Pris au piège

Résumé : Erwan, leader charismatique d'un groupe de rock, refuse de tromper Charlotte, sa petite amie, avec une de leurs fans. Alors, il demande à son meilleur ami, Joey, de faire quelque chose pour lui… quelque chose de tordu, de pervers, de vicieux… et le sale petit jeu qui va déraper.

Warnings : histoire parfaitement amorale, perverse, vicieuse et malsaine. Et attention, elle contient des relations pas toujours consensuelles, et avec des chapitres contenant des relations hétérosexuelles mais aussi homosexuelles.
Avec le chapitre 1, le décor est planté. Vous saurez à quoi vous attendre… et vous pourrez arrêter (sans être encore trop choqué) avant que la suite arrive… et que les choses empirent !
Maintenant, si malgré tout, vous décidez quand même de lire, vous êtes prévenus ! Vous lisez donc en toute connaissance de cause !

Rating : maximum !

Lien avec « Pris au jeu » : Lorsque j'ai écrit « Pris au jeu » (publié sur ce site), j'avais en tête deux versions possibles, l'une douce, positive et pleine d'espoir, et l'autre sombre et malsaine.
Plusieurs lecteurs m'ont alors envoyé des messages (merci encore pour ces reviews et ces MP !) en me demandant d'en écrire davantage (merci d'avoir aimé mes personnages, Erwan et Joey), et certains m'ont dit qu'ils s'attendaient à une fin plus noire. Vous avez deviné que moi-même, j'avais hésité à emprunter une autre voie. Je n'y étais sans doute pas prête. Mais j'ai pas mal écrit, depuis, et l'histoire s'est depuis imposée à moi, comme une évidence, comme une nécessité même.
Alors, cette autre voie, sombre et malsaine, la voici. Ceci n'est pas une suite de « Pris au jeu ». On oublie tout, on garde seulement les personnages et on recommence… on recommence une tout autre histoire, l'histoire d'un piège… l'histoire, aussi, d'un aveuglement. En effet, les choses ne sont-elles pas souvent tout simplement exactement ce qu'elles semblent être ?

Nota (très important !) : L'histoire est contée, comme dans « Pris au jeu », du point de vue de Joey. L'esprit, le mode de pensée et les motivations d'Erwan sont impénétrables…
Donc, attention ! Joey peut se tromper, il peut mal interpréter des situations, des paroles, des sentiments, etc. C'est tout l'intérêt d'une histoire contée du point de vue d'un seul personnage. C'est au lecteur, parfois, qu'il revient de rectifier les erreurs et les aveuglements de Joey qui, pris dans la situation difficile, ne sait plus faire la part des choses et n'est plus en capacité de comprendre ce qui se passe.


o o o

Chapitre 1.

Cela a commencé comme ça, pendant une petite tournée d'été, où, avec notre groupe semi-pro, nous écumions les festivals, les clubs et les petites salles de concert, pour nous faire connaître, pour essayer de gagner un peu d'argent, pour devenir réellement de professionnels…

Oui, ça a commencé comme ça…

Très simplement… très bêtement…

Tous les soirs, dans chaque ville de la côte atlantique que nous écumions, je me tapais une fille… oui, une fille différente chaque soir. Oh ! Ce n'est pas bien difficile. Les musiciens, ça fascine toujours les nanas. Le pouvoir de séduction est toujours décuplé par le maniement d'un instrument de musique… Je sais que ma basse est ma meilleure alliée pour draguer.

Le soir, après le concert, je ramassais une fille… n'importe laquelle… une fille facile, aguicheuse, pas compliquée, prête à s'offrir… A trois heures du mat', dans les bars, on finit toujours pas trouver ce que l'on cherche.

Et puis, localement, on commençait sincèrement à avoir une petite notoriété. On rentrait désormais dans nos fonds et on envisageait de pouvoir, dès la rentrée, se lancer dans la réalisation d'une maquette en studio. Le succès commençait donc à nous sourire.

