiser de son amant qui l'entoura de ses bras pour le coller contre lui. Il sentit les canines du vampire contre ses lèvres et la crispation de Lathan l'avertit de son besoin de boire. Se reculant, Maxence fronça les sourcils.
— Tu n'as rien bu depuis combien de temps ?
Voyant qu'il était inutile de mentir, Lathan murmura, pris en faute.
— Un peu plus d'une semaine… mais je vais bien !
— Je ne te crois pas. Tu penses que je ne sais pas quand tu dois boire ?
Lathan ne répondit rien.
— Tu as les yeux rouge vif et tu bandes tes muscles lorsque tu es près de moi, comme maintenant. Tu ne m'étreins pas comme tu le fais habituellement.
Les yeux de Lathan s'écarquillèrent. Il ne pensait pas que son amant avait tout remarqué… Il se redressa, mais vit que Maxence n'avait pas dit son dernier mot.
— Tu n'as que deux choix. Soit tu te diriges vers la cuisine et tu prends l'une des poches, soit tu vas chasser. Pour être franc, je préfère la première. Elle est moins dangereuse.
— Max je… vais aller à la cuisine, capitula Lathan en croisant son regard.
— Je t'attends ici, sourit Maxence, sachant très bien que son vampire de compagnon n'aimait pas lorsqu'il le voyait boire.
Il le regarda partir vers l'autre pièce et ne put s'empêcher de trouver le vampire absolument désirable. Ses fesses fermes étaient une tentation à elles seules, comme son dos bien droit et ses épaules larges.
Pendant que Lathan était à la cuisine, Maxence partit vers la salle de bain pour prendre une douche et s'habiller confortablement. Revenant dans le salon, il vit son homme debout à l'autre bout de la pièce, le regardant avec chaleur. Ses yeux étaient redevenus normaux et tout dans son attitude lui montrait qu'il se sentait mieux. Le vampire s'avança et attrapa la serviette qui trônait sur ses épaules pour la poser sur ses cheveux et les sécher doucement. Maxence en ferma les yeux de bonheur. Les gestes de Lathan étaient doux et son regard langoureux lui faisait battre son cœur. Sans réfléchir, il s'avança un peu plus et laissa tomber son visage contre l'épaule solide de Lathan qui se mit à rire.
— Tu en profites.
— Oui. Tu es confortable, il bâilla et continua, je suis crevé… Ces réunions m'épuisent…
— C'est bientôt fini.
Lathan continua de sécher les cheveux de son compagnon pour ensuite l'aider à aller à la cuisine pour manger. Il voyait bien qu'il marchait au radar…
Sydney – Australie – novembre 2015
Ça y est, pensa Maxence alors qu'il montait dans l'avion avec Lathan. Tout était prêt et ils quittaient l'Australie. Maxence tournait une nouvelle page de sa vie, mais cette fois, il n'était pas seul.
Lorsqu'il fut assis, il constata l'agitation du vampire et lui prit la main en souriant. Lathan n'avait pas peur, il se demandait simplement si Elsian arriverait à tout gérer sans lui à Sydney.
— Tu lui as dit de te contacter au moindre souci, déclara Maxence qui savait pertinemment à quoi il pensait.
— Je sais.
Maxence resserra son étreinte en s'installant correctement dans son siège. Une certaine fébrilité l'avait envahi. Lathan lui avait caché tout ce qu'il avait fait, même leur logement. Il ne savait rien du tout.
Tout au long du vol, Lathan n'avait pas lâché la main du Français, sauf lorsqu'il devait se lever. Cela ne l'avait pas gêné, mais il avait vu les regards qui s'étaient posés sur eux. Lui s'en fichait, surtout qu'à présent, l'homosexualité était bien acceptée dans le monde.
Arrivant sur le tarmac de l'aéroport de Québec, le couple alla récupérer leurs valises puis se dirigea vers la sortie.
— J'ai loué une voiture pour aller jusqu'à notre nouvelle adresse.
— Tu ne me diras rien, n'est-ce pas ?
