Résumé : Alors qu'il sort de son bureau, la vie banale de Gabriel bascule lorsqu'il trouve un étrange objet sur son chemin. Un objet qui va le conduire à jouer son avenir à pile ou face...

Avertissement : Yaoi donc relation amoureuse entre deux hommes !


Nda : Bien le bonjour ! Voici ma toute première fiction originale postée ici. Je l'ai rédigé suite à un challenge d'écriture dont voici l'intitulé :

"La vie banale de votre personnage va changer du tout au tout lorsqu'il trouve : un objet, un meuble ou autre, qui le fait basculer dans un monde différent avec une civilisation inconnue. Arrivé dans ce monde fantastique comment va-t-il s'en sortir ? Va-t-il choisir de rester ou va-t-il vouloir rentrer dans son monde, enfin bien sûr s'il le peut. "

La fiction que j'ai proposée n'est pas très originale mais j'ai fait de mon mieux pour coller aux consignes. ^^

Ce texte ainsi que ses personnages et son univers m'appartiennent intégralement !

Bonne lecture :)


A pile ou face

Encore une journée bien ennuyeuse qui se termine.

Alors que je sors du travail, comme à mon habitude je songe à ma vie. A ce qu'elle est et à ce qu'elle aurait pu être.

Je suis téléprospecteur, pas très reluisant me direz-vous. A l'image même de ma personne. A force d'avoir entendu toute ma vie à quel point j'étais bon à rien, j'ai fini par y croire. Pour couronner le tout, les gens me fuient comme la peste. Est-ce parce que mes cheveux et mes yeux sont noirs comme le néant ? C'est en tout cas ce que tout le monde prétend. Je serais pour les uns, le fils du diable en personne ou pour les autres, porteur de malédictions. Il paraît que je dois m'estimer heureux d'avoir du travail.

Heureux est un mot que je ne connais pas.

Comme chaque soir à six heures, je sors du bureau et longe la rue principale de ma petite ville tout aussi peu reluisante que moi. Il ne se passe jamais rien ici. Après la frénésie des sorties de bureaux, les ruelles vont peu à peu se vider pour devenir de véritables déserts dès neuf heures du soir.

Si seulement je pouvais changer de vie...

Dans mes rêves je suis une sorte d'Indiana Jones qui part en quête de rares artefacts, aventurier des temps modernes parcourant le monde et découvrant d'autres peuples. Ou bien parfois un preux chevalier du Moyen Âge partant sur son destrier sauver la princesse, ou le prince dans mon cas – des griffes acérées d'un dragon monstrueux.

Justement, parlons-en du prince. Ce prince charmant que j'attends depuis si longtemps. J'ai bien eu quelques aventures ici ou là mais rien de bien sérieux. Que des hommes en quête de frissons. Ils sont intrigués par mon physique maudit qui me fait passer pour une créature dangereuse mais paradoxalement attirante à leurs yeux. Mais une fois qu'ils ont eu ce qu'ils voulaient, ils me jettent tous comme un vulgaire morceau de papier. Après le désir assouvi, c'est la peur et parfois même le dégoût que je lis dans leurs yeux.

Si je pouvais simplement trouver un homme qui prenne soin de moi, qui ne me verrait pas comme un être maudit. Rien que cela me suffirait. Il ne m'en faudrait pas plus pour égayer ma morne vie. Si j'avais su qu'il était si compliqué de trouver l'amour pour un homosexuel, j'aurais surement opté pour le chemin le plus facile. Comme si j'avais pu choisir… Et puis cette réputation d'être démoniaque qui me colle à la peau n'est pas là pour m'aider.

Parfois, j'ai envie de m'enfuir de cette ville à toutes jambes. Mais pour aller où ? Alors à la place, j'occupe mon temps à me réfugier dans mes rêves en dehors des heures de bureau. Des rêves insensés lesquels je sais, ne pourront se réaliser.

