ON THE ROAD
C'était l'été. Nous étions quatre amis dans la chaleur étouffante d'une vieille voiture. Il y avait Denis, Adrien, Salem et moi. Nous nous pensions les rois de la route, à parcourir le monde sans but, juste dans l'idée de rouler sans aller nulle part.
La bagnole avalait des kilomètres de bitumes, nous emmenant toujours plus loin, toujours plus vite. Et nous, nous mourions de chaud, fenêtres grandes ouvertes parce que la clim ne fonctionnait plus. Nous écoutions de vieux disques de rock qui tournaient en boucles tout en les chantant à voix hautes jusqu'à en avoir la voix cassée.
Chaque soir, nous nous arrêtions dans un patelin pourris où l'on buvait au pub avant de dormir dans des chambres d'hôtel crasseuses quand nous le pouvions. On mangeait ce qu'on trouvait sans jamais se plaindre parce que nous étions tous ensembles.
Je ne sais pas comment, mais un soir, Salem et Adrien se sont éclipser plus loin. On savait qu'ils s'aimaient en silence sous les étoiles, se repaissant du corps de l'autre jusqu'à plus soif. Depuis, ils recommencent chaque nuits et nous laissent seuls, Denis et moi. Nous n'étions plus quatre; nous étions deux et deux désormais.
Un jour, nous nous sommes arrêtés dans un village paumé au milieu de nulle part. Nous sommes allés boire des bières au bar, comme d'habitude; nous nous sommes saoulés. Puis Salem et Adrien ont disparus, nous abandonnant à l'ivresse. Ce soir là n'était pas un soir comme les autres. Il n'appartenait pas à notre quotidien du mois écoulé, comme une scission dans le temps et la symétrie de nos journées.
Pour la première fois, quelqu'un d'autre est venu nous parler. Je ne me souviens plus de son nom, ni de son âge. Je me rappelle juste qu'il avait des yeux dorés. Il s'est assis à notre table, a posé sa bière sur le bois sec et nous a dévisagé de son regard jaune. Nous l'avons regardé, moi par curiosité, Denis par intérêts.
La discussion que nous avons eue ne m'a pas particulièrement marquée. C'était un homme étrange mais il ne m'a pas laissé d'impression particulière. Il semblait être intrigué par notre dégaine. La seule chose que j'ai vraiment retenu est arrivée plus tard, un peu avant que nous partions:
_ Vous êtes ensembles ou…?
Denis m'a regardé bizarrement avant de répondre simplement:
_ Oui.
Je n'ai pas protesté, je n'ai pas réagit non plus. Je pensais qu'il parlait du fait que nous voyagions tous les deux. Mais en fait, si je me l'avouais vraiment, je savais très bien ce qu'il voulait dire par là. L'homme avait hoché la tête comme déçu puis était partis.
Denis et moi avons finis par sortir. Il y avait un hôtel près de la mairie où nous avions pris des chambres. Nous y sommes allez d'une démarche pas si assurée que voulue. L'air nocturne était toutefois assez frais pour me dessaouler un peu. Mais pas assez pour que j'en oubli son contact, la chaleur de sa peau, l'excitation que je ressentais.
Nous avons rejoins la chambre que nous partagions dans un silence électrique. Une certaine tension régnait entre nous, quelque chose que j'avais déjà sentis alors qu'il conduisait et que j'étais assis à côté de lui. Quelque chose qui nous dépassait et qui fit que nous nous sommes écroulés sur le lit.
Je ne sais pas si c'était l'alcool, la fatigue du voyage ou l'intervention de cet homme, mais nous nous sommes embrassés, touchés comme si notre vie en dépendait. Nos langues ont parcouru la distance qui les séparait et se sont unies dans un ballet hypnotique qui me faisait tourner la tête aussi bien que l'ivresse. Nos mains s'exploraient avec fièvre, caressant chaque parcelle de peaux qu'elles pouvaient atteindre. Denis bascula sur moi, nos vêtements s'échouèrent par terre dans un fatras que nous ignorâmes.
J'avais dans la tête un vieil air de rock qui ponctuait nos gestes à la perfection, comme si tout cela était une chorégraphie répétées un millier de fois jusqu'à ce qu'elle soit synchronisée. Nous étions nus sur ce lit, enlacés. Je sentais son excitation contre la mienne, nous nous frottions dans des mouvements de hanche qui me faisaient frissonner.
Sa bouche avait un goût douceâtre de bière et de tabac qui me mettait le cœur en vrac. J'avais envie de lui comme de personnes alors que ses lèvres venaient parcourir ma mâchoire, que sa langue traçait une route humide le long de ma nuque, de mon épaule, de mon torse puis de mon ventre. Je passais les mains dans sa chevelure épaisse, la peignant avec mes doigts dans un geste nerveux; il venait d'atteindre mon aine qu'il contemplait d'un regard sauvage.