On pouvait même se payer une chambre dans un hôtel décent.

Quatre chambres, une pour chacun : Erwan, notre leader charismatique, auteur-compositeur et guitariste, Yohan le batteur, Julien le clavier… et moi.

Mais comme chaque soir ma chambre était occupée par une fille que je ramenais à l'hôtel et qui ne voulait pas quitter mon lit, Erwan prit l'habitude de m'offrir l'hospitalité dans sa chambre. Après avoir tiré mon coup, j'abandonnais ainsi facilement ma conquête d'une nuit, et me réfugiais dans la chambre d'Erwan, loin de ces fans encombrantes.

Sa chambre devint peu à peu notre chambre…

C'était marrant. Je me tapais une nana, et puis, je la plantais là, seule dans la chambre vide pour rejoindre Erwan, dans sa chambre à lits jumeaux, là où toutes mes affaires se trouvaient.

Tout le monde le savait, dans le groupe : la chambre que j'avais réservée était juste l'endroit où je baisais.

Ni plus, ni moins.

Au début, Erwan ne prêtait pas réellement attention à mes activités nocturnes. Mais, depuis que je le rejoignais chaque nuit dans sa chambre (…ou plutôt à l'aube…), il devint petit à petit curieux.

Au début, il commença par me poser des questions banales : comment elle était, est-ce que c'était un bon coup, est-ce qu'elle était chaude, est-ce qu'elle meilleure que la précédente… ce genre de questions, vous voyez ?

Généralement, quand j'entrais dans la chambre, il était allongé sur le lit, vidant un verre d'alcool fort ou terminant un joint qui parfumait la pièce…

Nuit après nuit, je trouvais de plus en plus de bouteilles vides autour de lit, des cadavres de bières, et même des traces de poudre blanche sur un petit miroir renversé près de la table de nuit… Et ces questions devinrent de plus en plus inquisitrices : est-ce que la fille m'avait sucé ? Est-ce qu'elle était chienne ? Dans quelle position je l'avais prise… ? Je commençais à être mal à l'aise.

J'avais l'impression qu'il… comment dire… qu'il faisait l'amour par procuration, à travers moi…

Et une nuit, cette impression devint réalité.

On était à La Rochelle. Le concert s'était super bien passé. Un journaliste de « Sud-Ouest » était même venu nous voir, avec son photographe, pour faire un reportage sur nous. Le type avait pris plein de clichés pendant tout le concert. J'étais très excité par ce début de célébrité. Erwan aussi.

On passa des heures dans un bar, avec quelques roadies, des amis, des fans… On avait beaucoup bu, pas mal fumé aussi. Je goûtais même un peu de coke qu'Erwan avait acheté. La tête me tournait de plus en plus. Je me sentais incroyablement bien.

En regardant toutes ces filles papillonner autour de moi, je me sentais comme un chasseur, décidant de la proie qu'il ramènerait dans sa tanière ce soir.

Quelques filles n'avaient d'yeux que pour Erwan, bien sûr : il est le chanteur à la voix envoûtante, le brillant auteur-compositeur, le guitariste aux doigts d'or. Il est le leader, au regard bleu hypnotique.

Mais certaines filles se collaient à moi, me touchant, m'enlaçant, espérant que le photographe les cadre bien et qu'elles soient immortalisées dans le journal local…

J'avais vraiment un choix immense, ce soir-là. Je ne veux pas paraître prétentieux mais en général, les femmes me trouvent à leur goût. C'est une réalité, c'est tout. Une réalité dont je profite avec plaisir.

Ce soir-là, je fis monter dans ma chambre une fille rousse, genre irlandaise, toute menue… le genre que j'adore : peau de lait et tempérament de feu.

Je la sautais dans la chambre vide. La cocaïne que j'avais reniflée me donnait les plus puissantes des sensations. Faire l'amour sous coke, c'est vraiment extraordinaire. Chaque caresse semble extatique et la jouissance est comme multipliée par deux. Quand je jouis, j'eus l'impression que ma tête implosait sous la violence du plaisir.