— Laisse-moi te faire la surprise, mon ange, souffla le vampire en souriant avec humour en voyant le regard suppliant de Maxence.
Celui-ci se laissa finalement faire et suivit son amant en silence. Dans la voiture, Maxence ne cessait de s'extasier sur le paysage. Cela le changeait énormément de la France et de l'Australie.
Près d'une demi-heure plus tard, la voiture se stationna devant une belle haie de thuyas entretenue.
Lathan sortit du véhicule et prit la main de Maxence pour le faire avancer vers la maison. Passé le portail blanc, Maxence s'arrêta brutalement, la maison devant lui était absolument sublime. Jamais il n'aurait imaginé vivre dans pareille demeure un jour.
— Lathan.
Le vampire se tourna vers son amant et vit son étonnement. Il s'approcha de lui pour le prendre dans ses bras et lui embrassa la tempe.
— Je ne voulais rien te dire pour te faire la surprise. Je vois qu'elle te plait.
— C'est magnifique !
Maxence s'extasiait. Ils avancèrent lentement. Maxence tourna son visage et vit un grand jardin avec des arbres et même une mare. Lathan ouvrit la grande porte en chêne pour laisser apparaître une grande entrée blanche. Il alla chercher les valises pendant que Maxence découvrait sa nouvelle maison. Le Français aperçut la salle à manger et la cuisine. Montant l'escalier, il longea le grand couloir en ouvrant toutes les portes. Lathan ressentait toutes ses émotions. En entrant une nouvelle fois, Lathan découvrit son amant arrêté devant une porte ouverte du deuxième étage.
— Elle te plait alors ?
— Absolument, souffla Maxence qui admirait la chambre à coucher.
Un lit à baldaquin se trouvait devant une grande et large fenêtre sur sa gauche alors qu'une armoire en bois massif trônait près de lui. Le mur à droite était complètement vitré, mais de grands doubles rideaux orange tranchaient avec le bleu du mur.
— Je ne savais pas si ça allait te plaire, alors j'ai mélangé ce que nous aimions.
— Je vais passer mes journées ici, s'amusa Maxence.
— Je pourrais te faire plein de vilaines choses alors.
Lathan avait entouré son amant de ses bras pour le maintenir contre lui en déboutonnant avec malice sa chemise. Maxence l'arrêta en l'embrassant. Il aurait aimé inaugurer sa nouvelle chambre, mais il voulait d'abord découvrir le reste de la maison.
Le comprenant, Lathan lui prit la main et lui fit visiter toutes les pièces. Il comparait son compagnon à un enfant découvrant un trésor. Il entrait dans chaque pièce, touchait à tout, s'écriait en admirant la vue qu'il voyait à travers les fenêtres.
— Maintenant, passons à ton bureau.
— Mon bureau ?
— Oui, viens.
Ils allèrent au premier étage via un bel escalier en bois et Lathan ouvrit une énième porte. Maxence tomba sur une pièce un peu plus petite que les autres, mais très confortable. Un bureau d'angle tenait un gros ordinateur. Maxence remarqua que ce n'était pas le sien.
— Tu te plaignais toujours du tien, alors je t'en ai acheté un nouveau beaucoup plus puissant.
— Lathan…
— On démarre une nouvelle vie, alors autant commencé correctement avec un matériel neuf.
— Tu n'aurais pas du ! Comment te remercier ?
Le vampire s'approcha de son compagnon et l'entoura à nouveau de ses bras. Son regard cardinal brillait intensément. La lueur d'amour que Maxence voyait lui fit battre le cœur. Il n'avait de cesse de le surprendre là où il ne l'attendait pas.
— Reste simplement auprès de moi. Je n'ai besoin de rien, sauf de toi.
Maxence en rougit. Il connaissait le romantisme du vampire, mais cela lui faisait toujours plaisir. Jamais aucun de ses ex n'avait été comme cela avec lui. Au contraire, c'était lui qui avait dû faire tous les efforts pour deux.
