Note de l'auteur : Bonsoir à tous et toutes ! Je sais que ça fait un bon moment que j'avais disparu du site (bon deux mois je pense) et je suis super contente de vous retrouver pour cette side story des Chroniques de Ren. Pour vous donner quelques nouvelles, je suis à présent diplômée (ouai j'ai réussi !) et j'ai donc dû subir ma crise de : non, je ne veux plus approcher d'un clavier ! Ben oui, ça m'arrive, après le mémoire de cette année, j'étais un peu dégoutée de word. Je commence à me remettre petit à petit. Je vais vous demander encore un peu de patience pour les suites de Maitre des ronces, Messager et Soupir des anges. Je suis en train de m'y remettre mais en douceur.
J'avais prévu de publier cette fiction un peu plus tard, c'est juste un petit divertissement mais j'ai voulu faire un petit geste pour vous faire patienter. Je vous remercie d'avance de votre compréhension et je vous promets de ne pas abandonner.
Je dédie ce début d'histoire à Elodiedalton et elle sait pourquoi.
J'espère que cette fiction vous plaira autant que les autres et qu'elle sera une agréable découverte !
Bonne lecture à tout le monde !
Ryoujoku no ame.
L'apprenti
1
Joyau de l'Ile de Nuit, la cité aux Milles Flambeaux, porteuse d'espoir et symbole de pérennité et de stabilité, Ferin. La place des rois et le siège de la monarchie depuis des siècles. Une forteresse, un labyrinthe géant, surplombé d'un palais féérique dont les tours élégantes semblaient narguer le ciel nocturne. Au loin, dans les plaines paysannes, la lumière s'échappant des hautes fenêtres du palais guidaient les voyageurs et les cultivateurs rentrant chez eux. Le dédalle de rue abritait une vie grouillante, de jour comme de nuit, les lanterneaux accrochés aux façades des maisons illuminaient les rues pavées. Les auberges véritables cœur de la cité, ouvraient leur porte à la faveur de Shieran, accueillant les paysans comme les soldats et dans ce monde bruyant se mêlait parfois les nobles venu en visite à la capitale. Du marché de nuit s'échappait une mélopée grondante, mêlant éclat de voix, discussions, vente à la criée, rugissement des animaux en cage. L'air était porteur de senteur exotique et le vent tiède de la saison des pluies promettait un orage digne des plus grande nuit.
Tels étaient mes premiers souvenirs de Ferin. Après avoir franchi les hautes portes de l'Ouest, je m'étais perdu dans ce monde fait d'étroites ruelles et fourmillantes de vie. Portant mon regard sur les étales du marché nocturne, me laissant guider par les senteurs et les bruits. Je savourais l'agitation et observais les différents produits exposés. Des soieries, des étoffes couteuses, les épices rarissime, les vendeurs d'épées et de dagues flambants neuves. J'étais particulièrement attirée par les viandes odorantes qui grillaient sur d'impressionnantes rôtisseuses.
Je jetais des regards envieux aux riches nobliaux venu profiter des ventes aux enchères, leur bourse pleine de monnaie sonnante et trébuchante. Ma bourse à moi était vide et mon ventre également. J'avais donné mon dernier sous à un fermier qui m'avait amené aux portes dans son chariot de paille. Je n'avais jamais vu autant de monde, même aux villages, lorsque mon père venait vendre son blé. Sans être riche, je n'avais jamais manqué de rien, jusqu'à cette nuit ou sur le marché tout ce qui était vendu m'était inaccessible. Même, les plus mauvais morceaux de volaille étaient trop chers pour moi. Petit, je me faisais bousculer par les passants, me perdais parfois dans des vagues de soie et de tissus. Personne ne faisait attention à un enfant perdu, aux habits souillés par plusieurs journées de voyages. Mes cheveux étaient sales, mon visage et mes mains tâchés de boue et la semelle de mes souliers était trouée. Mon ventre avait cessé d'être douloureux, j'avais dépassé le stade de la faim pour entrer dans une léthargie déconcertante. Je me sentais plus lent et le monde autour de moi était beaucoup trop rapide. Malgré ma répugnance à commettre un délit, je m'étais résigné, ne trouvant aucune solution à mon mal. J'avais demandé une tranche de pain à un artisan qui m'avait chassé à grand cri un peu plus tôt dans la soirée. Honteux, je n'osais plus m'approcher des vendeurs de peur de me faire chasser comme un animal indésirable. J'étais venu à Ferin en espérant trouver une place dans une auberge, assurer un service de table ou même nettoyer le sol. Je me serais contenté de la plus basse besogne contre un repas chaud et un toit au-dessus de ma tête.