Juste après avoir éjaculé, je me levais du lit en hâte et commençais à ma rhabiller, laissant la fille étendue nue sur le lit.

« Où est-ce que tu vas ? » me demanda-t-elle, d'un air un peu inquiet.

« Dans ma chambre… »

Elle me lança un regard perplexe et surpris : « Mais… ici, ce n'est pas ta chambre ? »

« Si, mais… »

Merde ! Comment expliquer ça ? Je bafouillais : « Enfin… Pas vraiment… Heu… je veux dire que je ne dors pas ici…

Elle me jeta un regard glacé : « Je vois… Tu ne fais qu'y baiser, c'est ça ? »

« Ne parle pas comme ça… » objectais-je. J'ai toujours eu horreur des filles au langage vulgaire. Et puis, je n'aimais pas ce ton de reproche dans sa voix : « Tu savais très bien ce qui allait se passer quand tu es montée. Je ne t'ai pas menti. Et je ne t'ai jamais rien promis non plus… même pas une nuit entière… »

Elle s'adoucit immédiatement : « Je sais… Et je suis une grande fille, va, ne t'inquiète pas… » soupira-t-elle, visiblement déçue d'être ainsi rembarrée. Elle leva ses grands yeux noisettes vers moi : « Mais où est-ce que tu vas ? Est-ce que je peux venir avec toi ? Juste pour une nuit… Je sais que demain tu seras parti… »

« Non ! Non ! Tu ne peux pas venir avec moi ! », m'agaçais-je. Son côté glue commençait à me taper sur les nerfs.

J'enfilais mon pantalon et jetais mon tee-shirt sur mon épaule, mes grosses boots à la main. Inutile de m'habiller complètement puisque je n'avais que le couloir à traverser pour rejoindre Erwan dans sa chambre.

Très mauvaise habitude, cette fainéantise dans l'habillement. Par ma faute, la fille devint soupçonneuse.

« Mais tu sors comme ça ? torse nu et tes chaussures à la main ? Quelqu'un t'attend dans une autre chambre ? »

« Oui, Erwan… »

Au moment où son nom sortit de ma bouche, je savais que j'avais dit une connerie. Ce prénom, glissant entre mes lèvres, résonnait de manière étrange dans cette chambre, face à cette fille. Je me sentais bizarre, aussi, à révéler cette curieuse information.

J'avais nommé Erwan dans un réflexe, pour éviter d'exciter la jalousie de cette fille qui aurait pu croire que j'allais en retrouver une autre. Mais cet aveu candide se retourna contre moi.

La fille me jeta un regard indéchiffrable puis elle fronça légèrement les sourcils : « Erwan? Tu veux dire Erwan Kerrien ? Le chanteur ? »

« Beh oui! Qui d'autre veux-tu que ce soit? » répliquais-je avec un ton plus agressif que je ne l'aurais voulu. J'avais l'air d'être sur la défensive.

« Oh ! Ça alors ! » La fille se mit à pouffer de rire: « Je le savais! J'en étais sure! T'es un peu pédé sur les bords… »

« Pas du tout ! » m'écriais-je, à la fois surpris et rageur. Comment cette pouffiasse pouvait-elle dire une chose pareille !

« Bon… t'es 'bi', si tu préfères… c'est qu'une question de vocabulaire, après tout… » persiffla-t-elle, apparemment ravie de pouvoir se jouer de moi, comme si elle se vengeait parce que je l'abandonnais.

« Ni pédé, ni bi ! » insistais-je, bouillant de colère.

