Ceci est un recueil de Lettres, des Love Letter comme je les appelle. Je n'ai jamais été douée pour parler, croyant toujours que je ne parvenais pas à me faire comprendre, alors j'écrivais. Des lettres, c'est probablement ce que j'ai le plus écrit dans ma vie.
Ces Love Letter, elle sont des exutoires. Le purgatoire de mon cœur. Toutes ces choses que je n'ai jamais osé dire/avouer/ou qu'il faut écrire pour intégrer.
Mona.
Couverture : Cocorosie, ou les sœurs Cassidy. Qui me font vibrer à chacunes de leurs notes.
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Lettre à Marie-Neige
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Tinn poil à la pine, Jésus, Marie-neige,
Il y a deux choses que tu m'as apprises.
1) Ne jamais descendre un escalier les mains dans les poches sous peine de ne pas pouvoir se rattraper si on tombe.
2) La douleur des gens ne se mesure pas.
Mais il y en a une des deux que tu n'as pas respecté et c'est comme ça que toute cette foutue histoire s'est terminée.
Si j'écris aujourd'hui c'est pour une raison bien précise. Je dois m'excuser, parce que je te le dois. Je dois m'expliquer, parce que j'en ai besoin.
J'étais le pansement et tu étais l'astre autour duquel je tournais. Mais parfois je me demande si nos rôles n'étaient pas interchangeables. C'est en tout cas ce que j'aimerai croire, même si ça me rendrait encore plus coupable.
Tout a commencé par la création d'une existence ; la mienne. Par deux simples mots j'étais vivante à tel point que j'ai cru que c'était ma première naissance. Que 17 ans plus tôt, celle qui était sortie du ventre de ma mère n'avais rien de semblable avec celle que tu venais de faire exister. Comme si je n'avais jamais vécu. Comme si ma toute première vie débutait.
Tu le sais, c'est exactement ce que j'ai ressentis. Et je sais que tu en étais fière.
Tu existes.
Je t'ai aimé dès le premier jour. Je t'ai aimé, comme jamais je n'ai aimé et comme jamais plus je n'aimerai. Je t'ai aimé tellement fort que j'en ai abandonné la maladie, progressivement. Parce que la vérité c'est que tu me remplissais bien plus que Boulimie. Mon amour pour toi m'a guéri.
Tu étais et restera la plus jolie fille que j'ai pu voir sur cette Terre. Tes cheveux aussi blancs que le ciel lorsqu'il va neiger, ta mâchoire carrée de fille avec du caractère, ton petit nez retroussé, tes longues jambes portant un corps si frêle. Tu es devenue ma muse. Tu sais, toutes ces filles que je peins, elles sont le souvenir que je garde de toi.
Très vite, il n'y a eu plus que toi et moi. Enfin presque, parce que lui, que je détestais, hantait tes pensées, ton corps, ton cœur et tout ce qui pouvait le contenir. Il t'avait foutu à terre, roué de coups. Il a brisé ton cœur déjà sale. Alors oui, je l'ai haï. Mais surtout je t'ai aimé encore plus.
L'histoire est simple. J'étais une nouvelle née, lui, il remplissait ton univers. Alors elle était où ma place ? Quelle trace je laissais derrière moi, dans ta vie ? Moi qui t'aimais tant, comment tu m'aimais toi ?
J'ai réussi, dans les premiers temps à passer au-dessus de ça. Parce que toi et moi c'était quelque chose. C'était évident. Les gens ne comprenaient pas ce que je pouvais trouver à une fille aussi étrange que toi. Les gens ont peur de ceux qui dépassent constamment les limites : de la mort, de la vie, de la morale, du cœur. Moi, je te comprenais autant que tu me fascinais.
Je sais que je t'ai aidé, que j'ai été un soutien. Je sais que ma main enfonçant une cuillère pleine de nourriture dans ta gorge t'a probablement sauvé. Ta peau translucide, hante encore mes nuits. Tes os saillants sont devenus depuis plusieurs années un objet de fascination. Je t'ai aidé, j'étais le pansement. Monalepansement comme tu l'écrivais.
Il n'y avait que toi et moi. On était sœurs, mères, amies, âmes sœurs. Chaque fois que je te retrouvais, mon cœur palpitait. On gravait nos noms, comme des enfants, partout où l'on passait. Mona + Marie-Neige. C'était égal à nuage, balançoire, chocolat, bite parfois, mais c'était toujours amour qui remportait nos suffrages. On était deux gamines, selon les autres, bien trop âgées pour jouer à ce genre de jeux. Mais qu'est-ce qu'on en avait à foutre. On s'aimait et c'était beau.