Un soupir las s'échappe malgré moi de mes lèvres et mes yeux me piquent encore une fois. Les couples heureux que je croise sur le chemin ne m'aident pas à me sentir mieux. Au lieu de cela je n'ai qu'une envie, rejoindre au plus vite le cocon rassurant de mon appartement.

Alors que je marche sans grande conviction vers mon petit deux-pièces, je bifurque sur la droite, dans une ruelle étroite où s'amoncellent les détritus de l'unique restaurant de la ville. Mon œil percute sur un objet brillant circulaire qui me fait cligner des yeux à plusieurs reprises. Je m'approche et ramasse le petit objet de la taille d'une pièce de monnaie.

— Drôle de pièce, je marmonne.

Je retourne l'objet doré, coincé entre mes doigts, dans les deux sens sans en reconnaître le pays. Côté pile il y a un étrange signe, à mi-chemin entre le hiéroglyphe et le kanji japonais. Côté face, il s'agit d'une figure longiligne avec semble-t-il des ailes dans le dos. Un elfe ? Je n'ai jamais vu de pièce comme celle-ci par le passé.

Dans un geste de pur réflexe, je lance la pièce au-dessus de ma tête, sur le point de jouer ma vie à pile ou face. Pile, je vais continuer à vivre cette vie misérable et finir par me momifier dans cette banalité affligeante. Face je quitte tout et pars à l'aventure comme j'aurais dû le faire bien des années avant. J'ai vingt-huit ans et mes rêves de jeunesse n'ont jamais franchi la barrière de mon inconscient. Triste constat à presque trente ans…

Lorsque la pièce retombe dans ma paume, je la retourne sur le dos de mon autre main.

— Fa… !

Une lumière m'éblouit, me faisant taire sur le champ.

Je me sens soudainement aspiré. Tout tourne autour de moi. Il fait noir. Ça tourne encore et encore.

Il faut que ça s'arrête, je n'en peux plus ! La nausée me prend aux tripes. Je me sens tomber à une vitesse vertigineuse. Je ne vois absolument rien, tout est noir et la panique commence sérieusement à m'envahir.

Au bout d'un temps qui me paraît interminable, je vois enfin de la couleur se rapprocher de moi. Trop vite. Beaucoup trop vite ! Un vert sombre s'étend à mes pieds, prêt à m'engloutir pour de bon.

Je vais m'écraser.

Je ferme les yeux aussi fort que je le peux, comme si ce simple réflexe allait m'empêcher d'éviter l'inéluctable.

Malgré mes yeux fermés, je sens que je me rapproche du sol comme s'il m'attirait tel un aimant. Ma chute ralentit quand je percute, semble-t-il, des feuilles et des branches qui me fouettent de toutes parts. Enfin mon corps rencontre le sol. Une violente douleur me vrille le bras puis les côtes et je roule pour finir dans une étendue d'eau. À moitié assommé par ma chute je me sens m'enfoncer dans les profondeurs.

Tout devient noir.

Le néant.

oOoOo

Quand je reprends connaissance, ma tête me fait un mal de chien m'informant douloureusement que je ne suis pas mort. J'essaye d'ouvrir les yeux mais la douleur est trop intense. Je sens soudainement une douce chaleur m'envelopper et une étrange voix d'une musicalité harmonieuse, presque divine, résonne à mes oreilles. Je ne comprends pas la langue mais c'est magnifique et ces paroles m'apaisent instantanément. Quand j'ouvre enfin les yeux, je me retrouve nez à nez avec la créature la plus belle qu'il m'ait été donné de rencontrer. Je suis subjugué par tant de beauté. Mes yeux se perdent sur le doré rayonnant de ses longs cheveux blonds puis se figent quand ils croisent le vert émeraude de ses grands yeux en amande qui me fixent intensément. Cette créature ressemble à un être humain mais une aura presque divine s'en dégage à tel point, qu'il me semble tout droit sorti de mes rêves les plus fous. Est-il réel ?