Elle se mit à ricaner : « Pourquoi est-ce que tu t'énerves comme ça ? Bisexuel, c'est cool… En plus, Erwan et toi, physiquement, vous vous ressemblez tellement ! Mêmes cheveux noirs, même peau très blanche… à part la couleur des yeux… Erwan les a si bleus… »

Elle laissa couler sa nuque contre l'oreiller et leva les yeux au plafond, un large sourire fendant son visage radieux : « Ma copine Cécile avait raison… Elle m'avait dit que tu avais l'air de tout aimer, fille comme garçon… Sexuellement, t'es trop gourmand pour te limiter… »

« La ferme ! Ta copine n'est qu'une conne ! Je ne suis pas comme ça ! »

« Mon Dieu, que tu es chatouilleux sur le sujet… » soupira-t-elle, l'air narquois. « Tu es trop sur la défensive pour être honnête, Joey… Pourquoi est-ce que ça te dérange tant que j'évoque la possibilité que tu puisses aimer les garçons ? Tu as des problèmes pour assumer ton côté gay ? » Elle se mit à sourire d'un air rêveur et excité : « Pourtant, ça doit être super cool de coucher avec Erwan… »

« Mais ça va pas la tête ?! Je ne couche pas avec lui ! T'as vraiment des pensées dégueulasses… »

Pourtant, si tout était si simple avec Erwan, si je n'étais absolument pas attiré par lui, pourquoi est-ce que je criais si fort contre cette pauvre fille pour nier les sentiments invertis qu'elle me prêtait ?

J'avais la tête en vrac, mal au cœur et mal au crâne… il fallait que je quitte cette pièce au plus vite.

J'ouvris la porte, incapable de continuer ce combat verbal avec cette fille qui était en train de me peler jusqu'à l'âme.

Avant que je ne claque la porte, je l'entendis encore crier : « Joey ! Reviens ! Se taper des mecs, c'est génial ! Faut pas en avoir honte! Joey! S'il te plait ! Tu ne connais même pas mon nom ! »

Son nom ? Qu'est-ce que j'en avais à foutre, moi, de son nom ? Tout ce que je voulais de cette fille à présent, c'était l'oublier… tout oublier… oublier ce qu'elle m'avait dit et les doutes qu'elle avait fait naître en moi.

Je traversais le couloir en me rappelant bien ce qu'elle était : un coup… juste un coup d'un soir, c'est tout… Tout le reste n'avait aucune importance.

o o o

Je traversais le couloir du cinquième étage de l'hôtel avec mon tee-shirt jeté sur l'épaule et mes grosses boots à la main. Je me foutais bien que quelqu'un me voit, à moitié nu, entrer dans la chambre d'Erwan. J'étais trop énervé pour prêter attention aux autres clients de l'hôtel qui, de toute façon, à cette heure avancée de la nuit, étaient peu nombreux à déambuler dans les communs.

Je ruminais, tête basse, et mâchoires contractées.

Sale conne…

Comment avait-elle pu dire ça d'Erwan et de moi ? Elle ne savait rien ! Ni de lui, ni de moi ! Comment pouvait-elle prétendre nous connaître ? Que pouvait-elle savoir de nos relations, de notre amitié ? Rien ! Rien de rien ! Ces putains de fans ne savent rien ! Elles inventent, elles délirent, elles fantasment… elles sont juste dégoûtantes de penser des trucs pareils !

C'est vrai que j'aime Erwan… Mais pas comme ça… pas comme cette fille et sa copine l'entendaient, non. Ce qui nous relie, Erwan et moi, c'est une amitié absolue, parfaite, indéfectible. Je l'aime comme un frère jumeau, comme un double de moi-même, et je l'admire aussi. J'admire son génie, son talent… Sans lui, je ne serais rien ni personne. C'est lui qui m'a donné ma chance, qui m'a permis d'appartenir à son groupe. Je lui dois tout ! Je ferais n'importe quoi pour lui.

N'importe quoi…

C'est ça que cette connasse de fille n'avait pas compris.

Enfin, c'est ce que j'avais cru, à l'époque.

