Les Silencieux, Chapitre 03

La nuit tomba assez vite mais, bizarrement bien qu'il n'ait rien mangé de la journée son ventre ne réclamait rien tant il était tordu par le chagrin. Il resta assis sur la plateforme à côté de la maison de Dayn, il sentait chez l'homme une certaine réticence à son égard. Il connaissait pourtant les coutumes, si ça ne lui convenait pas, il aurait dû le laisser mourir. Mais non il l'avait sauvé et maintenant il se sentait comme rejeter. Il fixa le ciel à travers les branches et les feuilles pour voir une immensité illuminée d'étoiles. La dernière fois cela remontait à hier soir, sous ce même ciel il avait embrassé Hélène, il l'avait tenu contre lui… Et là, il ne restait plus rien de cette soirée. Chaque chose lui rappelait sans cesse ce qu'il lui manquait, ce qu'il avait perdu. Il allongea ses jambes laissant le vent frais hérissé ses poiles, lui lançant des frissons désagréable. Il le savait, il ne pourrait plus dormir. Pour lui, trouver le sommeil allait s'avérer compliquer.

Les jours passèrent lentement et Ewan avait l'impression de voir un monde sans couleur. Dayn l'évitait, bien qu'il partage la même maison. Clavis venait de temps à autre pour apporter de quoi manger. Il avait appris qu'ici il ne mangeait que des fruits des arbres. Mais qu'à la cité fortifiée nommée Fiel, la viande y était en abondance. Le jeune garçon mangeait rarement, s'affaiblissant lentement sous le regard de la jeune femme, chagrinée. Une semaine était déjà passée mais il n'avait pas réussis à faire le deuil. Il n'avait même pas réussis à dormir correctement, et il sentait ses nerfs tirer de plus en plus. Il se renfermait lentement sur lui-même et Clavis n'arrivait plus à lui parler. Chaque fois qu'il fermait les yeux, les cris résonnaient, le visage de sa mère apparaissait, la peur lui tordait le ventre.

Il était allongé sur le lit laissant les rideaux volés au vent alors que quelques feuilles s'égaraient dans la pièce. Il avait envie d'hurler, mais il n'y arrivait pas. Des voix lui parvinrent aux oreilles.

-Dayn, tu vas m'écouter oui ?! Cria une voix qu'il reconnut comme celle de Clavis.

-Que veux-tu Clavis ? Pourquoi hurles-tu, bon sens ? Calma la voix de l'homme en faisant grincer la chaise sur le bois où il avait dû surement s'affaler.

Une seconde chaise se recula, Ewan entendu un bruit sourd comme quelqu'un tapant sur quelque chose.

-Je peux savoir ce qui te prend Clavis ? Dit Dayn avec sérieux.

-Dayn ! La gronda-t-il. Tu as vu le garçon ces derniers temps ? L'as-tu vu ?

-Je… Non. Répondit dans un souffle de franchise l'homme.

-Tu es complètement inconscient ! Cette fois-ci, elle hurla. Ce gosse se détruit, chaque jour !

-Oh n'exagère pas, il va s'en remettre. Dit-il en repoussant sa chaise avec force.

-Il n'est pas toi, bon sang ! Il n'a rien à quoi se raccrocher ! Toi, tu avais ton fils. Répliqua avec force Clavis.

Ewan fixait la porte. Fils ? Ewan avait mal compris, cet homme était père ? Remarque, quoi de plus normal à son âge d'avoir une famille.

Clavis le protégeait ? Clavis plaidait sa peine ? Quelque part, il remercia la jeune femme de s'occuper de ce qu'il lui arrivait. Il soupira alors que les larmes se remettaient à couler sur ses joues.

Les voix s'estompèrent. Etaient-ils partis ? Ou alors c'est lui qui partait… Le noir l'envahit et ses yeux se refermèrent.

Quand il les rouvrit la nuit était déjà bien installée. Il se leva et sortit de sa chambre comme un zombie. Il sortit sur la plateforme pour tomber nez à nez avec Dayn. L'homme parut embarrassé puis ses sourcils se froncèrent. Il contourna le corps de l'homme sans lui adresser un regard, ni un mot.

Dayn resta surpris, complétement figé sur place. En effet, jusqu'ici il n'avait pas fait attention au jeune homme, et il dut avouer que Clavis n'avait pas tort. Ce garçon n'était plus lui-même et son regard brun vide ne lui disait rien de bon. Il dut reconnaitre qu'Ewan était au bout de rouleau.

-Tu pourrais te montrer poli, provoqua Dayn.