Les mains de Lathan glissaient contre son dos pour descendre vers ses reins. Au début de leur amitié, Maxence avait eu honte de rester auprès d'un si bel homme. Lui se trouvait quelconque, sans aucun attrait et n'avait jamais compris que l'on puisse s'intéresser à lui. Il avait quelques kilos en trop, même s'il avait du muscle. Maxence se rappela que Lathan lui avait longuement parlé à cœur ouvert de ce qui l'avait attiré en lui et s'était senti soulagé.
C'était d'ailleurs grâce à cette discussion que Maxence avait accepté de commencer leur relation. À présent ils débutaient une nouvelle vie et cela le ravissait plus qu'il ne l'aurait imaginé.
— Je t'aime, murmura Maxence avant d'embrasser Lathan.
Ce dernier sourit, heureux. Maxence était adorable et il aimait le faire rougir comme il venait de le faire. Cela le rendait encore plus beau à ses yeux.
Il avait eu nombre de relations au fil de son existence, avec des femmes et des hommes, humain ou vampire, mais jamais il n'avait ressenti ce qu'il ressentait maintenant. L'impression d'être enfin entier en sa présence, de renaitre une nouvelle fois. Il n'y avait qu'avec Sil'Arn qu'il l'avait vécu. Mais à présent qu'il n'était plus là, il voulait rendre heureux Maxence comme Sil'Arn l'avait fait avec lui. Lui prouver son amour à chaque instant. Lathan savait que Maxence était très réceptif à la plus petite attention.
Alors qu'ils étaient tous les deux sur le balcon de la chambre, Maxence regardait leur propriété.
— Pourquoi tu ne me mords pas ?
Lathan se tourna vers son amant, les yeux écarquillés.
— Pourquoi me demandes-tu cela ?
— On n'en a jamais parlé. Tu pourrais me mordre quand tu voudrais, mais tu ne le fais pas. Pourquoi ?
— Parce que je veux que tu vives, murmura le vampire. Sil'Arn m'a mordu parce que j'étais aux portes de la mort, mais s'il n'avait pas eu à le faire… il ne l'aurait pas fait.
— Pourtant, cela nous permettrait de vivre ensemble plus longtemps…
Le vampire s'approcha de son compagnon et lui prit les mains doucement.
— Je le sais, mais je ne veux pas gâcher ta vie, mon ange. Tu as bien vu qu'être un vampire n'a pas que des avantages. Je ne veux pas que tu connaisses cela maintenant.
Maxence comprit son amant et hocha la tête. Lui-même ne savait pas s'il voulait vraiment être mordu. Pourtant, l'idée de passer sa vie entière auprès de Lathan lui avait déjà traversé l'esprit.
— Allons manger et ensuite nous irons dormir, déclara-t-il en souriant.
Lathan accepta et c'est main dans la main qu'ils quittèrent le balcon pour se rendre à la cuisine. Ils se firent un petit repas et mangèrent dans la bonne humeur. Un peu plus tard dans leur chambre, Maxence se déshabilla pour ne rester qu'en boxer et entra dans le lit moelleux et douillet pendant que Lathan en faisait de même.
Lorsqu'il fut sous les couvertures, Maxence se pelotonna contre le vampire qui l'entoura de ses bras chaleureux.
— Bonne nuit mon ange, souffla Lathan contre l'oreille du Français qui ferma les yeux en sentant un léger baiser sur ses cheveux.
Le couple arriva devant le grand bâtiment d'édition. Sortant de la voiture, Maxence, vêtu d'un costume anthracite, observait avec intensité son entreprise. Cela lui était encore étrange de penser comme cela. Une main douce se posa sur ses reins et Maxence se tourna légèrement pour voir que son compagnon lui intimait d'avancer. Le président et le vice-président se mirent en route en silence.
Lathan ouvrit la grande porte vitrée et fit entrer le président. Les deux hommes avaient convenu que dès leurs arrivées dans les locaux, ils n'agiraient plus comme un couple, mais comme des employés normaux. Leurs bureaux se situaient à l'étage et l'un à côté de l'autre, facilitant leurs échanges. Ils étaient seuls dans l'immeuble, ayant préféré venir avant l'arrivée de leurs employés. Maxence entra dans la pièce où son nom était gravé sur la porte en lettre capitale noire. Sur le bureau en merisier en face de lui, une plaque dorée avait été posée. Il s'approcha et lut : « Mr KINCELA Maxence – Président – Directeur général. » Son cœur se mit à battre furieusement dans sa poitrine alors que Lathan le regardait avec un sourire satisfait.
