Ce texte a été écrit dans le cadre des défis de la Ficothèque Ardente. Le thème était la Fantasy en 2000 mots minimum, sujet libre. L'image présentée était celle d'un elfe vêtu de noir caressant la joue d'un homme entièrement nu. C'est consciemment que j'ai évité le yaoi.
LE RITE
Le quatrième jour de la quatrième lune était celui du rite. Dans le clan elfique des Ombres Mouvantes, c'était la nuit du Renouvellement, celle qui n'arrivait qu'une fois par an. Entre les guerres et la survie quotidienne, entre la pollution du monde, la mort à petit feu de la forêt et les créatures noires qui hantaient plaines et forêts, le Rite était un véritable havre de paix, une porte de sortie dans un monde sans cesse plus noir.
La guerre qui faisait rage entre les factions du chaos et les peuples libres faisait nombre de victimes. Parmi elles se trouvait ce garçon.
Il avait oublié jusqu'à son nom. La plaie qu'il arborait au front avait probablement été faite par un coup d'épée. Le combat avait dû être violent, un combat à mort, un combat pour le salut d'une âme. Il ne savait même pas qui l'avait remporté ni ce qu'il était advenu de son adversaire. Aucun corps n'avait été trouvé auprès de lui. Et puis, après tout, il ne savait pas contre qui il s'était battu, ou contre quoi.
Les elfes l'avaient rebaptisé Vago, ce qui, dans leur langage, signifiait l'immortel. Des semaines et des semaines durant, il avait réappris à vivre, à marcher, à parler. Plus le temps passait, plus il se sentait chez lui dans la tribu.
Et l'arrivée de la nuit du Renouvellement le rendait au moins aussi impatient que les elfes natifs de la tribu. Le clan était moribond. La plupart des jeunes hommes avaient été tués au combat. Les femmes qui avaient pris les armes étaient peu à être revenues. Seule une poignée subsistait. En tant qu'humain, Vago avait pensé qu'il ne serait pas convié au rite, pour ne pas métisser le sang et préserver l'ethnie mais Sengard, le seigneur des elfes, était venu personnellement l'inviter à participer. Vago était flatté.
Le matin de la nuit du Renouvellement, il avait à peine mangé, comme les autres hommes du clan. Jeûner était soit disant la meilleure façon d'élever son esprit et de communier avec les astres. Vago n'était pas bien sûr de bien comprendre ce qu'il était censé faire mais étant donné qu'il n'avait plus de souvenirs de son ancienne vie, il s'abstenait de tout commentaire. Si ça se trouvait, il avait fait bien pire.
A l'image des autres hommes, il avait laissé ses cheveux détachés, dédaignant pour une fois la queue de cheval, signe de reconnaissance des guerriers. Aussi nu qu'il l'était le jour de sa naissance, ou en tout il le supposait, il était assis à même le sol devant un feu dans lequel le petit bois craquait et envoyait des étincelles. Ils étaient cinq en tout, cinq encore dans la force de l'âge, cinq à ne pas être trop blessés, trop vieux ou trop malades. De temps en temps, respectant toujours le silence, l'un d'entre eux prenait une poignée d'herbe dans un pot devant lui et la jetait dans les flammes. Elles se consumaient dans un sifflement et une fumée à l'odeur entêtante se répandait alors autour d'eux, flottant à quelques centimètres à peine au-dessus du sol.
Vago sentait que la tête lui tournait, comme s'il avait trop bu de ce soi-disant hydromel qu'on lui servait depuis son arrivée et qui embrumait un peu trop facilement à son goût son esprit. Il avait la sensation de planer. Ses pensées partaient dans toutes les directions. Il n'avait aucune idée de la nature exacte de cette herbe séchée que son compagnon ne cessait de jeter dans les flammes mais en tout cas, elle était très forte.
Lorsque la lune fut juste au-dessus d'eux, l'un des guerriers entama une prière que les autres reprirent sur le même ton. Vago se sentait comme transporté. Des pas faisant craquer des branches mortes près de lui attirèrent son attention. Il se retourna et vit Sengar arriver, revêtu de sa plus grande tenue de seigneur. Il avait l'air tellement digne. Le jeune homme s'était demandé pourquoi il ne participait pas à la nuit du Renouvellement. Après tout, il avait l'air d'un jeune homme. Mais c'était là, la force des elfes. Leur vieillissement n'était pas physique. Les hommes se levèrent à son approche et Vago fit de même. Sa nudité ne lui posait plus de problème alors que peu de temps plus tôt encore, il aurait aimé se cacher.