Ewan serra les poings à cette phrase. Releva la tête, et se retourna pour le frapper mais son poing fut arrêter. L'homme lui avait attrapé le bras avec une facilité déconcertante. Ses yeux bleus plantés dans les siens. Seule des lampadaires à mèche éclairaient leur visage. Les flammes vacillaient de temps à autres, créant des ombres sur le bois. Les feuillages se balançaient au gré du vent dans un léger bruit de branche grinçante. Ses nerfs venaient de lâcher. Le garçon retira son poing pour mieux donner un coup de pied agile qui frappa les lèvres de l'homme, surpris.

Dayn se releva en essuyant sa lèvre d'un revers de main et la regarda taché de sang. Ce gamin venait de lui ouvrit la lèvre. Il était sérieux ? Il le vit attaqué une nouvelle fois, il para. Apparemment oui, il était. Il devait avouer que ce jeune homme savait se battre malgré son petit gabarit.

Ewan fut planqué violement contre le mur de la maison et son bras remonté entre ses omoplates alors que l'épaule gauche était maintenu avec force par la main de l'homme.

-Calme-toi, souffla une voix douce au creux de son oreille. Tu n'es pas en état.

Ewan se dégagea avec virulence, et frappa de son poing la joue de Dayn choqué.

-T'aurais dû me laisser crever ! Cracha le garçon alors que cette bagarre avait ameuté les villageois, t'aurais dû me laissé crever là-bas, si ça te faisais tellement chier que je sois là !

Dayn fixa le garçon en se massant la joue douloureusement. Ce gosse faisait mal. Sa colère était à son comble. Il sentit qu'il était en danger, mais pas seulement lui, quiconque se retrouvant sur son passage risquait d'en subir les foudres. Il devait le calmé même si sa furie était entièrement sa faute.

Ewan se sentit ceinturer à la taille et coller sur la plateforme de bois. Il se débâtit en s'en faire mal.

-Arrête de te débattre ! Se fâcha Dayn en empoignant ses bras.

Ewan continua, repoussant l'homme comme il put. Mais celui de son adversaire était deux fois plus fort que lui, le maintenant à terre. Ses forces l'abandonnèrent petit à petit alors que des larmes inondaient de nouveau ses yeux.

Dayn sentit le garçon se calmer. Il avait réussis à le maitriser pour le moment.

- Maintenant que tu es calme, tu vas m'écouter. Continua-t-il d'une voix calme. Je ne me permettrais pas de te dire que je comprends ta peine, car je n'ai pas connu pareille tragédie. Je ne te sortirais aucun de ces mots pour te soulager ou te faire croire que nous sommes pareils car ce n'est pas le cas. Mais s'il y a bien une chose qui m'énerve, c'est que tu me dises que j'aurais dû te laisser mourir. Certes, t'avoir pour protéger ne me dit rien qui vaille. Ce n'est pas le faite que tu viennes d'en haut qui me pose problème, c'est que je ne vois pas comment te faire sortir de l'endroit dans lequel tu t'enfonces.

Il s'arrêta et relâcha les bras d'Ewan qui sanglotait sur le sol. Oui, le problème c'est qu'il ne savait pas quoi dire face à ce garçon, qu'il avait préféré l'éviter. Il n'aimait pas parler aux autres en règle générale et pour aider quelqu'un, il fallait obligatoirement le faire. Il n'était pas fort pour exprimer ce qu'il pensait. Sa sœur se débrouillait mieux que lui dans ce domaine. Elle allait droit au but. Lui, préférait esquiver les problèmes alors qu'elle, elle y mettait les deux pieds dedans. Jumeaux, oui mais que de corps car le caractère était tout le contraire. Peut-être le faite d'avoir perdu Idyne la mère de Déon l'avait-il changé ? Possible, il n'empêche que maintenant il lui était impossible de continuer à s'occulter de ce garçon.

Il leva les yeux en soupirant. Puis, il sentit des regards curieux sur eux. Et merde ! Dayn reporta son attention sur la forme recroquevillée qui pleurait. Là, il était énervé lui aussi. C'est gens n'avait rien d'autre à faire que de rester là à murmurer et se moquer. Car la douleur du jeune homme était bien réelle. Il fit descendre sa veste de ses épaules et couvrit Ewan avec, la posant sur ses bras nus.

-Vous n'avez rien d'autre à faire que de nous regarder ?! Gronda-t-il à la masse qui les encerclait. Vous en avez assez vu ! Partez d'ici, rentrez chez vous.