— Je savais que cela te plairait.
— En fait, je viens seulement de réaliser…
— Je le sais. J'ai vu ton attitude quand nous sommes arrivés.
Maxence sentit un souffle doux contre sa nuque. Un simple baiser fut déposé, mais Maxence se sentit frissonner de bonheur.
— Veuillez vous installer, Mr le Président, votre secrétaire va bientôt arriver.
— J'ai hâte et en même temps j'ai peur de ne pas y arriver. C'est une drôle de sensation.
— Tu seras parfait. Mr McLan ne t'a pas choisi au hasard. S'il te l'a proposé, c'est que tu convenais et il te l'a dit en plus.
Maxence s'avança dans la pièce et contourna le bureau pour s'asseoir sur son fauteuil.
— Tu as normalement tout ce qu'il te faut. S'il te manque quoi que ce soit, demande-le à ta secrétaire.
— Je ne vais pas commencer à la sollicité pour tout et n'importe quoi, marmonna Maxence en fixant son amant.
Un bruit à la porte les fit taire et le couple se retourna ensemble. Maxence vit une femme d'une trentaine d'années, dans les un mètre soixante, portant un tailleur bleu clair saillant.
— Mr le Président, Mr le Vice-président, je suis Madame Dainsey Kassandra, votre secrétaire.
— Enchanté Madame Dainsey, commença Lathan en s'approchant de la jeune femme. Je suis Mr O'Kim Lathan, le Vice-président.
Maxence qui s'était relevé alla serrer la main de sa secrétaire en se présentant lui aussi. Ils se mirent à discuter du travail qu'il y aurait à fournir, puis Lathan s'excusa pour rejoindre lui-même son bureau.
Seul, il se mit à sourire en pensant que la secrétaire conviendrait parfaitement. Il avait bien vu son geste de recul en voyant la couleur de ses yeux, mais n'avait rien dit et agissait normalement avec lui.
Regardant l'horloge contre le mur, il s'aperçut qu'il ne restait qu'une dizaine de minutes avant que leurs employés arrivent. Alors qu'il allait revenir dans la pièce adjacente, il trouva son amant et sa secrétaire dans le couloir.
— Nous devrions aller accueillir nos employés, Mr le Président.
Kassandra s'étonna de la façon de parler de son Vice-président. Elle seule savait que les deux hommes formaient un couple dans la vie. Elle l'avait su quand elle avait accepté le poste.
Lathan l'en avait informé afin qu'elle ne s'étonne pas de certains gestes qu'ils pourraient avoir l'un envers l'autre. Par contre, le vampire avait été strict sur le fait que tout devait rester entre eux. Il ne l'avait pas menacé, mais elle savait que si quoi que ce soit filtrait, elle pouvait dire au revoir à son emploi dans la seconde. Là-dessus, le Vice-président avait été limpide.
— Allons-y, déclara Maxence avec une assurance qu'il ne ressentait pas du tout.
En fait, il était mort de trouille et seul Lathan le ressentit. Discrètement, le vampire se plaça à droite de son amant et passa une main sur ses reins pour le rassurer.
L'heure qui suivit fut assez trouble pour Maxence qui saluait et parlait avec ses employés. Quand tous furent arrivés, ils se réunirent dans la salle de réunion ai rez-de-chaussée pour faire connaissance et Lathan demanda à Maxence de prononcer quelques mots. Le Président acquiesça. S'étonnant lui-même, il trouva les mots qu'il fallait et assura à ses employés qu'ils feraient tout pour que le travail soit fait au mieux.
— Je suis également à votre disposition, tout comme le Vice-président, si vous avez le moindre souci. Nous essayerons de le résoudre au plus vite. N'ayez pas peur de nous parler, nous ne sommes pas là pour vous jugés.