Je l'avais cru stupide… Mais peut-être au contraire était-elle plus intelligente et perspicace que n'importe qui.

o o o

Quand j'entrais dans notre chambre, je trouvais Erwan étendu sur le lit, à moitié nu, et totalement saoul. Sur la moquette traînaient des bouteilles de bière vides et un reste de joint fumait encore dans le cendrier. Il avait l'air défoncé.

Je ne dis rien et m'approchais de mon lit l'air renfrogné. J'avais envie de me coucher et je n'étais absolument pas d'humeur à faire la conversation.

J'espérais qu'il me foute la paix. Ce soir, j'en avais réellement besoin.

Mais Erwan, lui, était d'humeur curieuse, comme toujours. Peut-être même un peu plus que d'habitude…

A peine commençais-je à enlever mon pantalon (le seul vêtement que je portais en entrant dans la chambre), qu'il commença à me bombarder de questions.

Malgré mon énervement, je tentais de rester calme, de ne rien montrer de ma mauvaise humeur : après tout, ce n'était pas la faute d'Erwan.

Et tandis que je satisfaisais sa curiosité concernant mon intimité sexuelle avec cette fille, il me fixait de ses yeux bleus acier, une flamme noire dansant au fond de ses pupilles réactives.

C'était… bizarre

Quelque chose me fit repenser aux propos quasi-prophétiques de cette fille que j'avais laissé dans la chambre d'en face.

Je chassais mes pensées ambiguës et tentais de paraître naturel, de paraître comme d'habitude. Après tout, raconter ses histoires de cul avec son meilleur pote, quoi de plus normal ?

Depuis son lit, Erwan me tendit une cannette de bière qu'il venait d'ouvrir : « T'en veux une ? »

Je la pris et la bu d'un trait. J'en avais besoin. Besoin de ça pour essayer d'effacer ces souvenirs troublants de ma mémoire : les mots de cette fille résonnaient en boucle dans mon cerveau. Mais la bière n'était pas suffisante pour écraser ma mémoire.

« Il te reste pas un peu de shit ? » demandais-je à Erwan.

Il eut un sourire satisfait et pointa de son doigt sa veste posée sur le dossier d'une chaise : « Dans la poche intérieure droite… » souffla-t-il de sa voix grave et suave.

Je fouillais sa veste, pris la barrette de shit que j'y trouvais et entrepris de me rouler un joint, assis au bord de mon petit lit, jumeau au sien.

Erwan se redressa dans son lit, appuya son dos contre le mur et, baissant les yeux sous ses longs cils noirs, il murmura : « Parle-moi d'elle… Est-ce qu'elle t'a sucé ? Est-ce que tu l'as sodomisée ? Est-ce que tu l'as faite jouir ? »

Ses questions me figèrent. Un nœud se forma au creux de mon ventre. J'étais mal.

Son souffle était court, il respirait vite. Il semblait à la fois excité et gêné.

Et moi, je n'en pouvais plus.

« Erwan, pourquoi tu te ramasses pas une fille, hein ? Elles sont toutes folles de toi ! Tu pourrais toutes les baiser et leur faire tout ce qui te fait visiblement fantasmer ! », fis-je avec agacement.

Il me fit un de ces sourires un peu gauche qui le caractérisait, puis il secoua la tête négativement : « J'aime Charlotte… » Il s'arrêta un instant, concentré, et ajouta, comme s'il se parlait à lui-même : « Je l'aime vraiment, très sincèrement… je ne pourrais jamais lui faire ça. Je ne veux pas la tromper… non… et surtout pas avec une fille que je n'aime même pas… je ne suis pas comme ça… »

Il passa une main nonchalante dans ses cheveux noir jais, et soupira : « L'amour, c'est important, précieux, fragile… J'aime Charlotte… Je l'aime vraiment… ».

« Ouais… super pour Charlotte… » soupirais-je, « et tant pis pour tes fans excitées… Mais tant mieux pour moi : elles sont toutes pour moi ! » ricanais-je nerveusement en écrasant le joint dans le cendrier.

