Des pas. Cela fait si longtemps que je n'en ai pas entendus… Ils sont calmes, légers.
Tap. Tap. Tap.
Je sens mon coeur se dilater et ses pulsations s'accorder au rythme de ce bruit divin, qui se fait de plus en plus rapproché. Lorsqu'il ouvre la porte, je me sens éclater. N'eût été de mes liens, je me serais précipité dans ses bras.
Il libère mes jambes et tire sur mon poignet pour me lever. Je me serre contre son large torse et profite de sa douce chaleur quelques instants avant que son poing ne s'abatte sur ma joue. Je lui fais mes excuses, piteux. Mon amour est un homme timide, les démonstrations d'affection le rendent mal à l'aise.
Pour la première fois depuis qu'il m' a recueilli, il me fait gravir l'escalier menant au rez-de-chaussée, cet escalier qui éveille en moi mille fantasmes d'une vie avec celui que j'aime. Ce jour est-il enfin arrivé?
Les néons qui illuminent la cuisine agressent violemment mes yeux habitués à l'obscurité, m'obligeant à baisser la tête. J'arrive tout de même à apercevoir quelques vieux meubles dépareillés et un carrelage jauni par le temps.
Quelle âme noble par sa simplicité! Nul besoin de doreries, nul besoin de parures. Je me plairais ici. Avec mon homme, même une grotte deviendrait un palais.
Je ne peux pousser mon examen plus loin, car il ouvre une porte et me pousse dans cet autre endroit. Je sens un vent froid venir mordre la peau de mon visage. Je serre frileusement mes bras autour de mon corps. Je remarque qu'il fait assez sombre pour que je puisse regarder le monde autour de moi. Des champs tout autour et, au loin, les silhouettes sombres des lointaines habitations voisines et une forêt. Il commence à me traîner vers cette dernière.
Il m'a fait sortir! Je prends une grande bouffée d'air et lève les yeux vers les étoiles. Elles ne m'ont jamais semblé aussi belles. Elles ne m'ont jamais semblé aussi romantiques. Je prends tendrement le bras de mon amour. Il me laisse faire. Oh, comme j'ai hâte de voir où il m'emmène!
Nous aboutissons dans une grande clairière au milieu de nulle part. Ça sent bon l'automne. Mon amour me prend dans ses bras et pose ses lèvres sur ma tempe. Elles sont si froides…
Il laisse tomber le corps du jeune homme sur le sol. Il le traîne jusqu'au trou qu'il avait préalablement creusé et y jette le cadavre. Une fois cette besogne achevée, il le recouvre de terre et de feuilles mortes. Ensuite, il range le pistolet dans sa poche et retourne dans sa bicoque, abandonnant derrière lui son aimante victime.