Héroïne

L'histoire : Gwenaël est amoureux de Dylan. Dylan est amoureux de l'héroïne… et à cause de cette addiction, il va envoyer Gwenaël en enfer. La romance qui débute à peine tourne d'un coup au cauchemar. Il suffit d'un instant pour que tout bascule.

Rating : « M », pour « Mature subject » : aucun doute là-dessus, ce n'est pas une histoire pour les enfants. L'histoire est sombre… très sombre.

Warnings : Attention ! Drogues dures (injections d'héroïne, d'où le titre de l'histoire), et viol (viol collectif par deux hommes, victime masculine). Scènes potentiellement choquantes, mais écrites sans aucune complaisance. A présent, vous voilà dûment prévenus ! Don't like, don't read !

A propos du titre : ma source d'inspiration a été la très explicite chanson « Heroin » du groupe Velvet underground, et chantée par Lou Reed (en 1967). En l'écoutant en boucle, une image s'est imposée à moi, comme un flash à partir duquel j'ai construit cette histoire sordide. Les paroles de cette chanson reflètent l'état d'esprit d'un de mes deux personnages principaux, Dylan, le consommateur d'héroïne.

Citation : "I am not gay, although I wish I were, just to piss off homophobes." – Kurt Cobain.

Infos sur la version actuellement en ligne : l'histoire a connu plusieurs versions : une version courte (en 13 chapitres, celle qui est actuellement en ligne), puis deux versions longues, de plus de 40 chapitres chacune, avec des trames et des fins différentes. J'ai exploré des pistes… que j'ai finalement refermées. Je reviens à la première version, la courte, celle en 13 chapitres seulement.

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Chapitre 1

Il était déjà plus de deux heures du matin, et tout le monde était saoul, ou défoncé, ou les deux à la fois. Affalés dans le salon de l'appartement de Stanislas, une petite dizaine d'amis finissaient un énième verre, ou un énième joint, en refaisant le monde, en racontant des conneries, ou en échangeant des vieux souvenirs de fac.

La plupart avaient fait des études de Lettres ensemble à l'université, qu'ils avaient pour la plupart abandonnées en cours de route. Les diplômes n'étaient pas là, leurs routes professionnelles avaient pris des directions différentes. Mais l'amitié, elle, était restée.

Une musique en fond sonore berçait les invités, dans la pénombre de la pièce. Au milieu de la nuit, la fatigue devenant profonde et les yeux étant fatigués, les invités n'avaient laissé allumée qu'une petite lampe de 40 watt dans le modeste salon.

L'hôte des lieux, Stanislas, 28 ans, salarié à la FNAC, tira nonchalamment une bouffée de cigarette en passant sa main dans ses cheveux châtains fins qu'il coupait ras, car il commençait à se dégarnir. Il tentait de contrer les arguments de Sophie, 26 ans, jeune femme bien en chair, affalée sur la moquette près de la table basse.

Sous l'effet de l'alcool, Stanislas peinait à argumenter sa position : « Tu as tort… Fred n'est pas le type le plus cool de la terre… »

La dite Sophie secoua ses cheveux bruns bouclés, en signe de dénégation : « Il n'est pas là pour se défendre ! Mais je te jure, Fred, tu peux lui demander n'importe quoi, rien ne le gêne… J'ai travaillé deux ans avec lui ! »

« Attends, Sophie, je le connais, moi aussi, Fred ! » rétorqua Stanislas, en attrapant de ses bras maigres une énième bouteille de bière. « Et je te jure que, même si c'est un type très ouvert d'esprit, très zen, c'est quand même pas le type le plus cool de la terre… »

Corentin, le seul étudiant de la bande, malgré ses 27 ans, approuva : « Stan a raison, Sophie. Fred est cool. Mais c'est pas LE plus ouvert d'esprit… »

« Non, le plus 'open', c'est Dylan… » ajouta Romain en tirant frénétiquement sur son joint. A 29 ans, intermittent du spectacle, la plupart du temps sans emploi, il alternait petits boulots au noir entre deux engagements. « Plus déjanté que lui, tu meurs… »

« Ah ! Merci les mecs ! Vous êtes trop bons ! » s'exclama l'élu de sa voix extrêmement grave, à peine surpris d'être désigné comme le type le plus affranchi du monde.