Sengar sourit et posa son regard sur chacun d'entre eux. Il murmura quelques mots au sujet de sa fierté pour son peuple, des temps difficiles et de la mort qui planait au-dessus d'eux. Arrivé au-devant de Vago, il leva la main et, du bout des doigts, effleura sa joue. Il sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale.
« Allez maintenant, souffla le seigneur, allez et faîtes honneur à votre sang. »
Avec un cri proche du hululement, les hommes s'égaillèrent. Vago consulta Sengar du regard. Celui-ci inclina légèrement le menton pour l'encourager à imiter les autres. Alors il s'élança, courut vers la forêt là où le dernier de ses compagnons disparaissait déjà.
La nuit, les animaux nocturnes qu'il dérangeait dans leur chasse, la lueur des étoiles et l'éclat de la lune, tout ceci lui semblait grossièrement amplifié. L'odeur de l'humus l'enivrait presque autant que les herbes de tout à l'heure. Loin du feu, il sentait la caresse du vent glisser sur sa peau nue. Et pourtant, il n'avait pas froid. Loin de là même. Il bondit par-dessus une racine, enjamba une fougère dont les feuilles lui caressèrent les chevilles presque avec tendresse. Il ne savait même pas ce qu'il cherchait finalement. Et puis il avait perdu les autres.
Il ralentit le rythme de sa course, le souffle court. Un peu plus loin, il entendait clapoter une rivière. Il avait soif. Un peu d'eau lui ferait le plus grand bien. Il marcha, les bras le long du corps, la tête toujours embrumée par les vapeurs qu'il avait respirées en début de soirée. Il s'avança, appréciant la solitude, la communion avec la nature, l'absence de créature ou d'agent du chaos.
Il émergea dans une petite clairière bordée d'une rivière. Là, assise sur la berge, une jeune femme aussi nue que lui jouait distraitement avec un brin d'herbe. Vago était sûr de ne pas avoir fait de bruit mais elle se retourna néanmoins, un sourire aux lèvres. Avec une lenteur presque exagérée, elle se leva, dévoilant lentement à son regard sa silhouette fine et gracile.
Il fut incapable de détourner le regard de la courbe de ses hanches ou de celle de ses seins. La lumière de la lune semblait la caresser, jouant avec les teintes de sa peau. Ses longs cheveux d'un noir d'ébène retombaient sur ses épaules et s'écoulaient sur sa nuque. Ses yeux brillaient. Dans l'ombre, ses lèvres dessinèrent une invitation silencieuse. Vago savait maintenant ce qu'il était venu chercher et ce que signifiait la nuit du Renouvellement.
Il s'avança, doucement bien qu'il eut très envie de se précipiter. La jeune femme était si belle qu'elle lui semblait presque venir d'un rêve. Il lui semblait qu'un clignement d'œil pourrait la faire disparaître, comme une fumée, un mirage. Il tendit la main, effleura doucement la chair de son épaule. Elle était chaude, frémissante de désir. Un agréable chatouillement envahit son bas-ventre alors que la jeune femme se précipitait contre lui pour écraser ses lèvres contre les siennes. Porté par les effluves des herbes séchées, il répondit avidement au baiser, faisant jouer sa langue autour de celle de la jeune femme, lui caressant doucement de la pointe le palais tandis que ses mains exploraient l'étendue de son dos pour, finalement, s'attarder sur la rondeur de ses fesses.
Au fur et à mesure de ses caresses, il sentait le désir monter en lui comme une vague brûlante. C'était un acide qui déferlait dans ses veines, faisant battre furieusement le sang dans ses tempes. Son cœur battait très fort dans sa poitrine, à la manière d'un roulement de tambour effréné. Son corps tout entier réagissait. Déjà, son sexe commençait à se dresser.
Sa compagne éloigna ses lèvres des siennes pour lui embrasser doucement le menton puis le cou. Chaque baiser était accompagné d'une caresse sur ses reins ou ses hanches. Elle embrassa sa poitrine, joua quelques instants avec les poils. C'était vrai que par rapport aux elfes, il était plus velu, plus viril peut-être. Il devait passer pour une espèce de curiosité.
