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Lettre à Mona

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Mona, Mon Dieu, Mon Roi,

Ça faisait longtemps que je n'étais pas venu te parler. De vive voix, t'interpeller. Comme si tu n'étais pas moi.

Je t'ai mis de côté pendant plusieurs mois. Tu sais pourquoi. Si je t'avais laissé le champ libre tu aurais tout ravagé et ne crois pas que ça ne m'aurait pas plu. Bien au contraire. Je me serai nourri du désastre, tu le sais. Mais je ne pouvais pas, parce que si je t'avais laissé prendre place, on aurait fait du mal. Blesser, tu sais que ça nous est impossible. Pense à maman. Pense à son désespoir de nous voir replonger. Tu comprends ? Il fallait du temps.

On m'a dit : Tu étais un objet.
Oui c'est vrai, il s'est servi de nous. Oui c'est vrai, il nous a roué de coups. Il nous a jeté à terre. Il a écrasé notre cœur mais souviens toi, juste avant, il l'a rempli si fort que nous avions cru que nous pourrions en mourir. Pour eux, j'étais peut-être un objet, mais nous savons toutes les deux que nous étions simplement vivantes.

On m'a dit : Laisse-la ici.
Te rends-tu comptes ? Ils croient connaître ton pouvoir. Ils croient tout savoir. Ils croient que tu me mèneras à ma perte. Ils ne savent rien. Ils ne comprennent pas que sans toi, je ne suis rien qu'un corps. Sans âme, sans cœur. Même mes tripes n'existent plus. C'est là que j'ai compris qu'il était temps que tu reviennes. Ils pensaient me faire croire que ta place était ailleurs. Mais moi, je sais où tu dois être. Là, juste là. Près de mes poumons pour me faire respirer. Près de mon cœur pour le faire palpiter. Près de mes ongles pour qu'ils puissent arracher. Près de mes tripes pour que je n'ai plus peur. Près de mes poings pour que je puisse frapper. Reviens ! Tu n'es pas si loin. Au fond tu n'étais pas vraiment partie. Tu étais simplement prête à bondir. N'est-ce pas ?

Et puis on m'a dit : Tu n'es pas différente de tous ces gens.
C'est pour ça que je t'ouvre mon corps/cœur/ongles/tripes/poings. Tu es la seule à comprendre. Comprendre et savoir que nous n'avons rien en commun avec tous ces gens justement. Eux ils marchent tous dans le même sens, sourient quand il faut sourire, pleurent quand il faut pleurer. Nous on est là, immobiles mais bouillonnantes. Nous on vit. Lorsque l'on est nous, nous sommes vivantes. Ils ne ressentent pas cette euphorie, cette obsession, cette folie, cette intensité, celle qui nous porte. Ils ne comprennent pas le pouvoir nourrissant de la douleur. Ils ne savent pas ce qu'est notre sourire lorsque nous sommes à terre.

Quand tu es là, je suis quelqu'un.
Quand tu es là, je peux ressentir.

Mona, reviens, fais-moi exister. Parce qu'il n'y a que toi maintenant qui en a la capacité.

L'autre.