Étrangement, je n'ai pas peur de lui. Alors que je continue à le regarder toujours aussi bouleversé, il approche sa main de mon visage et le redessine délicatement de ses doigts. J'arrête de respirer tant l'émotion me submerge. Ses longs doigts sont effilés et délicats et j'y décèle, ornant son index, un bijou dont la figure ressemble à la pièce que je manipulais juste avant ma chute.

— Bon… bonjour, je lui murmure timidement.

J'ai peur que mon intervention ne rompe définitivement la magie de cette rencontre mais il n'en est rien. Mon sauveur me regarde toujours en essayant, il me semble, de déchiffrer le simple mot sortit de mes lèvres.

— Bonjour, me répond-il.

Un seul mot, le plus banal de tous et j'ai l'impression qu'il vient de me réciter le plus beau poème de la pléiade. En tout cas je suis rassuré qu'il parle la même langue que moi.

Alors que je me redresse enfin, je me rends seulement compte que je suis trempé jusqu'aux os.

Malgré moi, je commence à trembler. Il ne fait pas froid pourtant, mais je crois que le poids de la tension accumulée pendant ma chute, retombe subitement. L'homme s'approche de moi et commence à enlever ma veste rendue lourde par le poids de l'eau puis s'attaque à ma chemise qu'il déboutonne de ses doigts gracieux. Je suis pétrifié sur place. Comment dois-je réagir ? Pourtant je ne décèle aucune agressivité dans ses gestes ni aucune animosité dans son regard. A-t-il l'intention de me sécher ? Une fois torse nu, je me mets à rougir subitement en me rendant compte que je suis maintenant à moitié nu devant cet homme sublime. J'ai cette impression que ma seule présence le salit. C'est étrange comme sensation mais il a l'air tellement parfait que moi à côté, je me sens misérable et indigne de sa présence.

Bon sang, il ne faut surtout pas qu'il remarque mon trouble. Trop tard. Ses pupilles émeraude se plantent dans mes onyx puis il me caresse à nouveau le visage de sa main douce. Une fois de plus j'arrête de respirer. A quoi pense-t-il ?

Il se retourne subitement me laissant sur place et je me retrouve comme un idiot incapable du moindre mouvement. Mais à mon grand soulagement, il revient vers moi en tenant dans sa main ce qui semble être une couverture. D'où l'a-t-il sortie ?

Je tremble encore, non je grelotte comme lors d'une gelée en hiver. Pourtant au vu de la végétation luxuriante qui m'entoure et visiblement au pic de sa croissance, il semble bien qu'on soit en plein été.

Mon ange blond comme je viens juste de le surnommer, m'enveloppe de sa couverture qui me procure aussitôt une sensation de chaleur incomparable. J'ai l'impression d'être déjà sec, qu'est-ce que c'est que ce tissu ?

— Merci…, j'hésite un instant avant de poursuivre. Je m'appelle Gabriel.

— Gabriel ? répond-il en tendant son doigt vers moi. Elianel.

— C'est votre nom ? Elianel ? je lui demande toujours aussi subjugué par le velouté de sa voix.

— Oui, c'est mon nom.

Elianel, je répète silencieusement dans ma tête. Ce prénom est aussi doux que le son de sa voix. A cet instant, je n'ai plus qu'une envie, apprendre à le connaître, lui, ses origines et ce monde dans lequel je viens d'atterrir. Et puis si jamais il s'agit d'un rêve, je décide de ne pas m'en réveiller. De rester à ses côtés pour l'éternité.

A présent complètement sec et réchauffé, j'enlève doucement la couverture et la lui rends.

— Je pense que je vais remettre ma chemise maintenant.

Elianel penche un peu la tête sur le côté tout en me fixant de son regard magnétique puis il me tend mon vêtement aussitôt. Ma chemise est sèche elle aussi ? Mais comment a-t-il fait en si peu de temps ?

— Pouvez-vous me dire où nous sommes ? je lui demande en regardant le paysage autour de moi.

— Lyana, c'est le nom de mon pays, m'apprend-il.

— Lyana ? Et vous parlez la même langue que moi ? C'est incroyable ! je m'extasie comme un enfant devant la grande roue à la fête foraine.