Sophie tordit la bouche et soupira : « J'suis désolée, mais je te connaissais pas avant ce soir, Dylan… alors que Fred, j'ai bossé avec lui pendant deux ans. J'peux pas vraiment juger… J'ai pas les moyens de comparer… »

Stanislas eut une idée : « Ben… à part toi, Sophie, qui est nouvelle dans la bande, qui connait Dylan et Fred ? Tout le monde, hein ? Alors qui pense que Dylan est sans complexe, et sans aucun tabou, qu'il ose tout, sans se démonter ? Bref, qui pense qu'il est plus 'open' que Fred ? »

A l'exception de Sophie, tout le monde leva la main.

« Et voilà ! » fit Stan, d'un air triomphant.

Sophie fût étonnée : « Ben ça alors, Dylan, je te découvre seulement ce soir, mais connaissant Fred, et apprenant que t'es plus ouvert d'esprit que lui, qu'est-ce que ça doit être ! J'ai du mal à imaginer… »

« Tu veux un exemple ? » demanda Maeva, une grande blonde maigre qui travaillait comme serveuse dans le même bar qui employait aussi Dylan.

« Ouais, sûr, vas-y ! Explique ! » demanda Sophie.

« Ben, voilà… Fred, il est super cool, très ouvert sur tout, le shit, la coke, les mœurs, le mariage gay, ce que tu veux, mais va pas lui demander de serrer de près un homo, et encore moins d'en embrasser un. Mais juste comme ça, hein, pour le fun, pour faire un gage, ou je sais pas quoi… Tu vois ? » Puis elle ajouta : « Fred, il est très cool en théorie, mais faut pas lui demander de passer à la pratique… »

« Ouais, il a ses limites, quoi… » précisa Arnaud, le petit brun du groupe, 28 ans, et qui travaillait dans une grosse entreprise. Avec ses lunettes, il avait l'air d'un intello. « Hey, attends, c'est pas un reproche, hein ? J'en ai cent fois plus que lui, moi, des limites ! »

Jessica, la copine d'Arnaud, approuva : « c'est vrai ! Je me souviens de cette soirée, chez toi, Stan, il y a un ou deux ans, quand on faisait le jeu 'action ou vérité', et le truc, là, avec la bouteille vide qu'on fait tourner par terre. Et bien, Fred s'était trouvé à devoir embrasser Rémi. Putain, Rémi, il faisait pas le fier, mais il était prêt à y aller. Tandis que Fred, il s'est défilé. Il a accepté de l'embrasser sur la joue, le plus rapidement possible, c'est tout. Il a fait super vite, il était tout rouge, et même s'il rigolait, il n'en menait pas large. Ça se voyait qu'il était ultra mal à l'aise… »

« Bah, tout le monde l'aurait été, non ? » renchérit Jessica, en haussant les épaules. Puis elle ajouta. « Enfin… tout le monde, sauf Dylan… »

Sophie, la nouvelle dans la bande, fixa le fameux Dylan avec des yeux curieux. Qui était donc ce type qui paraissait se foutre de tout, et de n'avoir aucune gêne, aucun tabou, ni aucun complexe ?

Dylan, 27 ans, était grand, plutôt maigre, mais musclé… avec un de ces corps sec et nerveux, à la Iggy Pop… Un corps de toxico, quoi.

Il portait un vieux jean usé et une chemise blanche en coton, mais on pouvait deviner, à certains endroits, à travers la finesse du tissu, qu'il avait le dos, les bras et le torse couverts de tatouages. Sophie ne parvenait toutefois pas à deviner à quoi ils ressemblaient.

Quant à son visage, Sophie ne parvenait pas à décider s'il était vraiment beau. En tout cas, il avait un charme fou, avec ce physique 'à part', cette impression de puissance qu'il dégageait. Il avait des yeux marrons, des cheveux bruns, longs, qui descendaient sur ses épaules et dans son dos. Et avec cette barbe de trois jours, et ce regard noir pénétrant, il faisait très 'mauvais genre'.

Il semblait être un mix entre Jim Morrison, Jésus Christ, et le personnage principal du film Hesher, à qui Sophie trouvait qu'il ressemblait beaucoup. En tout cas, il avait un magnétisme évident, un côté ténébreux, et une aura certaine. Il avait l'air du genre à ne pas se laisser emmerder. Et en plus, sa voix grave à la Dave Gahan le rendait encore plus sensuel et dominateur. Bref, il en imposait.