Hélas, ma rencontre avec l'artisan m'avait effrayé et découragé. Timide de nature je n'aimais pas approcher les gens de trop prêt et il y avait ici beaucoup trop de monde. J'avançais lentement, essayant d'éviter les gens et cherchant une bourse à ma hauteur parmi la foule. Je ne voulais pas m'en prendre à un paysan de peur de le privé de son repas. Je pensais pouvoir voler un noble, ou une personne richement vêtue… Ceux-là pourraient se passer d'une bourse pour ce soir, ils en rempliraient une autre le soir suivant.
Je dépassais les échoppes de nourriture qui me déconcentraient plus qu'autre chose et me dirigeais vers la place principale, véritable ruche bourdonnante. Je m'approchais des échoppes de riche étoffes colorées, beaucoup plus cher ici que dans le bas du marché. Ici, les acheteurs étaient presque tous chaussé de bottes en cuir et de vêtements de bonne facture. Je cherchais aux niveaux des ceintures, renonçais lorsqu'une cible potentielle portait une épée au côté de peur de me faire prendre.
Une soie particulièrement douce me caressa soudain la joue et je me tournais pour apercevoir furtivement un homme me dépasser sans me bousculer. Il portait une étoffe vaporeuse flottait autour d'un corps grand et élancé. Une longue chevelure noir coulait sur ses épaules étroites et semblait danser dans l'air à chaque soulèvement de son vêtement si différent de ce que portaient les autres. Je n'avais pas pu voir son visage mais je voyais clairement la ceinture de cuir piquée de motifs compliqués et la bourse en peau lisse qui y pendait.
J'avais suivis l'élégante silhouette jusqu'à une échoppe remplie de tonneau d'alcool. Le marchant s'inclina respectueusement devant l'homme élégant et tous deux commencèrent à discuter. Dans le tumulte du marché, je ne pouvais entendre ce qu'ils se disaient mais ils étaient concentrés sur leur conversation. Je m'approchais d'avantage, me mordant la lèvre et déjà honteux de mon geste. Mais j'avais tellement faim. Il ne me fallait que quelques pièces… Juste quelques pièces. Une fois nourrit et peut-être rhabillé, alors je trouverai un travail et tout s'arrangerait. Oui, j'en étais certain.
Je tendis la main, le cœur battant à tout rompre, assourdissant à mes oreilles. Ma main tremblaient terriblement et j'avais l'impression de bouger au ralentit, mes doigts devraient être habile et rapide autour du nœud ou je me ferai prendre. Je connaissais le sort réservé aux voleurs… Je me répétais que je n'avais pas le choix, que c'était la seule façon de survivre et cette fois me décidais. Je devais le faire et j'allais le faire.
J'eu à peine le temps de frôler la lanière de cuir qui retenait la bourse qu'une main aux doigts fins et terriblement pâles se refermait sur mon poignet avec douceur mais fermeté me paralysant des pieds à la tête.
_ Ce n'est assurément pas le bon choix.
En un instant, tous me prêtèrent attention alors que j'étais passé inaperçu depuis mon entrée en ville. Le marchant et ma pauvre victime se retournèrent d'un bloc et me jetèrent des regards courroucé. J'essayais de m'enfuir mais la main qui me tenait le poignet était ferme et se refusait à me laisser m'échapper. Je n'osais même pas lever les yeux pour regarder l'homme qui m'avait surpris à commettre un délit. J'étais si honteux… Je n'étais pas un voleur, pas un mécréant… Mais j'avais manqué de voler à quelqu'un le fruit de son labeur. Mon père aurait été si déçu de me voir à ce moment.
Je n'avais pas entendu la conversation, fermé à tout sauf à la peur qui faisait s'emballer les battements de mon cœur. Un petit coup sec sur mon bras me ramena à la réalité au-delà de la panique.