Heureux de voir que leur P-D.G était un homme comme tout à chacun, les employés applaudirent en le remerciant. Lathan qui applaudissait aussi murmura :
— Félicitations.
— Merci.
Le groupe se dispersa et tous allèrent à leur poste pour démarrer la session de travail. Lathan fit le tour des bureaux et donna deux feuilles à chaque personne pour qu'ils les remplissent. Ils avaient déjà un dossier sur chaque employé, mais celles-ci concernaient surtout leurs compétences. La seconde feuille était destinée à noter ce qu'ils leur manquaient comme matériel. Maxence, comme Lathan, souhaitait que tous puissent travailler dans les meilleures conditions possible.
La fin de journée arrivée, Maxence laissa Kassandra faire son travail tranquillement.
— Je vais voir le Vice-président, indiqua-t-il en s'arrêtant au bureau de sa secrétaire. Si vous avez besoin de moi, n'hésitez pas à venir.
— D'accord.
Maxence toqua à la porte et entra dans la pièce où il trouva son compagnon en plein travail.
— Je te dérange ?
— Non entre, je lisais les fiches que les employés ont rendues.
— Cela donne quoi ? demanda le président en s'approchant.
— Il ne manque pas grand-chose, la plupart ont tout ce qu'il leur faut. Mr McLan a bien fait de nous dire comment il avait fait, cela facilite grandement notre travail. Et toi ?
— Kassandra m'aide beaucoup, mais tout va bien, même mieux que je ne l'aurais espéré.
— Tant mieux.
Lathan se laissa tomber contre le dossier de son fauteuil. Son regard cardinal plongea dans celui de son amant. Passer sa journée avec était magnifique. Lui qui voulait se rapprocher de Maxence, c'était chose faite. Et puis, il avait déjà géré des entreprises, même si la façon de faire avait bien changé depuis.
Maxence vit le regard de Lathan devenir plus paisible. Il s'avança et s'autorisa à entourer le cou de son amant. Il savait qu'ils ne pourraient pas profiter l'un de l'autre pendant leur temps de travail. Dans la matinée, Maxence s'était senti frustré de savoir son amant si près de lui, mais ne pouvait pas aller voir comme il voulait.
— Tu étais si près de moi et pourtant nous ne pouvions pas nous voir.
Lathan ferma les yeux alors qu'il enlaçait ses doigts avec ceux de son amant. Lui aussi avait éprouvé ce manque, mais n'avait pas osé en parler, ne voulant pas perturber Maxence pour sa première journée.
Le moment de calme fit du bien aux deux hommes qui en profitèrent au maximum.
— Tu as bientôt fini ? demanda Maxence.
— Oui. J'ai encore quelques petites choses à faire, mais ça ne prendra pas longtemps.
— Je vais retourner à mon bureau pour finir aussi et dire à Kassandra qu'elle peut repartir chez elle.
— Kassandra, hein ? sourit Lathan en se retournant.
— C'est plus simple pour moi de l'appeler comme cela.
— Et tu as bien raison.
Maxence embrassa la tempe de Lathan avant de quitter la pièce. Ce petit moment intime lui avait fait du bien. Il trouva Kassandra à son bureau.
— Pourrez-vous aller chercher la liste de commande que L… Mr O'Kim aura préparé ?
— Bien sûr, Mr Kincela. Avez-vous besoin de quelque chose ?
— Non, merci Kassandra.
Maxence entra dans son bureau et retourna travailler.
La première réunion mensuelle avec le grand directeur se passa très bien. Mr McLan était rassuré de voir que Maxence et Lathan s'en sortaient très bien. Ils avaient convenu avant leur départ que les auteurs seraient mieux payés que dans les autres maisons d'édition, mais aussi trié sur le volet. Chaque auteur était suivi par une seule personne et le manuscrit passait par un comité de lecture avant de faire une quelconque correction. Si le manuscrit plaisait à plus de quatre-vingts pour cent du comité, il partait dans le service suivant, sinon il était purement et simplement refusé. C'était la différence notoire des éditions McLan et en faisait aussi sa réputation.