Sophie s'adressa à ce jeune homme étrange et sulfureux qu'elle découvrait : « Parce que toi, franchement, ça te gênerait pas d'embrasser un mec en public, n'importe lequel… ? »

Dylan secoua la tête, un sourire amusé aux lèvres. Et, par bravade, par défi, il passa son bras autour des épaules de Gwenaël assis à côté de lui. Dylan aimait bien s'amuser à provoquer le monde, et à faire douter les gens. Il agissait d'instinct, comme ça, sans réfléchir, et il faisait souvent toutes les conneries qui lui passaient par la tête.

« Mais pourquoi ? T'es bi ? » demanda Sophie, l'œil soupçonneux.

Dylan eut un sourire énigmatique un peu moqueur et esquissa un semblant de 'non' de la tête.

Sophie insista : « Mais t'as déjà fait 'ça' ? »

Dylan fronça un sourcil : « Quoi ? Embrasser un mec ? »

« Oui », fit Sophie.

Dylan n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche que Romain s'écria : « Dylan ? Embrasser un mec ? Ça, ça m'étonnerait ! Il aime trop les femmes pour ça ! » Il tourna le regard vers son ami : « Hein, Dylan ? »

Dylan avait un drôle de petit sourire en coin, énigmatique. Il laissait les autres débattre d'un œil curieux. C'était assez étrange de voir tout le monde parler à sa place, prétendant le connaître par cœur. Ils croyaient le connaître, mais après tout, que savaient-ils vraiment de lui ?

« Je suis sûre que ça le gênerait pas, je te jure ! Il n'a aucun tabou ! » insista Jessica. « Regarde ! Son meilleur ami est gay, et il est toujours en train de se coller à lui, de le peloter ! Il n'aurait absolument pas honte si quelqu'un le prenait pour un homo ou si on le croyait en couple avec Gwenaël ! Je te dis, il se fout de tout, Dylan ! »

Puis Jessica se tourna tout d'un coup vers Gwenaël, assis près de Dylan, sur le canapé, et blotti contre le corps de celui-ci. Le jeune homme en question était resté silencieux depuis le début du débat, se laissant enlacer par Dylan sans rien dire.

Se rendant compte qu'elle avait 'outé' Gwenaël auprès de Sophie un peu abruptement, Jessica s'excusa : « Au fait, ça te dérange pas, au moins, que j'annonce à Sophie que t'es gay, hein ? Comme elle ne te connaissait pas avant ce soir, elle savait pas… J'suis désolée de l'avoir dit comme ça ! Ça m'a échappé ! »

Gwenaël eut un petit rire nerveux : « Non, non… Tout le monde le sait que je suis homo. Je ne l'ai jamais caché, et j'ai fait mon coming-out à ma famille quand j'étais ado, alors… »

Sophie braqua son regard inquisiteur sur le fameux Gwenaël, jeune étudiant qui essayait de payer ses études en bossant à mi-temps à la FNAC. Moins grand que Dylan, plus jeune aussi, tout juste 21 ans, d'après ce qu'elle avait compris, il était aussi lumineux et radieux que Dylan était sombre et ténébreux.

Si Dylan ressemblait un peu à un suppôt de Satan, Gwenaël, lui, avait l'air d'un ange, avec ses boucles blondes qui lui retombaient dans les yeux… yeux qu'il avait fort bleu, d'ailleurs. Il avait un visage à la fois doux et coquin. Mais c'est vrai qu'il avait l'air pédé, se dit Sophie en elle-même… ne serait-ce par sa façon de s'habiller. Il portait un jean noir hyper moulant, avec une ceinture à clous, et un T-shirt noir brillant, avec des reflets argent, qui lui collait à la peau.

Sophie croisa les bras sur sa poitrine, amusée, et demanda : « Bon, si j'ai bien compris, Dylan, toi, t'es hétéro, c'est ça ? »

« A cent pour cent… » approuva Dylan. « Enfin, jusqu'à présent, hein ? Je jure jamais de rien dans la vie ! » plaisanta-t-il sur un ton très libre.