Ewan laissa ses larmes coulées au chaud sous la veste de l'homme. Cette fois, ces pleures étaient dû au stress, au malentendu et aux rejets qu'il avait éprouvé. Car il n'arrivait plus à pleurer pour ceux qu'il avait perdus. Après trois nuits et trois jours, ses larmes s'étaient taries. Alors il ne le détestait pas ? Non, il ne savait juste pas comment lui parler. Les mots qu'il lui avait dits étaient pourtant bien trouver pour quelqu'un qui ne savait pas s'exprimer. Ce qu'il lui avait dit était tellement vrai.

La masse se dispersa rapidement, et Dayn reporta son attention sur le jeune homme.

-Ecoute, dit-il sur un ton las en se levant du dos du garçon et s'asseyant à côté. Je ne vais pas m'excuser d'être ce que je suis mais je vais aussi être claire que possible et franc. Je suis, d'après Clavis, bourru, je peux m'exprimer mal, on a souvent l'impression que je n'aime personne mais c'est ma façon d'être alors ne le prend pas mal. Je ne le fais pas intentionnellement. Alors si tu veux bien, recommençons depuis le début, d'accord?

Ewan releva la tête et s'assit sur la plateforme essuyant ses larmes, fixant l'homme d'un regard surpris. Il rêvait où cet homme venait de s'excuser sans l'être totalement. Il s'excusait de ce qu'il était et lui faisait comprendre qu'il ne devait pas le prendre mal. Il resserra les pans de la veste alors que l'homme était vêtu d'un simple débardeur. Sur l'épaule droite jusqu'à son poignet se trouvait une sorte de tatouage, des cercles à l'encre noir, des lignes qui se croisait représentant des motifs.

-Je m'appelle Dayn Lotes. Dit-il en tendant la main, lui faisant décoller les yeux du tatouage.

Ewan regarda un moment la main, il était vraiment sérieux. Plantant son regard dans le bleu turquoise, il put voir un sourire à peine marquer sur ces traits. Oui, il était sérieux. Le garçon prit sa main et la serra.

-Ewan Nanti. Déclara le garçon en bredouillant, prit au dépourvu.

-Enchanté. Dit-il en lui faisant un clin d'œil. J'espère que nous arriverons à nous entendre car nous sommes ensemble pendant un long moment.

Le garçon le regarda éberlué. Cet homme était vraiment un cas à part. Ewan s'en voulu de l'avoir frappé. Cette phrase ressemblait plus à une demande de se mettre en couple. La situation était plus qu'incongrue. Ewan éclata de rire, laissant sa tension retombée d'un coup.

Dayn fixa le garçon qui éclatait de rire, un sourire sur les lèvres. Le jeune homme n'était pas encore sortit de ces démons mais au moins pour ce soir il avait l'air bien mais jusqu'à quand ?

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-Mais t'a vu dans quel état tu es ?! Cria une voix de beau matin.

Ewan ouvrit les yeux fatigués. Un fin sourire s'étira sur ses lèvres en reconnaissant la voix de Clavis. Elle avait vu les dommages qu'il avait causés. Il s'en voulait pour cela.

-Tu es complétement tombé sur la tête de te battre avec un gamin de dix-sept ans ?! Gronda-t-elle.

-Dix-sept ans ? Ah bon ? S'étonna Dayn en ce massant la joue. Je trouve que pour un gosse il sait frapper.

-T'es irrécupérable franchement Dayn, soupira Clavis.

-Attend-là… Moi, je lui ai rien fait ! C'est lui qui m'a défiguré ! Plaida Dayn.

-Encore heureux, tu l'aurais tué sinon.

Ewan se leva, ces deux-là étaient un bouffé d'air frais. Cela lui faisait du bien. Clavis était très soucieuse des autres et surtout de lui. Il ouvrit la porte et les vis se chamailler comme des enfants. S'il n'avait pas remarqué leur ressemblance, il les aurait pris pour un vieux couple. Il fixa le visage de Dayn. Il ne l'avait pas manqué, sa lèvre était gonflée et violette sur le côté. Un bleu avait pris forme sur sa joue droite. Contrastant avec le bleu turquoise de ses yeux.

-J'y crois pas, je suis blessé et c'est encore ma faute ! Tu pourrais compatir tout de même. Dit-il en croisant les bras en boudant faussement.

-Jamais. C'est qui l'adulte toi ou lui ? Rétorqua-t-elle en faisant de même mais en tapant du pied comme une mère qui gronde son enfant.

La scène était tellement comique qu'Ewan éclata de rire sur le pas de la porte faisant retourner les regards dans sa direction. Clavis fut la première à bouger et vint prendre le garçon dans ses bras. Surpris, il ne fit aucun geste et se laissa faire. La douceur de la jeune femme lui fit du bien.