_ Eh bien mon garçon, le mieux serai de présenter tes excuses.
Paralysé, j'étais incapable de parler ou de bouger. Je restais le regard fixé au sol espérant qu'il m'aspire au plus profond de la terre. Le marchand demanda à celui qui avait été proche d'être ma victime s'il voulait appeler la garde et mes tremblements redoublèrent.
_ Mircea, pourrais-tu envisager de te montrer indulgent ?
_ Je ne sais pas, je ne voudrais pas qu'il tente à nouveau sa chance ailleurs, tu dois le comprendre.
_ Je vais m'occuper des remontrances, si tu me le permets.
Un silence s'en suivit puis l'homme aux longs cheveux noir remercia celui qui me tenait toujours le poignet. S'en suivit quelques mots que je ne pris pas la peine d'écouter, soucieux de ce qui allait m'arriver. Qu'allait-il faire de moi ? L'homme s'éloigna ensuite en me tirant à sa suite sans jamais relâcher sa poignée d'acier. Je pressais le pas pour ne pas trébucher mais cela m'était difficile. Puis je me rendis compte que personne ne me bousculait et levais les yeux devant moi. Je fus stupéfait de voir que les gens s'écartaient du chemin de l'homme qui me tenait. Certain le saluait d'un mot sans prêter attention à ma présence. Je lui jetais un coup d'œil à mon tour, je ne pouvais le voir que de dos. Il portait de hautes botte noir cirée qui montait jusqu'à ses cuisses et je doutais qu'il porta un pantalon sous sa tunique. Pour le reste, il portait une longue cape légère mais d'un tissu assez lourd qui lui retombait parfaitement sur les talons. Je ne pouvais apercevoir ses jambes que lorsqu'il faisait un pas et que le tissus s'écartaient dans un mouvement gracieux. Une longue chevelure blonde tressée et parcourue de perles d'un noir opaques attira mon attention. Ses cheveux ressemblaient à de la soie, brillants et lisses.
Il nous fit quitter la place du marché et s'enfonça dans les rues étroites. Je me rendis soudain compte qu'il n'y avait presque plus personne dans les rues et que l'homme m'entrainait plus haut dans la cité. La peur redoubla se transformant en panique sourde. Le haut de la ville était le territoire des nobles des quartiers plus riche. J'eu soudain peur que l'homme ne m'entraine vers le palais et ses geôles. J'aurai voulu le supplier de ne pas me remettre aux gardes du palais mais la peur m'empêchait toujours de prononcer le moindre mot. Je manquais de trébucher plusieurs fois mais l'homme me soutenait avec force m'obligeant suivre son pas, m'empêchant également de tomber. Au bout de quelques minutes, j'eu l'impression que mon bras allait se décrocher de mon épaule et que mes semelles allaient se détacher de mes souliers.
Alors que je ne pensais plus pouvoir tenir sur mes jambes, l'homme s'avança sur une petite place et poussa la porte d'une auberge. J'eu juste le temps de voir le nom de l'établissement sur l'écriteau. Le puits. Il me tira à l'intérieur et referma la porte derrière moi. Une chaleur agréable me caressa soudain la peau et une odeur douçâtre que je n'avais jamais sentie auparavant me chatouilla les narines mais également une odeur de nourriture, de viandes rôtie. L'homme m'entraina dans l'auberge déserte et me fit avancer devant lui, me poussant vers une table près de la cheminée ou crépitait un feu.
_ Là, assied toi et ne bouge pas.
Affolé, j'obéis précipitamment me hissant sur la chaise en bois et posant mes mains sur la table trop haute.
_ Aislinn, apporte du vin et prépare un repas.