« Il l'est, crois-moi ! » fit Romain, en riant. « C'est même un womanizer ! »

« Un quoi ? »

« Un serial lover, si tu préfères ! » ricana Romain. « Tu verrais le nombre de nanas qu'il se lève, le nombre de filles qu'il enchaîne ! Pas une ne lui résiste ! »

Jessica prit de l'inspiration dans son whisky-coca et ajouta, avec une sorte de fierté : « Je… j'ai testé pour vous… »

« Quoi, t'es sortie avec lui ? » demanda Sophie.

Jessica, une fille pas maquillée, aux longs cheveux châtain clair et à l'allure quelque peu hippy, fit 'oui' de la tête, en tripotant nerveusement l'un des boutons de son chemisier à fleurs. « Mais c'était il y a longtemps, bien avant Arnaud ! Il y a… quoi… au moins trois ans, je crois… »

« Moi aussi… » fit Maeva, qui ne voulait pas être en reste. Maeva, elle, ne s'était toujours pas remise de sa rupture avec Dylan. Et du coup, elle était toujours célibataire.

Cette grande liane trop maigre, avec ses cheveux blond filasse, était toujours très amoureuse de lui. Et comme elle travaillait au même endroit que son ex, comme serveuse dans le même bar, c'était encore plus difficile pour elle : elle avait la tentation devant les yeux tous les jours. Et ce soir, face à cette Sophie qui semblait être fascinée par Dylan, Maeva voulait marquer son territoire, montrer que Dylan l'avait autrefois choisie, qu'il l'avait aimée, et surtout qu'il lui avait fait l'amour. C'était comme soulever un trophée à la vue du public.

« Ok, ok… Je vois… » fit Sophie, abasourdie par ces révélations. « Comme on est que trois filles, ce soir, hé bien, il est sortie avec toutes, sauf moi ! » Elle eut un rire nerveux, puis elle poursuivit : « Et donc », fit-elle en se tournant vers Dylan, « si je résume, ça ne te ferait rien d'embrasser un mec, c'est ça ? »

« Mmmhhh… » ronronna-t-il, de sa voix grave envoutante.

« Même en public », insista Sophie. Comme Dylan hochait la tête, l'air distrait, elle enfonça le clou. « Mais, même avec la langue ? »

Dylan éclata de rire : « Parce qu'à ton âge, toi, t'embrasse comment ? Lèvres scellées ? »

Tout le monde se mit à rire, et Sophie se sentit un peu vexée. Elle décida de le prendre sur un ton bravache. « Ouais, ouais… on dit ça, on dit ça… mais comment en être sûre ? Tu peux raconter ce que tu veux, hein ? Et je dois te croire sur parole ? »

Dylan haussa les épaules, indifférent : « Je m'en fous, de ce que tu crois… »

« Mais… » insista Sophie, de façon provocante et excitée. « T'embrasserais un mec, là, devant moi… enfin, devant nous tous, avec la langue ? »

Dylan eut un sourire malicieux : « Si y'a que ça pour te faire plaisir… » Il s'empressa d'ajouter : « Faudrait-il qu'il y ait des volontaires, aussi ! Parce que si moi, rien ne me dérange, tout le monde n'est pas dans le même cas ! »

« Ah, oui, tiens, ce serait marrant… » fit Maeva, en passant sa main dans ses cheveux blonds, d'un air pensif. Si Dylan embrassait un mec, au moins, elle ne serait pas jalouse.

Jessica renchérit : « Et qui se porterait volontaire, pour l'expérience ? »

Arnaud, tout à coup inquiet de faire les frais de cette plaisanterie, tenta de contrer la mise aux enchères : « Hey, Jess, j'ai une idée ! » Il se tourna vers Gwenaël, tout en ajustant ses lunettes qui glissait sur son nez à cause de sa transpiration nerveuse : « Puisque t'es gay, a priori, embrasser un mec, ça te dérange pas, hein ? »

Gwenaël se mit à rougir violemment sous le coup de cette remarque. Il comprenait clairement ce qu'on attendait de lui. Et si l'idée d'embrasser un mec en public ne lui faisait rien (après tout, il avait toujours embrassé ses petits copains devant ses amis), en revanche, l'idée d'embrasser Dylan le perturbait beaucoup.

Dylan… le très beau, très magnétique, très sexy Dylan… Dylan le womanizer, le tombeur de filles, le serial lover… mais aussi le très gay-friendly Dylan, qui le prenait sans cesse par les épaules, par la taille, comme ça, pour rien, parce que Dylan était naturellement tactile et qu'il aimait les gens.