Soulagé, Maxence entra dans son bureau suivi de Kassandra qui avait été convié à la réunion pour noter tous les éléments.
— Vous taperez le rapport et vous me ferez parvenir un exemplaire ainsi qu'à Mr O'Kim.
— Bien, Mr Kincela.
Kassandra laissa le président seul. Elle tenait dans ses mains les feuilles de compte-rendu. S'installant à son bureau, elle alluma l'écran de son ordinateur. La secrétaire aimait travailler ici et que ce soit avec le Président ou le Vice-président. Même si cela restait moins fréquent avec ce dernier. Les deux hommes étaient toujours aimables avec elle, même lorsqu'ils étaient fatigués ou irrités. Kassandra avait aussi remarqué que dès que le Président n'allait pas bien pour une raison ou pour une autre, le Vice-président arrivait peu après pour le calmer. Dans ces moments-là, la jeune femme savait qu'il ne fallait pas les déranger. De toute façon, elle les respectait trop pour le faire.
Posant ses feuilles devant elle, elle se mit au travail en souriant.
Lathan observait son amant à la dérobé. Ils étaient rentrés il y a peu et Maxence venait de sortir de la douche. Son regard vert le scruta. Lathan sentait en lui le désir monter. Il s'était abstenu assez longtemps, mais le voir comme ça devant lui, il ne pouvait tenir plus longtemps, pensa-t-il en se levant. Maxence leva un sourcil surpris.
— Lathan ?
Mais le vampire le prit dans ses bras pour l'embrasser à pleine bouche. Le baiser était vorace. Maxence se laissa faire, conscient du désir qu'éprouvait son amant. Lorsqu'il se recula, Lathan vit Maxence se mettre à sourire.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Je savais que cela marcherait. Mais tu as plutôt couru, ricana Maxence en voyant le vampire de plus en plus surpris.
Heureux que cela ait marché, il attrapa les mains de Lathan et l'entraîna à l'étage pour ensuite refermer la porte de la chambre derrière eux. Les deux hommes laissèrent leurs corps assouvir le désir qui les envahissait pendant un long moment qui les laissèrent pantelants, mais heureux.
Lorsque Maxence ouvrit les yeux, il vit que Lathan dormait profondément contre lui. La tête du vampire reposait sur son épaule alors que l'un de ses bras lui encerclait la taille. Un sourire effleura son visage en le regardant, car la plupart du temps c'était Lathan qui se réveillait avant lui.
Il en profita alors pour l'observer intensément et comprendre que le vampire l'aimait sincèrement. Même s'il savait qu'il y avait toujours une partie de son cœur qui était réservé à Sil'Arn. Jamais il ne lui en voudrait, car il savait que Sil'Arn avait été et était encore très important pour Lathan. La bague qu'il portait à son majeur droit en était la preuve.
Chaque année, Lathan partait pendant une semaine en Irlande pour se recueillir sur sa tombe. C'était une période sombre pour le vampire, mais Maxence savait que c'était très important pour lui. Peut-être que cette année, son amant accepterait de s'y rendre avec lui ?
— Ça fait longtemps que tu es réveillé ?
Maxence baissa son regard pour observer les yeux encore embrumés de sommeil du vampire. Il lui sourit en glissant ses doigts dans ses cheveux de neige.
— Non, mais assez pour pouvoir te regarder dormir. Pour une fois que ce n'est pas toi.
Lathan bougea et fit glisser Maxence pour venir chercher un baiser. Comme c'était le weekend, ils restèrent au lit un long moment à rester l'un contre l'autre. Parfois ils s'embrassaient ou se câlinaient, mais parlaient aussi. Ils passèrent une journée au calme alors que la neige se mettait à tomber. Maxence resta un long moment à la fenêtre, entouré des bras de Lathan. Ils se sentaient à leur place à cet instant et rien ne vint le gâcher, pour leur plus grand plaisir.
[1] Cardinal : rouge foncé très légèrement orangé.
[2] Maison d'édition fictive