Allez, on prend les mêmes et on recommence !

L'inspiration d'écrire m'est revenue avant-hier avec un rêve que j'ai fait. Il y a avait un scénario de fou, des personnages charismatiques et profonds, des intrigues politiques et tout. J'en ai oublié la plus grande partie. Mais il m'est resté quelques persos et deux trois situations qui m'ont donné envie d'en faire quelque chose... j'écris à moitié le scénario à mesure que j'avance dans l'écriture, normalement je ne fais pas comme ça, peut-être que ça va m'emmener plus loin que les fois précédentes ? Normalement je ne publie pas aussi vite non plus, mais j'ai envie de casser les habitudes.

Alors puisque vous voyez l'histoire à mesure qu'elle se déplie, n'hésitez pas à suggérer ! Ce que vous voulez, des personnages à ajouter (il y a plein de place pour ça), une direction à donner à l'histoire, le but, la fin, bref, aidez-moi o_o ce sont vos retours qui me donnent envie d'avancer.

Et en attendant, bonne lecture !

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Par un bel après-midi de printemps, une classe d'élèves de terminale morte d'ennui s'efforçait, à l'aide de rapporteurs et d'équerres, de tracer une demie-sphère parfaite le long d'une ligne.

- Et quand tu penses qu'on est en classe d'art, soupirait Tayna. Vivement la géométrie...

Elle-même peu préoccupée par tout ceci, Cellys se voyait déjà à la fin de l'heure, dans un endroit interdit, faisant quelque chose d'encore plus interdit. Elles avaient tout préparé pour cela. Et c'était dans à peine dix minutes. Comment se concentrer sur ce stupide dessin ? Ayant oublié son rapporteur, elle se contentait de tracer d'un crayon léger des ellipses et de repasser dessus pour que ça ait l'air à peu près droit. Mais le demi-cercle se retrouvait toujours un peu plus bombé à droite ou à gauche, et le papier commençait à fatiguer sous les nombreux coups de gomme qu'il avait essuyés.

- Comment voulez-vous tracer une belle sphère sans votre rapporteur, mademoiselle ? fit une voix grinçante dans son dos.

Hilda Marallès, professeure d'art perfectionniste à l'extrême, lui souffla sur l'épaule en se penchant d'un air critique sur le dessin trop fantaisiste.

- Je l'ai oublié chez moi. Mais ne vous inquiétez pas, je finirais bien par y arriver sans...

- Bien sûr que non. Un cercle à main levée ne sera jamais parfait si vous ne calculez pas vos angles !

Désireuse de mettre fin à la conversation, Cellys grommela vaguement jusqu'à ce que Mme. Mallarès se lasse et emmène ailleurs son chignon gris et ses froufrous à motif léopard. La jeune fille gomma une fois de plus son dessin, prit le rapporteur de Tayna qui l'avait posé le temps d'un calcul, le positionna pour qu'il touche plus ou moins les deux points de départ et traça l'arc de cercle en suivant sa forme comme une règle. Et voilà !

- Tu vas avoir un beau zéro, lui dit son amie en récupérant son outil. Et c'est pas assez haut.

- M'en fiche. Encore longtemps ?

- Trois minutes, répondit la blonde Tayna en jetant un œil sur son portable. Si elle nous laisse partir à l'heure. Ça fait combien de jours que tu as lancé la rumeur ? J'espère que ça va suffire...

- Une semaine ! C'est exactement le bon moment, crois-moi. Tout le monde doit l'avoir entendue y compris dans le corps enseignant, mais ça fait trop peu de temps pour qu'ils se soient lassés... donc ils vont tenter de découvrir la vérité... donc Dell sera où tu veux sauf dans son bureau. Ça va le faire !

- J'espère, fit son amie d'un air absent en se penchant sur la droite de son dessin. Je suis nerveuse.

Tu n'es pas la seule, pensa Cellys à part elle. Et encore, heureusement que c'était des bureaux individuels et pas la salle des profs. Impossible de trouver un moment où elle serait vide... mais là, elles visaient le bureau du conseiller d'orientation. Une petite pièce à l'écart, derrière le stockage des fournitures et l'atelier de développement photo, au bout d'un couloir qui ne menait que sur une porte à double battant condamnée. Un endroit avec si peu de passage qu'elles escomptaient être complètement seules. Un bureau jamais fermé tant que l'école était ouverte... la cible idéale, se répétait-elle en se frottant les mains mentalement.

La sonnerie de fin des cours la prit tellement par surprise qu'elle fit un bond sur sa chaise – ce qui lui attira une tape de Tayna sur la cuisse, qui siffla entre ses dents :

- Du calme, ou on va nous poser des questions ! Sois normale !

- T'en as de bonnes !