Il ne poursuivit pas ses réflexions. Les mains de sa compagne venaient de glisser le long de ses hanches et avaient empoigné son sexe pour lui imposer une caresse allant de plus en plus rapidement. Sa respiration s'accélère. Il renversa la tête en arrière. Les étoiles brillaient au-dessus de lui comme pour le couver de leur lueur, lui donner leur bénédiction en quelque sorte. Un sourire fleurit sur ses lèvres. Il baissa la tête prit le visage de la jeune femme en coupe entre ses mains et embrassa ses lèvres. Elle répondit par un soupir. Alors il se risqua à explorer davantage son corps. De ses lèvres, il honora les seins, les caressant délicatement du bout de la langue. Ses doigts coururent jusqu'à la naissance du pubis pour, doucement, écarter les lèvres et s'y faufiler. Une chaleur humide l'accueillit.
N'y tenant plus, Vago s'agenouilla dans l'humus, entraînant sa compagne d'un soir avec lui. Il l'allongea doucement à même le sol. Elle s'ouvrit à lui. Il se positionna entre ses cuisses, saisit ses hanches entre ses mains et, aussi doucement que possible, comme pour ne pas la briser par la violence d'un monde qui ne devrait pas l'atteindre, il s'introduisit en elle. Elle sembla s'ouvrir pour lui. Lorsqu'il l'eut pénétrée au plus profond, il braqua son regard sur son visage fin couronné par ses cheveux d'ébènes dans lesquels se mêlaient déjà quelques feuilles et autres brins de végétation.
Il aurait aimé avoir la force de continuer aussi doucement et aussi tendrement qu'il avait commencé mais la puissance de son désir était un brasier le dévorant de l'intérieur. Incapable de se contenir ou de se réfréner, il lâcha les hanches de sa compagne et prit appui sur ses mains pour bouger de plus en plus vite. Chaque mouvement faisait naître au creux de ses reins une véritable décharge de plaisir comme si son univers personnel ne tournait plus qu'autour de son sexe. Les yeux grands ouverts, il détacha son regard de la beauté de la jeune femme pour les lever vers la lune. La bouche entrouverte, il savourait son plaisir en y goûtant presque. L'odeur de l'humus laissait comme un goût de verdure sur sa langue. La sueur commençait à perler le long de ses tempes et de sa colonne vertébrale.
La jeune femme, elle, l'avait emprisonné entre ses genoux, comme si elle avait craint qu'il ne se défile. L'une de ses mains était posée sur son flanc et l'autre jouait dans ses cheveux. Elle gardait les yeux braqués sur lui, comme cherchant après son regard. Vago s'y accrocha et alors la magie opéra.
Transporté par les caresses qui lui électrisaient le corps et la chaleur qui se répandait de plus en plus dans son bas-ventre, il sentit la jouissance exploser en lui. Il n'eut pas l'idée de se retirer. Pris dans l'instant, il laissa son fluide jaillir dans le sexe de la jeune femme qui, à son tour ouvrit la bouche pour laisser échapper un long gémissement de contentement. Il attendit qu'elle se relâche contre lui pour cesser, peu à peu, de bouger.
A bout de souffle, fatigué par le rythme endiablé qu'il venait de soutenir, le corps couvert de sueur et encore parcouru de frissons de plaisir, il se retira doucement pour s'allonger auprès de sa compagne. Il posa la tête contre son épaule et laissa une main errer contre un sein. Le vent lui caressait doucement la peau, séchant la sueur qui le faisait frissonner. Ses yeux se fermèrent d'eux-mêmes. Il tenta de lutter mais le sommeil l'emporta. Il s'endormit lorsque les lèvres de la jeune femme effleuraient une dernière fois les siennes.
Il se réveilla avec la conscience que les rayons du soleil réchauffaient son corps. Vago ouvrit les yeux. Il avait la tête lourde comme lors d'un lendemain de beuverie. Il se redressa, tout à coup conscient de sa nudité. Le rouge lui monta au front. Il chercha partout autour de lui à la recherche de ses vêtements, ne les trouva pas. L'angoisse l'étreignit. Il se souvenait vaguement de sa jeune compagne de la nuit, du plaisir qu'il avait pris à l'honorer de sa virilité.
« Tu as été digne des Ombres Mouvantes. »
Vago se leva d'un bond, cachant sa nudité de ses mains. Emergeant de la végétation, Sengar éclata de rire. Il tenait des vêtements qu'il lui tendit. Le jeune homme déglutit avant de s'en emparer et de les enfiler rapidement. Le seigneur des elfes lui posa une main sur l'épaule.
« Tu es des nôtres autant que n'importe lequel d'entre nous. Bienvenue, mon fils. »