Je levais les yeux vers l'homme qui m'avait amené ici, il s'était adressé à une jeune créature sublime aux cheveux noir coupé en brosse. Je fus surpris par son accoutrement. Son pantalon avait été raccourci de plusieurs longueur et couvrait à peine ses fesses et sa taille, sa tunique noir n'avait pas de manche et ouverte au niveau des hanches, il l'avait à peine lacé sur le col. Je n'avais jamais vu personne habillé de cette façon. L'homme aux cheveux blond retira son manteau et le donna au garçon qui l'emporta avec lui. Je jetais rapidement un œil à la salle étrangement décorée de table en chêne parfaitement propre… Mais ce qui me choquait d'avantage se trouvait un peu partout, dissimulé par des rideaux de soie. Des alcôves cachées dévoilant des cousins ou des lits luxueux. Un escalier menait à un palier qui faisait le tour de la salle de réception et probablement à l'étage des chambres. Quel genre d'auberge proposait des lits au rez-de-chaussée ?
L'homme blond revint vers moi et je fus tenté de lever les yeux pour voir son visage mais la peur et la honte eurent raison de ma curiosité. Je baissais les yeux sur mes mains et me rendit compte qu'elles étaient terriblement sales. Aussitôt je les retirais de la table pour les poser sur mes cuisses. L'homme resta immobile un instant, je le sentais m'observer ce qui me mis mal à l'aise. Puis il s'approcha encore et sa main gracile se posa sous mon menton qu'il releva doucement. Je n'eus plus le choix, je me retrouvais le visage levé vers lui et je trouvais lâche de fermer les yeux. Il m'était impossible de disparaitre sous terre comme un insecte.
Je découvris donc le visage du samaritain qui m'avait empêché de commettre un délit passible de plusieurs mois d'emprisonnement. Mon souffle se bloqua dans ma gorge en découvrant un visage digne des plus belles sculptures. J'en avais déjà vu, au temple de Grisol dédié aux cultes des lunes et plus particulièrement à Jiirva. Une représentation du dieu de la mort accueillait les visiteurs à l'entrée du temple. Cet homme possédait une beauté aussi parfaite et lisse que celle de la statue de Jiirva. Son teint pâle faisait ressortir ses yeux d'un rouge pourpre brillant. Des lèvres pleine mais fine et des traits délicats… Aussi délicat que ses doigts sous mon menton.
Il m'observa en retour, détailla mon visage comme je détaillais le sien. Puis son regard descendit et soudain la désapprobation marqua ses traits. J'aurai voulu me terrer dans un coin, ou m'excuser d'être si lamentable dans un endroit si propre.
_ Es-tu muet ?
Sa voix grave n'était pas agressive, ni menaçante. Je l'aurai même qualifié de rassurante. Plus personne ne m'avait parlé gentiment depuis le drame qui m'avait jeté à une vie bien cruel.
_ Eh bien ? Dois-je conclure que tu ne peux pas parler ?
Un ton doux oui, mais pas sans sévérité.
_ Je suis désolé.
Ma voix était enraillée par la peur mais j'avais parlé assez fort pour qu'il m'entende bien.
_ Pour quelle raison ? Pour avoir essayé de voler sur le marché ? Ou pour t'être fait prendre la main dans le sac ?
J'aurai pu dire que je ne voulais pas voler, que je n'avais pas eu le choix, que j'avais faim et que je n'avais pas trouvé d'autres solutions. Mais devant ce regard sévère, je n'avais pas envie d'être plus mauvais que je ne l'étais déjà.
_ Que vous m'aillez surpris, seigneur.
Il hocha la tête et je me sentis soudain soulager de voir qu'il approuvait. Il tira une chaise derrière lui et l'approcha du feu, s'asseyant en face de moi.
_ Tu es honnête ou peut-être as-tu plus de jugeote que tes actes le laisse penser.
Il prit une inspiration, sans jamais détaché son regard du mien.
_ Je ne suis pas un seigneur, mon garçon, mais Jessamy
Aislinn réapparu un pichet de vin à la main et deux verres entre ses doigts. Il posa le tout sur la table avec des gestes pleins d'élégances puis il servit deux verres, l'un pour son maitre, l'autre, il le poussa vers moi. Je regardais le liquide dans le verre à pied… je n'avais jamais bu de vin, et encore moins bu dans un verre à pied de ma vie.
_ Ce vin est doux et fruité, assez peu alcoolisé, tu es un enfant mais il conviendra très bien.