Dans le brouhaha de sortie de classe, personne ne remarqua les deux lycéennes prendre la direction inverse de leur groupe et se diriger vers les ascenseurs ouest. Les couloirs de l'école, un immeuble d'une dizaine d'étages, étaient vitrés, et on voyait se dérouler les grands bâtiments entrecoupés de maisons de la cité de Rovère. Sans se coller aux fenêtres, on voyait peu la circulation, à part celle des drones livreurs et de surveillance. Elles bavardèrent gaiement de notes et de cours au milieu des autres élèves des autres classes tandis qu'il descendait les trois niveaux voulus, et sortirent seules à cet étage. A droite, un flot continu d'adolescents qui chahutaient et se lançaient des objets divers en transitant vers les sorties : à gauche, un couloir désert, peu éclairé, menant au bureau de Simon Dell. Cellys prit les devant d'un pas rapide et assuré tandis que derrière elle, Tayna trottait en jetant des regards inquiets aux alentours. Elle tenait une bretelle de son sac d'une main, et serrait son portable dans l'autre, à s'en blanchir les jointures. Elle était en train de tout remettre en question. Cellys la connaissait aussi bien qu'elle-même, sa meilleure amie depuis la primaire... pour l'empêcher de cogiter et rebrousser chemin alors qu'elles touchaient au but, elle énonça le plan à voix haute.

- On fait ça vite et on se taille avant la fin du flot. Quand je l'ai vu, il était accroché aux poignées de la vitrine du mur de gauche : s'il n'y est pas, c'est qu'il sera tombé, donc je chercherais par terre et toi dans la vitrine. Il n'y aura peut-être plus la chaîne.

- J'ai un mauvais pressentiment... un très mauvais... Cellys -...

- Te laisse pas abattre, ça va être du gâteau ! la coupa-t-elle en lui faisant un sourire lumineux. Tu le veux, non ? Tiens regarde ! Personne à l'intérieur (elle colla le visage à la vitre du haut) et la porte est ouverte (celle-ci coulissa sans un bruit) ! Fastoche !

Les deux jeunes filles entrèrent dans le petit bureau et refermèrent doucement la porte derrière elles. Il y eut à peine un léger clic quand elle lâcha la poignée parfaitement entretenue.

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C'était un bureau d'assez petite taille, ou du moins le semblait-il à cause de l'encombrement général. Les murs étaient remplis d'affiches et d'armoires vitrées croulant sous les livres et les documents d'archives scolaires, devant lesquels trônaient diverses babioles rapportées de voyage ou trouvées/offertes par les élèves. Le bureau lui-même était assez gros et rempli à ras bord de papiers, stylos, appareils électroniques comme le PC, un enregistreur, un téléphone, une... minuterie ? Il y avait divers reliefs de nourriture et quelques boîtes de friandises à moitié entamées. Des tubes d'Aspirine côtoyaient une brosse à cheveux, un câble de chargeur et des cartes-mémoire en vrac, sur un carton posé à l'envers, d'où s'échappaient quelques glands et châtaignes, peut-être offerts par des élèves plus jeunes. Sur la chaise rembourrée, un certain nombre de vestes traînaient, dont une violet foncé incongrue qui ressemblait à une grande redingote. Au sol, des piles de vieux livres, et des cartons de diverses tailles et formes faisaient penser à un mini labyrinthe. L'ensemble sentait bon le papier et le bois, mais la fenêtre ouverte aérait si bien l'endroit qu'on s'y sentait au frais, et pas oppressé.

- Quel capharnaüm ! C'était comme ça quand tu es venue ici ? s'exclama Tayna, bouche bée.

- C'était pire. Il y a moins d'ordures, là.

Cellys avait immédiatement regardé la vitrine où était pendu l'objet de leur convoitise, et constaté qu'il avait disparu. Premier hic.

- C'est pas possible, est-ce que tous les bureaux individuels sont dans cet état ?

- Ça m'étonnerait... allez viens, on fait comme on a dit.

Joignant le geste à la parole, la jeune fille s'agenouilla à l'endroit approximatif où il aurait pu tomber et commença à tâter de droite et de gauche dans la faible luminosité qui atteignait l'endroit. Tout près d'elle, Tayna ouvrit un battant de verre et commença à mettre le nez entre les objets exposés, éternuant de temps à autre à cause de la poussière. Ses jambes nues sous sa juppe frôlaient le visage de Cellys et elle s'écarta pour ne pas se prendre un coup de genou mal placé. Où avait-il pu passer ? Et s'il avait été emporté ? Elles prenaient trop de temps. A force, M. Dell allait revenir prendre ses affaires et fermer son bureau... elle finit par prendre conscience que son amie ne bougeait plus.

- Tayna ? Souffla-t-elle.

- Tu entends ? Des bruits de pas ?