Il demeura silencieux pendant quelques secondes, puis il se mit à théoriser la situation : « C'est marrant, ces filles… Elles attendant pendant des heures pour nous voir, elles payent leur billet, elles nous tournent autour, comme des insectes tourbillonnant autour de l'ampoule… Elles nous draguent juste parce qu'on est musiciens, qu'on commence à être un peu connus… Elles sont prêtes à coucher avec moi juste parce qu'elles aiment ma musique et que je suis sous les projecteurs… Elles ne savent pourtant rien de moi, de ma personnalité, de mes goûts… de mes vices, aussi… »

Une sorte de nuage noir passant dans ses yeux qui semblaient fixer un point invisible sur le lit, puis il poursuivit : « C'est très perturbant de voir ces filles prêtes à se donner, comme un morceau de viande… je trouve ça très troublant… »

Il tourna soudainement vers moi un regard mi inquiet, mi curieux : « Tu penses que ces filles qui se jettent à mon cou m'aiment ? Je veux dire, qu'elles m'aiment vraiment ? »

« Tu penses trop… » soupirais-je en m'allongeant sur mon lit. Je glissais mon corps sous les draps frais et ma tête s'enfonça agréablement dans l'oreiller moelleux. Je me sentais un peu vaseux. Trop d'alcool. Trop de drogues, aussi…

Il ne prêta aucune attention à ma remarque et continua à parler doucement, le regard dans le vide : « Est-ce que tu penses que ces filles pourraient faire n'importe quoi pour moi ? »

« N'importe quoi ? » répétais-je incrédule, alors que mes paupières se fermaient.

« Oui… n'importe quoi… » Sa voix était chaude, fiévreuse, même.

« N'importe quoi… ? mais quoi, par exemple ? » Je ne comprenais pas du tout où il voulait en venir. J'étais trop saoul et trop défoncé pour ça.

Il releva la tête et me regarda soudainement droit dans les yeux : « Joey… ? »

« …ouais… ? » Il y avait comme une faiblesse dans ma voix que je ne pouvais contrôler.

« Est-ce que tu voudrais bien faire quelque chose pour moi ? »

« Quelque chose ? Que… Quoi donc ? » bafouillais-je embarrassé.

« Quelque chose… » répéta-t-il en haussant les épaules et en détournant les yeux.

Il y eut un long silence…

Je commençais à devenir vraiment très nerveux.

« Bon, vas-y ! Crache le morceau ! Qu'est-ce que tu veux, à la fin ? »

Il lécha lentement ses lèvres et, me jetant un regard en coin, il murmura : « Est-ce que tu coucherais avec une fille pour moi ? »

« Hein ? »

Je me redressais dans mon lit et le regardais avec stupéfaction : « Qu'est-ce que tu veux dire par 'coucher avec une fille pour toi' ? »

Ses yeux bleus étaient en train de m'hypnotiser. Je ne pouvais plus détourner mon regard du sien. Il eut un drôle de sourire, comme un enfant prêt à faire une mauvaise farce : « Et bien… tu sais… je choisirais une fille, comme tu le fais toujours… C'est moi qui la choisirais, mais c'est toi qui coucherais avec elle… »

Devant l'incongruité de sa demande, j'éclatais de rire : « Tu veux choisir les filles avec qui je couche ? »

« En quelque sorte… »

« Ca veut dire quoi, ça ? »

« Ca veut dire que je choisirais la fille… une fille qui veut coucher avec moi… Mais ensuite, c'est toi qui… heu… finirais le travail… »

Je fronçais les sourcils : « Attends… Tu veux que je baise une nana qui n'a pas envie de coucher avec moi, mais qui veut faire l'amour avec toi ? » Je restais stupéfait et incrédule : « Mais qu'est-ce qui te fais dire que la fille acceptera de coucher avec moi, puisqu'elle te désire, toi. » Je secouais la tête en signe de dénégation : « Ton plan est foireux… »

« Non… Elle le fera… », me répondit-il d'une voix calme et assurée.

