Résumé : Je ne sais pas si l'amour est une histoire de hasard, de connexion des âmes, de destin, d'alchimie, de rencontre, de moment approprié. Qui peut savoir ? Ce que je sais cependant c'est que parfois c'est évident. Deux humains sont fait pour s'aimer, même s'il leur faut du temps pour le comprendre.
Note : Cette histoire est terminée, il est donc temps de la partager. Elle possède 32 chapitres, dont un prologue et un épilogue, et se déroule sur une trentaine d'années. C'est probablement pas la meilleure histoire de toute la Terre, mais j'en suis fière. Genre vraiment. J'espère qu'elle plaira.
N'hésitez pas à commenter. Je suis ouverte à toutes critiques. Après tout je suis aussi là pour m'améliorer.
La Photographie utilisée pour la couverture provient du travail de Sandro Iacopino.
Bonne Lecture
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BONNIE
« La liberté ne se demande pas, elle se prend. »
Thomas Edward Lawrence
« Si les gens sont si méchants c'est peut-être seulement parce qu'ils souffrent. »
Louis Ferdinand Céline
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Prologue
Été 1987
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Je déteste les enfants. Et les raisons sont nombreuses. Cette manie qu'ils ont de toujours demander « Pourquoi ? ». Ils rient pour un rien, crient sans raison. Ils sont bruyants. Ils se servent de leur statut de « nouveau dans le monde » pour qu'on leur mâche le travail. Ils pensent que tout leur est dû. Leur fausse innocence. Leurs pleurs et leur besoin incessant d'attention. Je ne supportais pas les enfants. Ils n'avaient rien à m'apporter. Je n'avais rien à leur dire. A l'époque j'étais pourtant moi-même une enfant. J'étais moi-même une enfant, mais je crois ne m'être jamais considérée comme telle. Je me sentais différente. Même ceux du foyer. Ceux-ci qui étaient censés vivre la même chose que moi, avec qui j'avais manifestement un point commun. Un point commun certain, car au foyer de l'enfance, personne n'arrive par hasard. Pourtant, même pour ces enfants du foyer je ne ressentais aucune sympathie. Ils étaient pour moi à mettre dans une case étiquetée « Humain sans importance ».
Ne pas les suivre lorsqu'ils se sont tous dirigés vers l'aire de jeux était donc un choix totalement justifié. Je n'ai, comme à mon habitude, pas suivi tous ces enfants profitant de leur sortie hebdomadaire au parc, qui leur permettait de voir autre chose que les quatre murs du foyer Sainte Catherine. Non, mon chemin à moi s'arrêtait un peu plus loin à l'orée du bois. Là où les cris et les rires n'étaient plus que des chuchotements à mes oreilles. Des chuchotements qui me permettaient de me consacrer à ce que je préférais : observer les insectes. Accroupie, les touffes d'herbes chatouillaient mes jambes découvertes, j'avais près de mes chaussures une colonie de fourmis qui semblaient bien occupées. Et une colonie de fourmis c'était, croyez-moi, bien plus intéressant qu'un tas informe de marmots agglutinés sur un toboggan vert fluo.
Je pouvais enfin profiter de ces quelques minutes de silence. En profiter pour prendre l'air au sens propre comme au figuré. J'en avais besoin. De l'air, au foyer Sainte Catherine, il n'y en avait pas des masses. Entre les murs gris et les barreaux aux fenêtres, j'approchais de l'asphyxie.
Ici, près de cette souche d'arbre, l'air pouvait enfin s'infiltrer dans mon corps. Ré-oxygéner ma tête. Des effluves de marronniers et de leurs fruits à la légère brise qui faisait virevolter et s'emmêler mes cheveux je pouvais enfin respirer.
« Sans leur reine ces fourmis-là seraient probablement mortes. »
Un gamin, pas plus haut que moi et arborant une épaisse tignasse brune, venait de perturber mon observation. Ses vêtements étaient parsemés de tâches de terre et il tenait dans ses mains un livre imposant. Ce n'était pas un gamin du foyer. Je ne l'y avais jamais vu. Mais il ne devait pas être bien différent de tous ceux avec lesquels je vivais. Un gosse restait un gosse après tout.