- Ça va ? Demanda-t-elle en se décollant.

-Oui. Dit-il penaud en lançant un regard à Dayn qui avait un sourire sur les lèvres. Je suis désolé.

Le frère et la sœur se regardèrent, ne comprenant pas pourquoi il s'excusait. Puis, les sourcils de Dayn se froncèrent.

-Si tu parles de ça, dit-il en montra les dégâts, c'est rien. Pas besoin de t'excuser.

Clavis poussa le garçon jusqu'à la table et lui intima de s'assoir. Elle lui offrit un fruit brun qu'il reconnut. Ce fruit à la chaire rouge était sucré et il avait adoré la première fois qu'il y avait goutée. Il le prit sous le regard de la jeune femme mordant dedans avec appétit.

Clavis fixait le garçon aux cheveux blond en bataille, ses yeux brun étaient enfin emplit d'une lumière de vie. Elle regarda son frère avec amour qui observait le garçon manger. Dayn même s'il était acariâtre, avait réussis à faire avancer le garçon d'un pas. Mais il est vrai que cette façon avait dû être assez douloureuse pour son frère. Elle savait aussi qu'il avait les épaules pour supporter cette tempête qu'était Ewan. Cette boule de nerf qui pouvait exploser à n'importe qu'elle moment. Mine de rien, elle lui faisait confiance.

Clavis attrapa son sac en toile et s'assit en attrapant le visage de son frère pour ausculté la blessure au coin de la lèvre.

- Tu n'as pas besoin de point de suture. Mais t'aurais dû me faire querir hier, ça aurait pu être grave.

Ewan baissa les yeux, mal à l'aise.

-Ah non ! Tonna la voix de l'homme en faisant relever les yeux du garçon qui rencontra le bleu turquoise. Tu n'as pas en t'en vouloir.

-C'est vrai, intervint Clavis avec douceur. C'est entièrement la faute de cet abruti.

-C'est pas possible, tu vas arrêter de tout me mettre sur le dos ! Se fâcha faussement Dayn.

-Mm, je vais y réfléchir, bouge pas.

Ewan vit qu'elle appliqua doucement un crème dans un pot en bois. Massant doucement, la lèvre de Dayn qui souriait de contentement.

-C'est quoi ? Demanda le garçon en faisant le tour pour s'assoir à côté de Clavis.

-C'est des herbes médicinal. Répondit-elle en retrempant ses doigts dedans. Chez vous, on m'appellerait médecin me semble-t-il. Ici, je suis la guérisseuse du village. Je viens en même temps que Dayn. Une fois par mois pendant trois semaines. C'est Dayn qui se charge de descendre cueillir les plantes. Et moi, j'en fais des remèdes.

Ewan resta stupéfait. Clavis était médecin ? La femme lui fit un fin sourire. Tout d'un coup, il sentit le contre coup des évènements. Dayn avait un fils et une sœur. Il sentit son cœur se déchirer en lambeau. Il se comprenait plus vraiment. Un coup, il riait et là c'était la descente aux enfers. C'était dur, vraiment dur, il ne savait pas s'il arriverait à surmonter tout cela. Mettre un pied devant l'autre avant semblait un jeu d'enfant mais maintenant il avait la sensation que c'était quasi impossible.

-Ewan ? Appela une voix claire. Ewan, ça va ?

Le garçon sortit de sa torpeur et fixa Clavis qui le regardait inquiète.

-Je… J'ai besoin d'air, excuse-moi.

Il sortit sans se retourner laissant les deux adultes seul face à l'absence qu'il venait d'avoir.

Dayn le regarda passer sans rien dire et quand la porte se referma, son attention se posa sur sa sœur qui avait les sourcils froncés. Elle pensait la même chose que lui, avec ce garçon la tâche pour lui redonner gout à la vie allait être difficile.

Ewan s'assit au bord de la plateforme les bras accoudés sur la rambarde et les pieds dans le vide fixant l'herbe fraiche en bas.

-Salut… Dit une voix derrière lui.

Ewan tourna la tête pour se retrouver en face de Paigue. L'homme qu'il avait croisé il y a maintenant plus d'une semaine.

-Tu ne te souviens peut-être pas de moi, continua le jeune homme un peu peiné. Mais…

-Je me souviens de toi. Coupa Ewan en se levant.

Paigue se racla la gorge, gêné.

- Que veux-tu ? Enchaina Ewan qui voulait en finir avec lui pour qu'il parte.

-Je me demandais, si tu voulais qu'on parle tous les deux ?

-Parlé ? Répéta Ewan ébahis, c'était la dernière chose qu'il voulait…