Je le cru sur parole mais attendit qu'il porte le verre à ses lèvres pour en faire autant. L'arôme fruité et sucré me chatouilla la langue et l'alcool même en faible quantité mais brûla la gorge dans un agréable mélange d'aigreur et de douceur. Lorsque je reposais le verre sur la table aussi doucement que possible, celui-ci était vide. L'homme pris le pichet et le rempli à nouveau mais je ne le repris pas, ayant peur de me montrer impoli en me jetant sur ce qu'il me présentait. Je ne savais pas encore s'il allait me demander de payer. Il avait sans doute compris que je n'avais pas d'argent mais il devrait bien me demander de payer à un moment ou un autre. Voudrait-il que je travaille pour lui ?
_ Quel est ton nom mon garçon ?
Il posa son verre devant lui et croisa ses longues jambes serrée dans le cuir qui craqua sous son geste. Il portait bien un pantalon en dessous mais celui-ci était presque inutile vu la longueur de bottes. Il claqua deux doigts devant mon visage et j'en revins à lui en sursautant.
_ Rïsel du D'Jed.
_ D'où viens-tu Rïsel ? Tu n'es assurément pas de Ferin, les mendiants savent qu'ils ne doivent pas se risquer à voler sur le marché et tu es bien trop maladroit pour être voleur.
_ Je viens du Kishka.
_ Tu as fait un bien long voyage mon garçon et tu es bien trop jeune pour venir seul à Ferin, ou est ton père ? Est-il sur le marché ?
Je serais les poings sur mon pantalon sale et usé, sentant la douleur de la perte revenir à la charge alors que je m'étais battu pour l'éloigner depuis un mois.
_ Des bandits ont attaqué notre ferme, ils ont brulé la grange… Mon père a voulu les arrêter et ils l'ont tué mon seigneur. Ils ont volé nos réserves et notre argent avant de partir.
Il poussa mon verre vers moi et je le pris pour boire une gorgée de vin. Le breuvage me réchauffa de l'intérieur alors que je me sentais glacé. Je me souvenais des cris des bandits, de leur rire alors que mon père gisait à leur pied. J'avais essayé de l'éloigner des flammes de la grange mais lorsque je m'étais penché sur lui, il ne respirait plus… Une lame lui avait percé le cœur de part en part.
_ Pourquoi ne pas avoir trouvé refuge auprès du seigneur du comté local ?
Je levais les yeux vers lui surpris. J'ignorais que j'en avais le droit… Après avoir regardé ma maison bruler et enterrer mon père près du bois voisin, je m'étais rendu au village et j'avais demandé de l'aide au poste de garde. Ils étaient venu constater les dégâts et avaient promis de retrouver ceux qui avaient tué mon père mais personne ne m'avait dit que je pourrais trouver de l'aide auprès du Seigneur. Je m'étais présenté dans les deux auberges du village et auprès de tous les fermiers mais personne n'avait accepté de me prendre sous une quelconque protection.
Résigné, j'étais parti, laissant derrière moi tout ce que j'avais toujours connu. Dans les auberges les paysans disaient que Ferin était un paradis pour tous. Que le plus pauvre des hommes pouvait s'y enrichir et vivre comme un prince. Alors j'avais pris la route mais rien ne s'était passé comme prévu. Les intempéries, la faim et parfois le froid m'avait affaibli et m'avait rendu pitoyable. Si bien que personne ne voudrait me faire travailler. De plus j'étais trop jeune et trop fragile pour le gros œuvre…
_ Je ne savais pas que je pouvais demander de l'aide… J'ai essayé de trouver un travail mais personne n'a voulu de moi.
_ Je vois… Tu n'es pas malhonnête.
_ Non monsieur…
_ Jessamy, appel moi Jessamy.
Le garçon revint une fois encore, cette fois portant un bol fumant qu'il posa devant moi, avec une cuillère en argent. Je jetais un œil avide à la soupe de légume ou flottait de petit morceau de viande. Je respirais profondément la fumée qui s'échappait du bol et ma faim se manifesta d'un grondement douloureux aux creux de mon ventre.
_ Mange donc Rïsel du D'Jed, nous discuterons ensuite tous les deux.
_ Je n'ai rien pour payer.
Son regard se fit sévère à nouveau et il tapota la table du bout des ongles.
_ Je ne t'ai pas donné de tarif, il me semble.