Elles tendirent l'oreille, mais seul leur parvenait le bruit de fond des élèves qui finissaient de partir du bâtiment et se disputer les ascenseurs. Cellys, dont la main continuait de tâtonner dans la poussière sous l'armoire, sentit alors quelque chose de petit, dur et froid sous ses doigts. Elle l'attrapa et le sortit de là : bingo... mais avant qu'elle puisse annoncer sa trouvaille à son amie, la porte s'ouvrit silencieusement, et heurta le mur en claquant. Ce n'était pas M. Dell...

Le nouveau venu portait un long manteau brun foncé, des lunettes de soleil et un chapeau qui rappelait les vieux films de détectives. Des mèches noires s'échappaient autour de son cou. Il embrassa la scène d'un regard et lança d'un ton dur.

- Et allez donc... qu'est-ce que tu fiches là, toi ?

Avant que Tayna puisse commencer à répondre, il fit un mouvement imperceptible et seul un gargouillis sortit de sa gorge. Cellys comprit que l'intrus ne l'avait pas vue, agenouillée comme elle l'était entre les livres, et ne regardait que son amie. Elle vit ses jambes trembler, plier et basculer. Tayna tomba en arrière sans un bruit, presque avec douceur, avant de s'écraser au sol dans un craquement sinistre. Sa gorge était rouge et bosselée anormalement. Ouverte. Une flaque sombre s'étalait sous elle, tâchant le parquet et la couverture des ouvrages posés dessus. Elle était déjà morte avant de toucher le sol.

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Cellys eut l'impression d'avoir plongé dans une eau glacée. Son cœur rata quelques battements et elle se plaqua la main sur la bouche pour ne faire aucun bruit. Cet étranger venait d'égorger froidement sa meilleure amie, sans explication, sans émoi, en plein milieu de l'école ! Elle sentit sa main devenir glissante et finit par comprendre, dans un semi brouillard, que ses larmes lui trempaient le visage. Et elle tremblait aussi. De froid ou de choc, elle n'aurait pu le dire tant elle se sentait glacée jusqu'au cœur. L'intrus en manteau long était en train de fouiller le bureau, brutalement, tirant les tiroirs d'un coup sec et parcourant rapidement leur contenu avant de les claquer. Mais Cellys ne voyait que la poitrine de son amie, qui lui cachait son visage, qui était parfaitement immobile. Et le sang, qui ne coulait déjà plus.

Elle n'aurait pas pu dire combien de temps s'était écoulé lorsqu'une seconde personne fit irruption dans le bureau – la bonne, cette fois, celui à qui elles s'étaient attendu. M. Dell... Il était assez grand, assez mince, le visage doux prolongé par une barbe légère, et les cheveux châtains. Une tendance à faire se pâmer les écolières devant lui. Vêtu ce jour d'un jean noir et d'une chemise bleue. Il se figea à l'entrée de son bureau dont la porte était restée béante et embrassa la scène du regard en une seconde. Il vit l'assassin, le cadavre et la victime cachée à deux pas de lui. Il ne recula pas, ne paniqua pas, ne cria pas : il se contenta de sauter sur l'intrus, le chargeant comme un taureau, et il le renversa contre les étagères. L'homme se dégagea, voulut lui asséner un coup à la nuque, mais M. Dell esquiva et lui retourna un coup de coude en plein ventre. Ils luttèrent tandis que Cellys, morte de peur et d'incompréhension devant la scène, se reculait et se rencognait dans un coin entre le mur et l'armoire, se faisant aussi petite et inexistante qu'elle le pouvait, incapable de réfléchir. Ils allaient vite, très vite, et le professeur était loin d'être en difficulté - il enchaînait coups et parades avec une vivacité stupéfiante et une habileté qui tranchait complètement avec son habituelle douceur tranquille. A vrai dire, il avait plutôt le dessus. Bientôt l'intrus respirait fort et mal, transpirait à grosses gouttes, boitait alors que M. Dell s'apprêtait à lui faucher les jambes pour l'immobiliser à terre, il bondit par la fenêtre ouverte et disparut aussitôt. Cellys étouffa un nouveau cri. M. Dell avait couru à la fenêtre, et s'y penchait, regardant à droite, à gauche, vers le haut mais à aucun moment vers le bas, où il était pourtant évident que l'homme était allé s'écraser... ils étaient à quatre étages du sol.

La jeune fille se mit à trembler de plus belle lorsque le professeur se tourna vers elle. Il était décoiffé, sa chemise froissée et ses mains rouges, mais il ne semblait pas mal en point.

- Ça va ? Tu es blessée ?

Paniquée, Cellys secoua la tête de droite à gauche frénétiquement. Elle sentait un raz-de-marée de former dans sa poitrine serrée, qui finit par l'engloutir et la plonger dans la terreur. Elle se mit à hoqueter et pleurer, trembler si fort qu'elle cru que ses os allaient se dessouder les uns des autres. Elle sentit vaguement M. Dell la prendre dans ses bras et la soulever, puis un courant d'air, fort, puis l'obscurité.

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