« Pourquoi accepterait-elle un deal aussi pourri ? » m'exclamais-je, absolument pas convaincu par les délires d'Erwan.

« Parce qu'elle ne pourra pas refuser… Ce sera trop tard… »

En entendant ces mots, je sentis mon sang se glacer dans mes veines. Ma bouche devint pâteuse et ma voix se fît tremblante : « Je ne suis pas sûr de vouloir comprendre… » Dans ma poitrine, mon cœur se mit à battre un peu plus vite. Je sentais au fond de moi qu'il y avait quelque chose dans cette demande de trop pervers… un vice que je ne parvenais pas clairement à définir.

Erwan soupira longuement et me demanda enfin clairement, en une question directe, ce fantasme qui semblait l'obséder : « Est-ce que tu acceptes de baiser une fille que je choisirais pour toi, Joey ? Est-ce que tu pourras faire pour moi ce que je ne peux pas faire moi-même ? Je… je l'embrasserais, je la déshabillerais, je la caresserais, mais… c'est toi qui lui feras l'amour… Tu comprends ? »

Je le fixais longuement, me sentant exactement comme un insecte pris dans la toile d'une araignée. Je me demandais si j'étais en train de rêver ou si tout ceci était vraiment en train de m'arriver. Je me sentais fatiguée, nauséeux… je n'arrivais plus à réfléchir.

Je déglutis et résumais en quelques mots simples sa demande tordue : « Tu veux me regarder en train de faire l'amour avec une fille… » Ce n'était pas une question, juste un constat.

Il me jeta un regard enfantin et pétillant de malice : « Tu le feras pour moi, Joey ? »

Je demeurais muet quelques instants, incapable de répondre. C'était la requête la plus malsaine que j'avais jamais entendue. C'était un plan dégueulasse pour ces filles, qu'on risquait de piéger… et puis je ne trouvais pas ça très correct vis-à-vis de moi, puisque j'étais asservi aux désirs voyeuristes d'Erwan.

Mais, en même temps, Erwan était la personne la plus précieuse et la plus importante de ma vie. Je voulais lui faire plaisir, je voulais lui rendre un peu de tout ce qu'il m'avait donné.

Après tout, est-ce que ça avait vraiment une importance qu'il choisisse la fille ? Mon choix, son choix, c'était toujours une fille, après tout…

Je pouvais bien faire ça pour lui, non ?

Je tournais mon regard vers lui et le trouvais en train de me fixer intensément, attendant ma réponse avec nervosité.

Ces yeux si bleus… Ce regard…

Car il me regardera, pensais-je… Il me regardera en train de coucher avec une fille… en train de me perdre en elle, complètement nu et vulnérable, au moment où je jouirais…

Des pensées confuses se percutaient dans mon esprit embrumé.

Et si tout se passait mal ? Et si je ne supportais pas ce jeu pervers de voyeur ? Comment réagirais-je en sentant son regard sur moi, ses yeux me fouillant partout, dans les moindres recoins de mon intimité ?

Comme j'étais resté silencieux depuis plusieurs minutes, j'entendis sa voix insister avec fébrilité : « Joey, s'il te plait… »

Je soupirais et me rendis, vaincu : « Ok… Je le ferai… ». Je n'avais pas trouvé la force de combattre sa volonté… ni peut-être la mienne.

« Je suis sûr que tu vas adorer, Joey… Plus que tu peux l'imaginer… » fit-il, le visage radieux, visiblement content de lui-même. « Fais-moi confiance… » ajouta-t-il avec un sourire énigmatique, juste avant d'éteindre les lumières.

Au moment où la pièce fût plongée dans le noir, je sus, mais un peu trop tard, que j'étais piégé.

Complètement piégé.

Ma vie, mes désirs, et ma sexualité seraient maintenant entièrement dirigés et contrôlés par la volonté d'Erwan.

A suivre…