_ Rien n'est jamais gratuit.
Mon père me le disait toujours sur le marché quand je lui demandais d'acheter des brioches. Une lueur d'amusement passa dans les yeux de Jessamy.
_ Au moins tu n'es pas bête, je pourrais peut-être faire quelque chose de toi.
_ Vous voulez que je travaille pour vous ?
_ Cela viendra peut-être… Ou peut-être pas, nous verrons lorsque tu auras meilleur allure. Et maintenant fait ce que je te dis et mange mon garçon.
Il se leva et remis sa chaise à sa place avant de partir vers le débit de boisson derrière lequel se trouvait Aislinn. Celui-ci nettoyait un verre avec un torchon. Ils se mirent à discuter à voix basse. Je baissais les yeux vers ma soupe et cette fois, pris la cuillère en main. Je ne comprenais ce que Jessamy attendrait de moi en échange du repas mais j'avais trop faim pour m'en inquiéter réellement. J'étais jeune certes mais assez âgé pour comprendre que personne ne donnait gratuitement. Jessamy n'avait pas tenté de me faire croire que ce repas serait offert mais j'étais prêt à faire ce qu'il voulait en échange d'un repas par jour et d'un toit ou dormir.
La soupe avait un gout épicé délicieux et les morceaux de viandes étaient tendres sous mes dents. Je n'avais pas mangé de repas chaud depuis des jours et je me sentis vite rassasier. Ne voulant pas me montrer impoli, je me forçais à boire le liquide après avoir avaler tous les morceaux de viande. Alors que je mangeais, la porte s'ouvrit plusieurs fois et des hommes tous habillés de façon étrange et tous étrangement beau entrèrent les uns après les autres, saluant Jessamy de façon polie et plein de réserve. Il était donc le maitre ici et donnait des ordres doux, sans sévérité mais en étant naturellement autoritaire. Certain hommes passèrent dans l'arrière-salle, d'autres montèrent à l'étage et quelques-uns remplacèrent Aislinn aux débits de boissons. Celui-ci se dirigea vers moi, un sourire assuré aux lèvres, il posa sa main sur la table et se pencha vers moi, rassurant et amical. Il n'émanait pas de lui autant de charisme que chez Jessamy mais il était néanmoins très beau avec ses cheveux en bataille et son regard rieur.
_ Tu as terminé de manger ?
_ Oui.
_ Bien, Jessamy m'a demandé de te préparer un bain et de te donner des vêtements propres. Tu veux bien m'accompagner à l'étage ?
Je pensais que Jessamy voudrait discuter de ce que je lui devrais pour le repas et voilà qu'il m'offrait un bain et des vêtements. Que devrais-je payer en échange de cela ? Malgré mon inquiétude, je hochais la tête et Aislinn se redressa pour se diriger vers l'étage. Je me levais pour le suivre mais avant ramassais mon bol et ma cuillère pour les rapporter au comptoir. Je sentis les yeux de Aislinn me suivre depuis le bas de l'escalier et me dépêchais pour ne pas le faire attendre. Jessamy posa un regard appréciateur sur moi et je baissais rapidement les yeux et partis rejoindre Aislinn d'un pas pressé. Je ne voulais pas qu'il me parle de ce que je lui devais… J'avais vraiment envie de me laver et de changer de vêtement. Je m'inquiéterais ensuite de ce qu'il voulait que je fasse.
Aislinn me sourit lorsque j'arrivais devant lui et posa une main sur mon épaule et me guidant à l'étage. Je jetais un dernier coup d'œil à Jessamy, il lisait un parchemin accoudé au comptoir. Même de dos et distrait, il se dégageait de lui une autorité paisible. Aislinn m'entraina dans un couloir et je perdis mon hôte de vue. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il comptait me demander en échange de sa bienveillance et cela m'inquiétait mais je n'avais pas d'option plus enviable que celle de me laisser faire.
Enfant perdu, j'étais démuni face au monde. Si Jessamy m'offrait une possibilité d'échapper à la misère, je n'étais pas assez idiot pour refuser.
Ce qui n'empêchait pas l'angoisse de m'étreindre fermement, ni la peur de faire battre mon cœur trop vite.