Etre ensemble c'était apporter de la beauté dans nos vies si sales et grises, pleines de vomis, de pleurs, d'hôpital, de trous dans le cœur, de crevasses dans le corps, de dégoût, de haine, de rien parfois, de vide souvent, … etc. tu vois ?
Puis tout a été gâché.
Sombre idiote. C'est ce que tu as dit, ce jour-là. Celui où je ne croyais plus en rien. Où je croyais en ta manipulation, je pensais que tout ça c'était des mensonges. Parce que j'étais faible, parce que j'avais mal. Je n'étais rien. Comme ça arrivait parfois. Mais toi, comment pouvais-tu aimer quelque chose qui n'existe pas ?
Tu m'as rassuré.
Mona tu es à moi. Mona tu es la plus jolie fille que j'ai rencontrée, et tu sais que j'en ai rencontré des jolies filles. Mona, si tu t'en vas je ne serai plus rien. Mona sans toi ma vie elle n'existe pas. Mona sans toi je ne tiendrai pas.
Oui, ça a duré quelques temps. Oui, j'ai cru à tes explications. Elles m'ont fait bondir de bonheur.
Puis tu as eu ces mots. Ceux qui m'ont blessée. Ceux que tu te serais normalement refusé à dire ou même penser si tu avais réellement été celle que je croyais.
Tu as mesuré ma douleur à la tienne.
Alors tout s'est écroulé.
La vérité, c'est que j'étais éperdument amoureuse de toi. Violemment, profondément, merveilleusement amoureuse de toi. Comme on aime un dieu, une puissance supérieure, comme on aime celle qui nous fait tenir debout. Tu étais ma seule et unique religion.
Tu comprends ? Quand la seule chose en laquelle tu crois te dit que ta souffrance n'est pas si présente, ça fout tout en l'air. Ça signifiait que je ne comptais pas. Que tout ça ce n'était pas si grave. Ça signifiait que tu m'avais menti tous ces jours où tu m'aidais à guérir. Ça signifiait que pour toi, tout ça, c'était un jeu ?
J'ai répondu oui à cette question. Oui, tu me manipulais. Oui, je ne comptais pas. Oui, pour toi tout ça ce n'était qu'un jeu. Tu as dit ces mots et j'ai choisis la fuite. Parce qu'après m'avoir fait vivre, tu aurais pu me détruire. Tu en avais le pouvoir. En m'envoyant ces mots en pleine figure, j'ai cru voir ton vrai visage.
En te rencontrant tu m'as apporté force et courage. Et je m'en suis servie pour t'abandonner. Comme ça, d'un seul coup, sans aucune explication, parce que j'avais trop peur de revenir sur ma décision.
Aujourd'hui je regrette. J'ai mûri, changé, évolué, mais toi, je t'aime toujours. Aujourd'hui je regrette, parce que j'ai eu tort. Je regrette parce que je n'aurai jamais dû abandonner celle qui me faisait vivre.
Je t'ai laissé seule dans le noir. Et ça me ronge.
Souvent je repense à cette phrase de Louis Ferdinand Céline que tu aimais citer : « Si les gens sont si méchants c'est peut-être parce qu'ils souffrent. »
Aujourd'hui les années ont passé et je crois que tu m'aimais sincèrement. Je crois que tout ça c'était réel. Je crois que tu n'as jamais joué. Je me suis trompée.
Alors je te remercie pour tout ce que tu m'as apporté, je te remercie pour la fille que je suis aujourd'hui grâce à toi. Et je te demande pardon. Tout est de ma faute. C'est moi qui ai tout gâché. Je n'étais qu'une idiote qui a cessé de t'aider. Parce que pour une fois dans ma vie j'ai eu peur de sombrer.
Je suis sûre qu'en ce moment même tu dois être en train de flâner sur un bord de Seine, les cheveux au vent. Tu dois probablement ne poser tes pieds que sur les dalles grises, jamais les blanches. Tu dois même regarder le ciel souvent. Tu dois sûrement être heureuse.
En fait je sais, de sources sûres, que tu vas bien.
Depuis quelques années, je crois te voir surgir du métro, d'un escalier, d'une rue. Je sais que chaque jours quelques kilomètres seulement nous séparent.
Je pense à toi. J'espère qu'un jour on se recroisera et je sais qu'à la seconde où je te verrai mon cœur palpitera comme il l'a toujours fait à chaque fois qu'il rencontrait le tien.
Monapoilauxbras