Parce que Dylan était tellement ouvert d'esprit, parce que Dylan posait négligemment sans cesse ses mains sur lui, parce que Dylan était un type génial, Gwenaël avait fini par tomber secrètement très amoureux de lui.

Oh ! C'était très banal, hein ? Un homo qui tombe amoureux d'un hétéro… bref, du mec qu'il faut pas… Gwenaël savait bien que c'était ridicule, sans espoir, mais il ne pouvait pas contrôler ses sentiments. Il faisait avec, aimant et souffrant en silence. Le plus important, c'était que personne ne le sache, que personne ne puisse se moquer de lui.

Alors, dans ces conditions, comment faire pour embrasser Dylan en public, comme ça, pour un gage, une sorte de jeu, sans rien laisser paraître de ses sentiments ? Est-ce qu'il saurait faire ça ? Gwenaël commençait à stresser.

Stanislas se tourna vers Gwenaël et insista : « T'acceptes de te prêter à l'expérience ? »

Gwenaël haussa les épaules, faisant semblant d'être indifférent à ce stupide pari. « Si Dylan m'accepte comme… heu… partenaire… » bafouilla-t-il.

« Et toi, Dylan, toujours prêt à prouver ton extrême ouverture d'esprit à notre récalcitrante et sceptique Sophie ? »

« No problem ! » rétorqua Dylan, apparemment très zen.

« Juste un truc ! » intervint Maeva. « Il faudrait quand même fixer un cadre… »

« Un cadre ? » répéta Jessica, qui ne comprenait pas ce que Maeva voulait dire.

« Ben oui, des règles du jeu, quoi… »

« C'est-à-dire ? » questionna Sophie, curieuse.

« Heu… hé bien la durée, par exemple… Ils vont s'embrasser combien de temps ? » demanda Maeva.

« Ah, je vois ! » approuva Sophie. « Ouais, faut un vrai baiser, pas un truc de trois secondes ! »

« Pourquoi pas le temps d'un morceau de musique, hein ? Tu vois, t'as bien une zique sympa dans les fichiers mp3 de ton ordi, Stan ! »

Dylan haussa les épaules : « Ok… ça me va… » Il se tourna vers Gwenaël : « T'es d'accord ? »

Gwenaël hocha la tête timidement, ne sachant comment sortir de cette situation inconfortable dans laquelle il s'était fourré. Pourquoi ne savait-il pas dire non ? Pourquoi les gens faisaient-ils toujours de lui ce qu'ils voulaient ?

« Bon, tu veux quoi, comme zique ? » demanda Stanislas, en examinant ses fichiers mp3 sur son PC.

« Faut prendre 'the end', des Doors ! » s'exclama Jessica, qui se tortillait nerveusement, assise en tailleur sur un pouf inconfortable.

« Hey ! Ho ! Ça fait plus de 11 minutes, ça ! J'adore les Doors, mais faut pas abuser ! » Dylan commençait à construire un scenario, à imaginer le show esthétique et érotique qu'il allait livrer à 'son public'. Et onze minutes, c'était beaucoup trop long.

« Non, 'Light my fire' me semble toute indiquée, qu'est-ce que t'en dis, Dylan ? » questionna Jessica. Les filles étaient toutes excitées à l'idée de voir Dylan embrasser Gwenaël.

« Ah, non ! Ça fait à peine deux minutes, ça ! » désapprouva Sophie. « Puis c'est trop agité, ce morceau des Doors… c'est pas du tout adapté ».

« Il faut un truc doux, un slow, qui se prête au romantisme… » suggéra Jessica, qui fantasmait toujours aussi intensément sur son ex-amant, sans que son copain actuel, Arnaud, ne soupçonne quoi que ce soit.