Déjà plus jeune, j'avais élaboré une stratégie me permettant de faire reculer les individus indésirables. Lorsqu'un enfant venait me parler je la mettais en marche sans sourciller. La manière de procéder était simple : j'ignorais. Et cela fonctionnait toujours. Si un enfant n'obtient pas l'attention qu'il demande, alors il va la chercher ailleurs. Et celui-ci n'aurait aucun traitement de faveur.
Je l'ai donc ignoré royalement.
« Tu sais que les fourmis peuvent porter jusqu'à 20 fois leur poids. C'est écrit dans ce livre. »
Non, je ne savais pas qu'elles pouvaient porter autant. Mais je savais qu'elles transportaient des choses qui paraissaient très lourdes pour elles. Je savais qu'elles étaient fortes. Je savais aussi que j'étais plus forte qu'elles. Je pouvais d'un seul mouvement de mon pied en écraser des dizaines. J'étais plus forte, mais elles, elles étaient, j'en étais sûre, bien plus intelligente que moi. Et tout ça pour le savoir, je n'avais pas eu besoin d'un livre. Il me suffisait de les observer.
En observant je savais. Je savais même qu'elles étaient des milliers. Qu'elles semblaient être très organisées. J'avais observé de nombreux comportements. Des comportements qui me fascinaient.
« Tu sais combien de temps peux vivre une fourmi ? La plus vieille a vécu 28 ans et 8 mois dans un laboratoire. Mais en général elles ne vivent pas aussi longtemps.»
Il était vrai que je ne savais pas combien de temps pouvait vivre une fourmi non plus. Il aurait fallu que je garde une fourmi en observation 28 ans pour le savoir. Je n'étais pas sûre d'être capable de pouvoir la garder en vie jusque-là.
« Et dans certains pays ils mangent des fourmis. »
Des gens mangeaient-ils vraiment des fourmis ? Je trouvais ça répugnant. Et puis que pouvaient-ils trouver à manger dans une si petite chose.
« Et ils disent ici. Regarde. Ils disent qu'une fourmi possède deux estomacs. Le premier est pour elle et le deuxième sert à nourrir une autre fourmi quand elle en a besoin. C'est incroyable ! »
Vraiment ? Deux estomacs ? Ce n'était pas incroyable, mais franchement étrange. Ce livre était-il si intéressant que ça ? Finalement peut-être que certaines choses me resteront inconnues en me limitant à ma simple observation lors de la sortie hebdomadaire.
J'étais plutôt têtue et obstinée, mais je ne restais pas moins ouverte à l'apprentissage. Et ce garçon me perturbait. Mais c'était aussi un enfant qui venait de m'apprendre quelque chose. Malgré son air de monsieur-je-sais-tout, il venait de créer quelque chose en moi que je n'avais pas ressenti depuis longtemps face à un gosse. De la curiosité.
« Je peux te le prêter si tu veux » Il a dit en me tendant son livre.
Moi, j'ai dû rester là bien quelques secondes avant de réagir. J'alternais mon regard entre ce gamin et son bouquin. Je commençais à me dire que cet enfant-là ne ressemblait pas à tous les autres. Il ne disait pas «Pourquoi ? » mais « Parce que ». Et cette nuance-là était très importante. Il me prêtait un livre qui me permettra d'en connaître davantage. Un livre qui m'apprendra des choses. Ce gamin-là avait finalement peut-être quelque chose à m'apporter.
J'empoignai sans plus d'hésitation le livre qu'il me tendait.
« Je m'appelle Adam et toi c'est quoi ton nom ? Il a dit, alors que j'entreprenais d'ouvrir le livre sur mes genoux.
- Bonnie. » J'ai dit en relevant les yeux vers lui.
J'avais 8 ans et je venais de rencontrer celui qui allait bouleverser ma vie.