J'en oublie presque que je n'ai jamais entendu parler d'un tel pays. Ce détail ne me paraît pourtant pas si important à ce moment là.

— Non. Je l'ai apprise à l'instant grâce à vous.

Je regarde complètement abasourdi cet homme qui m'affirme tout sérieusement avoir appris une langue avec simplement quelques mots échangés en même pas dix minutes. Merde alors ! Je ne sais plus si je dois le croire ou s'il est en train de se foutre de moi. Pourtant, vu le regard qu'il me jette à ce moment là, je crois bien qu'il est on ne peut plus sérieux.

— Viens avec moi, me demande-t-il, me faisant ainsi sortir de ma torpeur.

— Où va-t-on ?

— Chez moi.

Oh. Chez lui ? Cet homme séduisant m'emmène chez lui ? Ok je m'emballe un peu là. Et s'il s'agissait d'un dangereux psychopathe m'entrainant pour me torturer dans une cave humide ? Ou peut-être est-ce un cannibale qui se ferait bien un quatre-heure avec mes joues tendres ? Mais quand je regarde sa démarche féline et aérienne, je ne peux imaginer cet homme si élégant faire du mal à qui que ce soit.

oOoOo

Nous pénétrons maintenant dans une forêt aux arbres inconnus de moi. Ils sont tellement hauts que leur cime se perd dans l'azur du ciel. Plus nous nous enfonçons, plus la voûte céleste disparait au profit de la végétation dense de cette forêt. Pourtant, demeure une douce lumière semblant surgir de façon surnaturelle. Où sommes-nous ? Même la couleur des arbres ne semble pas réelle. Les feuillages sont d'une couleur bleutée aux reflets argent et brillent de mille éclats sous les paillettes de lumières qui parsèment cet univers enchanté.

Elianel n'a pas prononcé le moindre mot depuis notre départ. Après m'être extasié sur la végétation, c'est sur son corps gracieux que mes yeux se posent. Ses épaules ondulent et ses omoplates roulent sous son vêtement fin. J'ai une furieuse envie d'y plonger mes lèvres et je dois faire un effort surhumain pour ne pas craquer. Je secoue frénétiquement la tête pour reprendre mes esprits.

Pourtant, si je devais choisir un prince, j'avoue que ce serait sans aucun doute celui-ci. Mais je rêve tout éveillé. Comment un être qui paraît aussi pur que lui pourrait s'intéresser à un homme sur lequel pèse une malédiction ? Je me souviens alors des paroles dures que me disaient mes camarades à l'école en me montrant du doigt : « Tu as les cheveux et les yeux du démon, ne nous approche pas ! » Je n'avais pas d'amis, sans arrêt rejeté par les autres. Mon père me méprisait tandis que ma mère me craignait. Je ne sais pas quel était le pire pour moi. Tout ce que je sais, c'est que je me suis mis à les croire moi aussi, que j'étais maudit et que je ne pouvais rien faire contre ça.

Elianel se retourne brusquement vers moi et me regarde comme s'il me découvrait pour la première fois.

— Pourquoi es-tu si triste Gabriel ?

— Je…, je m'interromps brusquement en me rendant compte avec horreur qu'une larme a réussi à échapper à la vigilance de mes cils.

Je me sens honteux tout à coup. Un homme de mon âge qui se met si pitoyablement à pleurer devant un inconnu… C'est d'un pathétique !

— Ce n'est rien.

C'est un mensonge bien sûr, mais je n'ai pas envie de rentrer dans les détails de ma vie sordide avec lui. Il mérite bien mieux que cela.

Sans dire le moindre mot, Elianel passe un doigt délicat sur la perle salée échouée sur ma joue. Machinalement, je pose ma main sur la sienne pour prolonger son contact qui me procure instantanément une vague de bonheur telle que je n'en ai jamais connue. Mais, me ressaisissant subitement je l'enlève, plus gêné que jamais.

— Viens, me dit-il à nouveau.