Ses mains se posèrent sur mon membre tendu et je ne pus m'empêcher de soupirer de plaisir. Il me semblait sentir son souffle sur la peau tendre de mes bourses et ne m'y trompait pas alors que je sentais la chaleur mouillée de son muscle buccale. Je reçus comme une décharge de plaisir tandis qu'il jouait. Ses doigts me faisaient haleter comme un drogué d'oxygène. J'en voulais plus, toujours plus.
Mon cœur battait à mes tempes dans un rythme sourd, furieux, à l'instar d'une batterie de rock progressif. Les mouvements qu'exerçait Denis me laissaient pantois, parcourus par des tremblements incontrôlables. Mes ongles se plantaient dans la chair de ses épaules; il léchait mon gland comme on suce une friandise que l'on adore.
Je ne me contrôlais plus, déjà au bord de la délivrance. Je me laissais mener sans résister, la tête rejetée en arrière. Son souffle brûlant sur mon épiderme me procurait mille sensations contradictoires, entre plaisir et honte. Je fondais littéralement sous sa technique experte et alors qu'un de ses doigts glissait jusqu'à l'entrée palpitante de mon corps, il arrêta tout mouvement de bouche pour me contempler tout en me laissant au bord d'une jouissance frustrée.
Je le fixai, le regard suppliant. Il se contenta de s'éloigner vers son sac pour en sortir plusieurs choses. Je le fixai sans comprendre, perplexe en reconnaissant un tube de lotion de massage. Il surprit mon regard.
_ Désolé, mais je n'ai pas de lubrifiant, expliqua-t-il gêné.
Il aspergea copieusement ses doigts de lotion.
Puis il revient sur moi, embrassant mon sexe, léchant le contour rose de mes mamelons avant de prendre mes lèvres en un long baiser torride. Je sentis sa main glissée, s'insinuer entre mes jambes qu'il maintenait grandes ouvertes en appuyant dessus avec les coudes. Elle était froide, visqueuse et, lorsqu'elle caressa doucement la membrane fermant mon corps, je ne pus m'empêcher de frissonner. Il l'humidifia doucement d'abord, puis avec une grande tendresse, il fit un pénétrer un premier doigt. Il le fit aller et venir lentement, dilatant mon intérieur et je gémis sous l'embarras occasionné. Ce n'était pourtant pas une sensation désagréable en elle-même, mais je me sentais gêné de me laisser faire ainsi.
Il fit entrer un nouveau doigt tout en continuant à me distraire en m'embrassant, en me léchant, en griffant tendrement mes côtes. Il était doux et brutal, douce contradiction qui me laissait au bord du gouffre.
Au troisième doigt, j'eu un sursaut tandis qu'un gémissement franchissait la barrière de mes lèvres. Le plaisir avait fusé, délicat et violent alors qu'il titillait quelque chose en moi. J'aurais voulus le tirer plus près, le supplier de recommencer, mais je demeurais immobile et silencieux. Je me retrouvais cloué sous le ravissement, les mains crispées dans ses cheveux bouclés légèrement mouillés de sueur.
Je le sentis sourire contre mes lèvres alors que j'ondulais soudainement des hanches pour en réclamer plus, enfin délivré de mon morphisme passé. Je le sentis me quitter quelques secondes, entendis le bruit d'un emballage qu'on déchire puis la chaleur d'un corps ardent. La pression d'une verge dure et chaude contre la porte de mon corps.
Je me mis à trembler, aussi bien d'envie que de peur, le cœur emplit d'un émoi qui semblait vouloir déborder par mes yeux. Ce qu'il fit lorsque Denis me pénétra lentement. Une larme roula sur ma joue autant sous la douleur que le besoin, le soulagement et ses lèvres vinrent la boire avec tendresse.
_ Détends-toi, Vincent…
Je tentais de me décrisper alors qu'il caressait chaque parcelle de mon corps. Alors qu'il enflammait chaque centimètre carré de ma peau déjà brûlante. Ainsi, je me fis bientôt à l'intrusion et il put commencer à bouger à sa guise, prenant garde à ce que l'angle me fasse voir à nouveau les étoiles.
Nous ne formions qu'un, nos souffles se mêlèrent à multiples reprises, nos yeux s'accrochaient, nos corps s'emboîtaient parfaitement. Je pouvais le voir me prendre comme une fille et trouver ça grisant. Je le sentais toujours plus brûlant à chaque instant. Il nous menait tout deux vers le septième ciel par des coups de hanches mesurées et de très longues minutes de plaisir intense.
Le reste de la nuit fut un long rock sensuel qui se dansait à deux.
Le lendemain tout était semblable et pourtant si différent. Nous reprîmes la route sans commentaires, toujours dans la chaleur de l'été. La voiture dévorait les routes avec passion. De vieux rocks marquaient notre quotidien. Chaque soir nous nous arrêtions dans de vieux motels pourris où nous faisions l'amour, en silence, avec amour. Nous étions quatre amis sur le chemin de nulle part et pourtant deux et deux.
La tête de Salem reposait sur l'épaule d'Adrien.
La main de Denis enlaçait étroitement la mienne sur le levier de vitesse.
Nous avions tant à rouler avant que tout ne prenne fin.