« Je verrais bien 'Teardrop', de massive Attack » proposa Arnaud. « C'est hypnotique, avec ce rythme lancinant… c'est parfait, non ? »

« Bof, la voix d'Elizabeth Frazer est trop aiguë ! » soupira Romain. « Ça m'agresse les tympans… »

« Oh ! Je sais ! » s'exclama Corentin, l'étudiant attardé. A 27 ans, il traînait son ennui depuis des années dans une thèse de doctorat en sociologie qu'il ne terminait pas. « Glory box de Portishead ! Comme truc lascif, on ne fait pas mieux, non ? »

« Mouais… bof… » Stanislas n'était pas convaincu. « Elle me fatigue, cette chanson… »

Maeva, qui voulait faire plaisir à Dylan et démontrer que c'était elle qui le connaissait le mieux, fit alors une nouvelle proposition : « Dylan a un truc pour Lou Reed. Pourquoi pas Walk on the wild side ? » lança-t-elle, fière de son idée. Le morceau était explicite, osé, avec une musique chaude, tout à fait adaptée à la situation. Elle attendait l'approbation de Dylan.

« Est-ce qu'elle est assez longue ? » s'excita Sophie. « Combien de temps elle dure ? »

« Quatre minutes et quelques… » répondit Stanislas en regardant les infos du titre sur son ordinateur.

Dylan interrompit le débat : « Ecoutez… vous êtes gentil à vouloir m'imposer votre zique, là… Mais le choix des armes me revient, non ? » Tout le monde approuva. « Maev' a raison, j'ai un truc pour Lou Reed, c'est vrai… », confessa Dylan.

Maeva, que seul Dylan appelait de ce petit nom raccourci de Maev', se mit à rougir. Elle était heureuse de le connaître aussi bien, heureuse qu'il lui ait publiquement donné raison.

« Mais là, j'ai autre chose en tête… J'ai besoin d'un morceau vraiment spécial… » fit Dylan sur un ton mystérieux. Il savait exactement ce qu'il voulait. « Stan, mets-moi 'Rape me', de Nirvana… » Cette musique envoutante, au rythme à ruptures, aux paroles explicites, très sexuelles, et tout à fait malsaines, c'est tout ce dont il avait envie.

« Waouw ! » s'exclama Sophie. « 'Rape me' ? Tout un programme ! » fit-elle en s'installant bien en face du canapé, prête à mâter le spectacle qui s'énonçait tout à fait alléchant.

« Putain… ça promet… » murmura Arnaud, à la fois mal à l'aise et de plus en plus empli du désir de jouer les voyeurs. Il était excité malgré lui.

« Rape me ? » Romain eut un petit rire nerveux, un peu gêné, et se tourna vers Gwenaël : « T'angoisse pas, mec ? »

Le jeune gay battit des cils très vite et susurra : « Pas du tout ! J'ai toute confiance en Dylan… Je ne pourrais jamais avoir peur de lui ou de ce qu'il pourrait me faire… »

« Elle fait combien, celle-là ? »

« A peine 3 minutes ! » soupira Jessica. « Enfin, 2 minutes 50 exactement… C'est plutôt court… ». Elle s'était collée dans le dos de Stanislas, et examinait la durée de chaque chanson sur les fichiers mp3.

De sa voix rauque et râpeuse, Dylan murmura : « Je fais toujours très bien les choses, chérie, même quand je vais vite… »

« Branleur, va ! » fit Corentin, qui s'agitait sur sa chaise avec nervosité. Les battements de son cœur s'étaient accélérés. Il se sentait vraiment bizarre.

« Quel vantard ! Nous, on veut des preuves ! » réclama Sophie. « On veut voir ! »

« Bon, alors, on y va ? » saliva Jessica. « J'en peux plus d'attendre ! »

Dylan jeta un coup d'œil discret à Gwenaël qui dissimulait mal son embarras. Assis côte à côte sur le canapé, Dylan se colla à lui et lui souffla discrètement à l'oreille : « T'inquiète pas, ok ? Fais comme si c'était une scène à jouer, comme si on était au théâtre… Fais-moi confiance, laisse-moi tout diriger. Surtout, laisse-toi faire, Gwen… Tu vas voir, on va les bluffer, ces cons… »

« Je te fais entièrement confiance, Dylan… » répondit Gwenaël dans un murmure inaudible, que seul Dylan put entendre. « Fais de moi ce que tu veux… »

« Mais qu'est-ce que vous vous racontez, tous les deux, au creux de l'oreille ? On peut savoir ? » demanda Sophie, toute excitée.

« T'occupe ! » répondit Dylan. « Arnaud, tu dégages du canapé. Gwenaël et moi, on a besoin de toute la place. » Puis, il leva un regard envoûtant à Jessica et lança d'un ton provoquant : « On est prêt. Vous envoyez la musique quand vous voulez ! »

A suivre…