Cet homme a une façon bien à lui de mettre fin à une situation gênante sans penser qu'une transition serait appropriée. Finalement, je lui en suis plutôt reconnaissant. Il est si naturel…

Elianel m'attrape par le poignet et me dirige plus profondément dans la forêt qui se resserre de plus en plus sur notre passage. Bon sang, comment fait-il pour ne pas suffoquer à travers tous ces troncs d'arbres qui s'enchevêtrent les uns aux autres ? Alors que je commence sérieusement à me sentir mal, menacé par une crise de claustrophobie aigüe, nos pas nous conduisent dans une immense clairière baignée d'une lumière incroyable. Je respire à pleins poumons ! Devant nous, des hommes et des femmes déambulent à travers des chemins qui ondulent entre des arbres aux troncs d'une taille impressionnante.

Tous ces êtres ont les cheveux longs et blonds comme Elianel mais de nuances différentes. Leur démarche est aussi aérienne que la sienne et leurs vêtements semblent avoir été assemblés dans une soie directement issue des nuages. Quand je lève la tête je me rends compte que les habitations se situent, non pas au ras du sol, mais à l'intérieur même des arbres, tout proche de la cime. Proche du ciel comme les anges auxquels ils ressemblent.

Ce qui est étrange c'est que malgré le nombre important d'habitants, le silence règne. Il ne s'agit pas d'un silence lourd mais au contraire d'un silence apaisant et serein.

— J'habite ici, m'indique Elianel en me montrant l'un des arbres. Suis-moi.

Un escalier qui semble avoir été creusé dans la masse même du tronc, mène en spirale au sommet de l'arbre. De son arbre.

Notre lente ascension me fait découvrir ce village sylvestre d'une hauteur qui me permet de contempler ces êtres d'une autre façon. J'ai l'impression que ce peuple ressemble plus à des fées qu'à des humains, vu d'en haut.

Bizarrement je ne suis pas fatigué par notre petite grimpette, pourtant cet arbre est bien aussi haut qu'un immeuble de trois étages ! Nous arrivons sur une petite terrasse faite de planches et jonchée de fleurs en pots multicolores. Comment a-t-il fait pour monter tout ça jusque là ?

Je suis subjugué par le décor naturel de sa maison dans laquelle le bois domine comme on pourrait s'en douter. Mais des tissus de multiples couleurs dans des tons doux de pastel parsèment également les parois donnant à l'intérieur une ambiance chaleureuse et apaisante.

— Vous vivez seul ? je lui demande curieux.

— Oui. Mais plus maintenant.

Je le regarde perplexe. Je ne comprends pas ce qu'il me dit, il vit seul ou pas ? Il semble remarquer mon trouble puisqu'il s'approche de moi en me dominant de toute sa hauteur. Je ne m'étais pas rendu compte qu'il était aussi grand. Je fais pourtant près d'un mètre quatre-vingt mais lui doit approcher des deux mètres !

— Tu es là maintenant. Je ne vis plus seul.

— Quoi ? Mais… on se connait à peine, je lui rétorque incrédule.

L'offre est bien sûr tentante, s'il s'agit bien d'une offre, mais mon éducation m'a apprise que l'on ne vivait pas avec des inconnus du jour ou lendemain. Enfin il me semble…

— Nous avons toute la vie pour ça, me rétorque-t-il tout aussi naturellement.

Je suis décidément déstabilisé par cette attitude si peu ordinaire.

Il me montre alors la bague que j'ai vue autour de son doigt lorsque nous étions au bord de la rivière. Il me tend ensuite la pièce qui semble m'avoir conduit dans ce monde. Son monde. Je pensais l'avoir perdue pourtant.

— Chaque individu de mon peuple possède dès sa naissance, un bijou comme celui-ci avec son nom gravé dessus, m'explique-t-il. Chaque bijou est relié à son pendant jumeau qui peut se trouver n'importe où dans ce monde ou dans un autre. On l'appelle le lien Vita.

Alors que je l'écoute attentivement me parler de ce bijou magique, je ne cesse de fixer ses lèvres fines et nacrées se mouvoir dans un mouvement d'une douceur infinie.

— Tant que l'autre moitié n'a pas été retrouvée, continue-t-il, nous ne pouvons prendre d'époux. L'autre moitié doit nous conduire à notre âme sœur. Alors seulement à ce moment là, nous pouvons nous unir.

Âme sœur ? Unir ? Ces mots se mélangent dans ma tête avant de prendre forme.

— Mais… Vous voyez bien que je suis… je suis un homme… Enfin vous l'avez remarqué n'est-ce pas ? je lui demande perplexe.

— Peut importe le sexe de l'âme sœur.

Bon sang ! Il est en train de me dire que je suis son âme sœur à laquelle il veut s'unir et tout cela de la façon la plus naturelle qui soit ?! Mais quel est donc ce peuple ?

— Vous êtes des elfes c'est ça…? je m'hasarde peu sûr de moi.

— Des elfes ? Je ne connais pas…, semble réfléchir mon hôte. Nous sommes le peuple des Foliams.

Les Foliams ? Je n'ai jamais croisé ce nom dans mes contes de fées pourtant. Mais avant que je n'aie le temps de m'appesantir sur la question, Elianel se saisit de mon visage et me soulève délicatement le menton pour planter ses yeux dans les miens. Je suis littéralement hypnotisé par son regard si bien que je ne vois pas ses lèvres s'approcher des miennes. Quand je m'en rends compte, elles se posent délicatement tel un pétale s'échouant doucement sur le sol au grès du vent – me faisant vivre la plus merveilleuse des expériences. Bien qu'il ne s'agisse pas de mon premier baiser, celui-ci est différent. Il est porteur d'une douceur inconnue de moi et j'ai l'impression de ressentir dès à présent l'amour que me porte le propriétaire de ces lèvres. De l'amour ?! C'est impossible… On ne se connait que depuis une heure au maximum !

Alors que je prends douloureusement conscience que cet homme ne m'embrasse uniquement parce qu'il pense que je suis son âme sœur, je le repousse brusquement.

— Non !

Je le regarde en tremblant de tous mes membres. Elianel me regarde incrédule. Il semble choqué par mon geste.

— On ne se connait pas ! Vous pensez que je suis votre âme sœur et c'est uniquement pour cette raison que vous m'avez embrassez mais…, je m'interromps essoufflé et les larmes aux yeux par ce que je viens de comprendre. Vous ne m'aimez pas…

Alors que je le regarde une dernière fois, je tourne les talons et m'enfuie en laissant cette fois-ci mes larmes couler. Mais dans ma précipitation, j'oublie que l'on est à plusieurs dizaines de mètres du sol. Quand je m'en rends compte, il est déjà trop tard.

Mes pieds sont d'ores et déjà dans le vide et, désabusé, j'attends la mort qui se rapproche de moi.

Je ferme les yeux et j'attends le choc.

J'attends.

J'attends encore.

Mais pourquoi ne vient-il pas ? Je me risque à ouvrir les yeux et tombe incrédule, sur le regard émeraude d'Elianel.

— Qu…?

Il me regarde avec inquiétude. C'est la première fois que je lis une quelconque émotion dans son regard. Comment a-t-il fait pour me récupérer aussi vite ? Malgré mes questionnements intérieurs, je n'ose prononcer le moindre mot tant je suis troublé par l'intensité de son regard. Il ne m'a fallu que ce simple regard pour que je tombe irrémédiablement amoureux de cet homme. Ça ne me ressemble pourtant pas d'aimer quelqu'un que je connais depuis si peu de temps. Est-ce cela qu'on appelle le coup de foudre ?

— Tu te trompes Gabriel, me dit-il soudainement.

Sa voix tremble légèrement…? Je suis dérouté par la tristesse que je lis dans ses yeux.

— Quand tu es tombé du ciel, je suis allé te récupérer dans la rivière, me raconte-t-il. Je t'ai déposé sur le sol et je me suis surpris à avoir peur que tu ne te réveilles pas. Je t'ai aimé dès que j'ai posé mes yeux sur toi. Ce n'est qu'après que j'ai trouvé le médaillon…

Sa voix est chaude et profonde, elle semble venir d'un autre temps. Je le regarde incrédule et ému par ce qu'il vient de me dire. Ses yeux me supplient.

Est-il en train de m'avouer qu'il m'a aimé au premier regard ? Tout comme moi ? Est-il en train de me dire que le bijou que j'ai retrouvé dans la rue a simplement confirmé cette évidence que nous sommes faits l'un pour l'autre ? Est-ce seulement possible ?

Mes yeux me brûlent à nouveau et des larmes coulent sans que je n'y puisse rien faire. Encore une fois, Elianel les capture entre ses doigts pour les faire disparaître. Alors que je suis toujours dans ses bras, j'enroule les miens autour de son cou et me réfugie dans sa cascade dorée et soyeuse dans laquelle je plonge mes doigts. Lui me caresse les cheveux tendrement. Je m'écarte un peu de lui pour capturer à mon tour ses lèvres que je m'empresse de goûter. Peu importe les regards tournés vers nous. Plus rien ne compte que lui à présent.

Notre baiser nous fait découvrir l'un et l'autre de la façon la plus tendre, jusqu'à ce que la passion nous gagne. Elianel s'éloigne de mes lèvres et me dévore de son regard brûlant. Il me fait littéralement défaillir.

— Elianel, promets-moi que ce n'est pas un rêve et que je resterais toujours avec toi, je le supplie.

Mon Foliam me caresse tendrement la joue puis les lèvres. Non je ne veux définitivement pas que ce ne soit qu'un rêve. Ou alors par pitié, ne me réveillez pas. Je ne veux pas le quitter, surtout pas. Cette seule pensée me brise le cœur. Comment est-il possible de s'attacher à ce point à un être que l'on vient juste de rencontrer ?

— Je te le promets, me répond-il de sa voix suave.

Et je le crois.

Il me sert encore une fois dans ses bras et je nous sens soudainement devenir légers. On vole ? Je ne me soucie pourtant pas plus que cela de savoir de quelle façon il peut voler car nos regards se noient, l'un dans celui de l'autre.

Cette fois-ci j'ai compris.

Oui, j'ai compris que je m'envolais vers mon avenir, un avenir où les malédictions et les superstitions sont inconnues. Un avenir où seule la croyance en l'âme sœur est le but ultime de chaque vie et le bonheur sa récompense.

Ma vie morne et banale est maintenant derrière moi. Mon âme est désormais liée à celle d'Elianel et plus rien ne pourra me faire désormais retourner en arrière. Jamais.

- FIN -


Notes :

- Vita : vie en latin. Lien qui unit les âmes sœurs dans le peuple des Foliams.

- Foliam : nom du peuple d'Elaniel, vient du latin Folia qui désigne la feuille.

- Elaniel : prénom qui me rappelait les prénoms des elfes dans le Seigneurs des anneaux.

- Lyana : nom du pays d'Elaniel qui sort tout droit de mon imagination. :) Mais après recherche, je me suis rendue compte qu'il s'agissait aussi d'un prénom d'origine latine.


Nda : J'espère que cet OS vous a plu ! J'aurais pu développer les petites particularités du peuple des Foliams mais comme j'étais limitée par le nombre de pages (dix) je suis allée à l'essentiel. A titre d'information, je n'ai rien contre les téléprospecteurs enfin pas complètement ! XD

Comme habituellement je n'écris qu'avec des personnages déjà existants, votre avis sur cet écrit est d'autant plus important pour moi.

Donc n'hésitez pas à me dire ce qui vous a plu et ce qui vous a moins plu, les choses à changer, à corriger, etc.

Merci pour votre lecture et d'avance pour vos commentaires auxquels je répondrais avec plaisir par mp ou sur mon profil pour les anonymes.